FERNAND FOREST INGÉNIEUR DE GÉNIE



Fernand Forest inventeur de génie prolifique



Considéré comme le père du moteur à explosion, inventeur de la roue de bicyclette à rayons tangents, Fernand Forest connut le sort de nombre de scientifiques dont le génie désintéressé fut à l’origine d’outils ingénieux exploités par les industriels. Il reçut de la nature le don mystérieux de créer des choses auxquelles les autres hommes ne songeaient pas et d’ouvrir de nouvelles voies au progrès.

Fils d’artisan tapissier, il naquit à Clermont-Ferrand le 13 octobre 1851 et mort à La Condamine (Monaco) le 12 avril 1914.

Au sortir de l’école primaire, il fait son apprentissage de la mécanique à Thiers chez un forgeron-coutelier nommé Douris. Dès l’âge de seize ans, son génie lui suggère l’invention d’un outil ingénieux : une machine à fraiser, qui a pour conséquence une économie de fabrication et une simplification de la main-d’œuvre. Ses camarades, menacés dans leur travail, le regardent de travers. Son patron le congédie.

En 1868, il vient à Paris et se fait embauché comme ouvrier chez le constructeur de locomotives et de matériel agricole Cail. Talentueux, il se voit promu contremaître en seulement trois ans.

De 1871 à 1874, il quitte Paris pour un tour de France, où il parfait son enseignement auprès d’artisans.

En 1874, il revient à Paris et s’associe avec les frères Paul et Charles Renard avec lesquels il fonde en 1877 la première fabrique de bicyclettes de la capitale. Ce sera un échec, alors il abandonne bientôt cette affaire pour se consacrer à ses inventions.

C’était le temps du vélocipède, prédécesseur du « cycle ». Forest invente la roue de la bicyclette avec les rayons tangents au moyeu… Découverte d’une importance incalculable ! Nul ne conteste le mérite du constructeur ; mais nul ne lui vient en aide pour exploiter son brevet. L’industrie attend — quinze ans — que celui-ci soit périmé. Alors, elle s’en empare, elle l’exploite, elle en tire d’énormes profits. Toutes les bicyclettes sont munies de la roue de Forest. Et Forest, dépossédé des fruits légitimes de sa trouvaille, continue de besogner obscurément, de végéter. Il ne recueille pas une miette des millions qui, grâce à lui, ont été gagnés.

En 1880, il se marie avec Victorine Forest, née Surrugue et le couple a six garçons. L’aîné, Pierre, sera aviateur, le petit dernier, Louis, deviendra inventeur.

C’est à Forest, bricoleur génial, qu’on doit en 1880 la réalisation de la première magnéto d’allumage basse tension utilisée avec bonheur par Nikolaus Otto (1832-1891), son client du moment. Forest ne cherche pas à aborder le monde de l’industrie, il n’en a pas les moyens financiers, il se contente de déposer un brevet et de percevoir les droits de licence.

L’année suivante, il alimente au pétrole un moteur à gaz Lenoir, créant le premier moteur à pétrole de l’histoire. Là encore, étant désargenté, la phase industrielle lui semble inaccessible. Il dépose le brevet et tente de s’associer à un industriel, sans résultat. Forest restera toute sa vie un inventeur.



Au cours des deux années suivantes, il améliore le moteur à pétrole, créant successivement des moteurs équilibrés à deux pistons par cylindre (1883), des bicylindres (1883) puis des 4 cylindres (1884) séparés jumelés ou fondus en un seul bloc. Il invente les chemises à eau de refroidissement dans les cylindres. En 1884 et 1885, ses moteurs à pétrole à deux cylindres sont montés sur des canots, et présentés sur la Seine à Suresnes, devant son atelier
Au cours des deux années suivantes, il améliore le moteur à pétrole, créant successivement des moteurs équilibrés à deux pistons par cylindre (1883), des bicylindres (1883) puis des 4 cylindres (1884) séparés jumelés ou fondus en un seul bloc. Il invente les chemises à eau de refroidissement dans les cylindres. En 1884 et 1885, ses moteurs à pétrole à deux cylindres sont montés sur des canots, et présentés sur la Seine à Suresnes, devant son atelier

Entre 1885 et 1888, Forest construit les premiers moteurs à refroidissement par air munis d’ailettes, les premiers 4 cylindres quatre temps à refroidissement par eau (chemise à eau), les premiers moteurs à allumage par magnéto avec avance variable, à soupape d’admission commandée et à régulateur d’admission, avant de s’attaquer aux moteurs aériens.

