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Moulins et meuniers sous l’Ancien Régime

Socles du machinisme médiéval et moderne, les moulins à eau supposent l’équipement des rivières et orientent le fonctionnement de toute une société par l’action conjointe de la propriété foncière et de l’investissement. La croissance économique du Moyen Âge a fortement contribué au développement et à la consolidation des installions meunières. Longtemps léger et déposé au fil de l’eau, le moulin est devenu un équipement maçonné pour lequel on modifie l’hydrographie. Le métal et notamment l’acier contribue à en renforcer les structures et à accroître les rendements. Dès le XIIe siècle , ses mécanismes internes sont suffisamment puissants et maîtrisés pour provoquer des changements environnementaux considérables.
Sous l’Ancien Régime, les moulins sont majoritairement des biens seigneuriaux, les maîtres de la terre sont les maîtres de l’eau. Les seigneurs de différents rangs, qu’ils s’agisse de seigneurs locaux, de membres de la haute aristocratie, de religieux ou du roi représente un nombre important de bailleurs. Gens de robe, officiers de finances, bourgeois et marchands aisés se partagent le reste. Rares sont les meuniers propriétaires de leurs moulins.
Si le moulin banal est expressément défini en tant qu bien seigneurial, la coutume reconnaît à tout propriétaire , ou occupant fondé en titre, la faculté d’en érigé un. Cela signifie que les moulins à vocation commerciale, quelque soit la nature des moulins, peuvent être possédés par tout type d’acteur. Le commentaires et la jurisprudence ultérieurs le confirment par la suite. La banalité pèse en réalité sur l’obligation pour les habitants d’utiliser le moulin banal tout en laissant le seigneur de disposer librement de l’eau s’écoulant sur son fief.
Les baux
Les meuniers doivent produire la farine requise pour le pain nécessaire aux habitants de la seigneurie, dans le cas d’un moulin banal, ou aux habitants des villes voisines. Les baux à ferme , grâce auxquels ils ont le droit d’exploiter la force de l’eau, les contraignent à maintenir un niveau minimal d’activité afin d’honorer leur loyer. Qu’il s’agissent d’un moulin banal ou urbain, les meuniers perçoivent une rémunération fixe par setier moulu. La quantité de blé moulue conditionne le revenu du meunier. Même lorsqu’il occupe un moulin banal et qu’il jouit à ce titre d’un monopole, il doit s’assurer du bon fonctionnement de son moulin afin non seulement de payer sa ferme mais aussi de gagner sa vie. Les meuniers doivent verser une partie substantielle de leurs revenus à leur bailleur s’ils veulent rester en place. Une quantité de travail est nécessairement requise pour honorer les terme du fermage. Le moindre problème peut mettre le meunier dans l’embarras. Les chômages répétés dus au gel, aux crues trop fortes, à la sécheresse ou au bris du moulin les fragilisent directement et les obligent parfois à renoncer à leur bail.
Les bailleurs possèdent la machine mais n’investissent pas dedans. Au fil du temps, les bailleurs ont durci les conditions en imposant d’abord aux meuniers des menues réparations, ou « réparations locatives », puis, de plus en plus, de « grosses réparations » concernant le bâti et les éléments mécaniques de grande taille.
Les bailleurs confient un moulin qui représentent un certain capital. Ils considèrent qu’au terme du bail, le meunier doit rendre l’équipement dans l’état dans lequel il lui a été confié. La charge d’entretien représente la quantité de travail et d’investissement demandés aux meuniers pour qu’ils assurent la stabilité de l’appareil de production. La valeur de l’outillage est estimée par un écrit.
