LES DÉBUTS DE LA PHARMACIE

Pharmacie : fondements et première organisation de cet art


 

À l’origine des sociétés et avant la naissance des sciences, les hommes ont soigné leurs semblables alors que la médecine et la pharmacie n’étaient pas encore nées. L’instinct, le hasard, l’imitation des animaux furent les principaux éducateurs et inspirateurs de l’homme dans la recherche des moyens de guérir. Aussi la pharmacie, qui se distinguera de la médecine sous la Grèce antique et consistera en la seule préparation des remèdes, est-elle un art qui fut le berceau des sciences naturelles et physiques.

C’est de la pharmacie que l’illustre chimiste et académicien Jean-Baptiste Dumas (1800-1884) a pu dire en toute sincérité les paroles suivantes : « Les opérations de la pharmacie constituent, on ne le sait pas assez, la meilleure des écoles pour un esprit pénétrant et réfléchi. Elles s’exercent sur des productions provenant des minéraux, des plantes ou des animaux. Elles apprennent à observer les résultats de leur action réciproque, à tenir compte des effets de l’air, de la chaleur et des dissolvants sur chacune d’elles, c’est-à-dire à mettre à profit, pour la défense de la vie de l’homme, les matières et les forces dont il dispose.

« Elle opposa, pendant de longs siècles, les leçons de choses à l’esprit de système ; elle dissipa les rêves de l’alchimie, présida à la naissance de la chimie moderne et donna l’essor à l’étude des plantes. Les plus humbles de ses laboratoires, souvent témoins de méditations solitaires et fécondes sur les lois de la nature, ne perdraient ce privilège qu’au détriment de la science et du pays » (Éloge académique de Jérôme Balard, le 16 mai 1879 par Jean-Baptiste Dumas).

Des gens sans études et sans aucun motif déterminant employèrent, au hasard, des médicaments d’une vertu inconnue. Si le succès couronna leurs efforts, ils revinrent à ces médicaments clans les cas analogues ou jugés tels. Ils observèrent ainsi qu’un malade avait été soulagé, puis guéri à la suite des évacuations spontanées de sang ou d’autres humeurs, ou résidus de l’économie. Ils en conclurent qu’en pratiquant artificiellement les évacuations dans des cas semblables, la guérison pouvait être produite. De là vint l’usage des saignées, des purgatifs et des vomitifs, etc., qui furent longtemps toutes les ressources thérapeutiques des médecins.

Simultanément, les hommes observateurs découvrirent les propriétés de beaucoup de plantes, en observant leurs effets fortuits sur les animaux. Hérodote (Ve siècle avant J.-C.) et Pausanias (115-180) affirment que Mélampe (1500 ans avant J.-C.) découvrit la vertu purgative de l’ellébore en observant son effet sur les chèvres. Pline et Gallien disent que l’usage des clystères fut suggéré aux Égyptiens par l’ibis et la cigogne à qui la nature a fait un bec pouvant s’introduire dans l’anus et y insinuer un liquide qui nettoie l’intestin.

Nous voyons donc les guérisseurs prendre place dans les sociétés humaines. Il arriva dans cet ordre d’idées qu’ils devinrent des imposteurs, des charlatans exploiteurs de la crédulité des populations qui leur dressèrent des temples, des autels, les considérant comme des dieux.


un guérisseur


Quand l’homme eut à sa disposition l’écriture pour transmettre aux générations futures ses observations médicales, il le fit avec empressement. C’est ainsi qu’un empereur de Chine fit rédiger un recueil de recettes de médicaments reconnus bons par l’usage. Ces recettes étaient le produit de l’expérience avant la connaissance de la méthode expérimentale, c’est-à-dire de l’empirisme, et ce recueil de médicaments à la fois médical et pharmaceutique fut un recueil d’empirisme et ne pouvait être autre chose. Il devait être l’analogue de ces pharmacopées naïves et indigestes qui sont arrivées jusqu’à nos jours en traversant les civilisations égyptienne, grecque, romaine et arabe dont on retrouve les traces en Espagne, à Salerne, à Montpellier et à Paris.

Si nous quittons l’Asie et ses très anciennes civilisations pour étudier les développements de l’art médical et pharmaceutique dans des temps et des contrées plus rapprochés de nous, voici ce que nous trouvons : avant Hippocrate la médecine était exercée dans les temples par les asclépiades, prêtres d’Esculape, appelés aussi hiérophantes. Cette médecine s’appuyait sur des sentences philosophiques, religieuses et empiriques. Hippocrate (IVe siècle avant J.-C.) eut le mérite de séparer la médecine de la philosophie ; avec lui commence la période hippocratique ; ce qui n’empêche pas que dans la suite des temps nous retrouverons des médecins philosophes, comme on le voit dans Molière qui les a si spirituellement ridiculisés.

