LES RÉMOULEURS,RÉTAMEURS ET REMPAILLEURS DE CHAISES

Les rémouleurs, rétameurs et rempailleurs de chaises


 


Par les temps que voici, tout le monde se débarrasse de tout objet qu’il considère comme obsolète pour le remplacer par un neuf. Nos chemins ont été marqués pendant plusieurs décennies par ces marchands ambulants spécialisés qu’étaient les rétameurs, rémouleurs et rempailleurs de chaises…  

Avec un matériel réduit, une petite forge ambulante et un soufflet, ils redonnaient tout leur aspect aux couverts et autres pièces à rétamer. Le rémouleur était également attendu bien que de nombreuses familles possèdent leur propre meule, afin de redonner tranchant et vivacité à tous les fers et taillants de la maisonnée. Parmi ces vieux métiers itinérants, le rempailleur de chaises proposait souvent ses services de maison en maison, il se chargeait de la réfection des sièges en paille.

 

Le rémouleur

 

Pour certains le mot « rémouleur » est familier pour d’autre complètement inconnu. Voilà une occasion de redécouvrir ce métier tombé dans l’oubli et d’aiguiser ses couteaux et ciseaux.  » Remouleur , un métier qui ne parle pas du tout aux jeunes générations, alors qu’il évoque tant de souvenirs pour les seniors, surtout en milieu rural. C’est donc cette ancienne profession, qui avait pratiquement disparue, mais à laquelle certains artisans semblent redonner vie.

Le rémouleur (ou repasseur) proposait ses services pour aiguiser (ou repasser, le verbe repasser est un vieux synonyme d’aiguiser) couteaux, ciseaux, rasoirs, les ustensiles coupants et tranchants des ménagères ou des commerçants, mais aussi dans le passé, les poignards et les épées des gentilshommes, sur une petite meule ambulante qu’il tourne avec ses pieds.

Le métier de rémouleur qui était encore très commun jusqu’à entre les deux guerres mondiales, a presque totalement disparu. En 2007, il n’en reste plus que 6 ou 7 à Paris, dont la moyenne d’âge est assez élevée. Après leur départ à la retraite, il est presque certain que le métier aura disparu.

Le métier de rémouleur est très ancien ; on en retrouve les premières traces aux environs de 1300.

Au début du XVe siècle, la corporation des  » esmouleurs de grandes forces  » détient le privilège d’aiguiser les ciseaux des tondeurs de drap (appelés « grandes forces ») ; elle reçoit de Charles VI des statuts précis et rejoint la corporation des couteliers à la fin du XVe siècle. Au fil des siècle, la profession va se développer.

En 1807, la loi leur fait obligation d’avoir un passeport pour sortir de France, mais aussi pour voyager en France. Le métier vivra jusqu’au milieu du XXe siècle. Par la suite, la qualité des aciers et leur traitement vont rendre l’affûtage de plus en plus rare.

Au début du XXe siècle, en Europe, le métier de rémouleur était une spécialité des Yéniches, surnommés aussi « Tziganes blancs ».

Souvent originaire d’une région pauvre, le rémouleur part sur les routes chercher un hypothétique complément de revenu. Un voyage qui durait de Février à Novembre, soit une dizaine de mois et qui amenait le rémouleur à parcourir plus de 1000 km pendant cette période.

Il proposait ses services de manière itinérante et voyageait de villages en villes pour aiguiser couteaux, ciseaux et autres lames. Il partait généralement sur les routes de février à novembre et pouvait parcourir plus de 1000 km en une dizaine de mois. A noter que l’émouleur quant à lui exerçait la même activité, mais de manière sédentaire. Il s’agissait plutôt d’un ouvrier

Le rémouleur se déplace avec sa petite charrette ou sa brouette sur laquelle est fixée sa meule, dans les grandes villes, ou de village en village, s’arrêtant à chaque coin de rue en agitant sa clochette et en criant: « Rémouleur, rémouleur ! Repasse couteaux ! Repasse ciseaux ! ». Leurs cris et le crissement de leur meule sur le métal, faisaient dans le temps partie des bruits typiques des grandes villes.

