LE CANTONNIER

Le cantonnier








Le cantonnier était l’ ouvrier préposé à l’entretien des routes ou des voies ferrées et de leurs abords.

Du XVIIe au XVIIIe siècle, les routes étaient entretenues par la corvée, obligation faite aux paysans de consacrer plusieurs jours de travail à ces tâches. Pierre Marie Jérôme Trésaguet a l’idée de mettre en place en 1764 des baux d’entretien de routes, qui sont découpées en cantons. Les ouvriers sont alors appelés des cantonniers. En 1816 les cantonniers adjudicataires sont remplacés par des cantonniers stationnaires, ouvriers permanents de l’État.

La France est le pays affichant le plus grand réseau viaire du monde. C’est un pays zébré de petites routes, maintenant de plus en plus délaissées, des routes qui faisaient le gagne-pain du cantonnier dont on attendait qu’il s’occupe des chaussées de son canton de façon assidue, de manière qu’elles soit sèches, unies, sans danger en temps de glace, fermes, et d’un aspect satisfaisant en toute saison. Il ne restera bientôt plus que les vides, témoignages muets d’une vie passée où les traverses de village en village irriguaient une vie commune qu’on peine aujourd’hui à s’imaginer.

Le cantonnier a disparu de nos routes, remplacé par l’agent d’entretien dans son flamboyant véhicule de service. C’est en 1947 que les appellations de cantonnier-chef et de cantonnier des Ponts et Chaussées sont respectivement remplacées par « conducteur de chantier des Ponts et Chaussées » et « agent de travaux des Ponts et Chaussées ». Ces derniers deviendront des agents d’exploitation en 1991 avec la création du corps des agents d’exploitation des Travaux Publics de l’État pour les agents travaillant en Direction départementale de l’Équipement ou des agents d’exploitation de la route ou agent d’entretien de la voirie pour la fonction publique territoriale. Depuis 2011 on parle aussi d’accoroutiste.

 

Son histoire

 

Au Moyen Âge, les grands chemins ne sont pas entretenus ou le sont aux frais de ceux qui s’en servent ou des propriétaires riverains. À partir du XVIIe siècle, ils commencent à être réparés, au gré de chaque intendant des généralités, à l’aide de la corvée, c’est-à-dire aux dépens des paysans et roturiers. La pratique de la corvée royale des grands chemins est généralisée en 1738 par Orry, contrôleur général des finances, pour permettre la construction des routes, faute pour le régime de disposer des fonds suffisants pour payer les travaux. La corvée s’étend à de nouveaux itinéraires et sa charge augmente avec de nombreux abus. On voit ainsi dans une lettre d’un grand prévôt en 1768 : « J’ai ordonné hier d’emprisonner trois hommes sur la réquisition du sous-ingénieur des ponts et chaussées, pour n’avoir pas satisfait à leur corvée ». Ailleurs, un piqueur des ponts et chaussées, chargé de diriger la corvée, est poursuivi par un paysan qu’il a maltraité et l’ingénieur en chef écrit à l’intendant que bien que le piqueur soit répréhensible, il ne faut pas donner suite à cette affaire afin que les travaux ne « fussent pas troublés par des procès continuels que l’animosité publique qui s’attache à ces fonctionnaires feraient naître ».

 

Attention aux voleurs de pavés !

 

Un arrêt royal, daté de 1731, déplore divers larcins commis en ville : « Sa Majesté étant informée que les entrepreneurs des ouvrages neufs et d’entretien des ponts, chemins et chaussées du royaume sont troublés dans leurs travaux qu’il arrive fréquemment dans ladite ville de Paris, que différents particuliers enlèvent pendant la nuit les pavés conduits sur les ateliers et destinés aux ouvrages du lendemain, que d’autres ont dépavé des portions considérables de chaussée, soit pour employer les pavés pour leur usage particulier, soit pour les fendre et débiter pour de petits ouvrages, soit pour les réduire en poudre et les vendre aux marbriers et autres artisans : en conséquence défend à tous particuliers de dépaver les rues de Paris. A peine pour les contrevenants d’être pour la première fois attachés au carcan avec écriteaux sur lesquels sera écrit : voleur de pavés et d’être en cas de récidive condamnés aux galères. »

C’est de la généralité de Limoges où Turgot est nommé intendant le 8 août 1761 que va apparaître la notion de canton et des cantonniers et qui va faire évoluer l’administration de l’entretien des routes, répondant initialement à un souci de rassurer les voyageurs et de rendre plus accessible les relais de poste, les communes. Sous sa direction, Pierre Marie Jérôme Trésaguet, ingénieur des Ponts et Chaussées de la généralité, met au point son bail d’entretien des chemins dans la province à partir de 1764 où il prescrit de diviser les routes « en cantons » de village à village. C’est à partir de ce nouveau terme de « canton » qu’il précise que toutes ces parties de route comprises en présent bail seront entretenues par des « cantonniers » et non par des ateliers ambulants.

Cette organisation est petit à petit transposée dans les autres généralités, particulièrement dans les départements où la corvée a été supprimée depuis 1786, ce qui avait justifié la recherche d’un système de remplacement. Les travaux d’entretien sont confiés aux entrepreneurs qui, à l’instar de l’organisation de la généralité de Limoges, divisent en cantons les parties de routes qu’ils ont à entretenir. Sur chaque « canton », les ouvriers prennent le nom de cantonniers ou de stationnaires, c’est-à-dire chargés d’une station. Ainsi les cantonniers sont créés en 1788 dans le département de Seine-Maritime, en 1791 en Seine-et-Oise. Dans les Côtes-d’Armor, ils n’apparaîtront qu’en 1807.

La corvée des routes (ordonnance de 1738) étant jugée inadaptée, c’est sous l’impulsion de Napoléon que, en 1816, les cantonniers deviennent des agents de l’administration. Ce sont alors des ouvriers travaillant sur un canton (section de route de sept à huit kilomètres) pour le compte d’un entrepreneur adjudicataire d’un bail d’entretien définissant les travaux de maintenance ou d’amélioration d’une route et de ses dépendances.

Toutefois le « cantonnier  » restait encore un ouvrier des entrepreneurs. Il faudra attendre que, devant l’état déplorable des routes après les épreuves révolutionnaires, Napoléon, demande le 29 août 1810 la formation d’une commission qui propose le nouveau système à adopter pour la construction et l’entretien des routes soit celui des cantonniers soit tout autre. Le décret du 16 décembre 1811 institutionnalise finalement, en y consacrant une section entière, l’emploi des cantonniers.