Les baux – contrats de location – articulent les rapports entre acteurs et définissent les conditions d’une relation économique entre au moins deux parties en vue de l’exploitation ou de l’utilisation d’un bien. Ils identifient les parties, déterminent les obligations réciproquent et la valeur de l’échange. En pratique, chaque bail explicite les conditions sur lesquels un bailleur, détenteur du capital, confie à un preneur, apportant ses compétences et son travail, l’exploitation d’un moulin. Il existe deux modes de faire-valoir : le métayage, bail à part de fruit, et la ferme, dans laquelle le fermier s’engage à verser un loyer annuel fixe au seigneur ou propriétaire. La ferme pour les moulins représente la valeur minimale attendue de production d’une exploitation au cours d’un intervalle de temps. Dans les baux, les loyers sont exprimés en nature, soit en argent (« livres tournois »). Étant donné que les valeurs de la livre tournois et du froment ont fortement évolué, une part notable des baux est exprimé en nature.La valeur des loyers est fonction de la qualité des bailleurs, la situation géographique des moulins, la catégorie du moulin et le gabarit du cours d’eau. Les baux stipulent aussi que les meuniers doivent entretenir les tournants et travaillants ; ce la signifie que le valeur du moulin doit être identique au début et à la fin. Si elle diminue, les meuniers doivent dédommager le bailleur. A l’inverse, en cas d’amélioration, ils peuvent être indemnisés. De même, les baux de moulin font porter la charge de l’investissement sur les meuniers. Lorsque le moulin reste à construire, le bailleur accorde des baux très faibles pour faciliter l’investissement. Lorsque le moulin est installé, le meunier a en charge l’entretien de l’outil de production.Il doit sécuriser le fonctionnement de l’outil. Les loyers étant fermes, il subit une pression très forte pour parvenir à honorer ses termes. Celle-ci contribue à expliquer l’évolution des prix. En pesant sur les meuniers, la rente bloque tout changement technique et condamne les rendement à plafonner. Les seigneurs et propriétaires fonciers dégagent en effet un revenu fixe sans prendre le moindre risque, mais le meunier est un acteur trop faible pour se lancer dans des changements techniques incertains
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Trois exemples de baux
Bail de fermage d’un moulin en 1646 en Charente
Aujourdhuy trantejesme de May mil six centz quarante six avant midy pardevant moy notaire royal gardenotte heredittaire en Angoulmoys soubz signé presants par tesmoingtz batz nommés, a esté presant en sa personne et deuhemant soubzmictz hault et puissant Messire Jozias Chesnel chevallier seigneur de Réaux, Chasteau Chesnel, Escoyeux en partyes et aultres places demourant en sondict Chasteau Chesnel parroisse de Cherves lequel de sa bonne vollonté a affermé et afferme a promis garantir et faire jouir pour le tempz et espace de quatre année et quatre cuillettes consecutives l’une suivant l’autre sans intervalle de tempz, commancant au jour et feste de Sainct Jehan Baptiste prochaine venant et finissant à semblable et pareil jour icelles dictes quatre année faicte finie revollue et passée, à Pierre Besson mousnier demourant aux moullins de Chazottes paroisse de Mesnac, presant, stipullant et acceptant
scavoir est lesdictz moullins de Chazottes avecq leurs appartenances, circonstances et despendances, toict et bastimantz deau,
plus dellaisse ledict seigneur ung journault et demy de pré à prandre en le pré dudict moullin et du costé desdicts moullins
item ung pré appellé le Pré des asnes et lislon et la vergnée du pavillon
plus le jardrin du vivier
item le jardrin de la font que ledict preneur sera tenu de faire à moictyé et fournir des semances telles quil conviendra pour ensemancer ledict jardrin fors la dernière année que ledict preneur prandra ses semances pour ce ledict preneur prandra et couppera des rousches dans la vergnée dudict seigneur pour l’entretien du bestail dudict moullin
