LA MATERNITÉ A PARIS AU XVIIIe SIÈCLE



La maternité à Paris au XVIIIe siècle








A la veille de la Révolution, Louis Sébastien Mercier dans son livre « Le tableau de Paris » s’intéresse à certaines réalités sociales concernant la maternité et aux pratiques comme la mise en nourrice ayant permis à plus d’une de se soustraire à l’allaitement et aux soins aux jeunes enfants.


Sages-femmes


Quand une fille est devenue mère, elle n’avertit personne malgré l’édit de Henri II. Elle dit qu’elle va à la campagne ; mais elle n’a pas besoin de sortir de la ville ; même du quartier pour se cacher et faire ses couches. Chaque rue offre une sage-femme qui reçoit les filles grosses. Un même appartement est divisé en quatre chambres égales au moyen de cloisons, et chacune habite sa cellule, et n’est point vue de sa voisine. L’appartement est distribué de manière qu’elles demeurent inconnues l’une à l’autre pendant deux à trois mois ; elles se parlent sans se voir.

On ne peut forcer la porte d’une sage-femme que par des ordres supérieurs. La fille attend là le moment de la délivrance ; un mois ou six semaines, selon qu’elle a bien ou mal calculé. Elle sort après la quinzaine et rentre dans sa famille et dans la société. Elle a pu accoucher dans une rue voisine, voyant de sa fenêtre celles de son père, sans que celui-ci s’en doute ; et voilà ce que la province ne saurait concevoir.

La sage-femme se charge de tout, présente l’enfant au baptême, le met en nourrice ou aux Enfants-Trouvés, selon la fortune du père ou les craintes de la mère.

Combien ces réduits secrets ont-ils vu de malheureuses et tendres amantes, quelquefois trahies, abandonnées, et mouillant de leurs larmes tardives leur couche solitaire ! Quelle situation affreuse que celle de la jeune beauté qui, pressée entre le remords, le désespoir et la honte, paie avec usure un moment de faiblesse. Elle ne peut nommer ni son amant ni son fils en les chérissant tous deux ; fugitive de la maison paternelle, elle se trouve isolée dans cette immense ville, et obligée dit vendre de petits bijoux pour obtenir le lit où elle déposera le fruit de ses amours.

On la cherche de tous côtés ; elle ne sortira de cette prison clandestine que quand elle pourra reparaître. La faute sera oubliée et même pardonnée, pourvu qu’il n’y ait point de publicité.

Ces sages-femmes tirent le plus d’argent qu’elles peuvent des infortunées qui viennent chercher leurs secours ; ils ne sont pas désintéressés ; il n’en coûte guère moins de douze livres par jour.

On a vu plusieurs filles assez habiles pour cacher leur grossesse jusqu’au dernier instant, assez heureuses pour accoucher promptement, assez intrépides pour revenir dans leur foyer domestique sans éveiller les soupçons de leurs père, mère, frère et sœur. Quel inconcevable chef-d’œuvre d’habileté, de présence d’esprit et de courage ! Ainsi les sages-femmes sauvent la réputation des amantes infortunées ; elles sont vouées à discrétion ; le plus souvent, il est vrai, elles ne connaissent pas les personnes qu’elles accouchent. L’enseigne d’une sage-femme est parlante ; elle offre une femme portant un nouveau-né. Sans décrier une maison, cette enseigne empêche que des demoiselles bien nées y viennent demeurer, parce que ce voisinage paraîtrait trop commode aux yeux de la malignité. La fille prend la peine, quand l’accident lui arrive, de traverser la rue et alors tout est dans l’ordre.

Le prêtre qui baptise est accoutumé à voir arriver la sage-femme, et il distingue ainsi du premier coup d’œil l’enfant de l’amour de l’enfant de l’hymen. Les droits du prêtre ayant été fraudés, il punit le fils de l’infracteur dans l’extrait baptistaire, et le déclare enfant naturel c’est-à-dire bâtard. Qui voudra écrire des anecdotes singulières, intéressantes, piquantes, savoir et le bien et le mal que l’amour fait dans ce monde, toutes les ruses qu’il invente, toute la force et tout le courage dont il est susceptible, qu’il fasse la connaissance de quatre ou cinq sages-femmes : il apprendra des aventures uniques, presque incroyables ; et les noms des personnages y manquant, le lecteur sera intéressé sans que les acteurs soient trahis. Ce qu’il y a de plus remarquable, c’est de voir quelquefois la fille d’une sage-femme servir sa mère dans des fonctions qui réveillent certaines idées, et au milieu de tant d’exemples de faiblesses, conserver sa chasteté intacte. Si elle tombe dans le piège, ce ne sera pas faute d’avoir eu sous ses yeux des motifs propres à la retenir sur le bord du précipice.