Le principe est d’adjuger à des cantonniers l’emploi des matériaux pour une durée de trois ans. Tout individu habitant une commune dont le territoire est traversé par un canton de route, ou en est limitrophe, peut présenter sa soumission pour le travail d’entretien du canton concerné.

La fourniture des matériaux d’entretien fait l’objet de baux passés avec l’administration, six ans pour la fourniture de pavés, trois ans pour l’extraction, le transport et le cassage des matériaux pour les routes non pavées. Les maîtres de poste peuvent soumissionner pour l’entretien des sections de route comprises dans leurs relais et ont la possibilité de réunir la qualité d’adjudicataire de la fourniture des matériaux et celle de cantonnier ; ce qui est interdit aux autres citoyens ou entrepreneurs !

En 1812 les routes impériales sont divisées en cantons, le principe est d’adapter la longueur de chaque canton à celle séparant les relais de poste.

Le texte suivant montre la volonté des nouveaux venus d’effacer toutes les traces de l’Empire. Nous sommes pendant la première Restauration (juin 1814 – mars 1815), juste avant le retour de Napoléon 1er et les Cent jours…

Par courrier en date du 22 novembre 1814, le directeur général des Ponts et Chaussées (M. Pasquier), précise à MM. les préfets : «  La sculpture des aigles en demi-bosse sur les bornes départementales n’offrant pas assez de relief pour les transformer en fleurs de lis d’une dimension proportionnée, j’ai l’honneur de vous informer que j’ai décidé que ce changement aurait lieu de la manière suivante : la fleur de lis sans couronne sera sculptée en relief, mais au lieu d’être comme l’aigle, en saillie sur le corps de la borne, elle sera placée dans une calotte circulaire dont le diamètre aura vingt-quatre centimètres et la plus grande profondeur vingt-quatre millimètres… La modification que je viens de prescrire n’ayant pour but que la substitution d’un emblème à un autre, il ne sera rien changé aux dimensions générales déterminées pour ces bornes par la circulaire du n février 1813. »

Avec le décret du 11 juin 1816 promulguant le « Règlement pour le service des cantonniers salariés chargés de l’entretien des routes en cailloutis. », les cantonniers adjudicataires sont remplacés par des cantonniers stationnaires, ouvriers permanents de l’État.

 

Des préoccupations « terre à terre »

 

Pas facile de garantir l’entretien des routes !

Dans une lettre circulaire, M. Becquey, P, directeur général des Ponts et Chaussées et des Mines depuis 1817, précise : « Monsieur le préfet… Les routes royales se divisent en deux classes par la nature de leur construction. Les unes ont des chaussées d’empierrements ou de gravelages, et les autres des chaussées en pavé. 11 y a depuis longtemps des cantonniers sur les premières. Et il n’y en a point eu jusqu’ici sur les secondes, sauf quelques exceptions assez rares. Beaucoup de parties de routes n’ont point encore de fossés. D’autres, par la nature du terrain sur lequel elles sont assises, ont des talus sujets aux éboulements et qu’il faut entretenir. Enfin dans certaines localités, les routes sont bordées de murs, ou de haies, ou de propriétés précieuses, et il devient nécessaire de porter au loin les déblais dont on doit se débarrasser. Ces ouvrages ne peuvent pas toujours être confiés parce qu’ils détourneraient trop ces ouvriers des soins qu’ils doivent aux routes et à l’entretien des fossés. MM. les ingénieurs doivent examiner le mode qu’il est convenable de suivre pour l’exécution de ces ouvrages. L’ouverture des fossés peut être exécutée à l’aide d’ateliers ambulants dirigés par les employés de l’administration, ou portée dans les baux d’entretien des routes. Le transport des déblais peut être confié aux entrepreneurs et, lorsque ce moyen sera préféré, il faudra le comprendre dans les baux. Il n’y a point de bonnes routes sans fossés pour l’écoulement des eaux : il faut donc en ouvrir parfois où il n’en existe point. Lorsqu’il sera nécessaire d’en charger les entrepreneurs, il suffira d’énoncer cette sorte de travail dans les devis d’entretien, et d’indiquer, dans les détails qui les accompagnent, les prix à allouer pour chaque mètre cube de déblais provenant de l’ouverture des fossés neufs. On aura soin de prévoir l’espèce des déblais, soit dans un terrain ordinaire, soit dans un terrain mêlé de pierrailles et de rochers au pic, soit enfin dans des rochers à la poudre. MM. les ingénieurs en chef doivent tous les ans vous proposer de destiner des fonds à l’ouverture des fossés, et porter leurs propositions, à ce sujet, dans la répartition des fonds de chaque exercice, jusqu’à ce que les fossés soient ouverts partout où ils sont nécessaires. Il est entendu qu’ils proportionneront leurs dimensions en longueur, largeur et pro-fondeur, aux besoins et à la nature du sol. Dans les éboulements considérables qui viennent obstruer les fossés, il n’y a généralement que des déblais à faire pour les rétablir, ainsi que les formes de la route : il faut adjoindre, quand il est nécessaire, des auxiliaires aux cantonniers pour opérer ces déblais. »

Le règlement pour le service des cantonniers est rendu obligatoire par décret du 10 décembre 1835 où apparaît également le grade de cantonnier-chef qui a vocation à encadrer un groupe de cantonnier. Celui-ci peut être momentanément employé à surveiller l’exécution et à tenir les attachements des travaux de repiquage des chaussées pavées et à diriger les chantiers ambulants.

Connaissant un développement lié à la révolution industrielle et l’essor de l’économie française qui entraîne une intensification de l’utilisation des moyens de communication, l’entretien des routes devient constant et régulier (déblayage, empierrement du réseau routier), ainsi des cabanes sont construites au bord des routes pour permettre aux cantonniers d’entreposer leur matériel et de s’abriter.

 

Devoir de formation : il ne suffit pas que les cantonniers soit choisis, il faut encore qu’ils soient instruits

 

Extrait de la Circulaire des ponts et chaussées et des mines, 1848).

