LES BALLONS MONTES ET LES BOULES DE MOULINS





Les ballons montés et les boules de Moulins




Les ballons montés

 

Les ballons montés et les boules de Moulins, deux procédés de transport du courrier employés lors du siège pendant la guerre de 1870. Le premier de Paris vers la province et le second de la province vers Paris.

Au cours de la guerre de 1870, Paris s’est retrouvée encerclée par l’armée prussienne. La capitale est coupée du reste du territoire. La solution pour rétablir la communication avec le monde extérieur devient impératif. Paris ne peut pas rester isolée du territoire. Le seul moyen serait d’expédier du courrier dans les airs car les voies terrestres sont inaccessibles et ne peuvent plus être empruntées.

Photo Wikipédia sous licence CC-BY-SA 3.0

L’histoire des ballons montés ne dure que quatre mois et demi, entre le 23 septembre 1870 et le 28 janvier 1871, durant lesquels 67 ballons s’échappent de la capitale encerclée avec à leurs bords 164 passagers, 381 pigeons voyageurs, 5 chiens et de 2.5 à 3 millions de plis, lettres et dépêches soit 11 tonnes de courriers. Les départs se font de jour comme de nuit, essuyant les tirs de barrage des troupes prussiennes.

Le célèbre ingénieur-photographe Gaspard-Felix Tournachon plus connu sous le nom de Nadar constitue de son propre chef la « Compagnie des Aérostiers Militaires » avec des bénévoles dont Camille Legrand (dit « Dartois ») et Claude-Jules Duruof dont le but est la construction de ballons militaires pour les mettre à la disposition du gouvernement. Ce système consiste à garder les ballons captifs, attachés au sol, pour pouvoir observer l’ennemi. L’idée serait alors de se servir de ces ballons pour expédier du courrier hors de Paris. Ils établissent un campement sur la place Saint-Pierre, au pied de la butte Montmartre, où naît la poste aérienne du siège. Germain Rampont, le directeur général des Postes, se charge donc de l’organisation de la communication à l’extérieur de Paris. Toute une organisation se met en place.

Des ballons à gaz avec nacelle permettraient de transporter du courrier civil et militaire mais aussi des passagers ainsi que des pigeons voyageurs pour permettre de communiquer dans les deux sens. Il s’agit d’une véritable innovation pour l’époque ! Mais ce nouveau moyen de transport de courrier ne reste pas sans risques les ballons étant gonflés au gaz d’éclairage hautement inflammable. De plus, les départs se faisaient de jour comme de nuit, essuyant les tirs de barrage des troupes prussiennes.

Le siège ayant entraîné l’arrêt total de la circulation des trains, les halls de gare servent de hangars de construction et se transforment en véritable aérogare ; les frères Godard à la gare d’Austerlitz et Camille Dartois et Gabriel Yon, associés de Nadar, à la gare du Nord. Nadar baptise ses ballons : « le George-Sand », « l’Armand-Barbès », « le Louis-Blanc », etc. Cette première fabrication en série d’aéronefs, marque le début de l’industrie aéronautique.

Deux décrets du 27 septembre 1870 de l’Administration des Postes et du Gouvernement de la Défense Nationale autorisent l’expédition du courrier par voie d’aérostats, applicables dès le lendemain. Ces deux décrets officialisent et marquent la naissance de la Poste aérienne.

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Quelques règles sont alors imposées par l’Administration des Postes pour minimiser au maximum le poids à transporter. Il faudra écrire sur du papier très fin souvent du papier pelure car le pli ne doit pas dépasser 3 ou 4 grammes maximum. De plus, la lettre devra être pliée en la cachetant pour ne pas utiliser d’enveloppe.

Pour la construction des ballons montés il faut aussi rationaliser et les opérations sont prises en main par le directeur des Postes Germain Rampont. Les ballons doivent faire 2000 mètres cube, être en percaline à l’huile de lin avec une nacelle en osier de 1m 30 de largeur et de 1m 50 de hauteur. Les sacs postaux, sacs de lest et les cages des pigeons voyageurs sont suspendus à l’extérieur.

