Les foires et marchés
De tous temps, les hommes ont éprouvé le besoin d’échanger leurs produits, de vendre, d’acheter pour se nourrir ou se vêtir.
Les échanges entre les hommes ont été possible par une très vieille pratique: le troc. Le troc n’est que l’échange d’un bien pour un autre bien qui permet ainsi à chacun de pourvoir à ses besoins de base.
Ainsi le troc existe depuis que l’homme est apparu sur la Terre. Il a en effet commencé dès qu’un être suffisamment intelligent a pu comprendre qu’il pouvait échanger un silex contre une peau de bison sans devoir aller le chasser lui-même.
Peu à peu , le troc a été remplacé par la monnaie.
Le commerce a donc précédé le métier de commerçant. Cette économie villageoise de production va vite évoluer comme en témoignent les traces d’un trafic se déroulant déjà sur de longues distances. Ainsi, des pierres étaient exportées sous forme de lames brutes que les artisans locaux finissaient de tailler. Des stocks ont été découverts qui paraissent indiquer qu’il existait déjà une sorte de « réseau commercial ».
Si les foires dans l’Antiquité ont existé, la Grèce a connu d’importantes concentrations commerciales, associées à ses fêtes religieuses et à ses jeux . Les hostilités étaient alors suspendues, et on y trafiquait un peu de tout : comestibles, étoffes, esclaves et hétaïres. Quant aux Romains, ils eurent de tous temps des marchés agricoles et artisanaux, appelés les nundinae, parce qu’ils avaient lieu tous les neuf jours, et même quelques foires importantes. Mais quand, sous l’Empire, le commerce fut à sens unique (importations), la nécessité des foires disparut, en même temps que la notion d’échange.
Après les invasions barbares, la confusion féodale et les soubresauts provoqués par l’éclosion des communes, les foires eurent en France une importance considérable, d’abord en tant que distributrices de l’économie nationale, puis comme organes de liaison entre les diverses régions. Mieux encore que la diplomatie et les conquêtes, les foires furent parmi les meilleurs éléments de la réalisation de l’unité française, grâce aux associations marchandes provinciales qui y tenaient leurs assises.
La première grande foire française est bien antérieure au XIIIe siècle puisque on en doit la création au Roi Dagobert. Il s’agit de la Foire de Saint-Denis instaurée par une charte de 629 qui l’implante sur la route qui relie l’Abbaye de Saint-Denis à Paris. Dagobert décréta qu’on l’ouvrirait le 9 octobre, jour de la fête de la Saint-Denis et qu’elle durerait un mois durant lequel aucun commerce ne se pourrait tenir dans les environs de Paris sous peine d’amende. L’ampleur internationale de la Foire de Saint-Denis est inhérente à la charte de fondation qui stipule que les marchands provençaux, espagnols et autres pourront y participer même s’ils viennent d’outre-mer et c’est ainsi que l’on vit affluer sur les étals de Saint-Denis le miel d’Armorique et l’hydromel breton, les teintures rouges que l’on obtenait avec les garances d’Austrasie, les armes et les objets de fer et de plombs de Germanie et de Lotharingie, les vins d’Aquitaine et les huiles de Provence, les moutons d’Arles tandis que les juifs et les syriens solidement organisés et concurrents apportaient parfums, épices, baumes et étoffes, objets de luxe et métaux précieux venus d’Orient. Il semble que cette foire fut aussi le dernier marché franc d’esclaves et d’enfants.
Au XIe siècle, la foire du Lendit (ou du Landit), attestée sous ce nom, semble succéder à la « foire de la Saint-Denis ». Pour conserver un point commercial, les moines de Saint-Denis autorisèrent que se tint sur leurs terres, dans la plaine du Lendit, une foire à la mi-juin de chaque année. Cette foire eut grand succès grâce à l’Université dont elle était un privilège. En effet, outre certains droits qu’y prélevait le chancelier de l’Université, les étudiants en assuraient l’animation au profit des taverniers et marchands de bière qui foisonnaient sur le Lendit où l’on n’aurait su alors trouver de l’eau.