« Il est plus difficile de faire comprendre qu’on ne le pense à un ouvrier les meilleurs moyens à employer pour rendre ses soins et son travail profitables. Pour arriver à ses fins, il faut que les piqueurs, les conducteurs et les ingénieurs se fassent accompagner, dans leurs tournées, par chaque cantonnier, dans l’étendue de leur canton : qu’ils saisissent cette occasion de leur montrer ce qu’ils ont fait de bien ou de mal et de leur donner, pour ainsi dire, quelques leçons d’application. L’ingénieur en chef lui-même ne doit pas dédaigner de descendre à ces détails, et de profiter de ses tournées annuelles pour faire connaître à tous les devoirs et les moyens de les remplir.  On doit veiller d ce que les cantonniers soient munis des outils prescrits par le règlement et faire joindre à ces outils des trapèzes formés de quatre fortes lattes indiquant les dimensions des fossés ; Il importe encore que les piqueurs et conducteurs ne soient pas occupés de projets étrangers à l’administration. Enfin, MM. les ingénieurs en chef ne manqueront pas de donner l’exemple de cette application exclusive des individus, aux fonctions pour lesquelles ils sont établis, en s’interdisant eux-mêmes toute distraction des agents de leur service. »

Dans le règlement du 20 février 1882, il est exigé que le cantonnier sache lire et écrire.

 

 

En 1947, les appellations de cantonnier-chef et de cantonnier des Ponts et Chaussées sont respectivement remplacées par « Conducteur de chantier des Ponts et Chaussées » et « Agent de travaux des Ponts et Chaussées ». Ces derniers deviendront des agents d’exploitation en 1991 avec la création du corps des agents d’exploitation des Travaux Publics de l’État pour les agents travaillant en Direction départementale de l’Equipement ou des agents d’exploitation de la route ou agent d’entretien de la voirie pour la fonction publique territoriale.

 

Travail des cantonniers

 

Le travail du cantonnier consistait à bien soigner l’entretien des chaussées de son cantonnement de façon assidue, de manière que la chaussée soit sèche, unie, sans danger en temps de glace, ferme, et d’un aspect satisfaisant en toute saison.

Un cantonnier avait la responsabilité d’une portion de grande voirie qui s’étirait sur une douzaine de kilomètres. A l’époque des véhicules à crottin, l’homme se contentait de signaler sa présence en plantant sur l’accotement un écriteau métallique, peint en rouge vif, sur lequel, à la craie, il indiquait le numéro de la route et la désignation du canton. Les ordres qu’il exécutait émanaient d’un supérieur hiérarchique et d’un ingénieur. C’était à bicyclette que le cantonnier chef faisait son inspection. Les gens prétendent volontiers, sur le ton de la blague, qu’un cantonnier n’a de corne qu’au menton à force de rester arcbouté, des journées complètes, du matin au soir, sur le manche de son outil; de la médisance pure et simple.

Avant la Grande Guerre, les usagers  ne se bousculaient pas sur les chemins des villages. Le cantonnier transportait ses outils dans une brouette qu’il garait au bord du talus tant que durait son ouvrage de réfection. Peu se rappellent encore ces êtres solitaires. Selon la saison, ils balayaient les mottes laissées par les charrues, étalaient les gravillons ou curaient les fossés en prévision des pluies, faucardaient les fossés pour faire s’écouler les eaux, comblaient les nids-de-poule avec du bitume et des gravillons, traînaient derrière eux leur « point-à-temps », damaient les aspérités de la route du matin jusqu’au soir. L’herbe des accotements était laissée aux paysannes, qui la faucillonnaient pour leurs lapins ou y attachaient leurs chèvres. On disait malicieusement que le cantonnier, qui rempierrait pendant l’hiver mettait « les pièces à côté des trous ». Les pierres étaient fournies par les paysans, comme pendant les corvées du Moyen Age. Les trous rebouchés, le cantonnier tassait les reprises en roulant dessus un cylindre à avoine; le cheval était prêté par un paysan complaisant. Des cabanes, maçonnées ou en pierres sèches, construites çà et là sur l’accotement, permettaient aux cantonniers de s’abriter des intempéries et, la journée terminée, de ranger les outils qu’ils n’auraient pas, de la sorte, à rapporter le lendemain. Sur une route départementale ou un chemin vicinal, jamais on ne manquait d’y voir un cantonnier à son labeur. Sa présence semblait faire partie du paysage, s’y fondre en y bougeant sans cesse. Où que l’on portait son regard dans les vastes campagnes françaises, on ne tardait pas à y déceler un cantonnier ou deux, petits points noirs qui évoluaient doucement le long des voies, quelles que soient les saisons ou les aléas de la météo. Mais de même qu’on ne les voit plus guère depuis près d’un demi-siècle, il ne viendrait plus à l’idée de personne de fouler à pied ces chemins qui mènent nulle part. Aussi le cantonnier a-t-il disparu, presque sans laisser de traces.

On avait d’une part des ouvriers non qualifiés dont le statut est le plus bas de toute la hiérarchie des professions Le cantonnier se distinguait à peine du forçat qui, lui aussi, cassait des cailloux à longueur de journée. Son équipement est tellement rudimentaire qu’il ne lui reste que sa force de travail brute, exposée à tous les dangers et aux éléments de toutes les saisons. Et c’est un solitaire qui ne connaît pas – ou ne connaît qu’indirectement – les élans de la solidarité ouvrière. Il est seul du matin au soir, avec sa feuille de service, visité inopinément par son chef, le « piqueur », sans fréquenter ses camarades en dehors de rares meetings que par bonheur les syndicats mettent en place. En même temps, il est pris dans une hiérarchie impitoyable : au sommet, les ingénieurs des Ponts et Chaussées, pour qui il n’est qu’une fourmi laborieuse qu’on remplace au gré des besoins. Mais cela n’empêche pas le Règlement de mettre le métier en classes, de former des chefs-cantonniers chargés de veiller au grain, d’être particulièrement vétilleux quand, pour deux sous de plus, un cantonnier de 5e classe prétend passer en 4e. .