dellaisse ledict seigneur deux batteaux aud preneur pour le service desdictz moullins et paische que pourra faire faire ledict seigneur que led preneur sera tenu y ayder, et pour l’ouvrage quil conviendra ausdictz moullins ledict seigneur fournira des boys que ledict preneur sera tenu faire tirer et faire mectre ausdictz moullins à ses despans
et au regard des boys quil conviendra pour le chauffage dudict preneur le prandra sur la chaussée desdictz moullins ou led seigneur luy monstrera et silz couppe quelques arbres mortz ou il ny aura hommage sera tenu led preneur en planter d’aultre en la place,
et aussy dellaisse ledict seigneur audict preneur quatre marteaux pour le service du moullin noir et ung pour le moullin blancq, une pinse, une serre , ung mail, ung rasteau, le tout en fert que ledict preneur sera tenu de delaisser à la fain des presantes en bon estat
sera tenu ledict Besson de entretenir les rix de faucherye, fermer les berches des chaussées bien et convenablement entiendra les bastimantz et couverture de la main de l’ouvrier seullement, entretiendra ledict preneur lesdictz moullins de la basse mousnerye seullemant, et pour les aultres reparations quil conviendra faire ausdictz moullins sera tenu led seigneur de les faire faire à ses despans, en par ledict preneur nourrissant les houvriers faizant ladicte besougne,
sera tenu ledict Besson d’entretenir les fertz et torillons a ses despans et s’il convient luy avoir des neufz ledict seigneur sera tenu en fournir,
sera tenu ledict preneur de fournir des arsure pour ses pesches, et pour les enguilles et fourne quy se prandront ausdictz moullins, ledict seigneur en aura le nombre de demy cent et la moictyé du reste
la présante ferme faicte pour et moyennant le prix et somme de trois centz cinquante livres tournoys par chascune année pendant lesdictes présantes paiable par chascune année et par quartier dont le premier payemant se fera au jour et feste de Sainct Michel prochainemenant venant et se continuera d’année en année, de quartier en quartier jusques à la fain des presantes que ledict Besson sera tenu bailler et payer audict seigneur en sondict Chasteau Chesnel,
plus six chapons par chascun an au jour et feste de Sainct Micdhel et pour les oyes et canes que aura et gardera led preneur ausdictz moullins seront partagés par moictyé
sera tenu ledict preneur de garder quatre pourceaux par chascune année pendant lesd presantes lesquelz ilz pourra aglander aux mestairyes et boys dudict seigneur et desquelz quatre pourceaux ledict seigneur en prandra ung lequel il luy plaira que led preneur luy randra en sond Chasteau Chesnel pour chascune desdictes quatre années
sera tenu ledict preneur d’aller querir les grains dud seigneur en sondict Chasteau Chesnel et les faire mouldre sans aulcune esmoudure et randre lad farine en sond Chasteau Chesnel pandant le presant bail et ce pour l’entretien de sa maison,
et sy ledict preneur nourristz des brebis seront par moytié en fournissant par chascune desdictes partyes par moictyé
tout ce que dessus lesdictes partyes l’ont ainsy voullu, consanty et accordé et a l’entretenemant oblige et ypothèquent respectivemant l’ung à l’autre tous et chascuns leurs biens presantz et futurs,
et oultre led Besson pour le payemant de ladicte somme de trois cent cinquante livres tournoys au susdict terme sa personne a.. prison clauze comme pour … royaulx,
renoncant sur ce à touttes choses a ses presantes contraire dont de leur consantemant et vollontés ilz en ont estez jugez et condempnés par led notaire par le jugemant et condempnation de la cour dudict scel a la jurisdiction duquel ilz se sont soubmictz et tous leursdictz biens suz obligez quand ad..
