LES POMPES A BRAS OU A FEU






Les pompes à bras étaient connues depuis l’Antiquité mais elles n’ont pas été réellement utilisées comme moyens de lutte contre les incendies avant le XVIIe siècle. Elles ont alors accompagné les  » pompiers « , qui lui doivent leur nom, pendant près de trois siècles !

Pour lutter contre les nombreux incendies du XVIIe siècle on utilise des crocs (crochets simples ou doubles emmanchés à des perches de bois), des pelles, des scies et des haches, des cordages… On ne cherche pas véritablement à éteindre les flammes mais plutôt à limiter leur propagation aux maisons voisines et à se résoudre à faire la part du feu qui consiste à sacrifier une partie de ce qui est menacé par un incendie pour sauver le reste.

Pour agir sur les flammes on utilise des seaux, des éponges mouillées fixées à des perches. Ces seaux pouvaient être en toile, en bois cerclés de fer, en cuir bouilli…




On utilise également la pompe à main, sorte de grosse seringue à piston avec deux poignées latérales. Elle est mise en œuvre par deux hommes, qui la maintiennent par ses poignées, tandis qu’un troisième agit sur le piston pour projeter quelques litres d’eau… Il faut évidemment ensuite la  » recharger  » à partir d’une réserve ou d’un point d’eau. Certaines d’entre-elles sont montées sur des chariots avec roues pour faciliter leur acheminement et leur mise en œuvre. La poussée du piston peut se faire alors à l’aide d’une manivelle. Compte-tenu de l’époque il serait plus pertinent de parler de clystère utilisé pour les lavements pratiqués par tes médecins.



Seringues à incendies


Les moyens de lutte cités ci-dessus sont évidement peu efficaces, en particulier face à de grands incendies, à une époque où le bois reste le base des constructions et les encorbellements nombreux, les rues étroites. L’encorbellement est une saillie qui porte à faux au nu d’un mur. Cette architecture favorisait la propagation du feu vers les étages supérieurs.

Les pompes à bras ont apporté une évolution certaine dans la lutte contre les incendies. Il est fait mention de leur utilisation pour la lutte contre les incendies au début du XVIIe siècle en Allemagne, aux Pays-Bas ou encore en Angleterre. Ce type de pompe aurait été utilisé par exemple lors du Grand incendie de Londres, en septembre 1666, aux côtés de nombreuses seringues citées ci-dessus. Cet incendie détruisit près de 14 000 maisons et églises et fit plus de 70 000 sans abris.

C’est justement aux Pays-Bas que le peintre et inventeur hollandais, Jan van der Heyden (1637-1712) conçoit et construit sa première pompe à bras en 1672 puis en lance une fabrication en série à partir de 1681. Il réorganise les brigades de pompiers volontaires d’Amsterdam, rédige le premier manuel de lutte contre les incendies et devient avec son frère Nicolas superviseur des pompes à incendie de la ville en 1673. Il est le chef des pompiers d’Amsterdam jusqu’en 1692. année à partir de laquelle cette charge sera assurée par son fils.

En France François Du Mouriez (1650-1723), laquais de Molière et comédien, se lance dans les affaires et découvre les pompes à incendie fabriquées par Jan Van der Heyden lors d’un voyage aux Pays-Bas. Il en rapporte une en France et en fait la démonstration en 1699 au roi Louis XIV qui, conquis, lui en accorde le privilège de la fabrication et de la commercialisation. En 1716, Louis XV le nomme directeur général des pompes à incendie de la ville de Paris. Les pompes en question sont stockées dans des édifices religieux.

À la fin du règne de Louis XV, vers 1775, vingt-cinq pompes sont en service à Paris dans des dépôts sous le contrôle de deux gardes, d’où le nom de gardes-pompes donné à ces premiers soldats du feu parisiens.

Le privilège royal obtenu par Du Mouriez n’a pas dû être très respecté ni surveillé car les villes de Strasbourg, Douai, Saverne, Nancy… pour ne citer qu’elles, s’équipent également, quelquefois même avant Paris.

Au fil des décennies des artisans locaux, forgerons, plombiers, chaudronniers, mécaniciens…, fabriquent des pompes à bras à l’unité, de véritables pompes de  » quartier « , ou en petites séries. Des manufactures se lancent aussi dans cette production: Nicolas Thillaye & Fils, fabricant de pompes à incendie de père en fils à Rouen, Durey-Sohy (Paris), Alexandre Bouchard (Lyon), A. Loizeau (Bourg), les Établissements Darasse Fils (Paris), Mieusset (Lyon)…

Souvent les constructeurs ont fait des efforts pour rendre leurs pompes esthétiques comme par exemple la pompe Champenois dont le support de balancier est orné de motifs à formes de sphinges.



Pompe à bras Champenois de 1840



De grands noms de la fourniture d’équipements de lutte contre les incendies produisent à leur tour des pompes à bras comme Thirion, Merryweather, Metz… Ce dernier livre sa centième pompe de ce type en 1851.

Les pompes à bras sont remplacées à partir du milieu du XIXe siècle par les pompes à vapeur. Dans les grandes métropoles (Paris, Lyon…) l’installation de bouches à incendie, à partir de la moitié du XIXe siècle, a permis d’y brancher directement les tuyaux et lances sans avoir recours à des pompes.

