Le Plaisir de la Noblesse et autres qui ont des eritages aux champs, sur la preuve certaine et profict des estauffes et soyes qui se font à Paris, et les magazins qui seront aux Provinces
Par Barthelemy de Laffemas (1), sieur de Bauthor, contrôleur général du commerce de France .
À Paris, chez Pierre Pautonnier, libraire, imprimeur du Roy,
demeurant au Mont S. Hilaire.
1603.
I.
Chacun doibt cognoistre et avoir pour maxime qu’il faut labourer et semer avant que venir à la moisson, planter les arbres et les enter pour l’esperance d’avoir les fruicts. Aussi faut-il planter et eslever les meuriers pour nourrir les vers. Et lors on fera telle quantité de soye que ce royaume en aura pour sa provision, et en fournira aux estrangers (2)
II.
Sur le bruit que beaucoup de vers à soye sont venuz à mourir ceste année en divers lieux, et sur ce allèguer que le climat de la France n’est propre : il sera remonstré au vray la faute pourquoy ils sont morts, et que à l’advenir le remède est facile de les conserver par bonnes espreuves, et faire cognoître qu’iceluy climat est aussi bon que celuy des estrangers.
III.
En premier lieu, faut remarquer que les vers à soye sont comme espèces de chenilles qui meurent aux grandes chaleurs, et aussi par les pluyes, tant en Italie qu’autres pays : car s’ils mangent seullement des fueilles mouillées, ils viennent malades et meurent.
IV.
La faute pourquoy sont venuz à mourir lesdits vers en aucuns lieux, ce n’a point esté le climat, ains ç’a esté de ne les avoir fait esclorre de bonne heure, et autres qui ne pouvoient avoir des fueilles à commandement pour les nourrir, n’y ayant chose qui leur fasse plus de tort que de les retarder (3). Car au contraire il les faut faire advancer pour faire leurs soyes avant les grandes chaleurs, qui ont esté trop vehementes, et faict mourir les vers cette présente année, et aussi que les fueilles estant venues par trop dures, qui sont les deux occasions qui les faict mourir.
V.
Et pour exemple et preuve véritable, au jardin de l’Hostel de Retz (4) l’on a faict cette année, des meuriers de leurs jardins, dix-huict livres de soye, sans que les vers soient nullement morts, et les ont vendus quatre-vingtz-quatre escus, et ny sçauroit avoir de fraiz environ pour vingt escus, et à l’advenir ne se fera la moictié des dits fraiz. De façon que ceux qui avoient quatre fois autant de meuriers n’ont point faict la quarte partie d’autant de soye pour n’avoir faict esclorre leurs vers de bonne heure ny avoir les fueilles à commandement, comme ceux qui les avoient en leur dict jardin. Et au semblable, tous ceux qui les ont faict esclorre de bonne heure ont faict même quantité de soye.
VI.
Et ne faut oublier tenir lesdits vers chaudement estant petits ; car ils feront leurs soyes dans deux mois au plus tost, et alors que le peuple des champs a le moins d’afaire, et sans qu’il en couste un seul denier à ceux qui auront leur preparatif, et noter que lesdits vers seront plus sujets de mourir en Italie qu’en France, à cause de leurs grandes chaleurs : car les froidures ne font aucun mal que de les retarder comme il est dit.
VII.
Plusieurs qui ont voullu nourrir les vers dans les villes et aillieurs, acheptant les fueilles, les tables (5) et loüant les personnes, cela leur a faict faire des fraiz extraordinaires, qui en pourroit dégouster beaucoup ; mais ce qui leur a couste un escu ne coustera pas un sol aux villages, ayant une fois leur équipage dressé et les fueilles sur les lieux. Ce qui donnera extresme plaisir et proffict à la noblesse et autres des champs qui auront planté nombre desdicts meuriers. Et faut notter qu’à l’advenir ceux qui en feront aux villages ne leur coustera du tout rien, attendu que les pauvres femmes et enfans qui n’ont point d’occupation nourriront lesdicts vers, ainsi qu’on faict en tous lieux.
VIII.
Parlant des soyes de la France, il sera représenté les belles estoffes qui s’en fabriquent, et mesmes enrichies de l’or et argent façon de Milan faict dans Paris (6), et les ouvriers qui font lesdites estoffes sont aucuns d’iceux François et la pluspart enfans de ceste ville. Ce qui monstre que ce royaume a esté grandement abusé en toutes sortes de manufactures estrangères, attendu qu’il n’y a sorte d’estoffe au monde, difficille qu’elle soit, que les dits ouvriers françois ne facent en perfection.