Plusieurs filles qui ont visité une ou deux fois l’appartement obscur et impénétrable de la sage-femme n’en trouvent pas moins un époux en jouant le rôle d’Agnès, rôle que presque toutes les filles et même les plus sottes possèdent par instinct (1). Puis, dans cette ville immense, qui peut conter l’histoire de tel ou tel individu ? Le changement de quartier suffit pour détourner le plus habile, le plus curieux investigateur.

Les filles pauvres et sans ressources vont faire leurs couches à l’Hôtel-Dieu ; on les y reçoit dès le sixième mois. Cette partie de l’administration est très bien soignée ; rien ne manque à ces femmes de ce qu’exige leur état. Les maîtres de l’art y inspectent journellement la manière dont elles sont traitées jusqu’à leur parfait rétablissement. La chose vue en grand me paraît exempte de reproches.

Ces sages-femmes, qui reçoivent toutes celles qui se présentent sans s’enquérir de leurs nom et qualité, et l’hôpital des Enfants-Trouvés, font que l’infanticide est un crime inouï dans la capitale. Ce forfait n’était pas rare avant ce sage établissement ; et voyez s’il n’est pas plus commun en Suisse que dans toute la France.

L’édit de Henri II est tombé en désuétude, et sur cent filles qui accouchent clandestinement à peine y en a-t-il une seule qui sache qu’une vieille loi la condamne à la mort pour n’avoir pas révélé sa grossesse.

On compte à Paris deux cents maîtresses sages-femmes ; il y naît environ vingt mille enfants : divisez.


Enfants


Les enfants à Paris sont fort jolis jusqu’à l’âge sept à huit ans. Comme ils sont élevés au milieu d’une foule nombreuse d’individus, ils contractent de bonne heure un air d’aisance ; ils n’ont pas l’air niais ; ils ne sont ni trop étonnés des usages de la vie ni du tracas de la ville : un petit air d’assurance dit qu’ils sont nés dans la capitale et déjà façonnés à son grand mouvement ; ils n’ont aucun effroi de ce qui se passe autour d’eux. Mis proprement, en général, d’une manière simple et aisée, ils doivent la liberté de leurs habillements aux écrits de J.-J. Rousseau.

On doit veiller les enfants : la brutalité de certains hommes s’exerce sur les petites filles. Un médecin connu m’a assuré qu’il guérissait du mal vénérien plusieurs petites filles de trois, quatre, cinq à six ans.

On ne conçoit guère, dans une petite ville de province, qu’un enfant puisse se perdre ; et cela n’est trop rare dans nos promenades. Je vois aux Tuileries une jeune femme éplorée ; elle erre les cheveux épars, le mouchoir à la main ; ses joues sont sillonnées de larmes ; elle demande son fils. Elle court après tous les enfants qui lui offrent l’apparence de sa taille ou de son habillement. L’enfant ne se trouve point ; il est hors du jardin, à deux cents pas de sa mère, balbutiant dans un coin un nom que personne ne connaît.

Il y a eu un dépôt nouvellement et sagement établi rue de Sève, mais l’entreprise n’a point réussi. La mère qui perd son enfant est dans les angoisses les plus pénibles ; elle interroge, et on lui répond vaguement sans pouvoir la calmer. Quelquefois l’enfant disparaît pour jamais dans cette immense population, où tous citoyens sont étrangers l’un à l’autre, et où mille lueurs contraires ne servent qu’à détourner de la route véritable.

Point de doute qu’il n’y ait des scélérats qui font métier d’enlever des enfants ; et ce qui le prouve c’est que ces enfants perdus sont presque toujours des petites filles. On en compte huit à neuf qui ont disparu depuis un an sans laisser aucune trace. Il n’y a point d’assez grand châtiment pour punir un pareil délit. Je vois tous les cœurs maternels s’alarmer et frémir de cette seule image.

