De la loi salique à la Guerre de Cent Ans
La Loi salique est un recueil des coutumes nationales saliennes ou code de droit pénal, rédigé en latin à l’époque de l’invasion de la Gaule, revu officiellement sous Charlemagne, et qui contient essentiellement les tarifs de composition pécuniaire en cas de délits privés, des règles de procédure et de droit privé.
Le Titre LIX de abodis de la Loi Salique, excluant les femmes de la succession à la terra salica. Cette règle successorale sera invoqués par les juristes du XIVes. pour régler la succession au trône de France en en excluant non seulement les filles mais les parents par les femmes. Les trois évictions successives du trône de Jeanne de France en 1317, 1322 et 1328, bénéficieront à ses oncles Philippe le Long, Charles le Bel puis par son cousin Philippe de Valois Le nom de la première a été donné à la seconde par ses concepteurs, dans le but de faire croire à son ancienneté. Le lien entre les deux est un article de la première, qui a été soit falsifié soit interprété comme fondant la seconde.
En 1316, au mois de juin, le roi Louis X, qui avait conservé l’habitude de jouer à la paume, fit une longue partie au cours de laquelle il s’échauffa. Pour se rafraîchir, il descendit dans une cave et but un pichet de vin frais. Il fut saisi immédiatement d’un violent frisson. Le soir, il se mit au lit avec de la fièvre et meurt trois jours après, le 5 juin. Le jeune roi de 26 ans ne laissait pas de fils, mais son épouse Clémence de Hongrie était enceinte de quatre mois. Alors, Philippe, comte de Bourgogne, frère de Louis X le Hutin, convoqua les Grands du royaume en une assemblée qui eut lieu au palais de la Cité, le 16 juillet 1316, et où il fut décidé que la régence lui serait confiée jusqu’à ce que l’héritier royal ait atteint sa vingt-quatrième année. Le 14 novembre 1316, la reine mit au monde un garçon qui fut prénommé Jean, et aussitôt proclamé roi sous le nom de Jean Ier. Il ne vécut que cinq jours. Porté à Saint-Denis entre deux haies de torches retournées, il fut enterré après que l’armée eut crié trois fois : « Le roi est mort ». Le lendemain, Clémence de Hongrie, folle de douleur, se retirait dans un couvent de Provence.
Sans perdre de temps, le régent, fort de la décision qui avait été prise à son sujet lors de l’assemblée du 16 juillet, fit savoir aux Grands du royaume que son couronnement aurait lieu à Reims, le 9 janvier suivant… Cette décision hâtive provoqua une grande émotion.
De nombreux princes et de hauts dignitaires de l’Église s’élevèrent contre les prétentions de Philippe et lui rappelèrent que Louis X avait eu de sa première femme, Marguerite de Bourgogne, une fille prénommée Jeanne, qui avait six ans. Cette princesse est droite héritière du feu roi Louis devait régner . Et ils sommèrent l’archevêque de Reims de ne pas procéder au sacre du régent. Mais le prélat ne se laissa pas intimider et, le 9 janvier, les portes de la ville étant fermées et gardées, le sacre fut célébré sous la protection d’hommes d’armes. La cérémonie ne se déroula pas, pour autant, sans incident. Au moment où l’on fit l’appel des pairs, la vieille duchesse de Bourgogne, Agnès de France, propre fille de Saint Louis et mère de Marguerite de Bourgogne, s’avança au milieu de l’assemblée et, s’adressant avec autorité aux prélats et pairs présents, leur demanda de différer le couronnement tant que les droits de sa petite-fille Jeanne ne seraient pas reconnus. Personne ne lui répondit, et la cérémonie suivit son cours…
Après avoir été sacré, Philippe V dit le Long, voulut faire ratifier son coup de force par la nation. Il demande à l’Église de lui fournir une justification légitimant l’exclusion de la succession de Jeanne. La Sorbonne n’en trouve qu’une, bien faible, à formuler: Jeanne est la petite-fille de Philippe le Bel, alors que Philippe est son fils; il est donc plus près d’un degré du dernier grand roi…
Il convoqua les États Généraux à Paris pour le 2 février 1317. Au cours de cette réunion extraordinaire, un débat s’engagea sur la question suivante : une femme pouvait-elle monter sur le trône de France ? En effet, bien que Philippe eût placé les Grands devant le fait accompli, les droits de Jeanne devaient être étudiés, car sa qualité de seule héritière de France posait un problème nouveau et fort embarrassant. Depuis Hugues Capet, jamais l’occasion de débattre l’admissibilité des femmes à la couronne ne s’était présentée, tous les rois ayant eu des héritiers mâles ; ce qui n’empêchait pas les femmes de s’occuper. de politique. De nombreuses grandes dames, parfois très jeunes, étaient seigneurs de fiefs, gouvernaient des comtés, des duchés, figuraient parmi les pairs de France et prenaient une part importante à la direction de l’État. Certaines avaient même détenu des couronnes telles les reines de Navarre. Rien n’empêchait donc; Jeanne de monter sur le trône. Philippe le savait. Aussi utilisa-t-il contre la petite princesse l’arme juridique la plus terrible qui fût : le doute de légitimité ; ses arguments étaient d’ailleurs valables, car, en raison des adultères de Marguerite de Bourgogne, on pouvait se demander si Jeanne était bien la fille de Louis X. Seulement, il apparut difficile à Philippe V d’annoncer au royaume, à l’Europe, au Monde, qu’il devenait roi parce que Marguerite de Bourgogne avait eu la cuisse légère. Il y a des choses que les chefs d’État préfèrent garder pour eux. L’Assemblée partagea d’ailleurs l’opinion du nouveau souverain et décida de faire étudier les anciens textes dans l’espoir d’y trouver une phrase capable de justifier honnêtement l’élimination de la petite Jeanne. C’est ainsi qu’un légiste particulièrement zélé eut l’idée d’invoquer la vieille loi salique, que tout le monde avait oubliée.