Des foires s’installèrent sur les grandes voies commerciales et singulièrement le long du Rhône et des marches de l’Est, le long de la côte méditerranéenne, sur les côtes du Nord-Ouest et face aux Flandres et bien sûr à Paris. Ainsi naquirent ou grandirent Beaucaire, Mâcon, Lyon, Chalon-sur-Saône, Dijon, Bar-sur-Aube, Troyes, Provins, Lagny, Rouen, Guibray, Caen, Saint-Omer, Lille…
Ces foires, dont la durée variait entre quinze et soixante jours, étaient extrêmement populaires, tant on s’y distraire et y vivre facilement ; on y retrouvait pratiquement les mêmes marchands et les mêmes clients. Elles mélangent l’événement commercial, le divertissement et le rite religieux.
Les origines des Halles de Paris remontent à 1137, date à laquelle Louis VI le Gros décide de créer un marché sur le lieu-dit des Champeaux, situé extra muros, à l’endroit d’anciens marécages. Bientôt intégrées au centre de Paris qui s’étend progressivement au-delà de la ceinture marécageuse, les halles deviennent un grand centre d’échanges prospère. Les halles, au cours des siècles, vont connaître des transformations majeures. En effet, en 1183, dans un enclos solide, des halles en bois, Philippe Auguste créera une foire comestible qui se dressait où prospéreront les Halles de Paris. Le marché continue de s’étendre, de telle sorte qu’en 1269 Saint Louis fait construire trois nouvelles halles : deux marchés sont affectés aux drapiers, le troisième aux merciers et aux corroyeurs ; il fait transférer le pilori du roi initialement installé à un carrefour près de la place de Grève.
Ce Pilori, en 1295, était un puits appartenant à un bourgeois du nom de Lori et un gibet placé à côté en prit le nom. On construisit sur l’emplacement du puits Lori comblé, une tour de pierre octogone, dont l’étage supérieur était percé de grandes fenêtres sur toutes ses faces. Au milieu de cette tour était une roue en bois, tournant sur pivot et percée de trous par lesquels on faisait passer la tête et les bras de la personne condamnée. On l’exposait ainsi aux regards, aux quolibets et aux insultes de la foule pendant trois jours consécutifs de marché, durant l’espace de deux heures et, de demi-heure en demi-heure, on faisait tourner la roue, afin que le malheureux exposé put être vu de tous côtés. Il était permis de lui jeter de la boue et des ordures, mais non des pierres et autres objets de nature à le blesser. Le pilori fut aboli en 1789 et remplacé par le carcan, qui lui-même, fit place à l’exposition publique qui avait lieu sur la place du Palais de Justice et fut supprimée en 1848.
Le Pilori
Dans le royaume de France au moins depuis le XIIIe siècle, la création des marchés hebdomadaires a été reprise en main par la royauté et est devenue une prérogative royale
Un poète français du XIIIe siècle, Guillaume de Villeneuve, décrit ainsi ce qu’il vécut un jour en marchant dans les rues de Paris, où il ne pouvait faire un pas sans que marchands et petits commerçants ne lui proposent les produits les plus divers, allant du pain, des fruits et du vin à des chaussures, des vêtements ou des meubles. « Le nombre de marchandises à vendre est si considérable que je ne puis m’empêcher de dépenser ; et si je n’en achetais qu’un échantillon de chaque espèce, quelle que fût ma fortune, elle y passerait bientôt. J’ai ainsi mangé le peu que j’avais, et la pauvreté me tourmente. J’ai vendu jusqu’à mes habits, la gourmandise m’a dépouillé, et je ne sais plus que devenir, ni où aller. »
Mais les rigueurs de l’Histoire, Guerre de Cent Ans et aléas politiques, assénèrent un coup décisif au commerce et aux foires qui ne furent plus que les fantômes de leur ancienne prospérité, quand elles ne disparurent pas tout-à-fait des coutumes locales. Seules les foires méridionales de Nîmes et surtout de Beaucaire restèrent animées grâce à leur position géographique éminemment favorable à l’échange et à la circulation des marchandises que l’on ne peut retrouver qu’à Strasbourg et Nancy qui échappent, quant à elles, à la rude fiscalité des derniers capétiens directs.
Le protectionnisme de Colbert, la lourde fiscalité commerciale du XVIIIe siècle, portèrent aux foires une succession de coups au point que la Révolution n’eut aucune peine à les supprimer pour les remplacer, çà et là, par des fêtes patriotiques qui ne laissèrent des foires que les attractions en leur enlevant résolument tout caractère international.