faict et passé audict Chasteau Chesnel l’an et jour susdictz en presance de Simon Besson clerc demourant au village de la Garnerye et de Jehan Lausque maistre tailleur dabictz demourant au bourg de Cherves parroisse de Cherves tesmoingtz requis et ont declairé ne scavoir signer,
ainsy signé en la minutte des presantes Jozias Chesnel, P. Besson, S. Besson et E. Gabelloteau notaire royal hereditaire
Le vingt deusiesme jour de may mil six centz quarante sept apprès midy pardevant ledict notaire et tesmoingtz baz nommés a esté presant en sa personne ledict seigneur de Chasteau Chesnel desnommé sy dessus et des aultres partz transcript lequel de sa bonne vollonté a ceddé et transporté avecq promesse de garantye et faire valloir a hault et puissant Messire Charles Chesnel seigneur de Réaux, Chasteau Chesnel, Mesnac, Chazottes et aultres places demourant en sondict Chasteu Chesnel parroisse de Cherves presant, stipullant et acceptant,
scavoir est la somme de huict vingtz quinze livres tournoys pour les quartiers d’apvril et celluy qui espira à la Sainct Jehan Baptiste,
plus la somme de trois centz cinquante livres tournois, par chascun an et par quartier conformemant audict presant contract et pandant les presantes deuhe aud seigneur de Chasteau Chesnel par Pierre Besson susnommé aussy audict presant contract,
laquelle somme de huict vingtz quinze livres dune part et trois centz cinquante livres daultre pourra ledict seigneur de Réaux s’en faire payer pae ledict Besson comme feroit ou faire pourroit ledict seigneur de Chasteau Chesnel cessant ses presantes le subrogant pour cet effaict en son lieu, droict et plasse de laquelle dicte somme de huict vingtz quinze livre dune part avoir centz cinquante livres daultre pandant chascune année durant le presant bailh ledict seigneur de Reaux en tiendra compte audict seigneur de Chasteau Chesnel sur led prix de la ferme des terres et seigneuryes dud Chasteau Chesnel, et a l’entretien de tout ce que dessus oblige et ypothèque tous et chascuns leurs biens presantz et futurs, renoncant &c. juge &c. condempne &c. soubzmectz &c. faict et passé audict Chasteau Chesnel l’an et jour susdictz ez presance de Pierre Ahuille et Estienne Gazeau … au service desdictz seigneurs parroisse dudict Cherves, tesmoingtz et ont lesd tesmoingtz declairé ne scavoir signer, ainsy signé en la minutte des presantes, Charles Chesnel, Jozias Chesnel et E. Gabelotteau notaire royal heredittaire.
Bail de fermage de 1708 dans la Nièvre
L’an mil sept cent huict le quatorziesme jour du mois de novembre à Colmery appres midy au bureau et pardevant le nottaire soubzsigné fut presente haulte et puissante dame madame Françoise Marie de Clere relicte de deffunct hault et puissant seigneur messire Armand François de Menou vivant chev[alier] seig[neu]r marquis de Charnizay et de Menou, Colmery Obterre, St Michel, (Boneuille), Prunet le Gillon, Colmery et autres lieux demeurant en son chasteau dudict Menou, laquelle a accensé et admodié pour le temps, terme et espace de six années et six debleures consecutifves et suivantes l’une l’autre sans interval de temps à commancer au jour et feste de St Jean Baptiste prochain et à finir à tel et semblable jour lesdittes six années expirées, finyes et revoluës promet garentir et faire jouir à François Salé mousnier demeurant aux moulins Poinson parroisse dudict Colmery present, stipulant et acceptant ledict bail pour ledict temps.
C’est asscavoir lesdicts moulins Poinson dependants de la seigneurye dudict Colmery se consistant en deux rouës avec le bastiment,deux chambres à chaufoir, grange, escuries et estables, jardin, cheneviere , aisances, apartenances et dependances, avec le cours d’eauë, plus les terres et préz dependants desdicts moulins pour jouir du tout par ledict preneur suivant qu’il a cy devant fait avec deffunt François Salé son pere et qu’il faict encore de present sans en rien reserver ni retenir sauf ce qui sera cy apres declaré et en bon pere de famille sans rien deteriorer demolir ny degrader ; et à la charge q[u’i]l sera tenu aux menues reparations desdicts moulins comme d’entretenir les fers et lignes d’iceux, les rouets d’aluchon, curer, netoyer et depierrer soulz les rouës en sorte que les terres et pierres ne les puissent rompre et endommager en tournant et autres petites reparations où il n’y poura avoir que deux ou trois journées d’homme à y employer ; boucher et esserter les préz bien et deuëm[en]t et faire en sorte que les eauës ne les puissent innonder et endommager l’herbe par sa faulte ; et de labourer et cultiver les terres dependantes desdicts moulins bien et deuëment ; sera encore tenu ledict preneur de lever les pelles du dechargeoir dans les grandes eauës en sorte que par la grande affluence d’icelles elles ne puissent rompre et endommager la chaussée de l’estang .
