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Sur les Ambulants-Poste en France

Les ambulants postaux, apparus au 19e siècle, désignent à la fois les agents de la Poste, qui traitent le courrier sur les wagons ferroviaires, et les services sur lesquels ils travaillent. Ils ont progressivement constitué un des piliers essentiels de l’acheminement du courrier, dans le cadre du service public national de la Poste, qu’ils ont contribué à développer en le démocratisant.
Les Wagons-Poste et le service ambulant en 1899
L’accumulation des lettres a été telle à la fin de décembre dernier (1898) que les services postaux ont été retardés. La cause de ce retard, dont nous avons pâti, provient de l’insuffisance des transports. Tout le monde connaît ces lourds wagons postaux dont on annonce la transformation prochaine et qui véhiculent d’un bout de la France à l’autre tout ce que la Poste reçoit dans ses bureaux. Peu de personnes cependant connaissent l’organisation du service postal ambulant. Les renseignements que l’on s’est procurés, joints à ceux que l’on a puisés dans le traité de législation et d’exploitation postales de M. P. Jacottey, permettent de décrire la formidable besogne que les agents de ce service exécutent chaque jour.
C’est en 1845 qu’un postier alsacien François Donat Blumstein réussi à faire accepter à l’administration des Postes l’idée de mettre à profit la durée du trajet pour faire procéder, en cours de route, au tri manuel des correspondances, par des postiers, dans un wagon spécialement aménagé. Les ambulants postaux sont nés en France. En Angleterre, Belgique ou Allemagne, ils existent depuis quelques années déjà.
Le service ambulant est chargé du transport et du tri des correspondances sur les chemins de fer. Les premiers bureaux ambulants, simples fourgons à bagages, circulèrent à titre d’essai, sur la ligne de Paris à Rouen, en 1844. En 1845, on crée deux bureaux ambulants. La première voiture postale de 1845 s’appelait « service des dépêches », elle ressemblait aux diligences de l’époque, avec les mêmes couleurs rouge et ocre jaune. En 1846, plusieurs autres lignes postales sont ouvertes : Paris-Valenciennes, Paris-Tours et Strasbourg-Mulhouse. En 1846, le service s’étend aux lignes Paris-Tours, Paris-Valenciennes et Strasbourg-Mulhouse. A cette époque, le réseau des voies ferrées françaises était peu développé ; cependant, en 1854, les lignes étaient assez nombreuses pour nécessiter la division du service ambulant en neuf directions qui correspondent à peu près au réseau de chacune de nos grandes Compagnies de Chemins de fer. Le service ambulant sera mis en place sur l’ensemble des neufs lignes du réseau ferré en 1854 en utilisant 59 wagons et 500 employés.
Les lignes principales de bureaux ambulants se subdivisent en sections. Dans chaque section, le service est assuré par un ou plusieurs bureaux ambulants, composés de cinq ou six personnes et quelquefois plus, groupées en brigades. Au besoin, on adjoint des agents du service sédentaire.
La longueur des séances de travail et les conditions dans lesquelles il s’effectue rendent très pénible le service des agents ambulants. Ainsi que le personnel des trains, les agents ambulants sont exposés aux brusques changements de température ; la trépidation, le surmenage exercent chez eux de grands ravages. Les wagons sont alors très rudimentaires, sans fenêtre et mal éclairés par des lampes à huile de colza et non chauffés par crainte d’incendie (en 1848, le chauffage des premiers wagons provenait d’un calorifère).
La durée du travail n’est pas limitée par celle de la marche du train auquel est attelé le wagon-poste. Les postiers ambulants du service de nuit qui partent de Paris commencent leur travail cinq heures avant le départ du train. Ils sont aidés par les agents sédentaires, mais, une fois en route, ils sont livrés à leurs seules ressources. Tant pis si le chargement eut plus considérable qu’à l’ordinaire ! Au premier arrêt les dépêches de la région desservie par cette station doivent être livrées. Le chef de brigade a pour sa part une besogne qui lui laisse peu de loisirs. C’est lui ou, à son défaut, le commis principal qui s’occupe du classement et des multiples écritures que nécessitent les plis chargés ou recommandés. Dans un seul voyage, l’agent chargé de ce travail manipule quelquefois plus de mille plis. Quelle responsabilité et quelle attention pour éviter les erreurs ! Pendant que tous ces braves gens se démènent dans l’étroit espace qui leur est attribué, leurs compagnons de voyage reposent béatement sur les moelleux coussins de leur compartiment.
Si les agents ambulants n’avaient qu’à s’occuper de trier et classer la correspondance, préparer les dépêches, leur besogne serait aisée, mais souvent ils sont amenés à des recherches longues pour diriger utilement des lettres dont la suscription est insuffisante. Ces recherches sont effectuées à l’aide des éléments : Bottin, indicateurs, listes d’abonnés que possède le bureau ambulant. Pour les petits parcours, on n’emploie pas le wagon-poste. Un compartiment de seconde classe est réservé à l’agent ou aux deux aguets chargés de ce service. Le postier apporte avec lui tout un petit matériel de travail; timbres, tampons, casier de classement en toile. Une chaîne, un cadenas pour fermer la portière, des coins pour fixer les vasistas complètent l’équipement du courrier convoyeur. Quand la forme des voitures ne permet pas de réserver un compartiment au courrier, occupe un emplacement aménagé spécialement pour ce service. Tel est le cas pour les voitures à couloirs.
Trois types de wagons différents sont utilisés :
- Le « wagon-poste » est un wagon servant au tri ambulant avec des casiers et des tablettes de tri et de petites plates-formes servant aux échanges des sacs lors des arrêts dans les gares.
- Le « wagon plat » appelé aussi « allège » est une plate-forme pouvant contenir jusqu’à 700 sacs de courrier.
- Le « wagon mixte » composé d’une plate-forme sur la moitié de sa longueur et d’un petit centre de tri sur l’autre moitié.