IX.
Or est-il que depuis que Sa Majesté a veu le nombre et quantité des belles soyes qui se sont faictes ceste année à luy présentées de plusieurs eslections, et après en avoir veu les estoffes qui en sont provenues, il en a esté fort satisfait, et ayant gousté ceste belle et notable entreprise, se sont presentez des hommes cappables, et de jugement, qui font réussir la fabrication des dites estoffes, qui redondera par tout ce royaume, nonobstant les calomnies de ceux qui n’ont l’entendement ny le courage de telles entreprises. Et faut croire que toute la France aura une obligation perpetuelle aux entrepreneurs et autres grands et notables personnages qui y travaillent continuellement que sa dite Majesté y a commis.
X.
Ceste entreprise à Paris monstre le chemin sur ce qui se poura dresser des magasins de toutes sortes de marchandises aux meilleures villes des Provinces (7), ainsi que font tous les pays qui fabriquent grand nombre d’estoffes, lesquels magasins se maintiennent en richesses, attendu qu’ils ne prestent jamais, ains ce font les marchans qui acheptent dans les dits magasins, qui font crédit aux autres marchands forains, lesquels sont subjects aux naufrages de banqueroutte, et non iceux magazins. C’est pourquoy leur fondz et proffict est infaillible. Ce qui servira pour donner advis à ceux qui voudront faire telles entreprises pour faire proffiter leur argent, attendu qu’il sera en plus de seureté que non poinct les bailler aux changes et rechanges damnables et autres usures contre Dieu et ses lois.
XI.
Sur ce qu’il est traicté d’establir des bureaux publicqs et magazins pour le traffic et negoce, sera faict une comparaison de sa police à une ville, maison ou édifice ruiné qui se doibt rebastir jusques aux fondements. Ainsi est-il de la police des marchands, arts et mestiers, n’y voyant qu’abuz et tromperies aux marchandises, ne les faisant bonnes ny loyalles, et les ouvrages et manufactures au semblable. C’est pourquoy Messieurs les commissaires redressent les reiglemens et polices avec tel ordre et douceur que le public en sera soulagé, puis que Dieu par sa grâce a donné sa saincle paix, par laquelle se remettra tout ledict commerce et negoce au bien et soullagement du peuple et de l’Estat.
Notes
1 – Barthélemy de Laffémas est l’un des hommes que notre siècle d’industrie doit glorifier avant tout autre de cette époque, voire presque à l’égal de Sully, et cela d’autant mieux que pendant deux cents ans ses services, si appréciables pour nous, ont été à peu près méconnus. C’est en 1558, comme on le sait par le Mémoire présenté au Roy le 17 avril 1598, qu’il naquit, dans le Dauphiné, au village de Beausemblant, dont le nom resta longtemps son sobriquet. Il avait pour père Isaac Laffémas et pour mère Marguerite Bautor. Quoiqu’on puisse croire, en lisant ici ses titres et qualités, et ce nom de sieur de Bauthor (Bauthor ou Beauthor) qui donnerait à penser qu’il était de noblesse, Laffémas ne fut d’abord qu’un simple artisan, un tailleur. En 1582, il est attaché comme tel, avec vingt livres de gages, à la maison du roi de Navarre. (Champollion-Figeac, Documents histor. inéd., t. 4, 2e part., p. 2.) Laffémas était de la religion ; ce dernier fait nous le donnerait à penser si déjà la France protestante, t. 6, ne nous l’avait appris. — Dès 1576 il était dans les grandes affaires. On sait par deux de ses écrits : Advertissement à MM. les commissaires du Roy pour estre instruits en ceste œuvre publicque, etc., et Lettres et exemples de la feue Royne mère, que, cette année-là, profitant de ce qu’il était chargé de la fourniture des estoffes de soie de l’argenterie, en qualité de tailleur, et ne se contentant point de cette fourniture secondaire, il avait étendu ses visées et avait levé lui-même, à ses risques et périls, « la boutique d’argenterie du Roy ». À cet effet, lui-même nous le dit dans son Avertissement à MM. les commissaires, « il avait emprunté plus de deux cent mille écus, soit à Paris, à Tours, Lyon, etc. » En 1601, ajoute-t-il, « il ne devait plus que mille cinq cents écus, ayant tout payé, même les intérêts, et