Le règlement du 10 décembre 1835 précise de manière détaillée le travail attendu assurer l’écoulement des eaux au moyen du curage des cassis, gargouilles, arceaux, et de petites saignées faites à propos partout où elles seront nécessaires, en observant que ses saignées ne devront jamais être faites dans le corps de la chaussée ;

    • Faire, en saison convenable, les terrasses pour ouvrir et entretenir les fossés, régler les accotements et talus, jeter les terres excédantes sur les terrains voisins, s’il n’y a pas d’opposition, ou les emmétrer pour faciliter leur mesurage ou leur enlèvement ;

    • Enlever, dans le plus court délai possible, au rabot ou à la pelle, les boues liquides ou molles sur toute la largeur de la chaussée, quand même il n’y aurait ni flaches ni ornières, et accumuler, jusqu’à nouvel ordre, sur l’accotement ces boues en tas réguliers ;

    • Régaler ces boues, lorsqu’elles seront sèches, sur les accotements qui auront perdu leur forme, et jeter le surplus sur les champs voisins, s’il n’y a pas d’opposition ;

    • Redoubler de soin aux approches de l’hiver pour l’exécution de ce qui est prescrit aux deux paragraphes précédents, afin d’éviter les bourrelets de terre gelée ;

    • Dans les temps secs, enlever la poussière et la déposer sur les accotements ;

    • Déblayer les neiges sur toute la largeur du chemin, ou au moins de la chaussée, notamment aux endroits où elles s’accumulent et gênent la circulation ; les jeter immédiatement sur les champs voisins, s’il est possible, ou les mettre en tas sur les accotements, de manière à indiquer aux conducteurs de voitures l’emplacement de la voie ;

    • Casser les glaces de la chaussée, les enlever et répandre du sable et des gravats, notamment dans les côtes et les tournants brusques ;

    • Casser aussi les glaces des fossés et les enlever dans les endroits où elles s’accumulent de manière à faire craindre l’inondation de la voie lors du dégel ;

    • Au moment du dégel, favoriser l’écoulement des eaux et enlever les fragments de glaces et de boues, afin que les effets de ce dégel nuisent le moins possible et au roulage et au chemin ;

    • Rassembler, casser et emmétrer, en tas distincts et d’une forme particulière, toutes les pierres errantes, mobiles, saillantes, ou seulement apparentes, lorsqu’elles ont trop de volume, et celles qui seraient à proximité dans les champs voisins et dont on pourrait disposer pour les approvisionnements du chemin ;

    • Casser les matériaux destinés à l’entretien, quand ce cassage ne devra pas être fait par l’entrepreneur de la fourniture ;

    • Couper ou arracher les mauvaises herbes et les chardons, surtout avant la floraison ;

    • Débarrasser la chaussée de tout ce qui peut porter obstacle à la circulation ;

    • Nettoyer, par l’enlèvement des terres, plantes et corps étrangers, les plinthes, cordons et parapets des ponts, ponceaux et autres ouvrages d’art ;

    • Veiller à la conservation des bornes kilométriques et des poteaux indicateurs.

Il devait aussi apporter une très grande attention et surveiller si les laboureurs n’empiétaient pas sur les bermes avec leur charrue, vérifier si les approvisionnements de matériaux étaient conformes au marché et le caillou de grosseur convenable et exempt de terre. Si en cas de fraude, il n’avertissait pas son supérieur, il se rendait coupable d’intelligence avec l’adjudicataire et était sévèrement réprimé.

Outre ces tâches de travaux, les cantonniers devaient porter gratuitement aide et assistance aux voituriers et voyageurs, mais seulement dans le cas d’accidents.

Les axes principaux furent goudronnés dans les années 1920, mais le macadamisage du réseau secondaire ne se fit qu’après la Seconde Guerre. Si les conditions de circulation s’en trouvèrent améliorées, le boulot des cantonniers n ‘en devint pas moins pénible pour autant. Il fallait toujours rapiécer le revêtement, nettoyer les accotements, faucher les talus, faucarder et curer les fossés, prêter la main aux maçons qui construisaient les ponts d’écoulement. Les cantonniers des nationales se chargeaient, en plus, de l’élagage des alignements d’arbres et des replantations qui s’imposaient. En revanche, l’entretien des chemins vicinaux relevait des municipalités. Les voies empierrées étaient plus éreintantes à entretenir que les routes goudronnées, cela va de soi. Il y avait sans cesse des ornières qui se creusaient, des trous qui s’approfondissaient, des ravinées qui s’aggravaient sous l’orage. Au dégel de chaque hiver rigoureux, les véhicules s’enlisaient dans la gadoue et ne parvenaient plus  à se tirer des bourbiers. Parfois, on devait appeler un cultivateur à la rescousse, qui rappliquait avec son cheval. Et c’était le rechargement qu’on entreprenait aussitôt, à la pelle et à la brouette, qu’il  pleuve ou qu’il vente, afin que la mésaventure ne se reproduise pas tout de suite. On tassait ensuite le raccord à la demoiselle ou au rouleau. En cas de rempierrement total, on arrosait copieusement le caillou que le cylindre s’apprêtait à compacter.

 

 

Le cantonnier chef

 

Tous les cantons de routes d’un département sont répartis en circonscriptions contenant chacune au moins six cantons. Les six cantonniers forment entre eux une brigade : l’un d’eux, désigné à cet effet par l’ingénieur en chef sur la proposition de l’ingénieur ordinaire, est cantonnier-chef; il doit savoir lire et écrire et il est choisi parmi les cantonniers qui se sont distingués par leur zèle, leur bonne conduite et leur intelligence.

Les cantonniers-chefs ont un canton plus court que celui des autres cantonniers, pour qu’il leur soit possible de vaquer aux devoirs spéciaux qui leur sont imposés. Ils accompagnent les conducteurs et les employés secondaires des ponts et chaussées dans leurs tournées. Ils prennent connaissance des ordres qui sont donnés par ces agents aux cantonniers de leur brigade, et ils veillent à ce que ces ordres reçoivent leur exécution.

Ils parcourent donc toute l’étendue de leur circonscription au moins une fois par semaine suivant des itinéraires, à des jours et heures variables, fixés par le conducteur de la subdivision, pour s’assurer de la présence des cantonniers; ils guident ces derniers dans leur travail ; ils rendent compte de la marche du service, notamment au moyen de la feuille hebdomadaire de tournée, instituée par circulaire ministérielle du 31 août 1852, aux agents de l’Administration sous les ordres desquels ils sont plus spécialement placés.

Ils peuvent être momentanément employés à surveiller l’exécution et à tenir les attachements des travaux de repiquage des chaussées pavées, et à diriger des ateliers ambulants.

Ils concourent aussi à la constatation des délits de grande voirie et des contraventions aux règlements sur la police du roulage, après avoir été dûment assermentés à cet effet. Ils peuvent également être commissionnés pour la constatation des délits de pêche.