L’équipement du rémouleur a évolué au fil du temps pour devenir à la fin un engin relativement sophistiqué (quand il avait les moyens de l’acheter).

Au début, il s’agissait d’un simple bâti, muni d’une lourde meule de grès, souvent actionnée à la main par un apprenti. Le bâti était transporté sur le dos au moyen de sangles. Plus tard, une brouette a rendue le transport moins fatiguant ; le rémouleur y ajoute une réserve d’eau pour lubrifier la meule au départ actionnée manuellement par un apprenti, et par la suite, elle sera dotée d’une pédale. Le rémouleur pouvait ainsi actionner lui-même le mécanisme à l’aide du pied.

Puis, au XXe siècle, le matériel a évolué et des brouettes puis des charrettes ont rendu le transport moins fatigant. Une réserve d’eau a été ajoutée pour lubrifier la meule. Cette dernière, qui était au départ actionnée manuellement par un apprenti, a ensuite été dotée d’une pédale. Le rémouleur pouvait ainsi actionner lui-même le mécanisme.

Grâce à la charrette, le rémouleur a peu à peu perfectionné son matériel pour en faire un véritable atelier ambulant.

Ont été progressivement ajoutés : un étau pour affûter les scies, une petite enclume et un marteau pour redresser les lames tordues, des tiroirs pour ranger les outils et une grande roue, reliée à la meule par une courroie, qui permettait de démultiplier sa vitesse de rotation.

Le métier de rémouleur était encore répandu jusqu’au milieu du XXe siècle mais le savoir-faire s’est perdu peu à peu… On ne sait pas précisément combien d’artisans exercent encore cette activité à l’heure actuelle mais ils sont peu nombreux.

Aujourd’hui, le matériel professionnel est très perfectionné. L’électricité a remplacé la pédale et la traditionnelle meule s’est déclinée en différentes machines. A chacune ses spécificités, mais le principe de base de l’aiguisage est resté le même.

Le rémouleur, comme de nombreux autres petits métiers, est victime du progrès (les couteaux en inox s’usent moins vite) et de la société de consommation (avec l’automatisation et l’importation de pays en voie de développement, le prix des couteaux a chuté et ne justifie même plus leur ré-aiguisage).


Anecdotes


Mme LEGAYE à propos de son père (1870) Extrait de « Au pays des émouleurs » Henri Amblès

«  On partait en février. Février c’est le mois des grands froids, donc par les intempéries. C’est à pied que s’effectuait le très long trajet : Lorraine, Alsace, Allemagne du sud, pour gagner la Suisse (rive du lac de Constance, canton de Saint-Gall, centre de dentellerie). Soit un itinéraire de l’ordre de 400 km – aller ! -. On portait tout à dos : le strict nécessaire dans des hottes et les métiers à aiguiser avec leurs lourdes meules.

On partait pratiquement sans argent, en s’efforçant d’en gagner tout le long du trajet avec de menus travaux, avec la vente de rasoirs, de quelques objets. Parfois, les menus travaux se faisaient rares, c’était la misère complète sur la route. »


Le passage du rétameur

 

 

Ce texte extrait des « Contes du Maillet  » de Gaston Emery a été publié dans la Gazette de la Gervanne, journal local aujourd’hui disparu.

Dans les temps très lointains, cuillères, fourchettes et écuelles étaient taillées dans le bois. Les riches demeures, elles, étalaient leurs porcelaines et argenterie.

Mais l’évolution, toujours mouvante, proposa des ustensiles en fer pour remplacer les couverts en hêtre, et seules rescapées fourchettes et cuillères en bois subsistent encore de nos jours pour le saladier ou la confiture.