À certaines époques les malades étaient exposés publiquement devant ou dans les temples — le malade passait la nuit dans le temple, et le dieu lui envoyait un rêve dans lequel il lui ordonnait ce qu’il y avait à faire —, et les passants qui avaient été atteints des maux de même apparence étaient tenus d’indiquer les remèdes qui les avaient rendus à la santé. La recette était alors gravée sur des plaques de marbre et exposée à la vue de tous sur les parois du temple ; leur réunion formait quelque chose d’analogue à un formulaire. Cette réunion de formules médicales et pharmaceutiques fut en quelque sorte l’origine de la médecine clinique et des formulaires de pharmacie ; et c’est ainsi qu’on assiste par la pensée à la naissance de ces deux arts dans le même berceau.

Plus tard, les Grecs divisèrent la médecine en trois parties : la diététique, la pharmaceutique et la chirurgique ; c’est-à-dire qu’elle comprenait le traitement des maladies par la diète, par les médicaments ou par la chirurgie. On trouve cette classification dans Celse (IIe siècle), surnommé l’Hippocrate latin et le Cicéron de la médecine, contemporain d’Auguste et de Tibère.

Pendant toute cette période qui commence à la fondation de la célèbre école d’Alexandrie, le médecin soignant ses malades était en même temps, par la force des choses, pharmacien et chirurgien. Mais comme il ne suffisait pas à remplir ces trois fonctions, surtout celle de pharmacien, qui demande à celui qui l’exerce de se livrer à des manipulations spéciales, il se faisait aider par des affranchis. La fonction de ceux-ci, plus spécialement appelés rhizotomes ou herbarii, consistait à appliquer ce qu’on appelait la rhizotomie.

Ils se chargeaient d’aller recueillir des herbes médicinales soit pour le compte des médecins, soit pour les vendre sur le marché au public — Pline l’Ancien (23 ans après J.-C.) s’élève contre la pratique de ces herbarii qui, dans un but de lucre, s’étaient installés d’eux-mêmes fournisseurs de médicaments. Ils correspondaient, comme on voit, aux herboristes herborisant. Les médecins désignés sous le nom de pharmaceutæ, exerçant la médecine médicamentaire ou la pharmaceutique, achetaient ces plantes et en faisaient faire des confections chez eux par des employés, des gens à leur service. Ils achetaient aussi des produits médicamenteux aux pharmacopolæ, faiseurs d’extraits de plantes correspondant à peu près à ce que furent les épiciers-droguistes.

Ils se procuraient aussi leurs produits chez les pharmaceutribæ qui se bornaient à broyer et piler les drogues et à les revendre ensuite ; chez les splesarii ou pigmentarii qui revendaient aux médecins comme aux peintres, aux parfumeurs, les drogues et mélanges divers pour les arts en général. Mais on ne les voit pas à cette époque encore formuler des prescriptions, des ordonnances dont l’exécution aurait été confiée aux pharmacopei.

Ils avaient, chez eux, deux salles séparées, l’une pour les opérations et l’autre, une sorte de petite officine. Dans chacune d’elles, ils avaient des aides ou élèves pour les divers travaux ; les uns les aidaient dans les opérations, les autres préparaient les remèdes, les appliquaient sous leurs yeux ou bien allaient en ville les appliquer à leurs clients.


 


La nature de médicaments employés dans cette période de l’histoire de l’humanité qui commence à Hippocrate, succédant aux Asclépiades, pour finir après Galien, est connue. Nous y trouvons les narcotiques représentés par le pavot, l’opium, la jusquiame, etc., les fébrifuges par l’absinthe, la petite centaurée, etc., les vomitifs, par l’asarum, l’ellébore, etc., les laxatifs, par la mercuriale, etc., les purgatifs, par la coloquinte, la scammonée, etc.

N’est-il pas curieux de retrouver les médications et les médicaments employés encore de nos jours : les collyres, les torchisques, les gargarismes, les cataplasmes, les sinapismes, les onguents, pommades, cérats, etc. Et si nous poussons plus loin les investigations, nous retrouvons les mêmes procédés manipulatoires, l’infusion, la décoction, l’expression, l’évaporation, la fusion, la sublimation et la distillation per descensum ; avec les mêmes ustensiles, mortier, pierre à broyer, tamis, presses, râpes, etc. Ces médicaments et ces modes de préparation furent en usage pendant la période hippocratique et la période empirique de la médecine, périodes pendant lesquelles la polypharmacie prit déjà naissance et se continua à plus forte raison pendant la période alchimique qui leur succéda pour faire place elle-même à la période moderne.