Le cantonnier chef de 1839 était choisi parmi les cantonniers qui se sont distingués par leur zèle, leur bonne conduite et leur intelligence. Ce n’est qu’à partir de 1882 qu’il doit savoir lire et écrire. Le contrôleur des TPE d’aujourd’hui est recruté par un concours ouvert aux candidats titulaires du baccalauréat.

 

 

Origine : 1835, création du titre Cantonnier chef

 

  • 1835 : La Direction Générale des ponts et chaussées transmet aux Préfets le nouveau règlement pour le service des cantonniers employés à l’entretien des routes. La circulaire n° 3 du 18 Février qui accompagne ce document précise que :

    • « Parmi les dispositions nouvelles que renferme le règlement, vous remarquerez celle qui a pour objet la création d’une classe supérieure de cantonniers, sous le titre de cantonniers chefs… ».

    • Cette création fournira le moyen d’exercer (…) une surveillance plus efficace et d’exciter le zèle des simples cantonniers et de récompenser ceux qui se distingueront par leur activité, par leur intelligence et par une bonne conduite soutenue.

       

Évolution : Du cantonnier chef au conducteur de chantier

 

 

    • Les conducteurs chefs avaient un canton de route à surveiller moins long que celui des autres cantonniers mais ils devaient comme eux « mettre la main à l’œuvre et donner le modèle de l’assiduité et du bon travail ».

    • 1939 : La circulaire ministérielle B.11 du 8 Février précise qu’en aucun cas, les cantonniers chefs des Routes Nationales ne devront désormais être astreints à effectuer les travaux manuels d’entretien d’un canton, même de longueur réduite.

    • 1944 : Le titre de chef cantonnier est substitué à celui de cantonnier chef.

    • 1947 : L’appellation de chef cantonnier est remplacé par celle de conducteur de chantier des ponts et chaussées.

 

Aujourd’hui : Du conducteur au contrôleur des TPE

    • 1961 : Les conducteurs de chantier des ponts et chaussées deviennent conducteur des Travaux Publics de l’État.

    • 1988 : Un décret du 21 Avril supprime le recrutement des conducteurs des travaux publics de l’État et crée le corps des contrôleurs des travaux publics de l’État. Le nouveau corps est alors classé dans la catégorie B des fonctionnaires de l’État et comporte un grade de contrôleur principal des TPE.

       

Outils du cantonnier

 

Le cantonnier devait se procurer les outils qui lui étaient nécessaires. Dans le règlement de 1835, il est précisé qu’il devait en particulier disposer d’une brouette, d’une pelle en fer, d’une pelle en bois, d’un outil dit tournée, formant pioche d’un côté et pic de l’autre, d’un rabot de fer, d’un rabot de bois, d’un râteau de fer, d’une pince en fer, d’une masse en fer et enfin d’un cordeau de 10 mètres de longueur. Dans le règlement de 1882, la pince en fer est supprimée et la longueur du cordeau passe à 20 mètres.

En 1882, il est également spécifié que les cantonniers-chefs doivent être pourvus, en outre, de trois nivelettes, d’une roulette ou ruban décamétrique et d’une canne graduée.

 

 

Le seul outil remis gracieusement par l’administration remis à chaque cantonnier était en 1835 un anneau en fer de 6 centimètres de diamètre pour qu’il puisse reconnaître si le cassage de la pierre, qu’il aurait à répandre sur le chemin, est fait conformément aux prescriptions du devis. En 1882, l’outil dit tournée est également fourni par l’administration.

Les absences sur le temps du travail pour les porter à réparer n’étaient pas autorisées. C’est en fin de journée, ou pendant les heures de repas, qu’il devait les porter chez le maréchal ou le charron et il en était de même pour les retirer.

 

Travail hebdomadaire

 

Le travail du cantonnier était un vrai travail de forçat qui consistait essentiellement à casser des cailloux et déblayer les routes de tous détritus et autres encombrants.

De la mi-mars à la mi-septembre, le cantonnier devait être à six heures du matin sur la route et gaillardement faire ses 78 heures hebdomadaires, y compris le temps du repas qu’il devait prendre sur place et un salaire dérisoire. Le soir, il terminait à sept heures. De belles et longues journées au contact de la nature, si on ajoute pour certains, l’heure de trajet pour rentrer chez eux.

En hiver, l’horaire était allégé: il commençait son travail une demi-heure avant le lever du soleil et le terminait une demi-heure après le coucher. Les jours où il ne travaillait pas, comme les dimanches et fêtes, il était astreint à surveiller son canton et si une urgence survenait, excavation, déneigement, talus éboulé ou autre, il devait intervenir. Il pouvait ainsi travailler jusqu’à 91 heures de corvée.

En cas de maladie, son absence pouvait être autorisée sous réserve qu’il trouve un remplaçant le temps de son congé. Bien entendu, le salaire de l’ouvrier suppléant était payé, aux dépens de celui du cantonnier. En cas d’absence non autorisée ou de peu d’empressement à assurer son travail, une forte amende pouvait lui être infligée : une absence, 3 livres d’amende, deuxième absence, 6 livres et troisième absence, 9 livres plus la destitution.

Une partie des amendes servait à financer les gratifications des bons cantonniers qui faisaient preuve d’assiduité et l’autre partie comme prime aux conducteurs.

 

 

Conditions d’admission et salaires

 

En 1790, les bas salaires proposés aux agents ne les incitaient guère à faire carrière dans la fonction publique. Dans le privé, les rémunérations étaient deux fois plus importantes et les fermiers avaient grand besoin de main-d’œuvre, mais les hommes valides étaient au front pour repousser l’envahisseur. Autre atout à l’avantage des paysans en cette période de disette, il était beaucoup plus facile de manger à sa faim en travaillant dans les exploitations agricoles.

En 1795, avec l’augmentation des prix et en particulier de celui du pain, la situation devient très critique. Les cantonniers de Rouen par exemple payaient le pain plus de 15 livres la livre, la paire de sabots 25 livres et la pelle en bois 20 livres, cette même pelle coûtait 3 livres en 1791, alors qu’ils ne gagnent que 5 livres par jour.

Avec les règlements de 1835 puis de 1882, les conditions s’améliorent. Le corps des cantonniers est structuré en trois classes. Pour chacune d’elles, le salaire est fixé par le Préfet, sur proposition de l’ingénieur en chef.

 

 

Uniforme et signes distinctifs

 

Le chapeau

En 1791, on reconnaissait le cantonnier à la plaque de cuivre, gravée d’une fleur de lys, qu’il portait sur son bonnet ou son chapeau. La dépense de sept livres était à la charge des entrepreneurs.

