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ToggleL’Université de Valence en Dauphiné (France) : d’une intention pédagogique à une intention politique.
Faut-il voir dans la création de l’Université de Valence la rencontre de deux destinées fabuleuses?
Celle d’un enfant à propos duquel, à la lecture de l’Histoire, on peut s’interroger sur le rôle qu’elle lui prédestinait. Celle d’une université dont rien n’augurait qu’elle dût être là, à Valence, et encore moins qu’elle survécut aux Guerres de Religions et aux maintes attaques de la ville de Grenoble, jusqu’en 1792. Vraisemblablement pas, dans la mesure où la seconde advint de la volonté du premier ; il demeure que leurs histoires furent étonnantes, voire extraordinaires, pour le moins peu ordinaires.
Rarement une université présenta autant d’énigme ; autant que son créateur fut, lui- même, énigmatique.
Louis, devenu le dauphin Louis II, entreprit une œuvre de rénovation des institutions dauphinoises et de développement économique de la province. C’est une période passionnante, quoique assez peu étudiée, de la vie de ce roi qui permet d’écrire : » L’administration du Dauphiné fut pour Louis un merveilleux apprentissage » (1), ou encore : « Il est passionnant d’étudier le comportement de Louis dans son pseudo-royaume, car on y discerne déjà ses méthodes, son style de gouvernement »(2). Pour l’heure, quoi qu’il en deviendra du gouvernant que sera Louis sacré roi, il est en Dauphiné et il gouverne avec autorité, intelligence et finesse.
Dès lors qu’il rejoint le Dauphiné en 1446, la première des tâches que Louis II s’assigna fut, si l’expression nous est permise, de « remettre de l’ordre » et d’affirmer, plus qu’il ne l’avait fait entre 1440 et 1446, son autorité sur la province ; ce qui entraîna » le passage de la principauté à la province « (3) . Cela était sans doute d’autant plus important que le Valentinois avait définitivement rejoint le Dauphiné à la suite du traité de Chinon de 1446. Ainsi Louis II fit plier, les uns après les autres, les seigneurs, à l’exception des évêques de Gap et d’Embrun, et réforma les institutions, en même temps qu’il tenta de développer l’économie de la province.
Le Dauphiné de Louis II avait besoin de juristes, ce que plusieurs fois le dauphin indiqua dans des actes comme l’édit du 12 août 1445 (4) : « … chaque jugerie ou circonscription judiciaire devra être pourvue de juges, procureurs et autres officiers, gens habiles et capables … » ou celui du 7 mai 1446 (5): « … à l’avenir nul ne pourrait exercer les fonctions de notaire sans avoir été, après examen, approuvé et créé par autorité delphinale... ».
L’alternative, dans ce cas, est simple : soit on en forme, soit on en fait venir. Il nous semble que, dans les dispositions d’esprit qui étaient celles de Louis II, il ne pouvait pas envisager de recourir à trop de juristes formés dans des universités sur lesquelles il n’aurait que peu ou prou la maîtrise. Comment, d’ailleurs, aurait-il pu accepter quelqu’un de l’université de Paris, dont les régents furent jadis si proches des Anglais?
Restait donc à créer une université dauphinoise. Ce fut fait en 1452.
» Considérant qu’il n’est rien de plus utile au genre humain que la science, nous entendons, en vue de sa perpétuelle conservation et de son progrès, créer dans les terres de notre obéissance une université où les étudiants soient illuminés de la doctrine, afin que, devenus doctes, ils brillent dans notre patrie comme la splendeur du firmament. Et puisque, entre toutes les autres cités, notre cité de Valence à l’excellence du site, qu’elle est un lieu insigne, d’accès facile, qu’elle renferme des logements décents en beaucoup de maisons pour y recevoir à souhait de nombreux étudiants, qu’elle est en une région peu accidentée et fertile, où l’on respire un air salubre, tout près de fleuves navigables aptes à procurer à ces étudiants avec facilité et abondance les vivres et autres nécessités, Valence, dis-je, nous paraît des plus propres à recevoir l’Université que nous avons l’intention de créer » (6) .
Si une création, par le dauphin, d’une université en Dauphiné s’explique par l’histoire que nous venons de voir, son implantation à Valence demeure plus incompréhensible. Aux explications que l’on peut relever dans le texte précédent, nous pourrions en ajouter deux :
– la volonté de Louis II de favoriser les villes ; de ce fait, ayant installé deux cours à Grenoble, il lui fallait donner quelque chose à Valence, d’autant que le rattachement de la ville au Dauphiné était encore chose fraîche,
– la passion que Louis vouait à cette ville, où il fit construire une maison delphinale et cela même si La-Côte-Saint-André demeurait sa résidence principale ; mais Nicolas Chorier n’écrivit-il pas : » il [Louis II] goûtait la douceur des mœurs de ses habitants et les beautés de son territoire « , en parlant de Valence.