Wagon-poste (photo https://pvcasso.fr)

Allège (photo – fondation-patrimoine.org)
Les wagons-poste sont montés sur des plates-formes semblables à celles qui supportent les wagons. à voyageurs. Deux portières, une de chaque côté, donnent accès dans le bureau ambulant: L’éclairage est assuré par les fausses portières et des châssis à tabatière. Il faudra attendre 1924 et plusieurs accidents gravissimes pour que la direction des Postes décide de fabriquer des wagons métalliques. Les wagons en bois étaient hermétiques et non stables donc souvent fatales en cas de déraillement. La nuit, six à huit lampes à huile dispensent une maigre lumière: Lorsqu’un seul bureau suffit, on emploie un wagon simple garni de casiers sur ses quatre parois. On se sert aussi de bureaux accouplés, semblables aux précédents, sauf qu’un des panneaux latéraux est percé d’une baie, ce qui permet de réunir les deux bureaux par une passerelle abritée par un soufflet en cuir.
La brigade était composée d’une dizaine de postiers devant trier 500 lettres par quart d’heure avec une marge d’erreur de tri de 1 % soit pas de plus de 5 lettres.
L’important service de la Malle des Indes, qui transporte à travers la France les dépêches de l’Angleterre et du nord de l’Europe pour les pays de l’Extrême-Orient, forme un train spécial composé de voitures d’un type particulier l’allège à guérite, l’allège à coupé central où un compartiment avec toilette et water-closet est réservé à l’agent convoyeur, et les allèges simples. La Compagnie P-L-M a aussi des fourgons, sorte de grands coffres à quatre grandes portes montées sur galets et divisés en deux par une cloison percée d’une porte. Les bureaux ambulants trop lourdement chargés peuvent être une cause de gêne pour la traction du train. On a soin de répartir les sacs aux deux extrémités du wagon pour assurer l’équilibre du véhicule. Les wagons actuels mesurent 7m 20; dimension des anciennes voitures à voyageurs. L’espace réservé aux employés dans ces wagons est insuffisant, car il est considérablement réduit par l’amoncellement des sacs. A certains départs de la matinée le personnel du bureau ambulant est littéralement noyé au milieu des ballots qui renferment l’énorme quantité des journaux du matin.
Les Postiers des États-Unis, mieux partagée sous le rapport de:l’emplacement que leurs collègues des Postes françaises, ont des wagons de 18 mètres de long. Hâtons-nous de dire que l’Administration postale s’occupe de transformer son matériel. De nouveaux bureaux longs de 12 mètres ont été essayés sur les réseaux de l’Est et du Nord. Ces wagons seront éclairés à l’électricité.