Sous Louis XVI une nouvelle halle au blé va voir le jour, sans compter le cimetière des innocent qui se verra vidé entre 1785 et 1786 au profit d’un marché aux fleurs, aux fruits et aux légumes. Quant à lui, Henri III fera reconstruire la place principale, le Carreau, qui sera désormais bordée de maisons dotées de galerie marchande, les « piliers des halles » et procédera à un élargissement des voies attenantes. Cependant, ces mesures s’avèrent insuffisantes : à la fin de l’Ancien Régime, les halles souffrent de réels problèmes d’engorgement et d’hygiène.
Le 9 Fructidor, an VI de la République (26 août 1798), François de Neufchateau, Ministre de l’Intérieur, expédie une circulaire aux « Administrations centrales des départements et aux Commissaires du Directoire exécutif près de ces administrations ». Avec cette circulaire naissait l’histoire des Expositions Nationales et Internationales, et le terme lui-même. Mais il faudra attendre plus d’un siècle pour que réapparaissent quelques foires internationales. (Londres en 1851)
En 1808, Napoléon Ier, qui souhaitait faire des halles le « Louvre du peuple », entreprend de doter Paris d’un réseau unifié de marchés couverts et de faire construire une vaste halle centrale entre le marché des Innocents et la halle aux blés. Mais, faute de temps, ce grand dessein napoléonien ne put voir le jour.
Mais comment fonctionnaient ces foires ?
Avant l’ouverture de la foire, les marchands s’assemblent suivant leur lieu de provenance et sans tenir compte des corporations. Nul, s’il veut être convenablement défendu en cas de besoin, ne peut rester isolé : il faut qu’il ait derrière lui un groupe, même si ce groupe ne dure que la durée de la foire.
Aussi, les marchands se groupent-ils par villes, par provinces, par pays ou par race selon ce qu’il est possible de faire jusqu’à ce qu’il se soit agrégé à un groupe conséquent et capable de le défendre. Chaque groupe reçoit le nom de nation.
Chacune des nations, qu’elle soit ethnique, nationale, provinciale ou urbaine, élit un capitaine chargé de diriger la vie de la nation, d’en défendre les intérêts et de la représenter dans le conseil de foire qui réunit le conservateur, les consuls et les capitaines. Ces conseils de foire qui se réunissent à la demande du conservateur prennent des décisions à la majorité des voix pour tout ce qui n’est pas contre les coutumes locales ou les arrêts du conservateur.
Les foires sont bien sûr des lieux privilégiés pour les activités de la banque et du change, puisque la plupart des grosses transactions se font sur lettres de change qui ne sont toutefois acceptées qu’après versement d’arrhes.
Le premier jour de la foire, les marchands ont rendez-vous à la cathédrale où ils assistent à une grand-messe à l’issue de laquelle, alors qu’ils sont assemblés sur le parvis, le gouverneur proclame les règlements de la foire, rappelle les franchises et lance un avertissement comminatoire et solennel aux fraudeurs, aux malfaiteurs et autres troublions. Ces précautions oratoires faites, on forme un impressionnant cortège ouvert par la foule désordonnée, suivie des tambours, des fifres et musiques dont les archers du guet emboîtent le pas, précédant les magistrats municipaux en grand appareil, distançant de quelques pas les membres des corporations ouvrant la route aux marchands en ordre de nations dans une impénétrable coutume de préséances propre à chaque foire. La procession se termine en banquet et se poursuit en festivités populaires jusqu’au signal de la retraite aux flambeaux qui ramène chacun à son logis.
Puis, pendant la durée arrêtée par la municipalité, la foire s’ouvre au petit jour tous les matins, pour ne se fermer que lorsque tombe le jour, l’emploi des lanternes et des luminaires y étant interdit à cause des risques d’incendie.
En plus des ventes, des achats et des échanges, l’activité est intense ; outre les cabaretiers, vendeurs de vin, de bière et de nourriture qui contribuent grandement à l’animation, on remarque les bateleurs, les mimes, les théâtreux, les chanteurs des rues qui offrent leurs spectacles partout où ils trouvent la place d’évoluer. Sur d’autres tréteaux, dans d’autres coins de la foire, on peut consulter les charlatans, les arracheurs de dents, les revendeurs de drogues et de panacées, les tireuses de cartes et autres pythonisses et mages diseurs de bonne nature. Les ribaudes font aussi de grandes affaires.
Certains jours, l’Église locale convie la foule et les marchands à des célébrations et des processions.
Il y a en effet beaucoup de points communs entre la foire et le marché, mais une différence importante existe. Elle est dans le calendrier : si le marché, lieu de vente au détail de biens et d’aliments, fonctionne en permanence en toutes saisons, les foires sont organisées périodiquement souvent annuellement au moment de la fête du saint patron de la communauté.