Au 15° siècle, Valence était une ville prospère, que sa situation géographique privilégiée au confluent de l’Isère et du Rhône, ouvrait à tous les transits commerciaux. Charles VII ne s’y était pas trompé, il avait permis à la ville de tenir deux grandes foires , ce qui, en complément des lettres patentes de 1423, autorisant les marchands de tous pays à traverser et à négocier dans le royaume et réglementant avantageusement le commerce du sel et son transport par la voie fluviale du Rhône, ne pouvait qu’être favorable à Valence. Pareillement, cette ville recevait par l’Isère les bois des Alpes arrivés par flottage, et les produits des forges de Chartreuse et d’Allevard. Le bois continuait sa route vers le sud pour la construction navale, le fer rejoignait Saint-Etienne. Donc si, au moins jusqu’au 16° siècle, Valence ne se différencie pas des autres villes dauphinoises, c’est à dire en ne possédant pas « d’industries » capables de la nourrir, du moins elle développa une activité commerciale prolifique.
De ce fait, il apparut dans la cité une bourgeoisie influente mais qui souffrait beaucoup de l’emprise de l’évêque, maître de la ville. Celle-ci ne faisait pas partie de la succession du dernier comte de Valentinois qui avait permis au dauphin Louis II de rattacher le Valentinois-Diois au Dauphiné, et on sait les difficultés auxquelles Louis II se heurta face à l’évêque de Valence. C’est dire que le dauphin ne rencontra vraisemblablement pas d’obstacle pour s’attacher les bonnes grâces de la bourgeoisie valentinoise, ce que rappelle André Blanc (7) : » Cependant la ville, dépendance épiscopale, ne faisant pas partie de la succession, l’occasion était trop tentante pour ne pas trouver des solutions qui estomperaient le pouvoir temporel du seigneur prélat. Les Valentinois, bien préparés, firent bon accueil à ce nouveau maître dont la politique leur était profitable et n’hésitèrent pas, en 1451, à placer les armes du Dauphin sur les principales portes de la cité « , ce qui est confirmé par les comptes consulaires de 1451(8) où on peut lire que la ville avait dépensé « 12 florins pour la peinture des armes du dauphin sur les portes Saunière et Tourdéon « .
Finalement, tout poussait le dauphin à fonder son université à Valence, mais ne trouve-t-on pas là matière, pour les Grenoblois, à jalouser les Valentinois? Comment pourrait-il se faire que la ville capitale de la province ne possédât point l’université de ladite province, là où se formerait l’élite provinciale? D’autant que Humbert II avait fondé une université à Grenoble en 1339, et que son acte de fondation mentionne » qu’il y aura toujours » une université à Grenoble ( ut in ca essent perpetuo )(9) . Cependant, cette université semble ne jamais avoir été créée, comme l’indique le discours de Jacques Chevalier (10) : » Mais d’université vivante, d’université enseignante à proprement parler, il n’y avait pas en Dauphiné à cette date, et c’est pour remédier à cette carence que furent signées à Valence même le 26 juillet 1452 les lettres patentes du dauphin Louis II, créant et instituant une université d’étudiants composée des facultés de théologie, de droit canonique et civil, de médecine et des arts, avec les privilèges et franchises des Universités d’Orléans, Toulouse et Montpellier ... ».
On voit poindre le terreau d’un conflit entre les deux villes, d’autant, comme l’écrivit Berriat-Saint-Prix, qu’on ne pouvait pas priver Grenoble de son université sans porter atteinte à l’acte du Transport du Dauphiné. Pourtant, tout se passa, semble-t-il, sans tension : à Valence l’Université, à Grenoble les Cours, jusqu’au 1er septembre 1542, où François de Bourbon, gouverneur du Dauphiné, demanda, sur l’insistance des consuls de Grenoble, le rétablissement de l’Université à Grenoble.
Le temps qui a séparé la fondation de l’université de Valence jusqu’au moment où Grenoble réclame pour la première fois qu’elle lui soit rendue : quatre-vingt dix ans, soit près d’un siècle, interroge celui qui parcourt cette histoire, d’autant que la querelle entre les deux villes durera, à partir de 1542, jusqu’à la fermeture de l’université de Valence, pour cause de Révolution, en 1792.