Ce bail ainsy faict moyenant que ledict preneur a promis et s’est par ces presentes par corps et biens obligé payer et delivrer à laditte dame par chacune semaine et de lundy à autre sur ses greniers dudict Colmery la quantité de huict bo[isseaux] mouture et un boisseau fromant mesure dudict Colmery grains tels qu’il les gaignent auxdicts moulins dont le premier terme et payem[en]t commencera au lundy deuxiesme juillet prochain et de là à continuer de lundy en lundy jusques en fin dudict bail et encore payer et delivrer chacun an à chacun jour de St Martin d’hiver durant le present bail six chapons et six poulets et encore deux bo[isseaux] froment pour le gasteau des Roys dont le premier terme et payem[en]t desd[its] chapons et poulets commancera audict jour de St Martin d’hiver prochain et lesdicts deux bo[isseaux] froment pour le gasteau des Roys aud[it] jour des Roys prochain et dilec à continuer d’an en an jusques en fin dudict bail ; ladicte dame s’est reservé la moitié des foings de la queuë de l’estang dudict Poinson, lesquels se partageront annuellem[en]t avant la fauchaison; et pour les revivres ils apartiendront entierem[en]t audict preneur ; lequel sera encore tenu de servir les moulants et habitans de la parroisse dudict Colmery bien et deuëm[en]t et d’aller querir et (ramener) leurs fournées en sorte qu’ils n’ayent aucun subjet de plainte et que le bon traittem[en]t qui leur sera faict les obligent d’aller moudre auxd[its] moulins ; de laisser en fin du present bail les graisses, fumiers et fourages qui se trouveront dans lesd[its] moulins sans qu’il en puisse vendre ny divertir aillieurs et de laisser les cables qui servent à lever et coucher les meulles à la fin dudict bail ; et ne poura ledict preneur pretendre aucune diminution pour le temps des pesches dudict estang sinon au cas que chacune pesche dura plus d’une semaine ledict … sera diminué sur le prix et sur le pied du present bail ; poura laditte dame donner deux vaches à tiltre de cheptel audict preneur quand bon luy semblera et au cas qu’elle n’en voulusse point mettre il sera loisible audict preneur d’en nourir pour luy ; baillera encore ledict preneur annuellem[en]t à laditte dame quatre aulnes de thoille plein et estoupes et delivrera une expedition du present bail en forme executoire et à ses fraix dans quinzaine ; et au cas que laditte dame luy donne deux vaches à tiltre de cheptel led[it] preneur sera tenu de luy donner annuellem[en]tdeux livres de boeure par chacune vache mere ; ledict preneur sera encore tenu de moudre annuellem[en]t franc moulus trente bo[isseaux] de grain pour laditte dame dans le temps qu’elle le souhaittera hors dans le temps de la secheresse et que les eauës soient courtes ; et pour satisfaire à l’edit du controlle seulem[en]t les parties ont declaré que le revenu desdicts moulins peult valloir annuellem[en]t la somme de deux cent cinquante livres et sans que cette close puisse prejudicier aux autres closes cy dessus et sans prejudice de la jouissance que ledict Salé a faict depuis l’expedition du bail desd[its] moulins à luy faict et à sond[it] deffunct pere pardevant le n[otai]re soubz[sig]né le septiesme novembre mil six cent quatre vingt dix neuf et qu’il fera par reconduction dud[it] bail jusques au jour de St Jean Baptiste prochain q[u’i]l sera tenu … … sur le pied dud[it] bail par chacune semaine … q[u’i]l sera debvoir de reste de toute jouissance auparavant laditte expiration dont les parties entreront en compte incessam[men]t ; à tout ce que dessus elles se sont respective[men]t obligées à peine de tous despens dommages et interests. Car ainsy &c promettant &c obligeant &c ren[onçant] &c faict en presence de maistre Pierre Jalquin prat[icien], m[aîtr]e Touchard Aignan Voullereau procureur fiscal … et Pelerin Simon marchand dem[euran]ts audict Colmery tesmoings ; lesdicts Salé et Simon ont declaré ne scavoir signer de ce faire interpelléz:
