LA COMTESSE DE VALAVIEILLE

La Comtesse de Vallavieille


La curieuse destinée de la comtesse enterrée trois fois …

C’est aux beaux jours de l’été 1774, qu’à Toulon on enterra dans les larmes, les prières et les chants religieux, la comtesse Rose de Pézenas de Bernardy. La défunte avait tout juste vingt ans. On pleurait aussi l’enfant qu’elle portait. Le corps fut transporté au cimetière Saint-Lazare et le caveau recouvert de fleurs. La même nuit la comtesse s’éveillait dans sa tombe.

Lorsque le 26 avril 1774, Laurent de Pézenas de Bernardy avait épousé à Toulon, Rose Louise Marguerite de Vallavieille, tout le monde s’accorda pour dire que c’était bien là un mariage d’amour. La ravissante mariée allait avoir vingt ans, l’époux trente deux. Elle était la fille d’un procureur du Roi, le comte, originaire du Dauphiné, servait dans la marine comme capitaine de vaisseau du Roi. A Toulon il faisait déjà figure de héros. Il s’était illustré dans diverses batailles.

Le jeune ménage s’était installé dans une confortable maison de la rue Salvator, à deux pas du procureur de Vallavielle. Peu de temps après les épousailles, Madame de Pézenas fut enceinte. Son mari satisfaisait à tous les caprices provoqués par son état. C’est ainsi qu’il lui offrit de superbes abricots. Ce jour-là, ils déjeunent tous deux en tête à tête. Laurent de Pézenas contemple sa femme. Il la voit porter à ses lèvres un abricot, et soudain elle pâlit, crispe les mains sur sa gorge… Lui se précipite, elle se débat dans ses bras, ses lèvres sont bleues. Laurent la secoue, lui tape dans le dos, essaie de lui retirer le noyau qui l’étouffe mais le corps de la comtesse s’abandonne contre lui, elle est morte ! Lorsque le médecin arrive, il ne peut que constater le décès.

Laurent est effondré, sa douleur est immense. Il demande que sa femme soit enterrée vêtue de ses plus beaux atours et parée de tous ses bijoux. C’est ainsi qu’on lui met au cou une somptueuse rivière de diamants, que ne manquera pas de regarder le fossoyeur, au moment de la mise en bière…

Le tout Toulon était présent aux obsèques de la comtesse dans la cathédrale Sainte-Marie, là ou quatre mois auparavant, on avait célébré son mariage. Vers minuit, une silhouette se glissa dans le cimetière, et se dirigea vers le tombeau des Pézenas. L’ouverture du caveau fut dégagée, et à l’aide d’une petite échelle, le fossoyeur pénétra dans le tombeau. Il ouvrit le cercueil et commença son horrible besogne. Asseyant la jeune femme afin de pouvoir dégager le fermoir du collier de diamants, tantôt la morte allait de l’avant à l’arrière, il n’arrivait pas à saisir le fermoir. Alors impatienté, il finit par donner un coup de poing dans le dos du cadavre, en lui disant « Tiens-toi droite ».  Et voilà que la morte a comme un hoquet, qu’elle ouvre les yeux, se met à respirer très fort et lui dit : « Merci brave homme, je suis tout à fait soulagée ! »

Imaginez la tête du fossoyeur ! Plantant là ses rêves de richesse, il s’enfuit en hurlant. Quant à la comtesse comprenant très vite où elle se trouvait, elle emprunta l’échelle du voleur pour sortir de la tombe, et pris le chemin le plus court pour rentrer chez elle. Vers une heure du matin, elle frappa bien fort à la porte de sa maison. Les domestiques furent choqués qu’un étranger se permette de faire un tel tapage devant une maison en deuil puis ils reconnurent leur maîtresse et ce fut la plus grande frayeur de leur vie.

Comment décrire la joie du mari, le premier moment de stupeur passé ? Par la suite des temps, ils eurent de nombreux enfants. Le premier, celui que la comtesse portait au moment de « sa mort », fut Joseph-François-Xavier. Il naquit le 12 février 1775.

Le jour de son baptême, il y avait foule dans la cathédrale, parce que l’histoire avait fait le tour du pays. Lorsqu’on le porta sur les fonds baptismaux, chacun disait : « Voici Monsieur de Pézénas qui fut enterré avant de naître ». On parlait aussi beaucoup de la mort apparente de la comtesse, il était question de syncope respiratoire, de léthargie. A cette époque on enterrait rapidement les défunts, les XVIIIe et XIXe siècles abondent de ces récits. A la fin de notre XXe siècle, certains spécialistes en la matière ne prétendent-ils pas que 4% des personnes enterrées sont encore vivantes ?

Laurent de Pézenas de Bernardy mourut le 6 septembre 1793 fusillé. Rose de Pézenas de nouveau enceinte, resta veuve à quarante ans. En 1794, elle se réfugia à Pernes (actuellement Pernes-les-Fontaines), dans le Vaucluse, le village natal de son mari, où on l’arrêta le 14 avril comme ennemie de la Révolution. Le 22, elle était transférée à Toulon et incarcérée à la prison Sainte-Ursule. Elle avait avec elle ses deux filles de douze et dix ans et deux garçons de six et quatre ans. Elle n’échappera à la mort que grâce à sa grossesse. Rose sera libérée pour accoucher de son dernier fils, Charles-Joseph.

C’est à la Seyne (actuellement La Seyne-sur-Mer), dans le Var qu’elle mourra à l’âge de soixante-quinze ans. On l’enterra dans l’ancien cimetière de la ville. Vers 1838, ses restes furent transférés dans le cimetière actuel de la Seyne-sur-Mer. C’est ainsi que la comtesse de Pézenas fut enterrée trois fois.

 

 Tombe de Madame de Pézenas au cimetière de La Seyne-sur-Mer



Triste tombe que l’on peut voir encore : de la terre battue, une grille rouillée et une épitaphe qui s’efface avec le temps. Il est gravé entre autre dans la pierre : « Modèle des épouses et des mères, elle fut toujours à l’appui des malheureux« .

Parfois sur sa tombe une ou deux fleurs sont déposées par quelques mains charitables devant tant de misère posthume. Mais qui se souvient encore de l’extraordinaire histoire de la comtesse de Pézenas ?



Source
 : La Provence insolite – Christiane Maréchal – Editions Campanile 

 

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