La fleur de lys était supprimée en septembre 1793. Puis on substitua au chapeau, le bonnet de la Liberté.

Dans le règlement de 1811, le chapeau du cantonnier est normé. Il doit y avoir autour de la forme du chapeau une bande de cuivre de 0,28 m de longueur, et de 5,5 cm de largeur, sur laquelle est écrit en découpure le mot cantonnier.

Selon une circulaire des ponts et chaussées et des mines de 1848, l’article 22 du règlement oblige « les cantonniers à porter; dans leur travail, un chapeau avec une fleur de lys et un costume uniforme. On a satisfait la première de ces indications , mais ce n’est que dans quelques départements qu’on leur fait porter le costume uniforme. Il est à désirer que cette mesure devienne générale – elle facilite la surveillance de la police et a 1’avantage d’attacher les cantonniers d leur état. » .

Le guidon

Il est remis, en outre, à chaque cantonnier un signal ou guidon, qui, planté sur le chemin, à moins de 100 mètres de distance de l’endroit où travaille le cantonnier, permet de signaler sa présence.

Le descriptif donné dans le règlement est très détaillé. Le guidon est formé d’un jalon de 2 mètres de longueur, divisé en décimètres, ferré par le bas et garni par le haut d’une plaque en forte tôle de 0,24 m de largeur et de 0,16 m de hauteur, sur chacune des faces de laquelle sera indiqué, en chiffres de 0,08 m de hauteur, le n° du canton.

Le costume

Le costume du cantonnier était fait d’un gilet-veste de drap bleu et pantalon de même, large et descendant jusque sur le cou-de-pied, en été, le pantalon était de toile blanche. Les jours ouvrables, le cantonnier devait porter constamment un tablier de cuir qui lui descendait jusqu’aux genoux.

Dans le cas où le stationnaire ne pouvait se procurer l’uniforme obligatoire, une retenue sur salaire était faite, jusqu’au paiement intégral des habits et coiffure. Les frais d’habillement n’étaient jamais avancés, comme pour les outils, les vêtements étaient livrés après paiement. Les agents de petite catégorie n’avaient pas la chance des ingénieurs qui recevaient gratuitement un uniforme et des chaussures.

En 1882, il est dit que le cantonnier-chef porte un brassard au bras gauche.

 

Extrait du livre du cantonnier (1882)

Service vicinal de grande communication

Livret de cantonnier

Chemin de grande communication n° ….
de ………… à …………

Canton n° …. compris

Le Sr ……………….. cantonnier,
demeurant à ……………..

 

Règlement pour le service des cantonniers

 

ARTICLE Ier – Définition du service des cantonniers.

Les cantonniers sont chargés des travaux de main-d’œuvre relatifs à l’entretien journalier des chemins, sur une certaine étendue qui prend le nom de canton.

Autorités auxquelles ils doivent obéissance

Ils doivent obéissance, pour tout ce qui a rapport à leur service, aux agents-voyers. Dans les cas d’urgence, ou en l’absence d’ordres de la part des agents-voyers, le président, ou un délégué de la commission, pourra commander aux cantonniers les travaux utiles, sauf à en référer immédiatement aux agents-voyers.

ART. 2 – Nomination des cantonniers .

Les cantonniers sont nommés et congédiés par le préfet, sur la proposition de l’agent-voyer chef et l’avis de la commission, dans l’arrondissement de Caen ; et, dans les autres arrondissements, sur la proposition du sous-préfet, qui prendra l’avis de l’agent-voyer chef et de la commission.

ART. 3 – Conditions d’admission .

Pour être nommé cantonnier, il faut :

1° avoir satisfait aux lois sur le recrutement, et ne pas être âgé de plus de 50 ans;
2° N’être atteint d’aucune infirmité qui puisse s’opposer à un travail journalier et assidu ;
3° Avoir travaillé dans des ateliers de construction ou de réparations de routes ou chemins ;
4° Etre porteur d’un certificat de moralité, délivré par le maire de la commune.
Les postulants qui sauront lire et écrire seront préférés.

ART.4. – Création et attributions spéciales des cantonniers chefs .

Il sera nommé un cantonnier chef sur chaque ligne arrivée à l’état complet d’entretien. Ce cantonnier devra savoir lire et écrire, et être choisi, autant que possible, parmi les cantonniers qui se seront distingués par leur zèle, leur bonne conduite et leur intelligence.

Le cantonnier chef aura une station plus courte que celle des autres cantonniers, pour qu’il lui soit possible de vaquer aux devoirs spéciaux qui lui sont imposés.

Il accompagnera les agents-voyers dans leurs tournées.

Il prendra connaissance des ordres qui seront donnés par ces agents aux cantonniers de la ligne, et il veillera à ce que ces ordres soient exécutés.

Son canton sera placé, autant que possible, au centre de la ligne, et il devra parcourir les deux points extrêmes de cette ligne au moins une fois par semaine, en faisant varier les jours et les heures de ses visites, pour s’assurer de la présence des cantonniers ; il les guidera dans leur travail ; il rendra compte aux agents-voyers et fournira aussi aux membres de la commission tous les renseignements qui lui seront demandés.

Il pourra être momentanément employé à diriger des ateliers ambulants et l’emploi des prestations applicables à la ligne.

Le salaire du cantonnier chef sera fixé à un quart en sus de celui des cantonniers de la même ligne.

ART.5 – Signes distinctifs des cantonniers .

Les cantonniers auront autour de la forme de leur chapeau une bande de cuivre de 0m28 de longueur, et de 0m055 de largeur, sur laquelle sera écrit en découpure le mot cantonnier.
Il sera remis, en outre, à chacun de ces ouvriers un signal ou guidon, formé d’un jalon de 2 mètres de longueur, divisé en décimètres, ferré par le bas et garni par le haut d’une plaque en forte tôle de 0m 24 de largeur et de 0m 16 de hauteur, sur chacune des faces de laquelle sera indiqué, en chiffres de 0 m08 de hauteur, le n° du canton.

Ce guidon sera toujours planté sur le chemin, à moins de 100 mètres de distance de l’endroit où travaillera le cantonnier.

ART.6 – Nature du travail des cantonniers.

Le travail des cantonniers consiste à maintenir ou à rétablir la voie chaque jour, et autant que possible à chaque instant, de manière à ce qu’elle soit sèche, unie, sans danger en temps de glace, ferme, et d’un aspect satisfaisant en toute saison.