Alors, dans les campagnes, cette mise à jour demandait un assez gros sacrifice pécuniaire et il fallait faire durer pour rentabiliser un tel investissement. Mais celui-ci était nécessaire pour prétendre à une certaine dignité, au sein d’une vie plus décente selon l’amour propre de tout un chacun. Les nouveaux couverts, les louches etc…, venus droit du quincaillier le plus proche, brillaient de tout leur éclat. Hélas, celui-ci vite terni s’avérait éphémère car l’étain n’a pas les propriétés de son rutilant confrère : l’argent. Il recouvrait bien le fer, mais un usage intensif avait raison de sa faiblesse et il ne durait qu’un certain temps. Alors, après la vaisselle apparaissaient par-ci par-là des taches de rouille peu ragoûtantes. Ce qui, comparativement à un vêtement déchiré, ternissait l’image de marque de la maîtresse de maison auprès d’un convive.

Celle-ci avait repéré depuis longtemps les objets qui nécessitaient une intervention, et tout était mis de côté et répertorié pour le prochain passage de l’homme miracle.

Et c’est ainsi que, pendant une génération ou deux, au début de ce siècle, des rétameurs ambulants sillonnèrent nos montagnes. Ils venaient avec d’autres compatriotes de par-delà les frontières avec l’Italie pour exercer différentes tâches telles que bûcherons, charbonniers en forêts, ou engagés saisonniers dans de grandes fermes à élevages etc.

Le rétameur avait sa clientèle attitrée. Nul besoin de « portable ». Il se présentait chez l’un ou l’autre, et le premier du quartier disposé à l’accueillir lui offrait pour la nuit le gîte et le couvert. Maintenant, nos rendez-vous sont minutés. Si on veut tenir un programme, nous devons faire preuve d’exactitude !

Pour les « trimards », selon le terme d’alors, le calendrier du facteur se chargeait de rappeler leur passage à quelques jours près, selon des critères « références » comme l’Ascension, la Saint-Pancrace, la Saint-Médard, que sais-je encore, le mois de juillet faisant figure de favori. Un jour ou deux, voire huit, équivalaient à quelques minutes de cette fin de siècle.

C’est ainsi qu’à l’issue d’une belle journée de printemps arrivait celui que l’on attendait parmi les autres colporteurs ou rempailleurs. Il déposait en un coin du hangar sacoche à outils et musette d’affaires prospères. Avec papa, il repérait l’emplacement propice à son activité du lendemain, soit un peu à l’ombre tout en restant éloigné de ce qui pourrait s’enflammer facilement car, bien entendu, il allait falloir faire du feu.

Maman, elle aussi, s’activait et augmentait rapidement la quantité d’eau dans le faitout pour la soupe, le lard ayant déjà commencé à cuire. Elle épluchait encore deux ou trois « tartifles » (pommes de terre) et coupait le tout en lamelles. Elle allait récupérer dans le jardin une vieille branche de céleri rescapé d’un hiver rigoureux et déversait dans l’eau frémissante frémissante pommes de terre et céleri, le tout ayant été rincé sous l’eau claire de l’arrosoir. Elle salait, poivrait et laissait mijoter.

On soupait à la lueur de la lampe à pétrole. Pour que celle-ci éclaire au maximum, ma grand’tante Louise nettoyait scrupuleusement le verre et « mouchait » la mèche avant d’éclairer, ainsi la clarté était parfaite, ceci en vue de la plus juste consommation.

Inutile de mettre trop de lumière, on réglait à la demande : les enfants pour leurs devoirs, papa pour son journal et, pour le repas, juste ce qu’il fallait !