ayant fait cet emprunt parcequ’il vouloit satisfaire à son superbe entendement. » Qu’entend-il par ces derniers mots ? Le grand dessein de son propre avancement, et surtout des entreprises qu’il projette et qui, suivant ce qu’il espère, doivent tourner à la prospérité du commerce et au progrès de l’industrie. Quand il s’en ouvrit à Henri IV, dans un écrit qu’il présenta lui-même, il paraîtrait qu’il fut d’abord assez mal reçu par sa goguenarde majesté. Se riant de la profession de l’utopiste, le roi dit seulement « qu’il entendoit, puisque les tailleurs comme lui faisoient les livres, que ses chanceliers dorénavant lui fissent ses chausses. » C’est L’Estoile (11 janvier 1607) qui raconte l’anecdote, mais en la mettant à tort sur le compte de Laffémas le fils, qui ne fut jamais tailleur. Ce dédain ne dura guère. Chez Henri IV le bon sens l’emportait vite sur la goguenardise, celle-ci une fois satisfaite. Laffémas fut lu, encouragé. En 1697 parut son premier écrit, du moins Brunet (Manuel, t. 3, p. 13) n’en connaît-il pas de plus ancien. Il a pour titre : Règlement général pour dresser les manufactures en ce royaulme et couper le cours des draps de soye, etc., ensemble les moyens de faire la soye par toute la France. Paris, Cl. Montrœil et Jean Riche, 1597, petit in-8. Ce sont deux traités réunis. Le dernier est signé Laffemas, dit Beausemblant, tailleur varlet de chambre du roy Henry IV. Le résultat de ces deux écrits ne se fit pas attendre, du moins pour l’auteur. Le 15 novembre 1602, il obtint du roi le titre de contrôleur général du commerce de France, qui lui est donné ici. L’ordonnance qui le nomme se trouve dans les Docum. hist. inéd., t. 4, 2e part., p. 30–31. Cette faveur y est motivée par le désir qu’avait le roi « de recognoistre les longs services faits par ledit Laffémas depuis quarante ans. » Par son nouveau titre, Laffémas se trouvoit appelé à la présidence de l’assemblée du commerce, convoquée par Henri IV l’année précédente, et qui était, ainsi que l’a fort bien remarqué M. Champollion Figeac, un véritable comité consultatif du commerce et de l’industrie. Le volume cité tout à l’heure en contient les procès-verbaux, et un Mémoire de Laffémas, publié dans les Archives curieuses, 1re série, t. 14, p. 221, en explique au mieux le but et la portée. La dernière séance de ce comité eut lieu le 22 octobre 1604. Laffémas mourut l’année suivante, épuisé, brisé de travail, comme l’a bien dit M. Poirson dans sa récente Histoire du règne de Henri IV, t. 2, 1re partie, p. 80. M. Champollion-Figeac, M. Philarète Chasles (Études sur le XVIe siècle, p. 20), M. Chéruel (Hist. de l’administration monarchique en France, t. 1, p. 350), avoient dignement apprécié son caractère et ses efforts, mais personne ne lui a rendu une aussi entière justice que M. Poirson, lorsqu’il a écrit : « Laffémas, le plus intelligent et le plus actif ministre des projets du roi, qui demandait solennellement, en janvier 1597, qu’on étendît à la France entière l’industrie séricicole ; qui, de sa propre personne, répandait le mûrier et la soie dans les quatre provinces qui les reçurent les premières ; qui inspirait et dirigeait à Paris toutes les délibérations de ce conseil des manufactures et du commerce chargé des détails de l’entreprise ; qui succomba en 1605, épuisé par la fatigue de tant de travaux, et qui, littéralement, mourut à la peine. » — La pièce reproduite ici semble être le plus rare des écrits de Laffémas. Son peu de volume a fait qu’il a échappé à tout le monde, même à M. Champollion, qui a donné la liste la plus complète de ses traités. Il n’en compte pas moins de quinze. M. Weiss, dans sa Biographie universelle, en avait oublié plusieurs, y compris, bien entendu, celui-ci, qui a trait, comme la plupart des autres, à l’industrie que Laffémas avait le plus à cœur. Dans les derniers temps de sa vie, le titre que lui avait accordé Henri IV s’était compliqué de celui de contrôleur du plant des meuriers. Il l’a pris en tête d’une pièce qui sera souvent citée plus loin : La façon de faire et semer la graine de meuriers, etc. Paris, 1604, in-8.