Intérieur d’un wagon -poste
L’essor
L’essor de la poste ferroviaire est si important que les maîtres des postes sont très inquiets pour l’avenir de la poste aux chevaux. En effet en 1859 le fameux « livre de poste », dont la première édition remonte à 1708 et qui comportait la carte de toutes les routes postales française ainsi que des relais, n’a pas été édité !
Très vite, par le biais du rail, les services ambulants, dont les lignes sont calquées sur les réseaux des grandes compagnies de chemin de fer, vont drainer un important courrier d’un point à l’autre du territoire. A tel point qu’avant la Seconde Guerre mondiale, la quasi-totalité du trafic postal était acheminée par une multitude de services mobiles circulant de jour comme de nuit.
Pourtant si l’apogée des services mobiles se situe dans les années 1936-39 avec plus de 300 services de bureaux ambulants (contre 83 en 1855), l’essor fut ralenti vers les années 1950 avec la réorganisation des transports du courrier vers d’autres modes d’acheminement.
En 1956, il ne reste que 130 services. A partir de la fin des années 1960, l’importance des ambulants a diminué progressivement dans le cadre d’une mutation de la poste, inspirée du droit privé, rendue nécessaire par la concurrence, notamment celles des intégrateurs, agissant dans l’espace. En 1967, il y en a 121. Le couperet tombe à partir de 1974, avec 62 services, à la suite de la mise en place des centres de tri automatiques.
La disparition de ce service de tri mobile, en 1995, conduit à dégager les grandes lignes de l’évolution de l’acheminement.
Quel a été le rôle des bureaux ambulants dans l’acheminement postal en 1945 et 1995 ? La suppression de ce service répond-elle à des impératifs économiques ? Les ambulants ont-ils été sacrifiés au nom de la productivité et du rendement, ou s’inscrit-elle dans un processus inéluctable de modification de cet acheminement postal ?
D’autre part, depuis leur création, les ambulants développent une image et une réputation particulière dans l’imaginaire collectif postal. Très vite, les ambulants ont été considérés comme des postiers à part entière que l’on a nommé « les seigneurs de la Poste ». Qui sont ces hommes et quel a été leur rôle au sein de l’entreprise Poste ? ( https://anr03.fr/images/Journal-3A/Ambulant de La Poste.pdf )
Ainsi se termine l’histoire des ambulants le dernier bureau ambulant a fermé en 1995 mais déjà depuis 15 ans les bureaux d’ambulants fermaient les uns après les autres.
Les camions, les avions, des T.G.V ont pris la relève mais sans bureaux d’ambulants à bord.
Les ambulants routiers

(Photo Musée des Ambulants Toulouse)
A partir de 1957, se développe le transport routier, caractérisé par les ambulants-routiers, véhicules spécialement aménagés pour le tri et le traitement des correspondances et assurant une liaison intrarégionale.
Afin que le courrier soit distribué dans les meilleurs délais partout dans l’hexagone, l’administration de PTT va créer 13 ambulants routiers, 11 auront comme terminus un aéroport avec transfert du courrier vers un DC3 d’Air France.
Deux types de véhicule sont utilisés pour le tri et le transport du courrier, soit un car soit une semi-remorque de type Berliet ou Saviem.
Ce service d’ambulants routiers remplaçant les ambulants ferroviaires et aériens dans les zones non desservies par le train ou l’avion ou aux horaires peu adaptés à l’activité postale. Afin d’optimiser l’espace de travail, d’anciens autocars sont reconvertis en bureaux de tri et permettent d’acheminer le courrier sur les routes de jour comme de nuit. Ils circuleront jusque dans les années 1980. Le réseau ferré est alors en perte de vitesse mais, les modes d’acheminement existants restent complémentaires. Dans les années 1970, le tri et l’acheminement des journaux et des paquets urgents restaient essentiellement du ressort des ambulants.
Néanmoins, l’extension progressive de la mécanisation du tri amorcée en 1974 et la création de centres de tri automatisés depuis 1976 et en constante augmentation dans les années 1980, ainsi que la mise en place du TGV postal à partir de 1984, entraînèrent ainsi le déclin inéluctable des ambulants.
Lignes des ambulants routiers:
La Poste mit en service, entre 1957 et 1992, treize lignes d’ambulants routiers dans des autobus spécialement aménagés pour permettre aussi le tri en cours de route.
- Narbonne à Montpellier: mise en service le 02/05/1957, dernier service le 21/10/1968
- Toulon à Marignane: mise en service le 15/05/1958, dernier service le 19/04/1980.
- Saintes à Poitiers: mise en service le 29/05/59, dernier service retour le 10/05/1986
- Alès à Montpellier: mise en service le 16/08/1959, dernier service le 31/01/84.
- Le Havre à Rouen: mise en service le 25/10/1959, dernier service le 14/02/1987
- Digne à Marignane: mise en service le 02/11/1959, dernier service le 01/10/1983
- Villefranche de Rouergue à Toulouse: mise en service le 01/03/1960, dernier service le 25/04/1992
- Argentan à Evreux: mise en service le 13/03/1960, dernier service le 16/11/1985
- Grenoble à Lyon: mise en service le 04/07/1960, dernier service le 15/10/1969
- Brioude à Clermont-Ferrand: mise en service le 28/06/1961, dernier service le 22/05/1978
- Saint-Brieuc à Rennes: mise en service le 13/11/1961, dernier service le 30/01/1972
- Vannes à Rennes: mise en service le 13//11/1961, dernier service le 26/11/76.
- Quimper à Brest: mise en service le 13/11/1961, dernier service le 01/10/1979