L’intrusion de quelques vers luisants ailés récemment éclos et plongeant maladroitement dans la soupière ou les assiettes déclenchait des imprécations d’une finesse plus ou moins contrôlée, selon le niveau de chacun. On se servait d’une bonne tranche de lard moutarde, et pour les estomacs encore mal calés, on gâchait « l’assaime ». L’appellation de ce plat hautement résistant était locale, par ailleurs en plaine c’était « l’ourtouraille ». Pour ce faire, on retirait de la soupière les restes de pommes de terre que l’on écrasait scrupuleusement avec la fourchette (qui sera rétamée par la suite), on rajoutait encore de l’ail relevé par un supplément d’oignon, de sel et de poivre, le tout dilué au vinaigre et à la bonne vieille huile de noix. On coinçait l’ensemble avec du foujou et, pour l’onction suprême, un grand canon droit sorti de la pinte gouleyante et débridée, car en principe, cette forme de bouchage si pratique était l’apanage des bouteilles de limonade de l’époque, ce qui nécessitait une bouteille de rechange en réserve au cas où un malheur s’abattrait sur la présente en service. Un nuage de pipe ou cigarettes au gros gris faisait effet de soporifique et le tout bien assimilé préparait une nuit de sommeil et de ronflements qu’aucune chouette maléfique ou chien hurlant ou perdu n’aurait pu interrompre. Et la nuit, veillée par une grosse pleine lune, s’écoulait sereine.

Au petit matin, après le café à la chicorée et au lait à la crème, rempli de pain ras le bol, on s’affairait à monter l’atelier de fortune. Sous la haute surveillance de l’homme de l’art, papa allumait le feu. Il fallait du bon bois à braise comme le chêne, et pour activer au mieux le vieux soufflet de la cuisine entrait en service. Sur un banc improvisé, le rétameur alignait soigneusement son matériel et ses ingrédients, soit son esprit de sel pour purifier les pièces à traiter, son borax pour éventuellement favoriser la prise de l’étain sur un bout de surface récalcitrante, et il disposait également en rang de bataille pique-feu, pinces et cisailles, pour d’autres opérations éventuelles. Naturellement, la matière première, soit l’étain à fondre en baguettes, occupait une bonne place.

Pendant ce temps, le brasier de papa parvenait au point stratégique, ce qui déterminait la pose en son centre d’une écuelle en terre réfractaire à moitié remplie de métal solidifié. Il fallait bien une bonne heure de patience pour que tout le solide passe à l’état liquide, après avoir rajouté quelques baguettes en complément pour refaire un juste niveau. Pendant ce temps l’esprit de sel, dilué dans de l’eau, nettoyait d’un bain catégorique fourchettes, cuillères et ustensiles divers. Puis avant la plonge, lorsque frémissait le métal, un écrémage était nécessaire car une oxydation mêlée d’impuretés s’accumulait en surface. Alors, apparaissait un incomparable reflet et à ce stade, je pense qu’il serait difficile de faire une différence avec du vrai argent. On réchauffait aussi sur un feu parallèle les pièces pour une trempe en douceur et puis commençait la cérémonie. Passionné et bouche bée, et en plus ébahi, je regardais officier ce magicien, à la distance imposée par mon père bien entendu.

Confortablement installé sur un plot de bois en guise de tabouret, transpirant comme un forcené face à un feu d’enfer, le rétameur vraiment rétamait. Par de religieux mouvements et une manipulation concentrée, il noyait chaque fourchette, chaque cuillère fermement maintenue au bout d’une pince acérée, ceci afin de limiter au mieux des marques inopportunes mais inévitables. Il les remontait doucement en les laissant égoutter par leur extrémité les plus effilées. Il fallait les tenir en haleine deux à trois minutes en l’air pour une bonne solidification, tout en vérifiant que de malveillantes coulures ne viendraient pas gâcher la finition de l’ouvrage. Et enfin, la renaissance d’un couvert apparaissait là dans tout son éclat. Un clignement somptueux se profilait sur une belle planche bien rabotée, comme un autel jusqu’à la fin de l’office. On était loin de penser que cet éclat, contrairement au vrai argent, ne serait qu’assez éphémère ; l’émotion dégagée en cet instant s’arrêtait là, tout simplement.