Ainsi, dans l’histoire de l’université de Valence, nous allons de l’étonnement au paradoxe. La surprise est celle de voir le dauphin Louis II créer une université à Valence plutôt qu’à Grenoble. Une surprise qui, même si elle rencontre des explications plausibles, n’en constitue pas moins les prémisses d’un paradoxe plus vaste : pourquoi cette université que rien ne prédisposait qu’elle dût être créée à Valence, s’y maintînt-elle?
Des individus se mobilisèrent pour tenter de « déplacer » l’université, d’autres résistèrent. L’université demeura à Valence. Elle se développa entre des forces opposées et contradictoires qui furent en jeu au cours des siècles. On peut percevoir combien l’université s’inscrivait dans un système de jeux de pouvoirs et de conflits d’intérêts au sein d’un tissu de transformations sociales. En cela l’université représente bien une forme sociale au sens qu’en donnait Simmel (11) : » Si les êtres humains se réunissent en groupements économiques ou en clans familiaux, en associations culturelles ou en confraternités du sang, il faut y voir certainement la conséquence de nécessités et d’intérêts spéciaux « , ce qui lui permet de confirmer la socialisation comme étant « une forme » : « La socialisation est donc une forme qui se réalise suivant d’innombrables manières différentes, grâce auxquelles les individus, en vertu d’intérêts sensibles ou idéaux, momentanés ou durables, conscients ou inconscients- se soudent en une unité au sein de laquelle ces intérêts se réalisent » (12) .
L’étude de l’histoire de l’université de Valence et, plus particulièrement, du conflit qui opposa les villes de Valence et de Grenoble à propos de son implantation, montre comment cette université a évolué entre une intention pédagogique, à sa création, et une volonté politique, au cours de l’histoire, ce qui lui a permis de se maintenir, dans un système de tensions et, contre toute attente, à Valence.
Ainsi on peut y voir des groupements d’intérêts différents s’opposer ou, au contraire, faire alliance. On peut considérer que les intérêts de la ville de Valence ne se trouvaient pas dans le développement pédagogique de l’université au sens où celle-ci était un lieu de fabrication et de transmission de la science, dans la mesure où pour satisfaire ce qui aurait pu être un besoin en «hommes de loi», ce besoin aurait pu être satisfait par un apport à partir d’autres universités, notamment celles transalpines. Pourtant l’intérêt de la ville va rejoindre celui, purement pédagogique, de l’université lorsque celle-ci, en défaillance financière, aura besoin d’argent. Ainsi la ville de Valence acquit la maison qui abritait l’université en 1460. Dès lors, dans ce que Simmel aurait appelé « une conséquence de nécessités et d’intérêt spéciaux », née une association forte entre la ville de Valence, représentée par ses syndics, et l’université portée par les régents. Au fil de l’histoire on pourra voir combien, souvent, syndics et régents, se ligueront contre des adversaires divers pour sauvegarder leurs intérêts réciproques. Par exemple, à la fin du 15eme siècle les syndics contesteront les privilèges accordés à l’université, notamment ceux qui tendent à les exclure de tout droit de regard sur son fonctionnement ainsi que de la participation aux examen et de la perception des droits y afférents, en même temps que les régents tentaient d’écarter l’évêque, chancelier de l’université, de toute gouvernance sur celle-ci. L’ennemi était commun : l’évêque. Pour faire prévaloir un droit intangible sur l’université, la ville alla bien au-delà de l’achat d’une maison ; elle assurait la rétribution des professeurs. Il est vrai que la cité trouvait dans la présence d’une université dotée de professeurs célèbres des intérêts économiques importants comme le signale François Belleforest dans sa Cosmographie Universelle de 1575 : «… y affluent des écoliers de toutes parts à cause du grand savoir de messieurs les régents Jacques Cujas et François Roaldes …» ; on entrevoit par là les incidences sur l’immobilier (les étudiants devaient se loger), sur les commerces de l’alimentation … et sur les tavernes (on sait par les rapports de police la propension qu’ils avaient à s’amuser).
Au moment où l’université de Valence, qui fut longue à démarrer, arrivait à une sorte d’apogée, celle de Grenoble réapparaît, surgit de ses cendres et tente d’attirer à elle les professeurs les plus célèbres, allant jusqu’à débaucher ceux qui professaient à Valence comme Govéa. Il fallut toute l’influence de l’évêque de Valence, Jean de Montluc, bien introduit à la cour de France et auprès de Catherine de Médicis, pour faire taire les prétentions grenobloises à propos desquelles il serait hasardeux d’être trop précis sur leurs origines : intérêt pédagogique, intérêt économique ou lutte d’influence.