Les marchés se tenaient chaque semaine : paysans de la campagne voisine et boutiquiers du lieu y apportaient leurs produits. Il était interdit ces jours-là aux commerçants de la ville de rester chez eux ; ils devaient fermer leurs magasins et se rendre au marché sous peine d’amende.Très fréquentés, ces marchés devinrent partout le point de départ de quartiers nouveaux. Tel qu’à Paris, quand le marché, installé jusque-là dans l’Île de la Cité, s’établit au XIe siècle près du Grand Pont, au bord de la Seine, le long de la Grève où les bateaux pouvaient accoster, il fut l’origine d’un faubourg nouveau, celui de la place de Grève ; plus tard quand le roi Louis VI le transféra plus à l’Ouest, dans la région des Petits Champs ou Champeaux, la ville ne tarda pas à s’étendre de ce côté, surtout lorsque Philippe Auguste, en 1183, y eût fait construire des Halles.
Si les bourgades ne disposaient que d’un marché hebdomadaire, fourni en produits locaux et fréquenté par des paysans, l’offre se diversifiait considérablement dans les grandes villes. Les grandes cités marchandes proposaient en effet une belle variété de produits : peaux, draps, céramiques, objets divers, fruits, légumes, céréales, pain, viande, bière, liqueurs, herbes médicinales et, dans certains endroits, du poisson. Les articles les plus chers étaient les produits importés, comme l’huile et le vin, mais aussi les soies, les laines fines, les parfums, les épices et le sucre.
On pouvait aussi s’approvisionner directement dans les ateliers des artisans, charpentiers, tailleurs ou orfèvres. Ils se regroupaient en fonction de leur métier dans des rues qui prenaient le nom de leur corporation. Pour des raisons d’hygiène, les bouchers et les poissonniers furent les premiers à distinguer l’espace de vente des lieux de stockage, souvent un appentis. Cette structure à deux étages évolua peu à peu vers la boutique médiévale telle que nous la concevons, avec une partie supérieure en surplomb servant d’entrepôt, d’atelier ou de logement, voire les trois à la fois. Il était alors courant d’installer une trappe au niveau de cette avancée, pour permettre au propriétaire de regarder au-dehors lorsque des clients s’annonçaient.
À la fin du Moyen Âge, les boutiques alignées dans les rues des grandes villes étaient souvent des locaux exigus en location. Les articles étaient vendus par une fenêtre faisant office de comptoir, notamment chez les boulangers, comme le montrent des illustrations d’époque. À l’intérieur des boutiques, le sol était revêtu de carreaux de faïence et un comptoir parallèle au mur servait à exposer la plupart des marchandises. Les étalages visibles à travers des fenêtres vitrées ne se généralisèrent qu’à partir du XVIIIe siècle.
Les grandes villes disposaient aussi de marchés permanents situés dans le centre, à proximité d’une église ou de la maison communale, ou bien en périphérie lorsqu’ils occupaient beaucoup d’espace. Les autorités élevèrent des constructions en dur, d’abord en bois, puis en pierre, destinées à abriter les commerçants.
La couverture partielle ou totale d’un marché favorisait la conservation des produits. Les arcades, souvent pourvues de stores ou de volets, permettaient d’exposer les marchandises tout en les protégeant des intempéries. La coexistence d’espaces ouverts et fermés, temporaires et permanents, finit par définir l’essence même des marchés. Les stands de boissons et de « restauration rapide » (viandes cuites, ragoûts, confiseries, etc.) côtoyaient des tavernes et des auberges où se restaurer et dormir.
Les marchés étaient donc à la fois des lieux de commerce et de sociabilité. Avec le temps, ils donnèrent naissance aux grandes places publiques. Les marchés médiévaux étaient ainsi fréquemment pourvus d’un pilori. Aux heures de plus forte affluence, les petits délinquants y étaient livrés aux insultes et aux plaisanteries des passants qui leur jetaient de la boue, des déchets ou des aliments pourris. Les autorités se contentaient d’interdire les jets de pierres ou d’objets tranchants.
Le développement des marchés ou des foires, autour desquelles les populations se groupèrent et que les seigneurs protégeaient, y trouvant un moyen de s’enrichir grâce aux droits perçus sur les marchandises exposées, fut une des causes importantes du progrès des villes.