Les enfants perdus sont conduits d’abord chez un commissaire. Le second jour on les mène à l’hôtel de la police, où ils restent exposés. Le quatrième on les transfère aux Enfants-Trouvés s’ils ont moins de trois ans ; les autres plus âgés sont envoyés à la Pitié, hôpital hideux sous plus d’un rapport. Ils sont enregistrés du jour qu’ils entrent, avec un nom et une marque. Mais bientôt leurs propres parents ne les reconnaîtraient même plus, tant la misère et l’abandon auront défiguré leurs traits.

Des parents infortunés abandonnent quelquefois, et perdent volontairement leurs enfants, ne pouvant plus les nourrir ; ils se flattent qu’une pitié généreuse et particulière leur donnera le père qu’ils ont perdu. C’est une espérance trompeuse et qui devient même homicide. Les enfants abandonnés sont mis à l’hôpital ; mais si les parents veulent sentir des remords, qu’ils aillent visiter leurs enfants. Il n’y a point de misère qui approche de celle qui les environne ; il faudrait créer un mot au-delà de celui d’indigence, pour peindre ce qu’on ose encore appeler charité. O cruels ! Effacez du moins du frontispice de cet hôpital le mot pitié.

Un enfant muet se perd à la foire de Guibray en Normandie ; on le recueille, on l’amène à Paris : tout à coup l’imagination le transforme en un Indien, fils d’un monarque puissant et lointain. Des comédiens, qui songent que cela peut fournir un sujet dramatique, lui font une pension ; on explique ses gestes, on interprète son accent, comme celui d’une langue antique inconnue. Des dissertations savantes sont lues publiquement ; elles hésitent entre les îles les plus fortunées des Indes orientales pour placer le trône du jeune inconnu. Mais voici qu’une paysanne normande arrive à Paris, reconnaît et embrasse le prince son fils qu’elle ramène gouverner les vaches du Cotentin.

Il y a quarante ans qu’il se répandit tout à coup un bruit étrange et non moins extravagant, qu’un prince et des princesses voulaient se faire un bain de sang d’enfants pour purifier leur sang adulte, et qu’à cet effet on prenait partout les petits enfants. Une terreur de cette nature agit d’autant plus vivement sur les esprits qu’elle est destituée de fondement. Les imaginations s’échauffèrent, et le peuple soulevé fit le siège de l’hôtel du lieutenant de la police : il fit en même temps la chasse aux exempts et aux habits rouges. Un d’eux fut saisi et assommé de coups. Comme il demandait un confesseur, une femme du peuple prit un pavé, en criant l’œil en feu : « Ah ! je le crois bien vraiment ; tu voudrais te confesser pour aller en paradis ? Non, non, point de confession : il faut que tu ailles droit en enfer », et elle lui cassa la tête.

Les femmes se sont signalées dans les séditions parisiennes, mais il faut d’abord que la halle y soit intéressée sans quoi elles demeurent calmes. Elles n’ont sonné mot dans les petites émeutes populaires relatives au Parlement ; il ne s’agissait ni de denrées, ni disette de bois, ni d’enfants enlevés.

Il faut étudier le génie de la populace, pour avoir une parfaite connaissance de Paris. Tant que le pain de Gonesse ne manquera pas (comme on le disait il y a plus de cent quarante ans, du temps de la Fronde) (2) , la commotion ne sera point générale ; mais, si le pain Gonesse venait à manquer dans deux marchés de suite, le soulèvement serait universel ; et il est impossible de calculer à quoi se porterait cette grande multitude, réduite aux abois, quand il faudrait se délivrer de la famine, elle et ses enfants (3).


Les Enfants-Trouvés


L’hôpital des Enfants-Trouvés est un autre gouffre, qui ne rend pas la dixième partie de l’espèce humaine qu’on lui confie. Dans la province de Normandie on a calculé, d’après l’expérience de dix ans, qu’il mourait cent quatre enfants sur cent huit. Voyez La Gazette des Deux-Ponts du 9 avril 1771 ; le résultat s’est trouvé à peu près pareil dans plusieurs provinces du royaume.