Finalement Valence gagna cette première bataille et les deux universités furent fusionnées et s’installèrent à Valence. L’université vécut alors au gré des guerres de religion et du développement économique de la cité qui ne permit pas toujours d’y attirer de célèbres professeurs, en outre que l’ouverture de nombreuses universités en Europe éloigna d’elle les étudiants. Elle connut donc, au 17eme siècle, un déclin que décrit Abraham Golnitz en 1628 : « Aujourd’hui, les classes de cette commune n’ont plus ni éclat, ni renommée ; le nombre des étudiants ne va plus en augmentant, cette fleur du siècle dernier est maintenant flétrie », ce qui mit l’université de Valence au centre d’un concert de critiques que résume Pilot de Thorey en rapportant qu’au Parlement de Grenoble on s’exprimait ainsi :
« c’est un avocat de Valence, longue robe, courte science ». Il était donc inéluctable que le 18eme siècle vit resurgir les attaques de Grenoble contre Valence, d’autant qu’à cette époque le Dauphiné vécut, avec l’arrivée de l’intendant Fontanieu, une restructuration de son organisation administrative et économique. Il mit en place une véritable politique d’aménagement du territoire en œuvrant au développement de l’industrie et de l’agriculture, en remodelant le réseau des voies de communication… C’est dans ce cadre géopolitique qu’il proposa à nouveau le transfert de l’université vers Grenoble. Cette dernière étant la capitale de la province, il était naturelle qu’y fut installée l’université : « il faut remettre les chose dans l’ordre que la nature semble lui avoir prescrit », écrivait-il dans un rapport adressé au roi. Le rattachement de la principauté d’Orange, elle-même dotée d’une université, rendait encore plus prégnante la question du transfert de l’université de Valence : Valence et Orange n’étaient-elles pas trop proches l’une de l’autre ? C’est d’ailleurs sur ce fait que s’appuiera la commission créée en 1732 pour prendre une décision.
Une décision bien diplomatique : à défaut du transfert de toute l’université, elle recommandait le seul transfert de la faculté de droit, à l’instar de ce qui s’était passé entre Nantes et Rennes, ou la création d’une faculté de droit à Grenoble comme il avait été fait à Dijon en 1722. Ce qui fit écrire à un des membres de la commission, Aguesseau : « cet expédient ferait cesser presque entièrement toutes les difficultés qu’on peut craindre de la part de l’évêque (qui aurait perdu de nombreux revenus), de l’université et de la ville de Valence. Tout ce qu’on peut y opposer est qu’il sera peut être bien difficile que la même province fournisse à deux facultés un aussi grand nombre de bons sujets que les places de professeurs et de docteurs agrégés dans les deux facultés en demandent »
Malgré les attaques, malgré les procès, malgré les décisions des cours et des commissions d’enquête, l’université demeurera à Valence jusqu’à ce que la Révolution l’éteignit, en 1792, comme elle le fit pour les autres, mais celle de Valence ne revit pas le jour au 19eme siècle.
Nous pouvons trouver une synthèse de l’explication de ce maintien, envers et contre tout, d’une université à Valence dans l’analyse de René Favier (13) pour qui le Parlement de Grenoble fondait ses arguments pour revendiquer son transfert, sur une triple logique :
– logique fonctionnelle,
– logique des dénonciations des abus,
– logique de la nécessité sociale.
Ces logiques si elles possèdent un caractère politique ou géo-politique, ne font appel à aucun caractère pédagogique.
Jean-Jacques LATOUILLE
REGENTS DE L’UNIVERSITE DE VALENCE (1513-1662)
NB :Texte avec orthographe d’origine
Les notes qui suivent sont extraites du Tome XXI de pièces manuscrites intéressantes pour « l’histoire du Dauphiné », rassemblées par Chorier, et faisant partie de la bibliothèque de feu M. de Bouffier.
Elles complètent celles qui ont été publiées par M. A. Belmont sous le titre de Maîtres de l’Université de Valence au xvI° siècle, dans Bull. hist. et arch. relig. dioc. Valence, t. III (1882-3), p. 99-102, 154-5, d’après des notes manuscrites inscrites dans un exemplaire des Statuts de l’Université, imprimé à Tournon en 1601. Nous laissons à l’historien définitif de l’Université le soin d’identifier tous les écrits cités et de dresser la bibliographie de ces régents.
DE L’INSTITUTION ET ETABLISSEMENT DE L’UNIVERSITE DE VALENCE, DES DOCTEURS REGENTS QUI ONT ENSEIGNE EN ICELLE ET LEURS ELOGES.