Clere m[arqui]se de Charnisays – T.A. Voullereau – L. Voullereau – Jalquin
Controllé à Donzy le dix sept no[vem]bre 1708. R[eçu] : 38 s[ols] 6 d[eniers]
Bail de fermage en 1692 dans les Ardennes
1692 (29 décembre)
Pardevant moy notaire en la residence de Neufville
Lez this et des tesmoins cy apres nommez et soubsignez
Furent present en leurs personnes les venerables
Religieux prieure et couvent de labbaye Notre Dame
De Septfontaine Frere Pierre Gerard prieure, frère
Pierre Lescuyer soubprieur, frère Pierre Vuaucher, frère
Nicolas Boucher et frère Francois Cochepin, lesquels
Ont esdits , recogneut avoire baillé a titre de
Louages et prix dargent pour le temps terme et espace
De six années continuelles et ensuivantes lune lautre
Qui commenceront aux premier jour de janvier mil
Six cent nonante quatre, et finiront apareil
Temps et saison les dites années finies et revolues
A Jean Saintgery meunier demeurant a Sury present
Preneur audit tiltres et ce acceptant le moulin à eaux
De Fagnon, usine moulin et meulages dicelluy scis et
Scituez sur le ban et terroire dudit lieu et cour du
Rus dicelluy, consistant en bastiment escurie et
Logement dudit meunier, ainsy quil se contient, et
Comporte sans aucunnes choses reserve dudit moulin
Ny de ses dependences par ledit sieur bailleur
Pour en jouire par ledit preneur audit tiltres durant
Ledit temps, ce present bail fait moyennant
Et a la charge que ledit preneur a promis et
Sera tenu rendre et payer par chacunnes desdites
Six années ausdits sieurs bailleurs denomme ou
Au porteur la somme de cens quatre
Vingt douze livres tournois, payables de quartier
En quartier, dont le premier quartier et
Payement sera et eschera au dernier jour
De mars de ladite année mil six cent nonante quatre
Et ainsy continuer jusqua fin dudit bail, tenu en
Outre ledit preneur des menues reparations locatifve
Necessaires afaire ausdit bastiment durant ledit
Temps, mesmes des grosses et menues refections
Afaire ausdit résine, en fournissant neantmoins
Les bois necessaires pour icelles par lesdits sieurs
Bailleurs, a la charge aussy par luy preneur
De prendre lesdits bois sur le pied dans le bois
Du mellier, et fin du dudit bail rendre le tout en
Bon estat, en outre tenus ledit preneur de
Donner et payer pour le dechet de chacun poulie
De meule dudit moulin trois livres tournois avecq
Trois paire de chappon vifs en plume bon
Et suffisant par chacunnes année au jour et
Feste Saint Martin d’hiver de chacunnes dicelles
Mesme de donner coppie des presentes en bonne forme
Audits sieurs bailleurs sans pour ce ny pour les
Clauses nen pretendre diminution ou expension du
Present bail, ne pourra ledit preneur retrocedder
Ledit bail ny parties dicelluy sans le consentement
Expresse par escrit desdits sieurs bailleurs apeine de
Privation, et de cent livres de domage et interest
Et ou estoient et sont intervenus Gilbert Saintgery
Meusnier du moulin de Vuarcq y demeurant et Jean Felot
Mareschal demeurant a Charleville present en
Personne qui sont par ces mesme presentes
Rendu pleg et caution, et se sont obligez
Solidairement lun pour lautre avecq ledit preneur
Et lun deux seul pour le tout sans divison ny
Discussion renoncant aux benefices d’iceulx de
Tenire entretenire payer et satisfaire aux clauses