Le magicien était aussi radieux devant le résultat que son œuvre elle-même. Chaque pièce était une goutte de bonheur qui rebondissait de son âme au rythme de la plongée dans l’écuelle enchantée. Ainsi allait se terminer une rénovation ménagère qui laissait maman en béatitude d’admiration. Alors elle courait vite de- ci de-là pour être bien sûre de n’avoir rien oublié, car une fois le brasier éteint, il serait trop tard.

Bricoleur dans sa spécialité, le rétameur était aussi polyvalent. Profitant des braises incandescentes, il y plongeait les fers à souder avec panne en cuivre ( un gros et un plus petit) pour les réchauffer au maximum, les frottait sur la pierre borax pour les purifier et avec de petites baguettes enduites au préalable d’un décapant adéquat, il recollait anses d’arrosoir, poignées de lampions ou de lanternes « tempête », rapetassait sulfateuses en cuivre ou éléments de la vieille écrémeuse. Et il rajoutait aussi bout à bout les fils de fer destinés à descendre le bois des montagnes par-dessus les ravins à l’aide de roulettes à crochet. Laborieuse opération car il fallait opérer sur les lieux même de la rupture, colporter à nouveau fil de cuivre ou « brox », décapant marteaux, pinces et rallumer un feu de tous les diables. D’un diamètre de huit ou neuf millimètres, les extrémités à raccorder devaient être forgées en biseau, ligaturées avec le brox et plongées dans la braise jusqu’à fusion du laiton. Inutile de préciser à quelle température on devait parvenir !

Ces fils de fer solides en apparence étaient peu fiables et fragiles à cause de leur manque de souplesse, mais les services qu’ils rendaient, depuis que le progrès les commercialisait, compensait largement les désagréments qui découlaient d’une utilisation intensive. Ils furent les précurseurs des solides câbles en filins d’acier tressés.

Ne voulant pas gâcher l’évocation de l’envoûtement que suscitaient le cœur et l’art manœuvrant de pair, je n’ai fait encore aucune allusion au mode de carburation nécessité à la machine qui commandait pensées et gestes précis du rétameur. Une grosse tranche de jambon à laquelle il aurait été sacrilège de retirer son gras, comme de nos jours le font nos délicats estomacs, engloutie avec une échalote (« écaragne » en patois) libérant un tonus pour le moins virulent, faisait le dix heure avec le canon issu de la pinte à la fermeture à ressort et bouchon de porcelaine avec joint en caoutchouc. A midi, maman servait du lapin. On avait testé le travail et un goût nouveau était apparu à tout ce qui se trouvait dans l’assiette.

C’était une grande fête dans son allégresse intime et tout bouillonnait avec l’air printanier, la brise légère et le chant des abeilles partant butiner, car comme louches, cuillères et fourchettes, tout faisait partie du grand renouveau.

Le « Magicien » terminait sa tâche, réconforté par la satisfaction de la « patronne ». Il refaisait sa grande boîte en vieux cuir épais rangeant le tout méticuleusement pour pouvoir boucler. Il n’emportait que le strict nécessaire, trouvant sur place, à la ferme, le complément d’outillage indispensable.

Le nouveau client en général n’était pas très éloigné.

A l’époque, au temps des colporteurs, des rempailleurs, des raccommodeurs de parapluies ou de faïences etc… les besoins étaient omniprésents. La corporation, qui regroupait un peu tous ces spécialistes, s’apparentait aux services de proximité de nos jours, en villes ou en villages. L’évolution en a changé la nature, mais le principe en est resté le même.

Au « goustouner » (goûter à 4 ou 5 heures), il recevait son paiement. Il se levait de table, son visage bourru saluait à la ronde. Dehors, il endossait sa boîte et sa musette et disparaissait.