Ce monde des foires et des marchés ruraux est aujourd’hui englouti. Il nous reste pourtant étrangement familier. En raison du caractère globalement harmonieux de la distribution des foires et des marchés, l’habitant des campagnes a eu l’opportunité, des siècles durant, de se rendre chaque jour de la semaine dans un lieu d’échanges. Et là, par contraste avec la frugalité du quotidien, l’abondance et la variété des marchandises rassemblées donnent l’image d’un pays de cocagne, Foires et marchés sont aussi des hauts lieux et des temps forts de la sociabilité des campagnes, à commencer pour la passation des contrats de toute nature : ventes ou baux de terres, contrats de mariages, louage de main d’œuvre… Ce sont aussi des lieux d’intense libération de la parole : bavardages bruyants, échanges d’informations, mais aussi murmures de la contestation, où le geste suit parfois de près le verbe. Ces points de rencontre entre horizon local et horizons lointains sont enfin, aussi, des lieux de fête. On sait que le latin feria signifie à la fois la fête et la foire. L’on y côtoie des saltimbanques pittoresques, l’on y frôle des femmes de mauvaise vie, l’on y boit plus que de raison, et l’on y fait volontiers le coup de poing. Voilà bien le dernier paradoxe des foires et marchés : régis par une réglementation tatillonne spécifique, jalousement surveillés par les autorités, ce furent pourtant des lieux et des moments de transgression. En bref, ils constituèrent par excellence, dans nos campagnes pré-industrielles, « un fait social total ».
Un marché au Moyen Âge
Les Halles de Paris
Les origines des Halles de Paris remontent au XIIe siècle. En 1135, Louis VII ordonne le déplacement des marchés généraux de Paris de la Place de Grève (l’actuelle place de l’Hôtel de Ville) au quartier des Champeaux, situé extra muros, l’actuel quartier des Halles, occupé précédemment par des marais. Ce marché va très rapidement prendre de l’ampleur.
En 1183, Philippe-Auguste fait construire deux bâtiments couverts pour protéger le marché : intéressé par le développement de ce marché, il fut le premier à créer un ensemble de règles pour le commerce de la viande, du pain et du vin. Quelques années plus tard, Philippe-Auguste achète les terrains adjacents au premier marché et les commerçants commencent à s’installer près des bâtiments définitivement installés des fabricants via des étals couverts. Le premier marché central naît grâce à la vente des tissus mais progressivement, celui s’étend toujours plus, à tel point qu’au XVIe siècle, l’administration réfléchit à une réorganisation. Cet immense bazar propose denrées alimentaires, textile, chaussures, mercerie, fripes puis bientôt des draps et des tissus.
En 1543, François Ier commence la reconstruction des Halles et jusqu’en 1572, sont construites des maisons avec au rez-de-chaussée des arcades et des galeries (les piliers des Halles) qui disparaissent ensuite avec la construction des pavillons Baltard. Au centre des arcades, se trouve le carré (l’actuelle place carré): marché du pain, du beurre, du fromage et des œufs.
Quelque six siècles plus tard, sous le règne de Louis XVI, une nouvelle Halle aux blés est construite en 1763, la Halle aux blés est bâtie par Nicolas Le Camus de Mézières à l’emplacement de l’hôtel de Soissons et en 1785 le cimetière des Innocents, situé à côté des Halles, est déplacé et le lieu est transformé en marché aux fleurs, fruits et légumes. Ces changements s’avéreront insuffisants. À la fin de l’Ancien Régime, les Halles souffrent déjà de réels problèmes d’engorgement et d’hygiène.
En 1808, Napoléon Ier travaille à une réorganisation cohérente des marchés couverts et élabore la réglementation sur l’abattage des animaux mais malgré cela, de nombreux problèmes d’hygiène persistent, à tel point qu’en 1842, est créée la Commission des Halles, qui a pour mission d’étudier l’intérêt de maintenir les Halles au même endroit ou de les déplacer.
En 1852, sous le Second Empire, un immense projet est confié à l’architecte Victor Baltard. Il ne construit pas moins de dix pavillons en métal et en verre, chacun ayant sa spécialité (viande, légumes, poisson…). À l’époque, ces constructions sont considérées comme une véritable révolution architecturale.
L’atmosphère des Halles a inspiré notamment Émile Zola, qui décrira avec génie la vie des vendeurs et des grossistes dans son roman » Le Ventre de Paris « , publié en 1873. Les Halles y sont dépeintes comme un monde florissant où rien n’existe à part la nourriture, la beauté, la richesse et la prospérité.