Cette polypharmacie naquit de cette idée des médecins que lorsqu’un malade avait une maladie, un seul médicament devait suffire ; quand il avait deux maladies, il lui fallait deux médicaments ; quand il en avait trois, il lui en fallait trois, ainsi de suite. Cette polypharmacie eut ceci de bon qu’elle fut le point de départ de la recherche des propriétés des médicaments, de leur association, des incompatibilités régnant entre eux, etc. Par cela même l’exercice de la pharmacie devint un art s’appuyant sur les sciences naturelles d’abord, sur les sciences physiques et chimiques ensuite.

Quoi qu’il en soit, avec le temps les médecins cessèrent de préparer chez eux les emplâtres, les potions, etc. D’autre part les pharmacopoles et les pharmacopei commencèrent à attirer le public en exécutant et en vendant des médicaments à l’instar de ceux des médecins. Dès lors les anciens aides employés chez les médecins tentés par l’exemple s’établirent à leur tour et se chargèrent de préparer et d’appliquer les médicaments destinés aux malades, et cela d’après les ordres des médecins eux-mêmes. Par là naquit l’habitude de formuler sur une ordonnance la composition et le mode d’emploi des médicaments.

De ce moment aussi date la séparation des deux arts : la médecine, ou art de prescrire les médicaments, et la pharmacie, ou art de les préparer. Mais les médecins, en confiant l’exécution de leurs prescriptions à des tiers en boutique ou apothicaires (confectionarii), s’assurèrent leur domination et leur surveillance. En effet, nous trouvons dans l’histoire des sciences médicales de Daremberg le règlement le plus anciennement connu concernant l’exercice de la pharmacie au Moyen Âge.

Il est ainsi conçu : « Les droguistes (stationarii) et les apothicaires (confectionarii) sont placés sous la surveillance des médecins qui ne devront jamais faire marché avec eux ni mettre de fonds dans leurs entreprises, ni tenir officine pour leur compte. Ceux qui vendent ou confectionnent les drogues prêtent serment de se conformer au formulaire ou codex. Leur nombre est limité ; il n’y en a que dans certaines villes déterminées ; les prix sont réglés selon que les substances médicamenteuses pourront ou non se conserver pendant un an dans la boutique. Deux inspecteurs impériaux sont particulièrement chargés avec les maîtres de Salerne de veiller à l’exacte préparation des électuaires et des sirops et à l’observation des règlements d’hygiène publique et de police médicale, surtout en ce qui concerne les maladies contagieuses, la vente des poisons, des filtres amoureux et d’autres charmes qui sont promulgués en grande solennité. » L’infraction aux règlements entraînait, pour les pharmaciens, la confiscation de leurs biens, et, pour les complices, la peine de mort.

C’est ce règlement que l’on peut considérer comme ayant servi de base à la réglementation de la pharmacie clans le monde occidental. C’est donc principalement à partir de la fondation de l’école de Salerne, au XIe siècle, que la pharmacie prit de l’essor et fut réglementée chez nous. Cela tient à ce que les médecins juifs, chassés des écoles d’Asie Mineure par les Arabes, se réfugièrent en Espagne et de là en Languedoc. Ils apportèrent avec eux les éléments de leur art médical et pharmaceutique emprunté par eux aux Arabes, lesquels le tenaient eux-mêmes des Grecs Ils introduisirent sans originalité propre dans les écoles qu’ils fondèrent à Lunel, à Narbonne, à Montpellier, à Béziers, les principes de la science orientale.

Un prêtre chrétien du nom d’Aaron, qui vivait au VIIe siècle à Alexandrie d’Égypte, avait traduit auparavant les traités de médecine et les formulaires des Grecs et des Romains tels qu’ils étaient admis et pratiqués à la suite de la chute de ces grands empires, de ces grandes civilisations. Il les avait condensés dans ses pandectes de médecine.

Les Arabes envahisseurs se les étaient assimilés, et, en somme, sans y ajouter beaucoup de faits ni d’idées originales, nous les transmettaient dans leurs livres traduits en diverses langues, arabe, latine, hébraïque, etc., de sorte que lorsque la poussée des médecins juifs et des médecins arabes se fit vers l’Occident, ils vinrent en Espagne et à Salerne. Ils y apportèrent donc inconsciemment, en résumé, les doctrines médicales grecques et latines traduites par Aaron, et là commence la période alchimique idéaliste puis la période alchimique médicale qui eut tant d’influence sur le développement des sciences, puisqu’elle fut le point de départ de la chimie elle-même. On leur doit la composition, dès le IXe siècle, du premier codex connu sous le titre de Grabadin.