Quelques braises rougeoyaient encore…

Gaston Emery



Le rempailleur de chaises et le cannier

 

Sur le marché, un rempailleur de chaises

Le canneur et le rempailleur ont comme point commun : l’utilisation de matières premières végétales ou céréalières nécessaires aux assises des chaises et des fauteuils. Les matériaux utilisés par le rempailleur sont le raphia, la paille de seigle, la paille des marais et l’herbe de mer. Le raphia est une fibre provenant des feuilles d’un palmier : le «Raphia ruffia», originaire d’Afrique et d’Amérique. Sa souplesse permet son utilisation à sec, il est résistant et fin. La paille des marais est une plante herbacée qui pousse dans les milieux marécageux, sa particularité est sa forme triangulaire. Pour la travailler et la rendre plus souple, elle doit être immergée dans l’eau. La paille de seigle est une céréale ; pour éviter les moisissures elle est soufrée, puis teintée, assouplie, plongée dans un bain à ébullition égouttée et séchée. Dans certains cas, la paille est teintée, égouttée et sécher pour que disparaissent les dernières traces de chlorophylle. Quant à l’herbe de mer qui vient de Chine, sa structure est cylindrique ; elle doit être assouplie et toujours humidifiée avant utilisation.

On retrouve dans les tombes égyptiennes datant de 1300-1400 av J.C. (XVIIIe dynastie) des chaises paillées et de petits tabourets. En Europe centrale, les premiers rempailleurs seraient apparus au Moyen âge, puis auraient gagné la France par l’intermédiaire des ouvriers italiens venus de Vénétie. Mais, ce n’est qu’au XVIIIe siècle que les premières chaises paillées furent utilisées dans les milieux modestes, faisant suite aux tabourets et chaises entièrement en bois.

Le cannage des chaises a été introduit au XIVe siècle. Aussi, le métier de rempailleur consiste à réparer l’assise en paille des chaises. Cet artisanat perdure en moindre mesure grâce à l’engouement pour les meubles anciens.

Le rempaillage

La préparation de la paille de seigle

Il serait vain de décrire le rempaillage sans parler des multiples travaux préparatoires dont l’objet est de doter le Rempailleur des matières premières qui lui sont nécessaires : la paille de seigle et la paille de marais.

Dès le semis, le seigle était l’objet de la surveillance attentive de l’artisan rempailleur, puis venait le moissonnage, le battage, pour séparer les grains de l’épi de la paille, le soufrage, pour la rendre plus blanche.

Le coupeur divisait les tiges en les coupant de part et d’autre des nœuds car la tige du seigle comporte trois segments en dehors de l’épi: à partir de la base de ce dernier et en allant vers la racine on rencontre d’abord, avant la coupe du ler nœud, la « longue paille », vient ensuite la paille « 1/2 longue » entre le ler et le 2eme nœud, le reste est inutilisable.

La paille est triée en botte de « longues pailles »,  demi longues » puis les courtes, car le rempailleur aura successivement besoin de courtes, puis de demi longues, puis de longues pailles pour rempailler la chaise.

La préparation de la paille des marais

La paille de seigle en est l’élément décoratif. Celui de la tresse en est la paille de marais, dont le nom botanique est « Laiche » ou « Carex », le chaisier en fait un lien qu’il allonge, au fur et à mesure par adjonction de paille pour parcourir un chemin passant par les quatre angles du châssis de la chaise autour duquel il s’enroule progressivement.

C’est seulement dans les parties visibles de ce chemin – celles qui constituent le dessus du fond de chaise – que, de ses doigts agiles (le pouce et l’index de chaque main pour refendre la paille de seigle) le rempailleur recouvre son lien d’une paille de seigle aplatie.

Ainsi habillé le lien est plus beau à l’œil et plus résistant à l’usure, plus glissant au frottement. La paille de marais est donc l’élément essentiel du paillage.

Comme son nom l’indique elle provient d’une plante poussant dans les marais. A l’époque de sa maturité, la plante est fauchée à sa base immergée, puis elle est pendue pour être séchée au soleil.

