« Le Château de ma mère »
Du XIVe au XVIIIe siècle, les premières bastides s’implantent à la limite du terroir. Constructions typiques de l’architecture marseillaise et provençale, ce sont surtout des domaines agricoles.
À la fin du XVIIIe siècle, la percée de boulevards et avenues rendent les liaisons avec le terroir simples et rapides. Les bastides, lieux de villégiature pour les bourgeois, négociants ou armateurs, tendent à devenir leur résidence principale.
La percée du Canal de Marseille qui amène à la ville l’eau de la Durance et, l’apparition progressive des moyens de transports à moteur dès la première moitié du XIXe siècle confirmera la tendance.
Les bastides se parent alors d’éléments plus luxueux et présentent une architecture ostentatoire, mélangeant des styles différents. La Buzine en est un exemple type en présentant d’un côté une façade de style Louis XIII et de l’autre une façade décrite comme « romano-byzantine ». En général, ces demeures sont situées au bout d’une allée boisée et orientée plein sud. Leurs jardins et les paysages constituaient un écrin que les propriétaires ont entretenu avec soin : ils engageaient rocailleurs et paysagistes qui, grâce à l’arrivée de l’eau, y exprimaient là tout leur art.
En général, on accède à ces demeures par une allée boisée et orientée plein sud. Jardins et paysages leur servent d’écrins et sont entretenus avec le plus grand soin par les propriétaires qui font appel aux rocailleurs et paysagistes qui, grâce à l’arrivée de l’eau, y expriment tout leur art. La Buzine aura ainsi son étang pour pêcher et canoter, et une cascade donnant sur un large bassin.
Château de ma mère – la Buzine
Sur les hauteurs de Marseille, le château de la Buzine est indissociable de Marcel Pagnol. Cette bastide provençale qui lui a inspiré Le Château de ma Mère est un des bâtiments qui fait partie du patrimoine marseillais.
Situé au cœur d’un vallon entre Saint-Menet et les Camoins, entre les collines et la vallée de l’Huveaune, dans le 11ème arrondissement de Marseille, le château de la Buzine s’inscrit dans une chaîne de châteaux et de belles demeures qui raconte une part de l’histoire de la ville et de ses habitants.
C’était un vaste domaine sur lequel régna la famille Diodé jusqu’à la moitié du XVe siècle.
Un certain Guillaume Cabofigue fit l’acquisition en 1457 d’une majeure partie de la propriété des Diodé. Il en céda la partie sud à Guillaume Reynard. Son nom est parvenu jusqu’à nous, car ce domaine érigé en fief en 1715 a reçu selon l’usage le patronyme de son premier propriétaire en devenant La Reynarde. Sur les terres restantes, cinq fois plus petites que celles de la future Buzine, se constituèrent au fil des années et des époques un ensemble de résidences et d’exploitations agricoles.
Le domaine allait passer de main en main sans changement notable jusqu’à la Révolution française. Le lieu a changé d’occupants et d’activité, évoluant de la bastide au milieu de terres agricoles à la demeure bourgeoise, et d’une vocation à la villégiature à un véritable domicile.
Henry De Buzens était un écuyer noble de Marseille lorsqu’il acheta l’ensemble du domaine en 1667. La mode à l’époque était de féminiser l’appellation de sa terre à partir de son nom de famille. La propriété de De Buzens devint ainsi La Buzine. Le nom est resté jusqu’à nos jours.
L’histoire de la Buzine continue pendant la Révolution.
Une famille de Flotte qui était entrée en possession de la bastide, se la vit confisquer, en punition d’avoir émigré après les événements de 1789, ainsi que le firent de nombreux aristocrates de l’époque. Au cours du Premier Empire, une descendante met un point d’honneur à réunir et acquérir les biens de ses aïeux, ce qu’elle parvient à terminer en 1815 au moment de la chute de Napoléon.
Cinquante ans plus tard, en 1865, la famille de Flotte vend la Buzine à l’architecte-bâtisseur Pierre Hilaire Curtil. Avec ses gigantesques chantiers sur Marseille qui emploient jusqu’à six mille ouvriers, il œuvre à la construction de deux cents immeubles, quai de la Joliette, rue de la République, place Carnot, …). Il rase l’ancienne bastide et sur ses fondations, fait ériger le château dans sa forme à peu près actuelle.
A peine les travaux achevés, l’architecte vend le château de la Buzine à une riche famille d’armateurs qui ne le conserveront pas longtemps.
En 1869, dès les travaux achevés, Pierre Hilaire Curtil revend La Buzine à une riche famille d’armateurs.