Yuhanna ibn Masawaih — connu en Occident sous le nom de Jean Mésué —, fils de pharmacien et chrétien nestorien, médecin attaché au calife Aroun-al-Raschid, au IXe siècle, condensa dans une pharmacopée générale les formules de médicaments en usage à cette époque. Cette synthèse thérapeutique est connue sous le nom d’Antidotaire de Mésué et fut le recueil officiel, pendant tout le Moyen Âge, de toutes les Universités de médecine du monde occidental. Ses nombreuses traductions dans toutes les langues sont parvenues jusqu’à nous.

À Salerne existait au VIIIe siècle, annexée en quelque sorte au couvent des Bénédictins, une école de médecine qui prit une grande extension deux cents ans plus tard sous l’impulsion de Constantin l’Africain (1020-1087), et qui devint la fameuse école de Salerne pour laquelle Jean de Milon écrivit en vers le code de santé arrivé jusqu’à nous. Mais cette doctrine de l’école de Salerne était fondée sur l’empirisme, de sorte que les médecins juifs et arabes, mais juifs surtout, arrivant en Languedoc, n’apportèrent qu’une médecine et par suite une médication empirique et des remèdes employés par l’empirisme perpétués d’âge en âge.

C’est à Paris que le 30 juin 1311 (Histoire générale de Paris, Les Métiers), le roi Philippe IV le Bel rendit une ordonnance, promulguée en 1312, concernant les poids et mesures. « Philippe, par la grâce de Dieu, roy de France, nous faisons assavoir à tous… que nous voulissions oster et faire oster et cesser les grands barats, fraudes et tricheries… Commandons et ordonnons et établissons les articles, commandements et déférences ci-dessous escripts… » Suivent treize articles dans lesquels sont minutieusement relevées les prescriptions enjoignant aux espiciers-apothicaires d’avoir des poids et des mesures pour la vente à « son commun peuple ». Cette première ordonnance fut expliquée par la promulgation d’une ordonnance particulière du prévôt de Paris rendue en février 1322, enjoignant aux espiciers-apothicaires de se servir de poids et de balances.

De plus, elle confiait à la corporation la garde de l’étalon royal des poids de Paris et ses membres portèrent le titre de : « le commun des officiers marchands d’avoir des poids ». Elle les instituait donc vérificateurs des poids et mesures. Ceci fait comprendre la sentence de l’hôtel de ville rendue trois siècles plus tard, en 1629, laquelle place dans les armoiries de la corporation une main tenant une balance avec l’exergue « Lances et pondera servant », placées en tête de cet ouvrage.

 

 


Cette même année 1322, le 30 juillet, Charles le Bel rendit une nouvelle ordonnance concernant la pureté des marchandises d’espiceries, pour mettre son « commun peuple » à l’abri des fraudes sur la qualité. Les gardes de la corporation étaient institués (origine des jurandes) comme gardes des poids et balances non seulement chez leurs confrères, mais chez tous les marchands qui se servaient de balances. Il leur était prescrit de faire des visites chez les commerçants deux ou trois fois l’an, pour s’assurer de leur loyauté. C’était un privilège et une juridiction accordés à la corporation des espiciers-apothicaires, faisant partie des six corps des marchands, preuve d’une confiance dont elle se montra digne.

Quelques années plus tard, le 22 mai 1336, Philippe VI de Valois rendit une nouvelle ordonnance par laquelle les doyens et maîtres de la très salubre Faculté de médecine (saluberrima Facultas medicinæ Parisiensis) devront visiter la qualité des médecines laxatives et opiates, pour savoir qu’elles soient bonnes et fraîches. Les médecins, dominant l’esprit du roi, l’avaient persuadé qu’ils devaient visiter les marchandises des espiciers-apothicaires, en faisant valoir que cette visite serait toujours à l’avantage de son commun peuple. Le roi accorda ce droit de visite domiciliaire aux médecins.

Telle fut l’origine de l’insertion dans les lois du droit de visite que les médecins s’arrogeront jusqu’en 1880. Elle puisait aussi sa raison d’être dans ce fait que le médecin avait existé avant le pharmacien et que, avant la séparation des deux professions, les remèdes étaient préparés par un employé serviteur du médecin ; et aussi sur ce fait que l’art de préparer les remèdes et les notions de matière médicale furent plus tard enseignés à la Faculté de médecine par deux professeurs médecins.