Sept à huit mille enfants légitimes ou illégitimes arrivent tous les ans à l’hôpital de Paris, et leur nombre augmente chaque année. Il y a donc sept mille pères malheureux, qui renoncent au sentiment le plus cher au cœur de l’homme. Ce cruel abandon que combat la nature annonce une foule de nécessiteux ; et ce fut de tout temps l’indigence qui causa la plupart des désordres trop généralement attribués à l’ignorance et à la barbarie des hommes.

Dans les pays où le peuple jouit d’une certaine aisance, les citoyens même des dernières classes sont fidèles à la loi de la nature ; la misère ne fit et ne fera jamais que de mauvais citoyens.

A ne considérer que les causes ordinaires qui précipitent les enfants dans ce malheureux gouffre, mille raisons pressantes excusent une grande partie de ceux qui ont eu le malheur de se trouver réduits à cette cruelle nécessité. Les calamités nationales ont épuisé peu à peu les forces et les ressources du corps politique ; mais il est une foule de causes secondes, qu’il sera très aisé de démêler, pour peu qu’on veuille réfléchir sur la constitution politique de la capitale.

La difficulté de vivre s’y fait sentir de plus en plus. Quelque envie qu’aient tous les individus de se procurer de quoi subsister honnêtement, il ne leur est plus également possible d’y parvenir. Et comment songer à la subsistance des enfants, quand celle qui accouche est elle-même dans la misère, et ne voit de son lit que des murailles dépouillées ?

Le quart de Paris ne sait pas bien sûrement la veille si ses travaux lui fourniront de quoi subsister le lendemain. Faut-il être étonné qu’on se porte au mal moral, quand on ne connaît que le mal physique ?

En tout temps, à toutes les heures du jour et de la nuit, sans question et sans formalité, on reçoit tous les enfants nouveau-nés qu’on présente à cet hôpital.

Ce sage établissement a prévenu et empêché mille crimes secrets : l’infanticide est aussi rare qu’il était commun autrefois ; ce qui prouve que la législation change totalement les mœurs d’un peuple.

Une fille qui a eu une faiblesse la dérobe à tous les regards ; elle n’en porte point la peine. Je crois qu’on a mis le libertinage un peu plus à son aise ; d’accord, mais, outre qu’il est des inconvénients inséparables de toute grande société et qu’il serait inutile de vouloir anéantir, on a paré à une multitude de malheurs, de scandales et de forfaits.

On avait proposé de faire de tous ces enfants trouvés autant de soldats. Projet barbare ! Parce qu’on a nourri un enfant, a-t-on le droit de le dévouer à la guerre ? Ce serait une charité bien inhumaine que celle qui l’élèverait pour lui redemander son sang et lui ôter la liberté malgré lui. Nul ne doit naître soldat que tous les citoyens ne le soient indistinctement.

La tendresse maternelle s’éteignait devant le fatal point d’honneur, lorsque le généreux saint Vincent de Paul offrit un asile à ces innocentes victimes qui doivent le jour à faiblesse, à la séduction ou au libertinage. !

J’ai dit que le nombre des enfants trouvés montait à sept mille par année ; mais il faut observer qu’un grand nombre de ces enfants viennent de la province, Là, quand une fille devient mère, elle fait partir secrètement l’enfant qu’elle craint de conserver, et que dans toute autre circonstance elle eût idolâtré.

Ce malheureux enfant, qui perdrait celle qui lui a donné le jour, exilé par le préjugé au moment de sa naissance, est recueilli de lieue en lieue, par des mains mercenaires. Hélas ! c’est peut-être un Corneille, un Fontenelle, un Le Sueur, qui dans ce transport va succomber à l’intempérie des saisons, aux fatigues du voyage ; l’oserai-je dire, au défaut de la nourriture ; et, ce qu’il y a d’incroyable, c’est que ce même enfant, venu de Normandie ou de Picardie à travers mille dangers, y retournera le soir même de son arrivée à Paris, parce que le sort lui aura donnés, à la crèche une nourrice normande ou picarde.

C’est un homme qui apporte sur son dos les enfant, nouveau-nés, dans une boîte matelassée, qui peut on contenir trois. Ils sont debout dans leur maillot, respirant l’air par en haut. L’homme ne s’arrête que pour prendre ses repas et leur faire sucer un peu de lait, Quand il ouvre sa boîte, il en trouve souvent un de mort ; il achève le voyage avec les deux autres, impatient de se débarrasser du dépôt. Quand il l’a déposé à l’hôpital, il repart sur-le-champ pour recommencer le même emploi, qui est son gagne-pain.