Débarrassée de ses impuretés, elle est ensuite remise en bottes.

La paille de marais est maintenant devenue rare, c’est qu’en effet, 5 ou 6 coupes suffisent pour que la plante ne repousse plus. Les marais de nos régions ont, par conséquent, cessé de fournir cette matière naguère peu coûteuse et qu’il faut maintenant importer.

Le cannage

L’utilisation du cannage en France remonte à la moitié du XVIIe siècle, cependant il est surtout prisé à partir de la « Régence » (1715-1723) sur les dossiers et assises de sièges.

A l’origine le cannage était, le plus souvent sur les canapés et les fauteuils, recouvert d’un carreau, coussin plat épousant la forme de l’assise.

Depuis, cette garniture n’a cessé d’être utilisée au fil du temps sur différents mobiliers tels que des étagères, tête et pied de lit, ou simplement en décoration pour des tables basses, etc.

Qu’il s’agisse d’un tissage sur châssis traversé, d’un collage brin par brin sur dossier ou d’un travail de sertissage sur support contemporain, la réalisation d’un cannage obéit à des règles précises, sa résistance dans le temps dépend de leurs respects.

Le canneur est ainsi nommé en raison du matériau qu’il utilise : la canne de rotin

Le canneur utilise le rotin, plante sauvage qui appartient à la famille des palmiers grimpants, cette liane épineuse pousse dans les jungles tropicales d’Asie du Sud Ouest.

La plante

Le Calamus Rotang est un palmier de la famille des Calamés. Il en existe 340 espèces qui croissent pour certaines en Afrique tropicale mais essentiellement en Indonésie, Malaisie, Australie et Philippines. Il porte le nom de l’île ou la région où il croit, sarawach, malacca, batang, etc…Ils sont épineux, rampants et grimpants dès qu’ils aperçoivent de la lumière, ils peuvent serpenter ainsi sur 350 mètres avec un diamètre de 6 à 8 cm. Les feuilles sont comme celles des palmiers, alternées, éloignées les unes des autres et aident le rotang à s’accrocher aux arbres. Le rotang contrairement au bambou est plein, de minuscules veines laissent passer la sève que les indigènes boivent. On s’en sert pour faire des ponts, des ustensiles de pêche, des meubles et de la canne.

Préparation du rotang

La première étape de sa transformation est le séchage. Les tiges sont coupées sur place en barre de 5 mètres ou en tronçons de la longueur voulue puis on enlève les feuilles et la 1ère écorce épineuse, laissant apparaître la seconde écorce brillante et lisse ensuite mises en bottes.

Il doit être ébouillanté pour le traiter contre les parasites.

Il est ensuite lavé avec du sable et des balles de riz, rincé dans l’eau courante, puis trié par couleur et mis à sécher au soleil debout ou à plat sur des supports permettant à l’air de circuler. On le fait tourner toutes les 36 heures car il s’éclaircit. Elles sont ensuite trempées dans un bain d’huile (la durée du bain est déterminée en fonction du diamètre de la canne) puis mises à sécher au soleil, leur couleur varie ainsi au blanc ivoire. Les cannes sont classées en fonction de leur dimension, de leur dureté et de leur défaut. Enfin il est trié, énoué, calibré, redressé. Celui qui servira aux meubles est écorcé à la main avec une serpette pour devenir le rotin.

La seconde transformation comporte plusieurs opérations : l’écorçage, le fendage, le traitement à la vapeur, le cintrage, la teinture, le ponçage et le finissage. Les cannes ainsi obtenues sont des lanières étroites, issues de l’écorce de rotin brut, matériau souple, très robuste et imputrescible. Le rotin est importé en Europe par les Hollandais et les Anglais à la fin du XVIIe siècle. On l’utilise d’abord pour les sièges, puis à partir du Second Empire sont créés des meubles cannés à structure de rotin.

