L’AFFAIRE DU COLLIER DE LA REINE

 

L’affaire du collier de la reine

 

 

L’affaire du collier de la reine Marie-Antoinette est, avec celle de la Tour de Nesle et celle des poisons, le plus grand scandale qui ait jamais éclaboussé le trône de France.

Pour comprendre les dessous de cette escroquerie et le mystère qui l’entoure encore, remontons quinze ans avant les faits, en 1770.

 


La dauphine Marie-Antoinette n’est pas prude, mais les récits que lui font Mesdames, filles de Louis XV, de la jeunesse houleuse et les débordements de Madame du Barry, suffisent à la prévenir de celle-ci. Dans les salons, dans les couloirs, la petite Autrichienne n’a pas un regard pour l’ancienne prostituée. Lorsqu’elle la croise, elle ne la salue même pas. La favorite s’en plaint alors au roi et exige que la dauphine lui adresse une fois la parole. L’ambassadeur d’Autriche, Mercy-Argenteau, appelé à la rescousse, finit par écrire à l’impératrice Marie-Thérèse. Celle-ci qui a besoin de la non-intervention de la France dans l’affaire du partage de la Pologne, tance vertement sa fille.

Et le 1er janvier 1772, la dauphine, la mort dans l’âme s’approche de Madame du Barry et lui dit, en la regardant bien droit dans les yeux : il y a bien du monde aujourd’hui à Versailles ! … La favorite a gagné. Si Madame du Barry triomphe, elle n’en voue pas moins une rancune tenace à Marie-Antoinette. Elle fait donc courir des bruits que les pamphlétaires s’empressent de colporter : Marie-Antoinette trompe son chaste mari avec son frère cadet le comte d’Artois (futur Charles X), avec le jeune Fersen, avec des gentilshommes, et même avec ses dames d’honneur …

Pendant ce temps, Louis XV, toujours amoureux de sa favorite, décide de lui offrir un cadeau inégalable. Il demande aux joailliers Boehmer et Bassenge (ou Bassange)  de lui créer un somptueux collier d’exception de près de 650 diamants, pesant 2 800 carats. Les deux artistes se mettent au travail, mais le roi meurt avant qu’ils ne l’aient achevé. La comtesse du Barry tombe en disgrâce et le collier reste sur les bras de ses créateurs.

En 1774, un détail de la politique française qui a son importance dans l’histoire se joue. Marie-Antoinette relève le cardinal de Rohan de ses fonctions d’ambassadeur en Autriche, à la suite de nombreux scandales et rumeurs l’impliquant. Celui-ci veut à tout prix retrouver ses fonctions, et à regagner la confiance de la Reine.

En 1778, Louis XVI, très épris de la reine, souhaite lui offrir le collier, mais elle refuse. Les joailliers avaient déjà tenté de vendre la parure au jeune roi Louis XVI mais celui-ci avait reculé devant l’énormité du prix : 1.600.000 livres ! La reine Marie-Antoinette avait même rappelé que c’était le prix de deux vaisseaux de ligne… Les joailliers retentent de vendre le collier directement à la reine en 1781, s’exposant à un nouveau refus. Les deux artisans désespèrent de vendre leur œuvre.

C’est alors que surgissent en coulisses quelques personnages plus que douteux : Jeanne de Valois-Saint Rémy, née en 1756, issue d’une lignée bâtarde du roi de France Henri II et de sa maîtresse Nicole de Savigny. Son enfance cependant avait été des plus misérables. Depuis Henri II, la lignée était descendue au plus bas. Son père avait épousé une paysanne, qu’il laissa bientôt veuve. Jeanne était envoyée mendier sur les chemins par sa mère, avec son frère et sa sœur, pour survivre en demandant « la charité pour une pauvre orpheline du sang des Valois ». A la mort de leurs parents, les trois enfants sont pris en charge par la marquise de Bougainvilliers qui vient en aide aux nobles désargentés. La marquise de Boulainvilliers, étonnée par cette histoire, prit des renseignements et, vérifications faites, entreprit les démarches pour lui obtenir une pension du roi et lui donner une bonne éducation dans un couvent situé près de Montgeron. En tant que descendante des Valois, fait attesté officiellement par Cherin, généalogiste du Roi, Louis XVI lui alloue une pension.