Mais en 1352 et en 1353 le roi Jean le Bon rendit l’ordonnance suivante : « Jehan, par la grâce de Dieu… en faveur de la prospérité et santé de nos subjects… désormais chacun an deux fois sera faite diligente visitation par le maistre du métier d’apothicaire chez tous les apothicaires de la ville de Paris (ultra et dira pontes) et des suburbes… Le maistre du métier sera assisté de deux maistres en médecine nommés par le doyen de la faculté et de deux apothicaires élus par notre prévost de Paris… ». Cette ordonnance était plus explicite que les précédentes. Elle défendait de « bailler aucune médecine venimeuse, périlleuse ou qui puisse faire abortir, simple ou composée, à nulles gens qui soient hors foy chrestienne… » Ces inspecteurs devaient s’assurer que chaque apothicaire possédait l’antidotaire de Nicolas Myreptius corrigé par les martres du métier.

Comme on le remarque, cette ordonnance contenait en germe la législation sur la vente des poisons et aussi l’obligation de se conformer à un recueil tenu à jour. C’était l’origine du Codex et de la Commission permanente du Codex. Ils devaient aussi tenir la main à ce que les prix de vente aux malades ne fussent pas trop exagérés. À cette époque l’autorité royale montrait beaucoup de prévoyance pour le « commun peuple ». Ils devaient aussi veiller à ce que les apothicaires ne s’entendissent pas avec les médecins, pour exploiter les malades. Cette chasse au compérage s’expliquait alors d’autant plus, que les médecins se trouvaient érigés en inspecteurs des pharmaciens. Ils avaient aussi pour mission de s’assurer que personne ne se permît de composer, administrer, conseiller aucune médecine que ce fût, à moins d’avoir fait des études complètes, sous peine d’amende et de réparation civile. On retrouve là l’origine de l’interdiction qui frappe l’exercice illégal de la médecine et de la pharmacie.

Nous assistons donc, dès l’année 1336, par l’ordonnance de Philippe VI de Valois, à la naissance du droit, confirmé en 1352 et 1353 par les ordonnances du roi Jean le Bon accordées aux médecins, de visiter les espiciers-apothicaires, conjointement avec les maîtres du métier d’apothicairerie. Jusqu’à ces époques, ce droit de visite n’avait été exercé exclusivement que par les jurés-gardes de la corporation des espiciers-apothicaires ; ces inspecteurs primitifs s’étaient acquittés de leurs fonctions avec négligence ou mollesse. C’est pourquoi les médecins avaient pu obtenir facilement de l’autorité royale leur immixtion dans les jurys de visite.

Ces ordonnances et ces arrêts portaient des sanctions pénales contre ceux qui les enfreignaient. Mais ces sanctions et ces surveillances tombaient peu à peu en désuétude, ainsi qu’on le remarque dans toutes les affaires humaines. Il n’est donc pas étonnant de voir de temps à autre de nouvelles ordonnances refondre les ordonnances anciennes, les corriger, les rendre plus précises clans leurs multiples applications. C’est ce qui arriva en août 1484, pendant la minorité de Charles VIII, époque à laquelle fut rendue la grande ordonnance royale qui fondit et reprit toutes les ordonnances antérieures dans un seul et même monument organique sur la vente des remèdes, et dont les principales dispositions se retrouvent à travers les âges jusqu’à nos jours.


 


C’est, en résumé, le véritable premier code des pharmaciens. Elle fut enregistrée le 5 mai 1520 et stipule, entre autres choses nouvelles, que ceux qui se destinent à entrer dans le dit métier d’espicier-apothicaire devront faire un apprentissage de quatre années révolues (c’était la première prescription du stage en pharmacie), après lesquelles ils seront examinés et feront un chef-d’œuvre. Elle stipule le mode et les frais de réception, leur répartition entre le roi, la confrérie, pour dire des messes, et les examinateurs. Elle réglemente les droits et les obligations imposées aux veuves des maîtres-apothicaires ; elle défend à l’espicier de faire acte d’apothicairerie quand bien même il aurait un serviteur apothicaire, s’il n’est lui-même reçu apothicaire ; comme on le voit, c’était la distinction déjà sanctionnée à cette époque entre l’épicier apothicaire et l’épicier non apothicaire, et en même temps l’interdiction de se servir de prête-nom. Elle réglemente d’une façon formelle, les visitations concernant la qualité des drogues, qui doivent être faites deux ou trois fois l’an à l’improviste dans les magasins ou laboratoires (ouvrouers) des espiciers-apothicaires par les maîtres jurés assistés d’un commissaire du Châtelet ou sergent à verge.

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