« Louys, fils aisné de Charles 7° s’estant retiré de la Cour pour les raisons qui sont dans l’histoire, vint en Dauphiné en l’année 1450, et ayant seiourné en la ville de Valence et considéré sa belle situation, il fust prié d’y établir une université, ce qu’il fist en 1452, suivant les lettres patentes ci iointes, et en l’année 1461 son père estant décédé il fust couronné Roy et confirma led. établissement.
Les consuls de lad. ville prirent grand soingt de procurer de la réputation a lad. université en y appelant des docteurs célèbres en la faculté du droit.
Le premier (14) fust Philippes Décius, milanais, qui professait le droit en Italie avec grande estime, cela se justifie par le comentaire sur les règles du droit et par un livre ancien des promotions au doctorat et aux licences des années 1513, 1514 et 1515.
Il estoit consulté de toutes pars, il y a plusieurs conseils faits à Valence, il fut fait conseiller au parlement de Grenoble, et estant rappelé en Italie il y est décédé comme il se justifie par son epitaphe qui est dans ses oeuvres.
En l’année 1516 a esté docteur régent en droit Lancelot Faliaula, comme il se justifie par le commentaire sur la Loy Cenlurio ff de vulg. et pup. subst. el ad titulum soluto matrim. et de verb. obligal.
A mesme temps estoit aussy docteur regent Jean Le Rouge de la Motte, lequel ayant heu une célébré dispute avec Galaula, de dominio et propietate, Il en a faict un traitté.
Le Rouge – ou Rubens – estoit natif d’Alexandrie en Italie et avait professé le droit a Padoüe ; il a escrit sur le titre de novj operis nunciaciône, sur la rubriche et la Loy première ff de Jud. sur la Loy l. ff de Testamentis, sur la Loy traditionibus ff de paclis et a faict plusieurs conseils.
Pour lors estait aussy docteur regent Anthoine de Dorne, père de Pierre et ayeul d’Anthoine de Dorne qui a esté président au parlement de Grenoble, et d’Aymard de Dorne juge mage de Valence.
En l’année 1517 les Consuls appellerent pour docteurs régents des ultramontins Estienne de Cercano et Anthoine de Piscariis milanois.
En l’année 1525 et 1528 a este docteur régent Iean Baptiste de Palma, italien de nation.
Led. Anthoine de Dorne a enseigné jusques en 1540 duquel le sieur de Marville a plusieurs manuscrits pleins d’érudition.
Estienne Bertrand, jurisconsulte de Carpentras le cite avec estime dans ses conseils.
En lad. année 1540 Mathieu Gribaud a enseigné le droit jusques en 1544 et environ led. temps il fust à Genève et disputa des questions de la religion avec Jean Calvin comme on apprend dans l’histoire de ce temps, il a faict imprimer quelques traittés de droit.
En l’année 1544 Hyerosne Gratus de Bologne en Italie a esté docteur régent.
En lad. année 1544 jusques en l’année 1549 Jean Corras de Tholouse qui avait enseigné à Parme en Italie professa le droit en lad. université où il avait plus de mille auditeurs, et il fist plusieurs de ses commentaires, d’où il se retira pour aller à Tholouse ou il fust faict conseiller au parlement.
En lad. année 1549 Thomas de Mimata de la ville d’Avignon estoit docteur régent avec Jean de Dorne fils d’Anthoine et Andre ab Exea autrement Destret ; il a faict un commentaire sur le titre de pactis et autres du droit et un petit traitté quand les meubles ont suite par hypothèque.
En l’année 1554 Emilius Ferretus de grande érudition, comme justifient ses commentaires sur divers traittés de droit sur l’Institut et autres, enseigna en lad. université; il est fort loué par M. Jacques Cuias qui publie dans ses observations d’avoir profité de ses escrits ; il se retira en Avignon où il est décédé.
En lad. année 1554 Anthoine Govean, portugais d’une grande érudition et d’un esprit excellent quitta l’université de Grenoble qui fut réunie avec celle de Valence en l’an 1565. Il a faict sur le titre de Juridictione et ad legem falsidium. Mestre Cuias dit de luy que s’il eust continué d’escrire sur tout le droit, il aurait désisté de le faire.
En l’an 1557 Me Jacques Cuias aurait quitté l’université de Bourges pour venir enseigner en celle de Valence a cause des dissentions avec Me François du Harent qui estait en grande réputation comme remarque M. de Thou en son hystoire livre 23.