2 – Estrangers – C’est à quoi tendaient les plus constants efforts de Laffémas. Henri IV l’y avait secondé, et, en 1603, le but se trouvait presque atteint. Voir le premier écrit de Laffémas, dont nous avons parlé tout à l’heure : Règlement général pour dresser les manufactures en ce royaume, etc.
3 – retarder – Laffémas dit la même chose, mais avec quelques détails de plus, dans le Traité dont cette pièce n’est pour ainsi dire que la préface, ou plutôt le résumé par anticipation : « Les expers envoyez aux généralitez et eslections de Paris, Orléans, Tours et Lyon, pour faire la nourriture des dits vers, en l’année mil six cent trois, ont apperceu que ceux qui ne les avoient faict esclorre de bonne heure, la pluspart sont morts. Ce qui a donné sujet faire courir faux bruitz que le climat de France n’estoit propre, et allèguent les dits expers que ceux qui prennent trop grande quantité de vers à nourrir, n’ayant des personnes propres pour leur aider, cela est cause qu’ils retardent et ne peuvent venir à perfection. » (La façon de faire et semer la graine de meuriers, etc., p. 27.)
4.- Hostel de Retz- Cet hôtel de Retz était dans le faubourg Saint-Honoré. (Laffémas, La façon de faire et semer la graine de meuriers, p. 27.) Il devint plus tard l’hôtel de Vendôme, et la place de ce nom en occupe le terrain. Il ne faut le confondre ni avec l’hôtel de Retz de la rue des Poulies, qui était voisin du premier hôtel de Longueville, ni avec l’hôtel de Gondi, situé dans le faubourg Saint-Germain, rue de Condé. — Le maréchal de Retz y était mort le 12 avril 1602. (L’Estoille, édit. Michaud, t. 2, p. 332.) C’est sans doute ce qui l’avait rendu disponible pour les plantations dont il est parlé ici. Ce n’était pas le seul lieu de Paris où l’on eût tenté alors la culture du mûrier. Dès l’année 1596 Henri IV avait consacré à cet utile essai une grande partie du jardin des Tuileries. La plantation avait prospéré, et sans tarder le roi l’avait étendue encore, avec l’aide d’Olivier de Serres et de Claude Mollet, son premier jardinier. V. Théâtre d’agriculture d’Olivier de Serres, édit. in-4, t. 2, p. 110, et P. Paris, Catal. des mss. franç., t. 5, p. 290. En 1601, nouvelle plantation et nouveau succès. Laffémas en parle ainsi à la page 29 de la pièce citée tout à l’heure et publiée en 1604 : « Le principal est d’avoir des meuriers en abondance, et les faire semer, ainsi qu’a faict le sieur de Congis, gouverneur du jardin du roy aux Thuilleries, en ayant fait semer il y a trente mois qui sont creuz si haut qu’il n’y a homme qui les puisse atteindre, et ceux que Sa Majesté a fait planter aux allées il y a huit ans, et trois ans qu’ils avoient, on juge qu’ils en ont plus de vingt-cinq, tant qu’ils sont grands et beaux. » Toute la partie du jardin située à l’extrémité de la terrasse des Feuillants était occupée par des constructions où les magniaux (vers à soie) étaient élevés et où logeaient les hommes qui en avoient le soin. Laffémas fait un grand éloge de la femme qui les dirigeait : « Dame Jule, Italienne, dit-il, qui nourrit les vers pour Sa Majesté au jardin des Thuilleries, femme des plus entendues qui se puisse trouver. » (Id., p. 28.) Plus tard, les bâtiments furent remplacés par une orangerie. Elle existait déjà en 1640, et la rue Saint-Florentin, qui venait y aboutir, lui dut son premier nom de rue de l’Orangerie. Les constructions, occupées en dernier lieu par la galerie de tableaux du comte de Vaudreuil, ne disparurent qu’après la révolution. V. les Mémoires du marquis de Paroy, Revue de Paris, 14 août 1836, p. 106. On a vu tout à l’heure que c’était une Italienne qui dirigeoit la magnanerie royale des Tuileries. Il en était partout ainsi. Celle du château de Madrid était aussi aux mains d’ouvriers italiens. Selon M. Poirson, c’est l’un d’eux, Balbani, qui donna son nom à la route qui fut alors percée dans le bois de Boulogne pour faciliter les communications entre Paris et le château de Madrid. (Hist. du règne d’Henri IV, t. 2, 1re part., p. 65, note.) Claude Mollet, que nous avons déjà nommé, et qui avait pris part à la plantation du jardin des Tuileries en mûriers, ne s’en était pas tenu là : « En l’an mil six cent six, dit-il à la p. 340 de son livre : Théâtre des plans et jardinages, 1652, in-4, j’estois logé à l’hostel de Matignon, derrière Saint-Thomas-du-Louvre, où il y avait une belle et grande place, laquelle est pour ce jourd’huy toute pleine de bastiments. De cette place j’en ai fait un très bon jardin, auquel j’avois eslevé une grande quantité de meuriers blancs… » Les vers qu’il nourrit avec les seuls émondages de ses arbres lui donnèrent, en 1606, jusqu’à douze livres de soie, aussi belle, dit-il, que celle d’Italie, et qu’il vendit 4 écus la livre.