Une anecdote : Si » La soupe à l’oignon » est un incontournable de la vie des Halles, dans les allées des Halles de Paris va naître un mot : « chandail « .le » ventre de Paris » connaît son âge d’or… Les marchands viennent des quatre coins de la France afin d’y vendre leur marchandise. Parmi les commerçants et les maraîchers, s’installent les marchands d’ail vers la fin du XIXe siècle. Ces marchands, provenant bien souvent du sud ou de Bretagne, sont saisis par le froid hivernal de la capitale. Alors pour continuer de vendre à la criée leur marchandise, tout en restant bien au chaud, ils se vêtissent d’une grosse laine imperméable tricotée par leur femme. Ils se font alors surnommer les » chandail » par les clients et les autres commerçants, une contraction des mots » marchand » et » d’ail « .
Les Halles Baltard 1847 Perspective (Photo :https://archives.paris.fr/arkotheque)
Les Halles de Paris vers 1900
Les Halles de Paris, 1969
C’est le 13 juillet 1962 que fut publié le décret relatif à la création d’un marché d’intérêt national implanté à Rungis et où devraient être transférées toutes les transactions qui s’effectuaient aux Halles.
Après avoir ravitaillé Paris pendant des nombreuses années, les Halles, jugées insalubres, sont détruites en 1969. La démolition et la reconstruction vont durer 10 ans. Laissant un énorme espace vide en plein cœur de Paris, le quartier est renommé par les habitants le Trou des Halles. Dans un climat émotionnel et contestataire, des décisions d’une telle importance sont difficiles à prendre. Il y eut des erreurs de commises – d’autres furent évitées.
En 1971, les six premiers pavillons situés à l’est de la rue Baltard sont démolis pour permettre la construction de la gare RER et du Forum. En 1973, les pavillons de la viande, les îlots sud des Halles et les îlots Beaubourg sont démolis. Deux de ces pavillons seront préservés : le no 8, qui abritait le marché aux œufs et à la volaille, est démonté et reconstruit à Nogent-sur-Marne et un deuxième dans un parc de la ville de Yokohama au Japon, qui ne reprend que la partie haute de la structure originale en fonte. Les matériaux des autres pavillons sont vendus au prix de la ferraille.
De son côté, le grand marché est transféré à Rungis, au sud de la capitale, entre le 27 février et le 1er mars 1969. Cette opération, considérée à l’époque comme étant le » déménagement du siècle « , concerna 20 000 personnes, 1000 entreprises de gros, 5000 tonnes de marchandises et 1500 camions. Ce nouveau site ouvre officiellement ses portes les 3 et 4 mars 1969, après cinq ans de travaux gérés par le cabinet d’architecture et maîtrise d’œuvre Georges Philippe et Henri Colboc.
Entre la décision du transfert des halles et l’inauguration du forum des halles, plus de 20 ans se seront écoulés.
En le projet des architectes Claude Vasconi et Georges Pencreac’h, approuvé en juin 1974, marque un réel tournant dans l’histoire. Le trou disparaît pour laisser place à un nouveau centre commercial au design innovateur pour l’époque. En 1979, le maire de Paris inaugure en grande pompe le nouveau bâtiment ainsi que le RER à Châtelet-les-Halles.
Six ans plus tard, le Forum se dote d’un espace supplémentaire: la place Carrée, édifiée par le célèbre architecte Paul Chemetov. Ce lieu est devenu emblématique avec ses immenses arches et son sol quadrillé. Cependant, 30 ans après son inauguration, le site doit être restructuré et modernisé du fait de sa forte fréquentation, du vieillissement de ses structures ainsi que de l’évolution des normes de sécurité.
Après des turbulences, le Forum s’offre un nouvel écrin. Le projet ambitieux de rénovation des Halles, au départ attribué à David Mangin, revient finalement aux architectes Patrick Berger et Jacques Anziutti. Si les travaux ne s’achèveront qu’en 2018, la Canopée coiffant les Halles a été inaugurée le 6 avril 2016.
Le toit composé de 18.000 écailles de verre recouvre, outre des commerces, de nouveaux équipements publics tels qu’un conservatoire, une médiathèque et un centre culturel, dédié à la pratique artistique. Le chantier a coûté près d’un milliard d’euros, dont environ 236 millions seulement pour la toiture ondulé de couleur jaunâtre.
Sources :
https://books.openedition.org/
https://archives.paris.fr/
https://excerpts.numilog.com/books/