Sa réputation y attira des auditeurs de toutes sortes de nations a cause de son rare scavoir qui esclatait dans ses ouvrages, il y composa ses parabibles sur le Digeste et fist les comentaires sur les questions et responses de Papinian. Il estait fort estimé de Jean de Monluc evesque et comte de Valence et Die duquel il a faict l’apologie a cause des accusations formées contre Monluc qui luy procura la charge de Conseiller au parlement de Grenoble ou il fust receu contre les résistances du procureur général Ruze qui soustenait cette charge incompatible avec celle des docteurs régents. Il fust aussy nommé commissaire par sa Maiesté pour informer contre ceux qui faisoient des transports de bled (hors le royaume) comme il se justifie par les registres du parlement. Il se maria en lad. ville avec la demoiselle du Roure de laquelle il eust un fils qui mourust a Bourges auquel il aurait dédié ses comentaires sur les Loys d’Affricanus. Il resigna led. office a Anthoine de Dornes comme se justifie par les actes imprimés au commencement de ses oeuvres. Il a demeuré à Valence jusques en 1567.
L’an 1559 François Hotoman, parisien, a esté docteur regent en droit en lad. université où il dicta ses notes et commentaires sous le titre de regulis juris mais ayant en difficulté pour la presceance avec les docteurs agrégés il se retira a Heldeberg et a Strasbourg et enfin mourust a Basle en Suisse ou est son epitaphe.
Dans le mesme temps Ennemond Bonnefoy dit Bonefidius du lieu de Chabeuil a aussy professé le droit avec beaucoup d’estime ; il a donné au public des Constitutions des Empereurs d’Orient qu’il a convertis du grec en latin avec quelques notes que, Monsieur Cuias a loué et Monsieur de Thou dans son Hystoire. Il reste quelques manuscrits qui n’ont pu estre donnés au public a cause de la mauvaise escriture comme il est arrivé a Me Charles du Moulin.
L’an 1571 Me François Roaldes que Scevole de Ste Marthe appelle le plus modeste des jurisconsultes de son temps et L’arbitre des différents entre les docteurs en la jurisprudence de son temps, a professé le droit comme tesmoigne Guillaume Mavan en ses parabibles, IL a fait des notes ad hobiliarn imperii romani, il fust choisi et convenu avec Bonefidius pour juger le différent sur l’interprétation de la loy frater a jratre ff de condictione indebitientre Jacques Cuias et François Hotoman.
L’an 1581 Me François Josserand, natif de Tournon, fust appelle pour estre docteur regent dans lad. université, il estait bien versé dans le droit et fort éloquent comme Monsieur Fxpilly l’a remarqué dans ses arrêts, chap. septente quatre sur le subject du procès des docteurs – agrégés de lad. université concernant la prescéance et les droits d’avoir place dans le nombre des sept agrégés. Lequel décédat en l’an 1586.
L’an 1582, Claude Froment, natif du Saint-Esprist, fust nommé pour estre docteur regent après avoir faict plusieurs lectures publiques, il estait très versé dans la theorie du droit et fort employé dans les consultations et arbitrage des plus grandes affaires de la province du Dauphiné et des circonvoisines; il a laissé plusieurs manuscrits dignes de voir le jour et entre autres un commentaire sur la Loy de Modestius et sur les cinquante décisions de l’empereur Justinian, il a esté marié trois fois et a heu plusieurs enfans et pour ses rares mérites a obtenu des lettres de noblesse qu’il a transmises a ses enfants, et entre autre a noble Gaspard Froment duquel il sera fait mention cy après; il décédà l’an 1613.
L’an 1583, maistre Jean Anthoine de Lescure, dauphinois, qui faisait profession du droit à Grenoble fust appelle dans celle de Valence. Il fist imprimer un commentaire sur le titre de Juridictione omnium judicum et sur la Loy Filium quem …familiae hereiscondae, il estait grand amy de Monsieur Cuias qui l’avait voulu attirer dans l’université de Bourges, reconaissant son mérite et son érudition, mais la mort aurait mis fin a son dessein et a ses ecritures.
L’an 1593, maistre Jean Le More, natif du Vivarais, ayant donné des preuves de son érudition, aurait esté fait docteur regent et aurait faict ses lectures durant près de quarante six années ayant esté employé dans les consultations les plus importantes de son temps, dont le mérite ayant esté conneu a messire Jean de la Croix, conseiller au parlement, puis advocat général et après président en lad. cour, et en dernier -‘ lieu évêque de Grenoble, aurait donné tous ses soins pour attacher led. sieur Le More a lad. profession, comme il aurait faict durant plusieurs années, s’occupant a l’etude du droit civil et canon. Il a fait plusieurs notes sur les loix du Code dans le Trésorier pratique du droit. Il est décédé en 1646.