Plusieurs propriétaires vont se succéder à la Buzine. Parmi les nombreuses transactions signées devant notaire, l’achat par Louis-Félix Pallez à Mme Juliette Mantes, belle-sœur d’Edmond Rostand, en 1901. Le nouveau châtelain dessine et ajoute en 1906 une extension à l’aile ouest dans laquelle il installe un salon de musique. Férue de musique, la famille y donnera à la Belle Epoque de nombreuses fêtes et des concerts… Tandis que la famille Pagnol, grâce à la clé ouvrant les portes le long du canal, longeait les différents domaines pour rejoindre La Treille, où le petit Marcel s’enivrait des saveurs de ses collines…
Marcel Pagnol a bien grandi et il est devenu un auteur à succès, du théâtre et du cinéma, lorsqu’il se met en quête d’un lieu assez vaste pour y construire ses nouveaux studios. Occupé à Paris, Marcel Pagnol confie la recherche d’un site et son achat à l’un de ses collaborateurs. Sans l’avoir seulement vu, il fait l’acquisition du domaine entier de la Buzine le 21 juillet 1941.
Son projet est ambitieux : créer à la Buzine, sa Cité du cinéma, un véritable « Hollywood Provençal » où il pourra tourner ses films, intérieurs et extérieurs, en assurer la préproduction et la post-production, avec plateaux, logements pour toute l’équipe, ateliers, auberge, et un espace accessible à tous autour de la culture méditerranéenne et du 7e art…
C’est en y venant, au moment de l’installation, qu’il reconnaît le château dont le garde et son chien effrayaient tant sa maman et qui deviendra « Le Château de ma mère » dans le deuxième volume de ses « Souvenirs d’enfance ».
Mais il n’aboutira pas. La guerre mettra un terme à la belle histoire avant qu’elle commence, et Pagnol finira par se séparer du Château.
En 1942, sous l’Occupation, le château sera réquisitionné et transformé en « Maison de repos du marin allemand ». C’est le début du lent et inexorable détérioration de la Buzine. À la Libération, des Francs-tireurs partisans occuperont les lieux avant de céder la place à une partie de l’état-major de l’armée française.
Successivement, le Château accueillera une infirmerie militaire, une compagnie de soldats, à nouveau l’armée, puis le Conseil Général de Pologne. Après quelques temps d’inoccupation, des réfugiés Espagnols y trouvent refuge et y demeurent quelques années. Suite à leur départ, la demeure est devenue insalubre et inhabitable.
Marcel Pagnol vend le domaine et ses quarante hectares en 1973 au promoteur Kauffman & Broad. Un lotissement de 249 villas est réalisé sur le Parc des 7 collines dès 1982, lorsque Marseille donne son autorisation de construction ; il ne reste de l’édifice de la Buzine qu’une ruine sans toit ni charpente qui se détériore rapidement. Du château, il ne reste bientôt plus qu’une ruine sans toit ni charpente qui, vandalisée, se détériore rapidement. À cette époque, La Buzine risquait de devenir un château fantôme…
En 1991, une association se crée et s’active dans le but de sauver ce qu’il reste du château à l’abandon au centre du lotissement. Quatre ans plus tard, le château de la Buzine est racheté par la Ville de Marseille. À l’abandon, victime du vandalisme, menaçant de tomber en ruine, le Château et son parc de quatre hectares seront pourtant sauvés. La Ville de Marseille rachète « le Château de ma mère ». Il sera même inscrit à l’inventaire des monuments historiques, le 13 Janvier 1997.
Le projet de restauration du château de La Buzine donne lieu à un concours, lancé en 2001 par la Ville de Marseille. En souvenir de son célèbre et ancien propriétaire, le lieu restera dédié à la culture ! Le Cabinet d’architecture et d’urbanisme Stern International va lui redonner vie, un toit digne de lui et de belles façades.
« Sans être un archéologue du désir, ce projet est la rencontre intimiste qui peut se référer à son passé, mon passé. Reconnaître une filiation de vie, « d’enfants des collines » pendant la guerre, pour exprimer la concordance, la justesse des écrits que Marcel Pagnol nous a fait découvrir et partager… Nous avons tous des gènes de Marcel Pagnol ! » – André Stern, architecte.
La première pierre de la Maison des Cinématographies de la Méditerranée est posée le 18 janvier 2007.
La façade Sud, caractérisée par une terrasse et un double escalier donne sur le parc. Pour la modernité, du côté Est, a été ajoutée une partie nouvelle enterrée et recouverte d’une terrasse engazonnée en amphithéâtre. Elle accueille désormais, outre l’entrée générale, une belle salle de cinéma-spectacle de 345 places avec orchestre et balcon.
Le niveau principal est le rez-de-jardin avec, au Nord, son hall d’entrée commun aux diverses activités. Les espaces d’expositions et de consultation et les bureaux de l’administration sont situés dans les étages.
Durablement sauvé, le château de la Buzine est inauguré dans la perspective de 2013, Marseille capitale européenne de la culture. La Ville en délègue la gestion et l’animation à une association, la Cinémathèque de Marseille.
Si le cinéma reste au cœur de son activité, le château ne va plus cesser d’élargir et d’étoffer son offre culturelle en proposant spectacles, concerts, animations, expositions, rencontres, ateliers à toutes les catégories du public.
Le château de la Buzine occupe désormais, dans son parc entouré de sept collines, une place de tout premier plan dans le paysage culturel de Marseille et d’un territoire plus vaste qui rayonne dans toute la vallée de l’Huveaune et dans les villages des collines.
Sources : https://labuzine.com/fr