Et conditions dudit present bail et par ces
Mesmes presentes lesdits sieurs bailleurs auxdits noms
Ont promis et seront tenus bailler par chacunnes
Desdites années audit preneur une corde de bois
Et un cens de fagot quiceluy preneur a promis
Et sera tenu prendre dans lesdits bois du mellier
Car ainsy se promettant lesdites parties scavoire
Faire jouire ledit preneur et ledit preneur
Ses plegs et caution solidairement comme dit
Est sans divisions ny discussion obligeant tous
Et chacuns leurs biens quelconques present
Et avenire payer et satisfaire a ce que dessus
Et temps y portes sans y defaillire sur
Peine etc obligeant etc renonceant etc
Ce fut fait et passez en mon hostel soubsigne
Present Poncelet Jacquet laboureur et Francois
Lepage aussy laboureur demeurant audit Septfontaine
Tesmoins quy ont avecq lesdites parties signez le
Vingt neufviesme jour de decembre mil six
Cent nonante deux lecture faite
notaire soubsigné
Le métier
Les rivières demandent un travail considérable, si bien que les meuniers qui utilisent les rivières sont responsables de leur entretien. Pour que le cours de l’eau soit régulier, prévisible et contrôlable dans une certaine mesure, leur travail débute en amont de la grande roue.
Le moulin se meut par le flux de l’eau constant et régulier et par son énergie. Tout au long de son parcours l’eau se charge de sédiments conduisant progressivement au comblement des lits des rivières ou à l’érosion des rives. A cela s’ajoute la propagation des algues et des herbes de la ripisylve. Laisser les rivières à leur libre cours reviendrait à renoncer à leur capacité motrice, d’où la nécessité d’un curage à la charge des meuniers. L’obligation de curage concerne toutes les catégories de moulin que ce soit pour les rivières ou les rus. Par ailleurs, ce curage permet aussi au bailleur de récupérer un matériau de construction dont il peur disposer librement pour la vente ou ses propres chantiers.
Si la mouture, l’entretien de la machine et du flux d’eau constituent le cœur du métier de meunier, ils sont aussi intéressés par les terres attenantes et leurs dépendances. La taille des domaines étant variable peut donner une véritable exploitation. Les terres arables et pâturables constituent une rente non négligeable de l’économie meunière. Elle se traduit dans les baux par les redevances exigées par les bailleurs. En effet, dans les baux, il est prévu le paiement en farine de froment ou autres céréales. De même les meuniers, suivant l’importance du domaine, peuvent se trouver à la t^te d’une ferme et d’une basse-cour dont les productions n’échappent pas aux bailleurs (volailles, moutons, bovins, fromages, beurre etc…). Les meuniers peuvent être aussi agriculteurs, éleveurs ou arboriculteurs leur fournissant de substantiels revenus.
L’entretien des rives des rivières participe aussi à une économie complémentaire avec les arbres des lieux humides tels le saule et l’aulne. Outre qu’ils fournissent un bon bois de chauffage ou d’œuvre, ils ont des vertus médicinales particulièrement recherchées et stabilisent les rives.
L’association entre le moulin et la pêche est reconnue, les moulins favorisent le peuplement piscicole. Les équipements hydrauliques font remonter le niveau de l’eau et favorise l’oxygénation de l’eau. Cette association est d’autant plus nécessaire que, les jours maigres où la consommation de viande est interdite, les poissons d’eau douce sont nécessaires à l’équilibre alimentaire de la population. Cette activité de pêche transparaît à travers les versements en nature notifiés dans les baux exigés par les bailleurs.