Pourtant, il ne se décourage pas. Il cherche le principe du moteur à explosion. Après d’innombrables tâtonnements, il arrive à le fixer. Il améliore ses premiers essais, les rectifie, les amène peu à peu à l’état de perfection.

Fernand Forest arrive à construire l’appareil dont nous nous servons communément ; il multiplie les cylindres pour atténuer la violence des chocs et prolonger la détente. En 1888, il édifie une machine à trente-deux cylindres ; il est le père indiscuté de l’automobilisme et le prophète de l’aviation.

Il étend son atelier de Suresnes à Paris quai de la Rapée, haut lieu de construction de canots et périssoires, atelier visité par de jeunes ingénieurs qui débutent leur carrière, Louis Renault, Louis Delage, et des moins jeunes, comme Arthur Krebs, Louis Seguin, Fredérik Rossel.

Finalement, l’œuvre de Fernand Forest en matière de création est considérable. On peut dire qu’elle fut pour le moteur à explosions aussi précieuse que celle de James Watt pour la chaudière à vapeur. Tous les perfectionnements réalisés aujourd’hui dans les moteurs d’automobiles, de canots ou d’aviation portent l’emprunte de son travail opiniâtre.

Modeste inventeur qui se contentait de vivre de ses brevets, Forest aurait pu revendiquer la création de la navigation en canot automobile (1886), la première application du moteur à explosions pour l’éclairage électrique (1889) et en 1890 la réalisation de la première automobile à quatre cylindres, avec Georges Gallice, son associé du moment.

En 1888, Forest dessine un prodigieux moteur en étoile rotatif, le premier du genre en France, mais sa mise au point traîne en longueur. Les aciers spéciaux à haute résistance, l’aluminium n’existent pas encore industriellement, et il doit renoncer, après avoir songé à s’associer avec des ingénieurs de talent plus jeunes que lui, comme le Dijonnais Pierre Clerget en 1896.

Mais ce merveilleux mécanicien et cet inventeur insatiable ne se contente pas de travailler le délicat problème du moteur à explosions. En 1891, il crée un type de sous-marin dont on retrouve certaines dispositions dans les sous-marins militaires de la Première Guerre Mondiale. Ses brevets sont déposés en France en 1901, en Grande-Bretagne (1906), en Allemagne et aux Etats-Unis. En 1897, il reçoit un prix de 3 000 francs du ministère de la Marine en récompense de ses travaux.

Les moteurs Forest sont exposés pendant les Grandes Expositions Universelles de Paris en 1889 et 1900. Lors du premier Salon de l’automobile de Paris au Grand Palais, en 1901, sur 156 stands, 135 sont titulaires des brevets Forest, y compris les stands consacrés aux moteurs de dirigeables de messieurs Santos-Dumont et Henri Deutsch de la Meurthe.

En 1903, il assiste S.A.S. le prince Albert 1er de Monaco dans la mise en place des fameuses courses d’avril, qui débuteront véritablement en 1904.

Forest s’attaque en 1905 avec succès au problème de la boîte de vitesse à changement de rapports automatique, une solution brevetée à son tour en 1906 qui lui rapporte une petite notoriété chez les industriels.

L’aventure automobile

En 1900, Forest s’associe avec un ingénieur du nom de Gillet et crée à Saint-Cloud la Société des automobiles Gillet-Forest, exploitant les brevets Forest. La première voiture présentée en 1901 est animée par un moteur horizontal monocylindre développant 5 ch avec un refroidissement par radiateur en demi-cercle spectaculaire, mais avec une belle transmission par arbre et pont. En 1902, Gillet-Forest présente une 9 ch et une 12 ch.

En 1905, la société Gillet-Forest présente des automobiles à moteur plus conventionnel, des 2 cylindres de 8 et 12 ch et des 4 cylindres de 16,24, 30 et 40 ch. Faute de réussite, excepté dans les véhicules lourds et les moteurs industriels dont les ventes dureront jusqu’à la guerre, les fabrications d’automobiles Gillet-Forest cessent en 1907 et la société disparaît du registre du commerce en 1908.

En 1907, il est ruiné. Il quitte Paris, s’installe à Suresnes au 22 boulevard de Versailles (boulevard Henri Sellier). Il continue à inventer, mais en 1909 son matériel et ses meubles sont saisis.