L’an 1596, Anthoine Faure des Bleins, dauphinois, auroit esté pourvu d’une régence en droit civil et canon dans lequel il estoit fort experimenté comme tesmoigne le livre qu’il a faict imprimer soubs ce titre Melhodica instructio ad theoriam et praxim beneficiorum ecclesiaslicorum et l’institut du droit canon qui a esté donné au public après sa mort : son éloge est au commencement de cet ouvrage faict par le sieur de Marville qui a heu sa bibliothèque dans laquelle sont plusieurs manuscrits sur l’astrologie où il estoit bien versé, et une description des diocezes de France et encore une table des médailles de tous les empereurs de l’empire d’Occident et d’Orient. Il est enterré dans l’église de Saint Apollinaire ou se voit son epitaphe (15).
L’an 1602, Charles du Bonnet Fine, célèbre advocat au parlement de Grenoble pour son éloquence et son érudition aurait esté appellé à la première regence en droit de lad. université où ayant faict la profession durant sept ans et obtenu des lettres de noblesse il se serait retiré aud. Grenoble pour y passer le reste de ses jours avec les biens qu’il s’cstait acquis et serait décédé en lad. ville de Grenoble. Son epitaphe est dans l’église de Saint André. Il estait descendu de la famille d’Oronce Fine qui a restably la science de mathématique et astrologie soulz François premier, il estait natif de Gap, duquel S(cévole) de Ste Marthe a faict l’eloge et de Jacques Joubert, natif de Valance, lequel a esté premier professeur de medecine dans l’université de Montpellier et a laissé plusieurs traités.
En lad. année 1602, noble Gaspart Froment, fils de Claude a esté appelle a une regence en droit ou il a continué iusques a son descés arrivé en l’année 1662 ; il estait fort versé dans la science du droit et des lettres humaines. Il fust député de lad. université pour le procès intenté contre le collège des pères jésuites de Tournon qui s’estait erigé en universié soulz la faveur des seigneurs de Tournon, mais toutes les universités estant intervenues et la cause ayant esté playdée au Conseil, il y aurait heu arrest portant deffense aud. collège de prendre lad. qualité d’université et de conceder des degres de baccalauréat, de licentiés et de maistres ez arts. Le factum que fist led. sieur Froment est dans le Mercure Français avec l’arrest.
Il est décédé en l’année 1652, laissant noble Claude Froment, son fils, conseiller au parlement de Metz, recommandable par son érudition et vertu qu’il a cultivées par ses études dans la bibliothèque de son pére, composée de livres fort choisis de toute science, dont il est faict mention dans ceux qui ont escrit des bibliothèques choisies de France.
L’an 1613, le seigneur duc de Lesdiguiéres, pour lors mareschai de France et après connetable gouverneur de la province du Dauphiné, aurait pris soin de faire pourvoir lad. université de maistre Julius Pacius, natif de Berigne, petite ville soubs la domination de l’estat de Venise, dont la réputation estait générale par toute l’Europe pour avoir enseigné le droit dans, plusieurs universités, comme a Padoue, a Heildeberg, a Montpellier et a Valence, ayant donné plusieurs ouvrages de droit au public et entre autres les Ixogoges sur le droit civil et canon, une analyse sur l’institut et le ‘code, le livre de methode sur une partie du digeste, un traitté des contrats, les centuries pour concilier les Loys contraires qui sont appellées « mautiophanon » et outre le commentaire sur l’organe d’Aristote et les livres de la physique. 11 avait fait imprimer le cours civil avec des notes qu’il avait dédié à M. Cuias. Il était versé en toutes les sciences et langues occidentales, orientales, par la grande assiduité qu’il donnait à l’estude, et sa profession dans laquelle il a excellé par la pureté et netteté de son esprit.
Il est décédé en la ville de Valence en l’année 1635 et est enterré dans l’église de Saint Jean.
Sa représentation est dans un tableau de la bibliothèque qui est conservé par noble Pacius, ses deux petits fils avec ses deux enfants. Son éloge est rapporté par plusieurs qui l’ont composée.
L’an 1620, Pierre du Bubie, natif de La Vache, proche de Valence, après avoir donné des preuves de ses estudes en la jurisprudence durant cinq années pour obtenir l’agrégation en la faculté de droit, il aurait esté nommé en une regence de droit où il se serait acquis beaucoup d’estime ; il a laissé plusieurs manuscrits, qui servent de preuve de ses veilles et de son érudition, qu’il aurait donnés au public s’il n’avait été prevenu de la mort en 1647, agé de 53 ans ; il est enterré aux Minimes de Valence.