Ce code, qui avait été rédigé vers 420 par les Francs Saliens, comportait effectivement un article précisant que la terre ne pouvait être héritée que par les mâles. Il suffisait de transporter ce principe du domaine civil au domaine politique, ce qui ne s’était jamais fait jusque-là, pour justifier l’accession au trône de Philippe V. Les légistes, ravis de leur découverte, ne s’embarrassèrent d’aucun scrupule et, d’un trait de plume, exclurent définitivement les femmes du droit à la couronne de France. C’est ainsi que le comportement de Marguerite de Bourgogne, en faisant douter de la légitimité de sa fille, permit l’institution d’une des lois fondamentales de la monarchie française.
Philippe V le Long meurt le 3 janvier 1322 après une maladie déclarée en fin 1321 sans héritier mâle. Son seul fils né le 24 juin 1316 à Paris, Philippe était le cinquième enfant de Philippe V le Long et de son épouse Jeanne II de Bourgogne. Dernier enfant du couple, il voit le jour après l’affaire de la tour de Nesle lors de laquelle sa mère a été accusée de complicité et emprisonnée.
La couronne échoit au comte de la Marche , frère de Philippe V, monte sur le trône sous le nom de Charles IV le 3 janvier 1322.
Le roi Charles IV meurt subitement, le 31 janvier 1328, à l’âge de trente-quatre ans. Comme il ne laissait que des filles, sa mort posait un problème extrêmement important ; avec lui, en effet, s’éteignait la lignée des Capétiens directs, qui régnaient sur la France depuis trois cent quarante et un ans. Pendant quelques mois, la régence fut confiée à Philippe, comte de Valois, cousin germain de Charles IV, car Jeanne d’Évreux était enceinte et l’on espérait bien que le dernier Capétien aurait un fils posthume. Mais la reine mit au monde une troisième fille… Alors Philippe de Valois monta sur le trône avec le titre de Philippe VI et se fit sacrer en grande pompe à Reims, avec sa femme Jeanne de Bourgogne, propre sœur de la malheureuse Marguerite qui était morte étranglée à Château-Gaillard.
La félicité des nouveaux souverains fut bientôt troublée par une réclamation provenant de Londres : le jeune Édouard III, en effet, revendiquait la couronne de France. Il soutenait, avec quelque logique, qu’il était plus proche parent du roi défunt que Philippe de Valois, donc héritier indiscutable du trône. Ses prétendons, qu’il avait fait connaître dès la mort de Charles IV, semblaient des plus fondées, puisqu’il était neveu, par sa mère, du dernier Capétien, alors que Philippe n’était que cousin germain de celui-ci. Seulement, Édouard était héritier par les femmes, alors que Philippe l’était par les hommes. Dès lors, une question se posait : les femmes pouvaient-elles transmettre des droits successoraux qu’elles n’avaient pas ? Les Grands, réunis au Palais en assemblée extraordinaire, décidèrent que non et confirmèrent la loi salique « modifiée » à la mort de Louis X. Cette décision ne fit pas renoncer Édouard III à ses prétentions. Sûr de son droit, il se prépara lentement et avec beaucoup de soin à venir prendre le trône de France par les armes. Dix ans plus tard, en 1338, il était prêt. En juillet, il franchit le Pas de Calais avec deux cents nefs, débarqua à Middlebourg, puis passa à Gand. Quelques semaines plus tard, le Tréport et Boulogne étaient saccagés sans merci.
La guerre de Cent Ans était commencée !