 

Madame de La Motte


En 1780, Jeanne épouse à Bar-sur-Aube, un jeune officier, Nicolas de La Motte. Le couple s’installe à Paris. Le ménage, peu après, usurpe le titre de comte et comtesse de La Motte. Jeanne ne se fait plus désormais appeler que comtesse de La Motte-Valois.

Quatre années passent. Jeanne est volage, accorde ses faveurs à beaucoup d’autres hommes, fréquente Versailles où n’importe qui peut pénétrer à condition d’être habillé décemment, et tente, sans succès, de se faire présenter à la reine.

À cette date, elle fait un voyage à Saverne, pour rejoindre Mme de Boulainvilliers qui lui présente son ami le cardinal Louis de Rohan-Guémené, un curieux ecclésiastique aux mœurs dissolues, qu’elle sollicite financièrement pour sortir de la misère avec laquelle elle continue de se débattre plus ou moins. Ce richissime libertin devient l’amant de Jeanne qui se lie avec plusieurs individus interlopes de son entourage, dont le fameux Cagliostro, faussement mage, mais véritable escroc qui, depuis plusieurs années, extorque à l’ecclésiastique des sommes considérables. Jeanne voit l’immense parti qu’elle peut tirer d’une alliance avec ce personnage bizarre et redouté. Aidée de son mari et de son nouvel amant, Rétaux de Villette, faussaire notoire, et de l’occultiste, elle va mettre sur pied une escroquerie qui entrera dans l’Histoire sous le nom de l’affaire du collier de la reine. Une incroyable machination dont Rohan sera la dupe. Il s’agissait de faire main basse sur le fabuleux collier, d’en dessertir les pierres et de disparaître.

Brouillé avec Marie-Antoinette, le cardinal nourrit l’espoir de regagner ses bonnes grâces et caresse même l’ambition de devenir Premier ministre. La reine et le cardinal ont un vieux contentieux : en 1773, le cardinal, qui était alors ambassadeur de France à Vienne, s’était aperçu que l’impératrice Marie-Thérèse, la mère de Marie-Antoinette, jouait un double jeu et préparait en sous-main le démantèlement de la Pologne, de concert avec la Prusse et la Russie. Il avait écrit une lettre à Louis XV pour l’en avertir, lettre qui avait été détournée par le duc d’Aiguillon, ministre des Affaires étrangères, qui l’avait remise à la comtesse du Barry, favorite de Louis XV, détestée par Marie-Antoinette. La comtesse l’avait lue publiquement dans un dîner, or le ton de cette lettre était ironique et très irrespectueux envers l’impératrice, et prêtait à Marie-Antoinette un caractère volage.

D’autre part, la vie dissolue du cardinal à Vienne, ses dépenses somptuaires, l’exhibition de ses maîtresses, ses parties de chasse fastueuses en tenue laïque, avaient scandalisé Marie-Thérèse. L’impératrice avait demandé à Versailles le rappel de cet ambassadeur et l’avait obtenu.

Depuis ces épisodes, la reine, fidèle à la mémoire de sa mère, était plus qu’en froid avec le cardinal. Ce dernier se désespérait de cette hostilité.

Mme de La Motte tente de se mêler à la Cour. Les La Motte réussissent à le convaincre que la comtesse a rencontré la reine Marie-Antoinette dont elle dit être devenue l’amie intime et peut intercepter en sa faveur. qu’elle L’amant de Mme de La Motte, Louis Marc Antoine Rétaux de Villette (un ami de son mari), grâce à ses talents de faussaire, imite parfaitement l’écriture de la reine. En janvier 1785, il réalise pour sa maîtresse de fausses lettres reconnaissantes signées « Marie-Antoinette de France » (alors que la reine ne signait que Marie-Antoinette, les reines de France ne signant que de leur prénom, et Marie-Antoinette n’étant pas de France mais de Lorraine ou d’Autriche), un détail qui aura son importance par la suite.