La canne

C’est à partir des rotang tahiti et koboo, qui sont minces et régulières, de 8 à 10 mm que l’on fera la canne et la moelle de rotin.

Elles sont passées dans une buse munie de couteaux libérant l’écorce en planières de 0,8 mm à 6 mm et ensuite calibrées et effilées dans une autre machine, leur longueur va de 3 à 5 mètres. Quand toute l’écorce est retirée le cœur devient la moelle de rotin destinée aux travaux de vannerie. Les filatures de rotin sont pour l’essentiel à Hong-Kong et à Singapour.

Il existe différents modèles de cannage : le cannage français dit à six brins, le cannage collé, le cannage serti…

Pour le cannage français, principalement utilisé lors d’une restauration, la canne traverse le châssis percé de trous. Ce cannage se compose de deux brins   » verticaux  » , de deux brins  » horizontaux  » et de deux diagonales.

L’ourdissure consiste à tendre deux brins verticalement, parallèles à l’axe du châssis. Le brin de canne chemine entre l’arrière et l’avant du châssis. Les derniers brins iront dans les trous des traverses latérales. Le deuxième passage des verticales est effectué en sens inverse.

La monture est le tissage des deux brins horizontalement qui vont croiser les  » verticales  » perpendiculairement. A l’aide d’une aiguille, les  » horizontales  » sont glissées par-dessus puis par-dessous les deux «verticales» ou l’inverse.

La garniture concerne le tissage des deux diagonales. Elles forment entre elles un angle droit et passent entre les verticales et les horizontales, elles traversent le châssis en biais. Le premier brin passe par-dessus la première paire d’horizontales et par-dessous la première paire de verticales (ou l’inverse). Le second brin est tissé dans le sens contraire. Le travail s’achève avec la réalisation de la bordure appelée aussi «recouvrement». En effet, elle a pour but de dissimuler les trous du châssis sur tout le périmètre de la chaise.

Le cannage collé est également à six brins, mais dans ce cas, les brins ne traversent pas le châssis car les trous sont  » borgnes « . Les cannes sont juste fixées dans les trous par de la colle. Ce cannage est appliqué généralement sur des dossiers de sièges ou des joues de fauteuils. Ce cannage traditionnel, travail totalement manuel, est la technique la plus connue. C’est un cannage fait main, preuve de solidité et de longévité. Noué brin par brin, traversant le châssis et logé dans une gorge, il est habituellement appelé  » cannage français à 6 fils « .

Le cannage collé chevillé ou cannage français gros trous est quant à lui utilisé pour les dossiers de sièges et les joues de fauteuils. Ce type de cannage n’est pas traversant. Il est réalisé sur trous borgnes.

Le cannage serti est aussi appelé «cannage mécanique». Il se présente sous la forme d’un rouleau réalisé sur des métiers à tisser. Ce tissu de canne est embouti ou inséré dans la rainure le long du châssis à l’aide d’une cale en bois et d’un marteau. Puis la moelle de rotin est sertie et collée sur la bordure. Rentré en force dans une gorge et collé. Cette technique est généralement utilisée dans la fabrication industrielle des sièges ou des lits cannés. Parfois il accompagne en décoration le mobilier rotin.

Deux types de cannage se distinguent : le cannage en plein et le cannage à jour qui a pour particularité de laisser des espaces vides dans les motifs. Selon les passages de la canne, les dessins réalisés sont différents. Parmi les cannages en plein figurent les cannages damassés, le cannage en damier et le cannage Pompadour caractérisé par des losanges concentriques encastrés les uns dans les autres. L’emploi de rotins colorés permet de multiplier la variété des motifs.

 

Sources :

    • http://www.metiersdart-artisanat.com
    • http://www.cannage-paillage-eure.fr
    • http://www.atelierdelacombe.fr
    • http://metiers.free.fr
    • https://fr.wikipedia.org

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