Rapidement, faute d’aéronautes disponibles dans Paris, on recruta des marins et des gymnastes volontaires. Ceux-ci n’ayant aucune expérience, on les forma d’une manière expéditive, leur apprenant au sol les rudiments de l’aérostation. Cela ne fut pas sans conséquence quant à la qualité de la navigation et des atterrissages, avec en conséquence plusieurs blessés et des disparitions.

Une difficulté supplémentaire se rajoute car Krupp, un industriel allemand, a été sollicité pour riposter. Les allemands vont alors se servir de mousquets anti-ballons spécialement construit pour détruire ces ballons montés. Ce sont les premiers canons anti-aériens qui s’avèrent peu efficace face à la haute altitude que prennent les ballons.

Pour éviter la détection des ballons par les observateurs prussiens, ce qui pouvait aboutir à leur capture, on décida de partir du nuit à partir du 18 novembre.

La plus grosse difficulté du voyage se retrouve dans le fait de ne pas pouvoir diriger un ballon qui suit automatiquement la direction des vents dominants. Cela rendait les vols encore plus dangereux, car il était impossible de connaître la direction initiale prise par le ballon. Ainsi, fin novembre 1870, l’installation d’un anticyclone du nord-est de l’Europe poussera les ballons vers l’ouest avec les températures négatives et est la principale cause des pertes ( deux disparitions) dans l’océan Atlantique. Les deux disparitions en mer ont été provoquées par l’absence de moyen efficace de navigation, le pilote n’ayant pas estimé correctement la distance parcourue pour entamer sa descente.

Les deux ballons perdus corps et biens pour avoir atteint la mer :

  • Le Jacquart, piloté par Alexandre Prince (seul passager), ayant décollé de la Gare d’Orléans le 28 novembre 1870. Il portait des duplicata des ordres perdus par le Ville d’Orléans. Il a disparu au-delà du cap Lizard, dans la Mer d’Irlande.
  • Le Richard Wallace, piloté par Émile Lacaze (seul passager), disparu au large de La Rochelle ou d’Arcachon selon les auteurs, le 25 janvier 1871. Il portait la capitulation à la Délégation.

Durant ces expéditions postales on peut compter quelques échecs comme « Le ville d’Orléans » qui a parcouru 1246 kilomètres pour atterrir en Norvège, « Le Duquesne » que l’on a tenté d’améliorer en le munissant d’hélices et qui se pose en zone occupée ou encore « Le ville de Paris » qui atterrit en Allemagne. Cinq ballons se feront capturés par l’ennemi.

Malgré ces quelques tentatives échouées cette innovation est une grande réussite et chaque ballon monté est utilisé à différentes missions.

Sur la quasi-totalité des vols on transporte du courrier en quantité abondante ainsi que des pigeons voyageurs. Parfois il y a aussi des transports de militaires de tout rang ou estafettes et même de la dynamite. Plusieurs personnalités politiques en profiteront pour échapper au siège de Paris, parmi eux Gambetta pu sortir de Paris.

Les missions sont pour la plupart des réussites compte tenu des conditions actuelles : ville assiégée, pilotes inexpérimentés, vols de nuit, transport de dynamite, … On ne trouvera aucune défaillance sur les ballons et les accidents seront souvent dus aux atterrissages à l’inexpérience des pilotes et par la présence des uhlans proches du point de chute.

Des records de vitesse et de distance ont été réalisés grâce à l’invention des ballons montés. Certains vols ont atteint une grande altitude (peut-être 5 à 7 000 m). La voie aérienne devient un moyen de transport à part entière qui peut avoir une utilité stratégique et aussi pratique à grande échelle.

Après de nombreuses expériences qui auront toutes échouées telles que les piétons, les sous-marins, les bateaux, les scaphandres, microfilms, boules de Moulins, chiens, électricité et même des sacs de riz, etc.) …, les ballons montés s’avèrent une véritable réussite et avancée dans l’histoire de l’aéropostale.

Une des difficulté et pas des moindre sera de recevoir du courrier en retour. Les frères Tissandier tentèrent de faire le voyage retour par le même moyen avec le ballon Jean Bart, et organisèrent plusieurs points de départ des villes non occupées par les troupes prussiennes avec l’aide d’aérostiers ayant fait eux aussi une sortie. Les tentatives, avant que les troupes prussiennes n’étendent leur zone d’occupation, furent des échecs. On utilisait des pigeons voyageurs transportant des quantités importantes d’informations, grâce aux microfilms qu’ils emportaient ; mais le seul autre moyen qui ait fonctionné était le retour des pigeons voyageurs, ce n’était pas une solution fiable et sur 375 pigeons seulement 57 arrivèrent à leurs pigeonniers parisien. Aucun des chiens supposés ramener les dépêches grâce à leur sens de l’orientation n’arriva à destination.