La comtesse de La Motte fit espérer au cardinal un retour en grâce auprès de la souveraine. Ayant de gros besoins d’argent, elle commença par lui soutirer au nom de la reine 60 000 livres (en deux versements), qu’il lui accorda tandis que la comtesse lui fournissait les fausses lettres de la reine, annonçant la réconciliation espérée, tout en repoussant indéfiniment les rendez-vous successifs demandés par le cardinal pour s’en assurer.

La comtesse commence ainsi d’entretenir une fausse correspondance, dont elle est la messagère, entre la reine et le cardinal. Jeanne parvient à lui faire croire que la reine le charge d’acquérir secrètement le collier, s’engageant à le rembourser par traites. Rohan exige d’obtenir confirmation de cette requête par la bouche même de la reine.

Elle demande au cardinal d’acheter le collier en son nom, après quoi, elle le rembourserait en plusieurs versements. Celui-ci accepte, heureux de la confiance renouvelée de la reine à son égard. Il apporte alors le bijou à la comtesse qui feint de le transmettre à Marie-Antoinette.

Madame de la Motte et ses complices démantèlent le collier pour revendre les pierres précieuses, abîmées par le procédé. D’abord soupçonneux, les acheteurs finissent par céder, n’ayant eu vent d’aucun vol.

Le comte de la Motte avait découvert par l’entremise de Cagliostro, parmi les quelques 600 prostituées qui hantent le Palais-Royal une prostituée, Nicole Leguay, que la Motte fait appeler Mlle d’Essigny ou baronne d’Oliva pour l’introduire dans son salon,. Elle s’était forgé une réputation due à sa ressemblance avec Marie-Antoinette. Mme de La Motte la reçoit et la convainc de bien vouloir, contre une somme de 15 000 livres, jouer le rôle de la reine recevant en catimini un ami, dans le but de jouer un tour. Nicole d’Oliva tient ainsi son rôle lors d’un rendez-vous nocturne à Versailles.

 


Louis-René-Édouard de Rohan-Guémené


La nuit du 11 août 1784, le cardinal se voit confirmer un rendez-vous au bosquet de Vénus dans le jardin de Versailles à onze heures du soir. Là, Nicole Leguay « l’obligeante hétaïre », déguisée en Marie-Antoinette dans une robe de mousseline à pois (copiée d’après un tableau d’Élisabeth Vigée Le Brun), le visage enveloppé d’une gaze légère noire, l’accueille avec une rose et lui murmure un « Vous savez ce que cela signifie. Vous pouvez compter que le passé sera oublié ». Avant que le cardinal ne puisse poursuivre la conversation, Mme de La Motte apparaît avec Rétaux de Villette en livrée de la reine avertissant que les comtesses de Provence et d’Artois, belles-sœurs de la reine, sont en train d’approcher. Ce contretemps, inventé par Mme de La Motte, abrège l’entretien. Le lendemain, le cardinal reçoit une lettre de la « reine », regrettant la brièveté de la rencontre. Le cardinal est définitivement conquis, sa reconnaissance et sa confiance aveugle en la comtesse de La Motte sont inébranlables.

Jouant sur la réputation de passion de la reine pour les bijoux, Mme de La Motte va entreprendre l’ affaire de sa vie, en escroquant cette fois le cardinal pour la somme de 1,6 million de livres (qui équivaut pour l’époque à trois châteaux entourés chacun de 500 ha de terres).

C’est le début d’un incroyable fait divers qui va éclabousser la famille royale.

Le 28 décembre 1784, se présentant toujours comme une amie intime de la reine, elle rencontre les joailliers Boehmer et Bassenge qui lui montrent le collier de 2 840 carats qu’ils souhaitent rapidement vendre car ils se sont endettés pour le constituer. Tout de suite, elle imagine un plan pour entrer en sa possession. Elle déclare au joaillier qu’elle va intervenir pour convaincre la reine d’acheter le bijou, mais par le biais d’un prête-nom. De fait, le cardinal de Rohan reçoit en janvier 1785 une nouvelle lettre, toujours signée « Marie-Antoinette de France », dans laquelle la reine lui explique que ne pouvant se permettre d’acquérir ouvertement le bijou, elle lui fait demander de lui servir d’entremetteur, s’engageant par contrat à le rembourser en versements étalés dans le temps — quatre versements de 400 000 livres — et lui octroyant pleins pouvoirs dans cette affaire.