L’un des premiers ambulants routiers français de 1920
Témoignage d’un « ambulant » sur son travail
Pour être admis en tant que trieur, il fallait passer avec succès l’examen des « Paris 2000 », c’est-à-dire connaître les rues de Paris pour le tri à la remonte.
Également, chaque trieur était responsable d’un « côté ». Il devait connaître tous les bureaux du département ainsi que les « passes bureaux » (les petits villages rattachés à un bureau distributeur).
Ces agents, au fil des années, ont acquis un savoir-faire impressionnant au niveau acheminement… (par exemple, connaître les rues de Paris avec les coupures pair/impair… ; imaginez les rues du Louvre et de Vaugirard qui traversent plusieurs arrondissements.
La cadence « réglementaire de tri » était fixée à 500 plis au quart d’heure… mais les trieurs avertis, avec du courrier homogène, atteignaient allègrement les 800 plis !
Dans la hiérarchie, on distinguait : le chef de brigade (inspecteur central) ; le second (inspecteur) ; le CTDIV (contrôleur divisionnaire) qui s’occupait du tri des objets recommandés (chargements) ; les trieurs (contrôleurs et agents d’exploitation) ; et enfin les courriers (préposés) qui étaient chargés de la manutention.
Le travail de courrier était très physique… Il fallait « gerber » les sacs dans les allèges (wagon destiné au stockage), les courriers (préposés) devaient aussi assurer l’ouverture des sacs de lettres et de presse et la livraison aux stations.
L’espace dans les wagons était restreint, et l’air était chargé de poussière… le train, en roulant, faisait osciller le wagon, et il fallait avoir le pied marin.
La particularité de ces services résidait dans le fait que l’ambiance y était excellente, les agents solidaires, et la qualité de service de haut niveau… Le maître mot était « être au pair » ; c’est-à-dire avoir tout trié et livré.
Contrairement aux autres agents qui rentrent chez eux après le travail, les ambulants restaient ensemble en bout de ligne, ce qui donnait lieu à des sorties sympathiques (balade , pêche , tennis , pétanque, etc.) et parfois très « festives » les anniversaires et les évènements étaient souvent fêtés… chaque brigade avait son point de chute.
En résumé, ce fut vraiment un monde à part au sein des PTT, l’ancien nom de La Poste française. D’ailleurs, lors de la suppression de ces services en 1995, la reconversion pour certains agents fut très difficile à supporter, reclassés dans des centres de tri où la mentalité est plus individualiste et les clivages hiérarchiques plus conflictuels…
Toutefois, chaque médaille a son revers… même si les ambulants pouvaient partir en retraite à 55 ans, beaucoup étaient usés avant l’heure par la pénibilité due aux mauvaises conditions de travail, (courants d’airs permanents, lombalgies dues au port de charges lourdes, fatigue, varices causées par la station debout devant les casiers, horaires décalés… etc.) les sacs postaux dépassaient souvent les 25 kg réglementaires… la poussière respirée mélangée aux fumées de cigarettes (pas encore de loi Évin…). Les conditions actuelles dans les centres de tri sont meilleures au point de vue physique… pas forcément au point de vue psychologique…
Pilier de l’acheminement du courrier au cours du XIXe siècle et une partie du XXe, les ambulants postaux ont peu à peu été marginalisés au cours de cette seconde moitié du XXe. La réorganisation de l’acheminement ainsi que la modernisation des techniques postales aboutissent en 1995 à la suppression définitive des bureaux de poste ambulants.

Chargement des sacs postaux