A cet effet, ils devront, suivant les instructions qui leur seront données au besoin :

1° assurer l’écoulement des eaux au moyen du curage des cassis, gargouilles, arceaux, et de petites saignées faites à propos partout où elles seront nécessaires, en observant que ses saignées ne devront jamais être faites dans le corps de la chaussée ;

2° Faire, en saison convenable, les terrasses pour ouvrir et entretenir les fossés, régler les accotements et talus, jeter les terres excédantes sur les terrains voisins, s’il n’y a pas d’opposition, ou les emmétrer pour faciliter leur mesurage ou leur enlèvement ;

3° Enlever, dans le plus court délai possible, au rabot ou à la pelle, les boues liquides ou molles sur toute la largeur de la chaussée, quand même il n’y aurait ni flaches ni ornières, et accumuler, jusqu’à nouvel ordre, sur l’accotement ces boues en tas réguliers ;

4° Régaler ces boues, lorsqu’elles seront sèches, sur les accotements qui auront perdu leur forme, et jeter le surplus sur les champs voisins, s’il n’y a pas d’opposition ;

5° Redoubler de soin aux approches de l’hiver pour l’exécution de ce qui est prescrit aux deux paragraphes précédents, afin d’éviter les bourrelets de terre gelée ;

6° Dans les temps secs, enlever la poussière et la déposer sur les accotements ;

7° Déblayer les neiges sur toute la largeur du chemin, ou au moins de la chaussée, notamment aux endroits où elles s’accumulent et gênent la circulation ; les jeter immédiatement sur les champs voisins, s’il est possible, ou les mettre en tas sur les accotements, de manière à indiquer aux conducteurs de voitures l’emplacement de la voie ;

8° Casser les glaces de la chaussée, les enlever et répandre du sable et des gravats, notamment dans les côtes et les tournants brusques ;

9° Casser aussi les glaces des fossés et les enlever dans les endroits où elles s’accumulent de manière à faire craindre l’inondation de la voie lors du dégel ;

10° Au moment du dégel, favoriser l’écoulement des eaux et enlever les fragments de glaces et de boues, afin que les effets de ce dégel nuisent le moins possible et au roulage et au chemin ;

11° Rassembler, casser et emmétrer, en tas distincts et d’une forme particulière, toutes les pierres errantes, mobiles, saillantes, ou seulement apparentes, lorsqu’elles auront trop de volume, et celles qui seraient à proximité dans les champs voisins et dont on pourrait disposer pour les approvisionnements du chemin ;

Casser les matériaux destinés à l’entretien, quand ce cassage ne devra pas être fait par l’entrepreneur de la fourniture ;

12° Couper ou arracher les mauvaises herbes et les chardons, surtout avant la floraison ;

13° Débarrasser la chaussée de tout ce qui peut porter obstacle à la circulation ;

14° Nettoyer, par l’enlèvement des terres, plantes et corps étrangers, les plinthes, cordons et parapets des ponts, ponceaux et autres ouvrages d’art ;

15° Veiller à la conservation des bornes kilométriques et des poteaux indicateurs.

ART.7 – Emploi des matériaux.

Sur les chemins à l’état complet d’entretien, les cantonniers se conformeront, pour l’emploi des matériaux, aux dispositions suivantes :

Ces matériaux seront mis en œuvre au fur et à mesure des besoins, en choisissant toujours pour leur emploi les temps humides, et en évitant surtout les rechargements généraux et les jets de pierres à la volée.

Pour procéder régulièrement, on aura soin de marquer en temps de pluie les flaches et les traces de voitures qui altéreraient sensiblement la forme de la chaussée.

Ces parties dégradées seront nettoyées et piquées particulièrement sur les bords, mais seulement jusqu’à la profondeur nécessaire pour assurer la liaison des matériaux.

Les matériaux provenant du piquage seront purgés de terre et cassés, s’il est nécessaire, avant d’être employés.

On opérera le remplissage des flaches ou traces de voitures, tant avec ces débris qu’avec la quantité nécessaire des matériaux neufs reçus par l’agent-voyer. Ils seront battus avec soin de manière à ce qu’ils fassent corps avec les couches inférieures, et ils seront ensuite arrasés suivant la forme de la chaussée.

Les parties ainsi restaurées devront être entretenues avec un soin particulier, jusqu’à ce qu’elles soient complètement affermies.

Quant aux chemins qui ne sont pas à l’état complet d’entretien, et sur lesquels néanmoins le roulage est établi, on s’attachera à les maintenir en aussi bon état que possible en employant, avec les soins qui viennent d’être indiqués, les matériaux dont on pourra disposer.

On observera d’ailleurs d’arracher les pierres trop grosses et les bordures saillantes qui deviendraient une cause de dégradation, et on ne les remettra en œuvre qu’après les avoir réduites en fragments de grosseur convenable.

Les rechargements plus ou moins étendus à faire sur les chemins dégradés seront ordonnés par l’agent-voyer, qui désignera également les matériaux à y employer. Les flaches et ornières à recharger devront être préalablement purgées de boues et de terre, et leur surface sera ensuite piquée sur 4 à 5 centimètres de profondeur. On observera d’ailleurs de ne répandre les matériaux que par couches de 5 à 6 centimètres, qui seront battues et affermies avec soin.

ART.8 – Tâches à remplir.

Pour exciter et soutenir l’activité des cantonniers, il leur sera assigné des tâches à remplir dans un temps donné, toutes les fois que des circonstances locales le permettront.

L’indication sommaire de ces tâches sera inscrite sur la partie du livret réservée aux ordres du service.
Les travaux ainsi prescrits seront un des principaux objets de la surveillance des agents-voyers et des membres de la Commission.

ART.9 – Fixation des heures de travail.

Du 1er avril au 1er octobre, les cantonniers seront sur les chemins, sans désemparer, depuis six heures du matin jusqu’à six heures du soir. Le reste de l’année, ils y seront depuis le lever jusqu’au coucher du soleil ; ils prendront leurs repas sur la route aux heures qui seront fixées par les agents-voyers. La durée totale des repas n’excédera pas deux heures dans les plus longs jours de travail.

ART.10 – Déplacement des cantonniers.

Les cantonniers pourront être déplacés soit isolément, soit plusieurs réunis, lorsque les besoins du service l’exigeront impérieusement, pour être dirigés sur les points qui leur seront indiqués.
Ces déplacements ne devront avoir lieu que sur ordre exprès de l’agent-voyer chef.