L’an 1635, led. sieur des Bleins estant décédé la regence aurait esté mise a la dispute, laquelle ayant esté ordonnée par arrest du parlement de. Grenoble, elle aurait esté adjugée à M. Laurent Crozat, lequel ayant faict des lectures avec beaucoup de réputation durant vingt années il aurait obtenu des lettres de noblesse qu’il a transmises à sa postérité.
L’an 1647, led. sieur Iean le More estant décédé, il y aurait heu diverses nominations pour lad. premiere regence vacante par led. décès, tant en faveur dud. s. Gaspard Froment que le sieur Polier, professeur en droit à Tholose, et en faveur de maistre Annibal Fabrot, premier professeur en droit dans l’université d’Aix, lequel ayant esté employé dans l’imprimerie du Louvre pour donner au public l’histoire byzantine et plusieurs autres ouvrages, et entre autres une version des Basiliques sur l’original tiré de la bibliothèque de Monseigneur le Chanceiller Seguier et une nouvelle édition des oeuvres de M. Cuias, il aurait résidé à Paris où il est décédé.
Cependant lad. université ayant esté reduite aud. sieurs Froment et Crozat, Me Anthoine de Marville, advocat au parlement de Grenoble, aurait esté pourvu en 1649 d’une regence en droit tant par arrest dud. parlement que par l’approbation de lad. université, et le dit sieur Fabrot s’estant demis de lad. regence, il aurait esté pourvu d’icelle et a continué de faire les lectures durant vingt années, il a donné au public le Code theodosien avec les notes de Me Jacques Godefroy et plusieurs additions qu’il y a faites, lequel travail a esté bien reçu de tous ceux qui aiment la belle jurisprudence.
L’an 1652, Me Pierre Pan, docteur agrégé en lad. université aurait esté pourvu d’une regence en droit dont il faict les lectures.
L’an 1659, Me Jacques de Bourcet, aussy docteur aggrégé de lad. université aurait été pourvu d’une régence en droit dont il a faict les lectures – avec sesd. collègues lesd. sieurs de Marville et Pan.
L’an 1662, Me Michel Aubert aurait esté pourvu d’une régence en droit dont il ne faict les lectures pour avoir esté employé dans les affaires de Monseigneur le duc de Lesdiguières à Paris. »
(Communiqué par M. le Comte de Brelleville).
Notes :
1 – P.M. Kendall, Louis XI, p 55
2 – G. Bordonove, Louis XI, p 44
3 – Expression de Vital Chomel dans histoire du Dauphiné .
4 – Archives départementales de l’Isère, B3180
5 – Archives départementales de l’Isère, B3311
6 – Cité par Jacques Chevalier, doyen de la faculté des lettres de Grenoble, dans son discours à l’occasion de « la cérémonie commémorative de l’Université de Valence » à Grenoble en 1939, dans le cadre des fêtes du sixième centenaire de l’université de Grenoble.
7 – A. BLANC, la vie dans le Valentinois sous les Rois de France, p16
8 – Archives communales de Valence : CC29
9 – Berriat-St-Prix, histoire de l’ancienne université de Grenoble,
10 – Jacques Chevalier, doyen de la faculté des lettres de Grenoble, dans son discours à l’occasion de « la cérémonie commémorative de l’Université de Valence » à Grenoble en 1939, dans le cadre des fêtes du sixième centenaire de l’université de Grenoble
11 – G. SIMMEL, sociologie et épistémologie, PUF, Paris, 1981, 91, p124
12 – G. SIMMEL, sociologie et épistémologie, PUF, Paris, 1981, 1991, p122
13 – René FAVIER, Valence ou Grenoble ? la question universitaire en Dauphiné au 18eme siècle, actes du 108eme congrès national des sociétés savantes, Grenoble, 1983
14 – Il n’est fait aucune mention de Orlhon. et de Pierre Millet (1546 et 1568) pas plus que des docteurs qui professèrent jusqu’en 1512. (Histoire de l’Université de Valence, par l’abbé Nadal, pages 27 et suiv.)
15 – Plusieurs épitaphes de la famille Faure des Bleins dont une composée par le professeur existent encore. M. le chanoine Perrossier les a publiées dans son Recueil d’inscriptions chrétiennes du diocèse de Valence (Bull. cit., t. II, p. 211-9, n° 16-19).
Sources : Bulletin de la Société d’archéologie et de statistique de la Drôme (1928)