5.- tables – Olivier de Serres, dont Laffémas ne fait souvent que répéter les préceptes, parle ainsi des tables sur lesquelles il conseille d’élever des magniaux : « Seront transportez, dit-il, dans une chambrete chaude et bien close, hors de la puissance du vent, sur des tables bien nettes et polies, couvertes de papier, pour commencer à y tenir rang. » La cueillette de la soie, etc., édit. annotée par M. Martin Bonafous. Paris, 1843, in-8, p. 70.
6 – Paris – Dès le règne de Henri II, des fabriques de draps d’or et de soie avoient été établies à Lyon. (Anc. lois franç., t. 13, p. 374.) — Mais sous Henri IV, à Paris même, cette industrie avait pris une bien plus grande extension : « L’establissement de filer l’or, façon de Milan, qui se void introduit en la perfection et en grande quantité dans l’hôtel de la Maque, soubz le sieur Tirato, Milanois, qui faict espargner et fournir dans le royaume plus de douze cent mille escus par an, qui se transportoient pour avoir dudit fil d’or de Milan, pour ce qu’il est plus beau et à meilleur marché que celui qui se faisoit en France, en ce qu’on y employe la moitié moins d’or. » (Recueil présenté au roy de ce qui se passe en l’assemblée du commerce, au Palais, à Paris, faict par Laffemas, contrôleur général dudit commerce, Paris, 1604, in-8, § 6.) Palma Cayet (Chronol. septennaire, 1603, édit. Michaud, p. 253) parle aussi des sieurs Dubourg père et fils, établis comme Tirato, et pour la même industrie, dans la Maque. Cette immense manufacture était rue de la Tixeranderie (voy. notre Paris démoli, 2e édit., p. 333), et c’est sans doute avec intention qu’on avait établi dans ce quartier de la misère une industrie capable, dit Laffemas le fils, « de faire vivre un nombre infini de pauvres. » (Hist. du commerce, loc. cit., p. 420.)
7 – provinces – À Lyon et à Tours, cette industrie était déjà en pleine prospérité. Vers 1582, Catherine de Médicis avait voulu aussi en doter la ville d’Orléans, sa cité la plus chère, « à laquelle, comme elle écrit de Fontainebleau aux échevins, le 4 août 1582, elle avait toujours eu à cœur de procurer en tout ce qu’elle a peu la décoration, accroissement et enrichissement ; depuis, ajoute-t-elle, qu’il a pleu aux roys messieurs mes enfants m’en delaisser la possession et jouissance » ; mais les guerres de religion mirent tout à néant. En 1585, la manufacture, déjà bien établie, dut cesser son travail. « Ce qui accrut le mal, selon Laffémas, ce fut la jalousie et les actes haineux et coupables d’aucuns envieux estrangers ou revendeurs de leurs dits draps de soie. » (Lettres et exemples de la feue royne mère, Archives curieuses, 1re série, t. 9, p. 123–136.) Laffémas ajoute que ces envieux « allèrent jusqu’à jeter, d’animosité, en sa chaudière de teinture, un pot de résine ou de poix, et gâtèrent toutes les soies, ainsi qu’apert par les procédures sur ce faites, de sorte qu’enfin les pauvres ouvriers furent contraints tout quitter. » Ces ouvriers avoient été attirés de Flandre, et ils avoient reçu des échevins orléanais un excellent accueil.