ART.11 – Présence obligée des cantonniers pendant les plus mauvais jours.

Les pluies, les neiges, ou autres intempéries ne pourront être un prétexte d’absence pour les cantonniers ; ils devront même dans ce cas redoubler de zèle et d’activité pour prévenir les dégradations et assurer une viabilité constante dans l’étendue de leurs cantons ; ils seront autorisés néanmoins à se faire des abris fixes ou portatifs qui n’embarrassent ni la voie publique ni les propriétés riveraines, et qui soient à la vue du chemin, à moins de 10 mètres de distance, pour qu’on puisse toujours constater la présence de ces ouvriers.

ART.12 – Assistance gratuite aux voyageurs.

Les cantonniers doivent porter gratuitement aide et assistance aux voituriers et voyageurs, mais seulement dans le cas d’accidents.

ART.13 – Surveillance sur les contraventions en matière de voirie.

Pour prévenir autant que possible les délits de voirie, les cantonniers devront avertir les riverains des chemins qui, par des dispositions quelconques, feraient présumer qu’ils pourraient se mettre en contravention. Ils auront l’oeil, en conséquence, sur les réparations, constructions, dépôts, anticipations et plantations qui auraient lieu sans autorisation sur la voie publique dans l’étendue de leurs cantons. Ils devront signaler ces contraventions aux agents-voyers, lors des tournées de ces agents, ou même les leur faire connaître immédiatement, soit par correspondance, soit par l’intermédiaire du cantonnier chef.

ART.14 – Outils dont les cantonniers doivent être pourvus.

Chaque cantonnier sera pourvu à ses frais:

1° d’une brouette ;

2° d’une pelle en fer ;

3° d’une pelle en bois ;

4° d’un outil dit tournée, formant pioche d’un côté et pic de l’autre ;

5° d’un rabot de fer ;

6° d’un rabot de bois ;

7° d’un rateau de fer ;

8° d’une pince en fer ;

9° d’une masse en fer ;

10° enfin d’un cordeau de 10 mètres de longueur.

ART.15 – Outils d’espèce particulière à fournir par l’administration.

Outre les objets désignés dans l’article 5, il sera remis à chaque cantonnier un anneau en fer de 6 centimètres de diamètre pour qu’il puisse reconnaître si le cassage de la pierre, qu’il aura à répandre sur le chemin, est fait conformément aux prescriptions du devis.

ART.16.- Fourniture d’outils aux cantonniers à titre d’avance.

Il pourra être fourni, à titre d’avance, aux cantonniers qui n’auraient pas le moyen de se les procurer, les outils qui leur manqueraient. Le remboursement du prix de ces outils sera assuré à l’administration par des retenues successives qui, sauf le cas du renvoi du cantonnier, ne pourront excéder le sixième du salaire mensuel.

ART.17 – Entretien des outils.

Les cantonniers maintiendront constamment leurs outils dans un bon état d’entretien ; s’ils se rendaient coupables de négligence à cet égard, il y serait pourvu d’office par l’administration qui se rembourserait de ses frais, comme il est dit à l’article 16.

Les outils ne devront être portés à la réparation que dans les intervalles des heures de travail. Les excuses d’absences motivées sur la nécessité de remettre les outils en état ne seront point admises

ART.18 – Livret des cantonniers.

Chaque cantonnier sera porteur d’un livret conforme au modèle placé en tête du présent règlement. Ce livret sera composé de douze feuilles, et en tête de chaque feuille sera inscrit le nom de l’un des mois de l’année. Ce livret sera destiné à recevoir les notes sur le travail et la conduite de ces ouvriers, les ordres et les instructions qui leur seront donnés, et les tâches qui pourraient leur être assignées.
Il devra être représenté par eux aux membres de la Commission et aux agents-voyers toutes les fois qu’ils en seront requis, sous peine d’une retenue d’une journée de salaire pour chaque fois qu’ils auront négligé de se munir de cette pièce, et d’une retenue triple dans le cas où ils l’auraient perdue.

ART.19 – Moyen de constater les absences des cantonniers.

Les absences et les négligences des cantonniers seront constatées par les agents-voyers et les membres de la Commission. Il en sera fait note dans les livrets dont il vient d’être parlé.

ART.20 – Congés lors des moissons.

Dans le temps des moissons et lorsque la route sera en bon état, les cantonniers pourront obtenir des congés de l’agent-voyer du canton, sous l’autorisation de l’agent-voyer d’arrondissement. Ils ne recevront aucun traitement pendant la durée de ces congés à l’expiration desquels ils devront être exactement rendus à leur poste. Sinon, ils seront immédiatement remplacés.

ART.21 – Remise des fournitures faites par l’administration.

Lorsqu’un cantonnier sortira de fonctions, il fera remise à l’agent-voyer de l’exemplaire du présent réglement qui lui aura été confié, de son guidon, de son anneau et des signes distinctifs qu’il aura portés à son chapeau.

Faute par lui de faire cette remise, il sera opéré une retenue du double de la valeur de ces objets sur ce qui lui sera dû pour salaire au moment de son renvoi.

ART.22 – Indemnités de déplacement.

Les cantonniers qui sortiront de leurs cantons par ordre légalement donné recevront en indemnité 1/10e en sus de leur salaire, et 1/5e chaque jour qu’ils auront découché.

Il ne sera point alloué d’indemnités de déplacement aux cantonniers chefs.

ART.23 – Encouragements annuels.

Chaque année, sur le rapport de l’agent-voyer chef et l’avis de la Commission, il pourra être accordé par le préfet au cantonnier le plus méritant de toute la ligne une gratification qui n’excédera pas un mois de salaire.

ART.24 – Retenue pour cause d’absence.

Tout cantonnier, qui ne sera pas trouvé à son poste par l’un des ayant-droit de surveillance sur le chemin, pourra subir une retenue d’un jour de solde la première fois, de deux jours en cas de récidive, et être congédié la troisième fois.

ART.25 – Toutes dispositions contraires au présent règlement sont abrogées.

Caen, le 31 Décembre 1841.

Le préfet du calvados,

 

Des abris et cabanes de cantonnier dans lequel il entreposait ses outils

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 
 
 
 
 

 

 

 

 

Sources:

    • https://lectures.revues.org/

    • http://www.histoire-en-questions.fr/metiers/cantonnier

    • http://www.planete-tp.com/

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