En outre, la comtesse s’est ménagé la complicité de Cagliostro, dont le cardinal est fanatique (il ira jusqu’à déclarer « Cagliostro est Dieu lui-même ! »). Devant le cardinal, le mage fait annoncer par un enfant médium un oracle dévoilant les suites les plus fabuleuses pour le prélat s’il se prête à cette affaire : la reconnaissance de la reine ne connaîtra plus de bornes, les faveurs pleuvront sur la tête du cardinal, la reine le fera nommer par le roi premier ministre. Le 25 janvier 1785, deux joailliers parisiens remettent une somptueuse rivière de diamants au prince-cardinal de Rohan ravi. Le 1er février 1785, convaincu, le cardinal signe les quatre traites et se fait livrer le bijou qu’il va porter le soir même à Mme de La Motte dans un appartement qu’elle a loué à Versailles. Devant lui, elle le transmet à un prétendu valet de pied portant la livrée de la reine (qui n’est autre que Rétaux de Villette). Pour avoir favorisé cette négociation, l’intrigante bénéficiera même de cadeaux du joaillier.

Immédiatement, les escrocs dessertissent maladroitement le collier en abîmant les pierres précieuses et commencent à les revendre. Rétaux de Villette a quelques ennuis en négociant les siennes. Leur qualité est telle et, pressé par le temps, il les négocie si en dessous de leur valeur que des diamantaires soupçonnent le fruit d’un vol et le dénoncent. Il parvient à prouver sa bonne foi et part à Bruxelles vendre ce qu’il lui reste. Le comte de La Motte part de son côté proposer les plus beaux diamants à deux bijoutiers anglais de Londres. Ceux-ci, pour les mêmes raisons que leurs collègues, flairent le coup fourré. Ils envoient un émissaire à Paris : mais aucun vol de bijoux de cette valeur n’étant connu, ils les achètent, rassurés. Les dernières pierres sont donc vendues à Londres.

Pendant ce temps, la première échéance est attendue par le joaillier et le cardinal pour le 1er août. Toutefois, l’artisan et le prélat s’étonnent de constater qu’en attendant, la reine ne porte pas le collier. Mme de La Motte les assure qu’une grande occasion ne s’est pas encore présentée et que, d’ici là, si on leur parle du collier, ils doivent répondre qu’il a été vendu au sultan de Constantinople. En juillet cependant, la première échéance approchant, le moment est venu pour la comtesse de gagner du temps. Elle demande au cardinal de trouver des prêteurs pour aider la reine à rembourser. Elle aurait, en effet, du mal à trouver les 400 000 livres qu’elle doit à cette échéance. Mais le bijoutier Bœhmer va précipiter le dénouement. Böhmer remet le 12 juillet à la reine un billet faisant allusion au collier dans lequel il exprime sa profonde satisfaction de la voir en possession « des plus beaux diamants connus en Europe et qu’il la priait de ne point l’oublier ». Billet qu’elle ne prend pas au sérieux et qu’elle détruit. Devant son mutisme, le joaillier revient à la charge en août. Ayant eu vent des difficultés de paiement qui s’annoncent, il se rend directement chez la première femme de chambre de Marie-Antoinette, Mme Campan, et évoque l’affaire avec elle. Celle-ci tombe des nues et naturellement va immédiatement rapporter à la reine son entretien avec Boehmer. Apprenant de celle-ci ce que veulent les joailliers, Marie-Antoinette exige des éclaircissements. L’affaire est découverte. Marie-Antoinette, pour qui l’affaire est incompréhensible, charge le baron de Breteuil, ministre de la Maison du Roi, de tirer les choses au clair. Le baron de Breteuil est un ennemi du cardinal de Rohan, ayant notamment convoité en vain son poste d’ambassadeur à Vienne. Découvrant l’escroquerie dans laquelle le cardinal est impliqué, il compte bien lui donner toute la publicité possible pour lui nuire.