En 1906, le directeur de l’Auto, appelle la sollicitude de l’Etat sur le remarquable savant. Il publie, dans son journal, la demande pour Fernand Forest, la croix de chevalier de la Légion d’honneur. Mais pour l’obtenir, il est nécessaire de les appuyer par des démarches pressantes et collectives, de faire agir des influences, de signer des pétitions. Le directeur de l’Auto se met en campagne. Il va voir les personnages importants de l’automobilisme et du cyclisme. A sa surprise il ne rencontra que des regards fuyants, des réticences, des excuses embarrassées, là où il comptait trouver des soutiens. Seul, Serpollet seul, avait bien voulu lui donner sa signature et il dut renoncer à cette tâche. La persévérance aidant, ses mérites officiellement reconnus en 1910. Pour solenniser l’affaire, un repas fut organisé. On annonça le banquet Forest. Seules sept personnes répondirent,pas une de plus… Sept en tout et pour tout. Faute de convives, les agapes durent être décommandées. Forest n’est qu’un solitaire ; ceux-là mêmes qui ont tiré profit de ses travaux, secrètement le jalousent, ne tiennent pas à provoquer des manifestations dont ils ne recueilleraient aucune part, — au contraire. Ils préfèrent le demi-oubli, le silence favorable à l’ingratitude.

Faute de banquet , un timbre émis en 1974 par la Principauté de Monaco en hommage à Fernand Forest.



Retour aux canots automobiles

Les moteurs Forest à pétrole 9 et 12 ch propulsent en 1903 les premiers canots automobiles alignés dans les courses de vitesse. En avril 1905 à Monaco, Forest monte un moteur Forest-Gallice à alcool dans un canot aligné par Georges Gallice. Après la disparition de la société Gillet-Forest, le parisien fait de nouveau des apparitions en avril à Monaco dont il est l’une des personnalités « historiques ».

En janvier 1910, alors qu’il prépare un moteur pour le meeting de Monaco, ses ateliers de Suresnes et de la Rapée sont inondés pendant un mois et demi. Forest fait la une de certains journaux pour avoir reçu la légion d’honneur. Les crues de la Seine se reproduisent en janvier et février 1911 alors qu’il prépare un canot pour le meeting en avril.

Comme beaucoup d’inventeurs, Forest vit modestement, il est ignoré de l’industrie automobile naissante, celle qui fait les grandes fortunes, aux mains de jeunes ingénieurs diplômés d’Etat. Son nom reste longtemps peu connu du grand public, et c’est seulement en 1912 à la suite d’une campagne de presse que le gouvernement le nomme officier de la Légion d’honneur. A partir de ce moment, son nom figure dans les dictionnaires français. Il y est encore.

Le 12 avril 1914, au cours du meeting de Monaco, heurtant les brise-lames de la jetée nord, Forest connaît un arrêt cardiaque à bord du canot La Gazelle, un type de machine qui fut construit par lui en 1888 et qui avait encore de l’allure face à des canots plus jeunes de 26 ans. La mairie de Suresnes lui offre une concession perpétuelle au cimetière Voltaire et verse une rente à sa veuve.

Ainsi vécut un inventeur digne de son temps, figure méconnue de la marche du progrès.

Dresser la liste des inventions, améliorations et trouvailles de Fernand Forest serait fastidieux, toutefois il convient de signaler : des moteurs à gaz, l’indicateur de niveau (toujours utilisé pour indiquer la gîte d’un bateau), la magnéto basse tension (sur une mobylette…), une transmission, des systèmes de sous-marin, une amélioration du moteur rotatif, le prédécesseur du compteur kilométrique, un moteur à gaz et à essence à cylindres rayonnants (dit comme ça cela paraît simple, mais cela a révolutionné l’aviation), des treuils automobiles…

Accessoirement Fernand Forest a fourni quasiment tous les ministères : pompes pour l’agriculture, moteurs pour les établissements scientifiques, canots pour la Marine, voitures pour les postes, ballons pour la guerre…


Sources

  • https://www.hydroretro.net/etudegh/fernand_forest.pdf
  • https://suresnes-mag.fr/decouvrir/histoires-suresnoises/fernand-forest-itineraire-dun-inventeur-a-tout-prix/
  • https://fr.wikipedia.org/wiki/Fernand_Forest

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