Le moulin
En France , la majeure partie des moulins à eau sont à roue verticale, toutefois dans le Sud, des moulins à roue horizontale sont répertoriés, utilisés pour des topographies et des régimes hydrographiques spécifiques. Une roue, dont les aubes sont immergées dans l’eau, capte l’énergie hydraulique et actionne un arbre horizontal qui, à son tour, fait tourner un arbre vertical, couramment appelé le fer en raison de sa composition, auquel la meule courante est rattachée. La transmission de la force d’un arbre à l’autre se fait grâce à l’engrenage du rouet et de la lanterne. Les alluchons du rouet poussent ainsi successivement les fuseaux de la lanterne qui entraîne le fer et la meule courante à sa suite. Celle-ci écrase le blé en tournant sur la meule gisante (ou dormante). Les meules sont des pièces massives en calcaire, en grès ou granit, suivant les lieux d’implantation des moulins. Elles peuvent être formées d’un assemblage de trois ou quatre pierres taillées, dans ce cas, elles sont cerclées de fer. Le réagencement régulier (rhabillage) des pièces fait partie du travail d’entretien régulier du meunier. Une meule mal repiquée peut provoquer l’incendie et la perte du moulin. Les éléments les plus fragiles sont ceux grâce auxquels la force se transmet d’une pièce à une autre : le rouet, la lanterne et le fer.

Schéma de fonctionnement d’un moulin

Descriptif d’un moulin
Sociologie
Sous l’Ancien Régime, le sociologie des métiers est liée à la famille et aux pratiques patrimoniales. Les pratiques sociales des meuniers sont conformes à la coutume.
L’économie meunière et les rivières sont en réalité entre les mains de réseaux familiaux et professionnels qui sont bien structurés et qui favorisent la stabilité des acteurs. La stabilité meunière, objectif recherché, ne se mesure pas uniquement à l’aune de la reconduction des baux. La compétence spécifique des meuniers et leur savoir-faire expliquent en partie cette stabilité. La pratique dominante consiste à pérenniser les meuniers donnant satisfaction. Les pratiques matrimoniales contribuent au développement de réseau de solidarité, tout à la fois sécurisant et contraignant. Les solidarités familiales jouent aussi un rôle déterminant.
Les meuniers qui mettent en œuvre des stratégies familiales élaborées pour rester en place. Les femmes jouent un rôle fondamental dans ce processus. Le bail d’un moulin est confié à deux reprises successives à la veuve « d’un vivant marchand meunier y demeurant ». Sa viduité est rappelée et c’est en cette qualité qu’elle peut prendre le bail. Ce n’est toutefois pas une meunière isolée car elle est soutenue par un « fermier des moulins » et cautionnée par un procureur. De plus, elle est maintenue en veuvage par ses beaux-frères qui ont développé une stratégie très poussée de contrôle pour résister aux convoitises légitimes que la veuve devait susciter.
Le rôle des femmes est entièrement reconnu par la coutume et les contrats de location. Systématiquement solidaires du bail de leur époux, les épouses apportent la garantie de leur famille dans le cadre du contrat. Cette disposition qui sécurise le bailleur, fait des veuves des leviers d’ascension sociale et des supports de mobilité car elles deviennent de fait titulaires du bail au décès de leur mari. Épouser une veuve titulaire d’un bail permet d’entrer dans la jouissance d’un moulin et de s’y installer, voire de le transmettre à ses propres enfants.
Bien que la communauté des meuniers apparaisse comme un monde stable, où les familles restent en place le long des rivières sur des intervalles de temps très longs, certains meuniers, attachés au moulin que le temps d’un bail, peuvent chercher d’autres opportunités et profiter des possibilités qui s’offrent à eux lorsqu’un terme approche. Les moulins à vent fonctionnant sur les mêmes principes que ceux à eau, supposent des compétences mécaniques similaires. La promotion semble évidente lorsqu’il s’agit de quitter un moulin à vent, mais ils peuvent également délaisser un moulin à eau pour un autre du même type.
Au fil des siècles, le travail des meuniers a façonné et transformé les ruisseaux et rivières mais la croissance économique, aussi bien artisanale et manufacturière qu’agricole ou viticole, et l’émergence et l’affirmation de nouveaux acteurs n’ont cessé de bousculer et redéfinir leur métier.

Un vieux moulin
Sources : Une histoire au fil de l’eau – Raphaêl Moreira