 

la Reine Marie-Antoinette


Madame de la Motte, paniquée, sentant les soupçons, s’est entre-temps arrangée pour procurer au cardinal un premier versement de 35 000 livres, grâce aux 300 000 livres qu’elle a reçues pour la vente du collier, et dont elle s’est déjà servie pour s’acheter une gentilhommière. Mais ce versement, d’ailleurs dérisoire, est désormais inutile. Parallèlement, la comtesse informe les joailliers que la prétendue signature de la reine est un faux afin de faire peur au cardinal de Rohan et l’obliger à régler lui-même la facture par crainte du scandale. En effet, comme il est coutume de le faire, la reine signe toujours par son prénom uniquement. L’affaire éclate. Entre-temps, les mêmes aigrefins, menés par l’ex-inspecteur des mœurs, agent secret et escroc Jean-Baptiste Meusnier, en profitent pour soutirer 60 000 autres livres à d’autres bijoutiers

Le roi est prévenu de l’escroquerie le 14 août 1785. Le 15 août, alors que le cardinal — qui est également grand-aumônier de France — s’apprête à célébrer en grande pompe la messe de l’Assomption dans la chapelle du château de Versailles, il est convoqué dans les appartements du roi en présence de la reine, du garde des sceaux Miromesnil et du ministre de la Maison du Roi Breteuil.

Il se voit sommé d’expliquer le dossier constitué contre lui. Le prélat comprend qu’il a été berné depuis le début par la comtesse de La Motte. Sur le coup, il ne peut s’expliquer. Le roi lui prête son bureau afin qu’il prépare sa défense et ses arguments. Pendant ce temps, Marie-Antoinette, très en colère et impulsive, sans penser aucunement aux conséquences, demande à Louis XVI d’envoyer le cardinal de Rohan le soir même à la Bastille. Rohan, revenu avec son « écrit », commence à subir les questions du roi. « Avez-vous le collier ? », lui demande-t-il. Stupéfait, Rohan répond non en regardant la Reine qui se détourne dédaigneusement. La reine ajoute : « Et comment avez-vous pu croire que moi, qui ne vous ai pas adressé la parole depuis dix ans, j’aurais pu m’adresser à vous pour une affaire de cette nature ? ». Le cardinal tente de s’expliquer. « Mon cousin, je vous préviens que vous allez être arrêté », lui dit le roi. Le cardinal supplie le roi de lui épargner cette humiliation, il invoque la dignité de l’Église, le nom des Rohan, le souvenir de sa cousine la comtesse de Marsan qui a élevé Louis XVI. Le roi hésite mais devant la pression de Marie-Antoinette à ses côtés, le roi se retourne vers lui : « Je fais ce que je dois, en tant que roi, et en tant que mari. Sortez ». Au sortir des appartements du roi, il est arrêté dans la galerie des Glaces, au milieu des courtisans médusés. Alors que la Cour est sous le choc, il demande à un ecclésiastique s’il a du papier et un crayon, puis d’aller trouver son grand Vicaire pour lui remettre cette missive écrite à la hâte, afin que ce dernier brûle les lettres que Marie-Antoinette lui aurait fait parvenir. Par cette extraordinaire arrestation, car le nom de Rohan est de grande noblesse, la cour est scandalisée mais Marie-Antoinette est persuadée d’être couverte d’éloges. Cependant, le soir même, devant la froideur de la cour à son égard, également la gêne de ses amies, elle sent toutefois « confusément » qu’elle vient de commettre une erreur.

 


Le cardinal est emprisonné à la Bastille, tout en gagnant la sympathie du peuple et même de la cour. Il commence immédiatement à rembourser les sommes dues, en vendant ses biens propres, dont son château de Coupvray.

Le roi laisse au cardinal le choix de la juridiction qui aura à se prononcer sur son cas : s’en remettre directement au jugement du roi en huis clos ou être traduit devant le Parlement de Paris. Ceci s’avère fort malhabile de la part de Louis XVI : le cardinal décide de mettre l’affaire dans les mains du Parlement qui est toujours, plus ou moins, en fronde contre l’autorité royale.