Néanmoins les pompes à bras seront utilisées en France jusqu’à la moitié du XXe siècle par des corps communaux, voire plus tard encore par des services d’incendie privés (usines, domaines, châteaux, corporations…).

Dans nos villages, seuls nos aînés peuvent encore parler de ces pompes à bras à incendie ou  » pompe à feu  » qui ont constitué, pendant la première moitié de ce siècle encore. les seuls matériels de lutte contre l’incendie.



14 mai 1839 : la commune d’Aouste sur Sye (26) acquiert une pompe à feu pour la somme de 1 315 francs.



Un bon nombre semble avoir échappé à la  » purge  » dont elles ont été l’objet suite à l’arrivée de la pompe centrifuge mue par un moteur. Il est vrai que l’efficacité de ces engins restait très aléatoire, malgré toute l’énergie déployée par nos valeureux Sapeurs Pompiers.

Quelques Amicales ont cependant restauré ces machines ; elles ornent souvent les halls d’entrée des casernes ou des bâtiments publics. présentées la plupart du temps avec leurs agrès. tuyaux en cuir. seaux de toile et lances en cuivre.

Les modèles sont nombreux, à deux ou quatre roues, simplement foulante ou aspirante et foulante… On peut retenir pour les modèles utilisés dans nos communes, le principe de conception suivant. Un châssis à deux roues. équipé d’un timon ou de deux brancards selon qu’il est tiré à bras ou par un cheval, permet le transport de la pompe, de sa remise vers le lieu de l’incendie. La pompe est constituée d’un plateau de bois rectangulaire support d’une cuve appelée aussi bâche, dans laquelle est immergé le mécanisme de la pompe. Celui-ci est composé de deux cylindres placés verticalement de part et d’autre d’un réservoir d’air compensateur. Ces trois éléments sont disposés sur une pièce de bronze coulé qui permet, par le biais de canalisations et de clapets situés à la base des cylindres et du réservoir, le cheminement de l’eau, de la cuve vers les cylindres et le réservoir. Le balancier, les deux bielles et les deux guides donnent aux pistons un mouvement alternatif à l’origine du fonctionnement de l’engin.

Les matériaux utilisés pour la construction de ces  » mécaniques  » sont le bois (du frêne généralement), le fer, le cuivre, le bronze et … le cuir, composant principal des pistons formés de deux coupelles montées dos à dos, dans lesquelles se trouvent des rondelles (de cuir également) empilées en forme de cône et coiffées de deux flasques métalliques.

Cet ensemble de pièces est traversé par l’extrémité filetée du guide ; le serrage de l’écrou, en écrasant les coupelles, modifie le diamètre des pis-tons qui peut ainsi s’adapter parfaite-ment à l’alésage du cylindre. La bonne conservation de ces éléments est assurée par de l’huile de pied-de-boeuf, produit d’entretien du cuir favorisant de plus la parfaite étanchéité des pistons nécessaire au rendement de la pompe.

Une fois amenée sur les lieux du sinistre, la pompe est déchargée de son chariot. Les patins de bois et de fer de son plateau permettent de la tirer éventuellement vers l’endroit le plus adapté pour l’attaque du feu. Il faut alors établir, entre le bassin ou le ruisseau du village et l’engin, une chaîne humaine capable d’apporter, à l’aide de seaux de toile, l’eau dans la bâche de la pompe, avant que celle-ci ne soit pourvue d’une ligne d’aspiration ( tuyau de cuir semi-rigide) capable d’alimenter directement la cuve.

La manœuvre du balancier par les Sapeurs Pompiers, souvent épaulés par les hommes forts du village, va chasser l’eau dans les tuyaux de cuir et la lance (ligne de refoulement) de la façon suivante.

La dépression générée par le mouvement ascendant de l’un ou l’autre des pistons ouvre le clapet de pied de cylindre et ferme le clapet correspondant du réservoir ; l’eau passe ainsi de la bâche dans le cylindre.

Inversement, la pression obtenue pendant la phase descendante de l’un ou l’autre des pistons ferme le clapet de pied de cylindre et ouvre le clapet correspondant du réservoir ; l’eau est de la sorte refoulée du cylindre vers le réservoir d’air compensateur, ainsi que dans les  » boyaux de cuir  »  – autre nom des tuyaux – et la lance. L’air résiduel accumulé dans la partie haute du réservoir atténue le mouvement alternatif des pistons en donnant un jet continu à la lance.

La rusticité de ces vieilles mécaniques les a très vite rendues obsolètes et bien impropres à combattre les feux de ce deuxième millénaire. Dans un article de janvier 1949, le président de la Fédération Nationale des Sapeurs Pompiers leur avait “déclaré la guerre”… Il n’empêche que la noblesse des matériaux utilisés pour leur fabrication et la qualité du travail effectué méritent une attention particulière.



Pompe à feu de 1856 à Asran (58) des Ets Darasse fils à Paris



Pompe à incendie à Niedermorschwihr (68)

Pompe à bras à deux roues Guinand de Beaufort (73) de 1880 sur traîneau



Pompe des  » Échevins « , Rouen, construite par Le Rat en 1721.



Sources : https://www.netpompiers.fr/la-pompe-a-bras/

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