Presque tous les enfants qu’on transporte de Lorraine par Vitry périssent dans cette ville. Metz a vu dans une seule année neuf cents enfants exposés. Quel matière à réflexion !

Il serait temps de chercher un remède à ce mal. Ou il faudrait cesser de mésestimer la fille honnête courageuse qui nourrirait de son lait son enfant, rachèterait ainsi sa faute par tous les soins maternels ; ou il faudrait épargner à ces enfants ce transport pénible, qui en moissonne le tiers, tandis qu’un autre tiers périt avant l’âge de cinq ans.

En Prusse, toutes les filles nourrissent leurs enfants, et publiquement. Il serait puni, celui qui les offenserait de paroles dans cette auguste fonction de la nature. On s’accoutume à ne voir plus en elles que des mères : voilà ce qu’a fait un roi philosophe ; voilà comme il a donné des idées saines à la nation.

On avait proposé de substituer au lait de femme celui de chèvre et de vache : le Nord se trouve très bien de ce système. Pourquoi ne profiterions-nous pas de l’idée que nous avons donné aux nations étrangères ? Elles savent mettre en pratique ce que nous imaginons infructueusement.


Bureau des nourrices et des recommandaresses (4)

Les mères de Paris ne nourrissent pas leurs enfants, et nous osons dire qu’elles font bien. Ce n’est point dans l’air épais et fétide de la capitale, ce n’est point au milieu du tumulte des affaires, ce n’est point au milieu de la vie active ou trop dissipée qu’on y mène que l’on peut accomplir tous les devoirs de la maternité. Il faut la campagne, il faut une vie égale et champêtre, pour ne point se détruire en donnant son lait à ses enfants.

On voit donc arriver une grande quantité de nourrices qui viennent toutes offrir leurs seins mercenaires. Il n’était pas facile de remédier aux nombreux abus qui résultaient du trafic qui s’établissait entre les parents et la mère pauvre qui se vendait ; c’est ce qu’on a fait cependant avec beaucoup de sagesse, de prévoyance de douceur.

Les bureaux des nourrices et des « recommandaresses » sont le modèle d’une direction éclairée, active, vigilante. Cet établissement ne mérite que des louanges ; et le mal que fait à la population une trop nombreuse société a été réparé, pour ainsi dire, par sa police : tant l’ordre modifie cette étrange espèce humaine, et suppléait à la nature !

On a vu le jardinier, c’est-à-dire le gouvernement, avoir soin de la graine et s’occuper des générations futures.




(1) Agnès est le prénom caractéristique donné à une jeune fille innocente et très timide, d’après le personnage de la comédie de Destouches, La Fausse Agnès (1736)

(2) A la fin du XVIIe siècle les boulangers de Gonesse symbolisaient, dans l’esprit des Parisiens, l’en-semble des boulangers forains venant, tant du nord que du sud, vendre leur pain dans la capitale. Selon Nicolas Delamare, …la Ville de Paris tire ses provisions de pains des Boulangers de S.Denys, de Gonesse, de Corbeil, de Villejuif & d’autres endroits situez dans les cinq à six lieues de ses environs. Il est vray qu’elle a dans son enceinte deux cens cinquante boulangers qui cuisent du gros & du petit pain ; dans ses Fauxbourgs six cens soixante Boulangers de gros pain : Mais il est certain que cela ne suffirait pas sans neuf cens forains et plus venant de tous lieux deux fois par semaine. » Mais c’est du pain de Gonesse dont manquent les Parisiens pendant la Fronde, et deux générations plus tôt, Henri IV, assiégeant Paris, avait tenté de faire pénétrer des soldats dans la ville en les faisant passer pour des habitants de Gonesse venus ravitailler les Parisiens affamés.

(3) Mercier prévoit dans ce texte, six ans avant les faits, les circonstances de la grande journée révolutionnaire du 5 octobre 1789 qui ont abouti au retour définitif et contraint du roi Louis XVI et de sa famille à Paris, capitale du royaume de France.

(4) Recommandaresse : placière de nourrices, de servantes

 

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