Le 22 mai 1786, le procès public s’ouvre devant les 64 magistrats de la Tournelle et la Grand-chambre du Parlement présidée par le marquis Étienne François d’Aligre assisté de conseillers honoraires et maîtres des requêtes.

Le cardinal de Rohan choisit comme avocat Jean-Baptiste Target dont la plaidoirie retentissante le rendra célèbre et lui permettra d’être élu, moins de 3 ans plus tard, député de Paris du tiers-état.

En effet, l’opinion s’est gargarisée de cette affaire, avec la reine en toile de fond, et en parlant de Rohan : « le Saint-Père l’avait rougi, le roi l’a noirci, le Parlement le blanchira, alléluia… ».

De fait, le cardinal ayant été reconnu innocent du vol du collier, il ne restait plus qu’une seule chose reprochée et jugée :  « le crime de lèse-majesté » pour avoir cru que la reine pouvait lui donner des rendez-vous galants dans le parc de Versailles, avoir cru à ses lettres. Ce qui amène à la conclusion : si le cardinal est acquitté, c’est la reine qu’on aura « jugée » .

Le 30 mai, le Parlement rend son verdict, face à une presse qui se déchaîne. Le cardinal est acquitté (aussi bien pour l’escroquerie que pour le crime de lèse-majesté envers la reine et ce malgré un mémoire à charge réalisé par un homme d’intrigue, sieur Bette d’Etienville, et le réquisitoire du procureur Joseph Omer Joly de Fleury) à 26 voix de conseillers contre 23. La prétendue comtesse de La Motte est condamnée à la prison à perpétuité à la Salpêtrière, après avoir été fouettée et marquée au fer rouge sur les deux épaules du « V » de « voleuse » (elle se débattra tant que l’un des « V » sera finalement appliqué sur son sein). Chose surprenante, elle s’en évadera, déguisée en homme, en juin 1787 avec une facilité déconcertante … ce qui reste une énigme dans cette histoire. A-t elle été aidée ? Par qui ? Pourquoi ? La comtesse de la Motte, après son évasion, se réfugie en Angleterre où elle écrit ses mémoires.  Jeanne a-t-elle écrite ses mémoires seules, s’est-elle fait aider ? Le doute existe. Car le nom d’un certain Calonne est cité. Monsieur de Calonne était un ancien contrôleur général tombé en disgrâce et exilé en Angleterre. Il aurait vivement incité Jeanne à produire ses mémoires, et ce alors même que la Duchesse de Polignac, lors d’un de ses passages en Angleterre,  lui aurait demandé de ne pas le faire…  Y-avait-il donc du vrai dans ces écrits ? Quelqu’un avait-il intérêt à ne pas les faire éditer ? car en effet, Jeanne fait une chute « mortelle » de la fenêtre de son appartement de Londres en 1791. Certains ont pensé à un suicide, d’autres à un stupide accident car elle voulait échapper à ses créanciers, d’autres encore ont suggéré le meurtre. Elle était en effet espionnée par les Français.

Son mari est condamné aux galères à perpétuité par contumace, et Rétaux de Villette est banni et s’exile à Venise où il écrit en 1790 Mémoire historique des intrigues de la Cour, avec comme sous-titre « Et de ce qui s’est passé entre la reine, le comte d’Artois, le cardinal de Rohan, madame de Polignac, madame de La Motte, Cagliostro, MM de Breteuil et de Vergennes ». Enfin, Nicole Leguay est déclarée « hors de cours » (mise hors de cause après avoir ému le tribunal avec son bébé dans les bras). Quant à Cagliostro, après avoir été embastillé puis soutenu par Jacques Duval d’Eprémesnil, et défendu par le brillant avocat Jean-Charles Thilorier, il est bientôt expulsé de France (1786).

Marie-Antoinette est au comble de l’humiliation car elle considère l’acquittement du cardinal comme un camouflet. De fait, il signifie que les juges ne pouvaient tenir rigueur au cardinal d’avoir cru que la reine pouvait lui envoyer des billets doux, lui accorder des rendez-vous galants dans le parc de Versailles et acheter des bijoux pharaoniques par le biais d’hommes de paille en cachette du roi. Et donc que de telles frasques n’auraient rien eu d’invraisemblable de la part de la reine. Et c’est bien dans cet esprit que le jugement fut rendu, et reçu dans l’opinion.

La reine, désormais consciente que son image s’est dégradée auprès de l’opinion, obtient donc du roi qu’il exile le cardinal de Rohan à l’abbaye de la Chaise-Dieu, l’une des abbayes en commende du cardinal, après l’avoir démis de son poste de grand aumônier — on entendit dans Paris « le Parlement l’ayant purgé, le roi l’envoya à la chaise »

Il restera trois mois dans cette abbaye, après quoi il ira sous des cieux plus cléments, à l’abbaye de Marmoutier près de Tours. Ce n’est qu’au bout de trois ans, le 17 mars 1788, que le roi l’autorisera à retrouver son diocèse de Strasbourg.

Le doute plane. Madame de la Motte a t-elle agi seule ? Le comportement du baron de Breteuil, ennemi du cardinal, est des plus étranges. Il va jusqu’à promettre aux bijoutiers le paiement entier du collier s’ils jurent que Rohan a bien vu la reine et qu’il tient d’elle sa mission d’acheter le bijou. Il veut certes perdre le prélat, mais pourquoi aussi Marie-Antoinette  ? Madame de la Motte, elle, semble jouir d’aides financières et de hautes personnalités viennent la voir dans sa prison. Elle s’en évade et part pour l’Angleterre où elle meurt en 1791.

Le résultat de cette affaire fut résumé par l’exclamation, au lendemain du verdict, de Fréteau de Saint-Just, magistrat du Parlement de Paris : « Un cardinal escroc, la reine impliquée dans une affaire de faux ! Que de fange sur la crosse et le sceptre ! Quel triomphe pour les idées de liberté ! »

Bien que Marie-Antoinette ait été étrangère à toute l’affaire, l’opinion publique ne voulut pas croire à l’innocence de la reine. Accusée depuis longtemps de participer, par ses dépenses excessives, au déficit du budget du royaume, elle subit à cette occasion une avalanche d’opprobres sans précédent. Les libellistes laissèrent libre cours aux calomnies dans des pamphlets où « l’Autrichienne » (ou « l’autre chienne ») se faisait offrir des diamants pour prix de ses amours avec le cardinal. Mme de la Motte qui a nié toute implication dans l’affaire, reconnaissant seulement être la maîtresse du cardinal, est parvenue à s’évader de la Salpêtrière et publie à Londres un récit dans lequel elle raconte sa liaison avec Marie-Antoinette, la complicité de celle-ci depuis le début de l’affaire et jusqu’à son intervention dans l’évasion.

Par le discrédit qu’il jeta sur la Cour dans une opinion déjà très hostile et le renforcement du Parlement de Paris, ce scandale aura pour certains directement sa part de responsabilité dans le déclenchement de la Révolution française quatre ans plus tard et dans la chute de la royauté. Goethe écrit dans sa correspondance « Ces intrigues détruisirent la dignité royale. Aussi l’histoire du collier forme-t-elle la préface immédiate de la Révolution. Elle en est le fondement… »

Or, on est en pleine crise financière et  les Parlementaires, comme l’ensemble des privilégiés, reprochent au roi et à son ministre Calonne de vouloir instituer un impôt payable par tous, y compris les plus riches ! Ils prennent prétexte de l’affaire du collier pour salir la reine et indirectement affaiblir le gouvernement.

L’affaire du collier de la Reine connaît tellement de retentissement qu’elle constitue l’un des éléments déclencheurs de l’hostilité croissante du peuple envers la Couronne, conduisant bientôt à la Révolution Française.

Quant au collier, nul n’a jamais retrouvé sa trace …  »


Sources

https://www.herodote.net/

https://www.maison-bianchi.fr/

http://www.chateauversailles.fr/

https://fr.m.wikipedia.org/

http://www.busbyjewelry.com/

 

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