Des tentatives d’améliorations techniques (direction par hélice et gouvernail) ont été faites, sans résultat.

La plupart des vols ont eu des missions multiples, mais presque toutes ont eu une mission de courrier, le plus souvent double, puisque le ballon transportait des grosses quantités de courrier, mais aussi des pigeons voyageurs destinés aux informations en sens inverse. Si quelques ballons n’ont pas été affrétés officiellement pour le transport de courriers, il semble que quasi tous les aéronautes (conducteurs et/ou passagers) ont transporté quelques « plis confiés » à déposer à leur arrivée dans le premier bureau de Poste en fonctionnement rencontré.

A noter que Jules Duruof, pilote du Neptune, fut poursuivi mais acquitté par la suite par un tribunal militaire pour avoir accepté de collaborer ensuite avec la Commune .

Liste des ballons montés : https://www.techno-science.net/glossaire-definition/Ballon-monte-page-2.html#ref_7

 

Un nouveau moyen de transport testé, ce fut l’invention des boules de Moulins. Ce système ingénieux qui consistait à déposer en amont de la Seine des cylindres de zinc remplis de courriers et transportés par le courant. Mais ces boules de zinc s’avérèrent être aussi un échec.

Les boules de Moulins


Une boule de Moulins, remplie de sa correspondance factice (musée de La Poste, Paris).Siren-Com • CC BY-SA 4.0

Une boule de Moulins est un procédé de transport du courrier depuis la province vers la ville de Paris, employé lors du siège pendant la guerre de 1870. Comme le courrier destiné à être ainsi acheminé dans des sphères creuses est au préalable centralisé à Moulins (Allier), ces boules sont dites « de Moulins ».

Malgré des essais prometteurs, le procédé se révèle un échec complet, aucune des 55 boules de Moulins larguées entre le 5 et le 28 janvier 1871 ne parvenant à Paris avant la fin du siège, même si plus de la moitié d’entre elles sont retrouvées depuis, de la Seine-et-Marne jusqu’à l’embouchure de la Seine. Les lettres qu’elles contenaient sont remises à leurs destinataires ou à leurs descendants, ou bien figurent dans les collections du musée de La Poste ainsi que dans des collections privées.


Principe

L’idée de faire voyager par le courant de la Seine des boules étanches contenant du courrier est envisagée selon le principe de la bouteille à la mer dès septembre 1870 : M. Castillon de Saint-Victor propose des engins flottant sous la surface et libérant un petit drapeau, une fois entrés dans Paris, pour signaler leur présence. Le projet est rapidement abandonné, jugé trop compliqué à mettre en œuvre et trop risqué.

Cette piste est toutefois à nouveau explorée au début du mois suivant mais, pour déjouer la surveillance des assiégeants, les boules ne doivent pas flotter en surface ou entre deux eaux. Leur masse volumique est calculée pour qu’elles roulent sur le fond, entraînées par le courant.

Pierre-Charles Delort, Émile (ou Louis-Émile) Robert et Isca (ou Jacques) Vonoven, mettent au point le système basé sur la fabrication de cylindres en zinc, métal inaltérable à l’eau, étanches une fois leur couvercle soudé auxquels des ailettes donnent une forme sphérique et qui sont immergés dans la Seine largement en amont de Paris, non loin de Montereau-Fault-Yonne. Ces boules doivent ainsi franchir les lignes des assiégeants et être récupérées dans un filet disposé aux abords de la capitale. Le dispositif imaginé par les trois hommes, qui ne semblent pas avoir eu connaissance du projet de Castillon de Saint-Victor, est peut-être inspiré de celui utilisé pour la contrebande de tabac à la frontière franco-belge, dans les eaux de l’Yser. Le cylindre creux est pourvu de douze ailettes semblables à des aubes destinées à le faire tourner sur lui-même dans le courant du fleuve. D’une masse totale d’un peu plus de 2 kg, l’ensemble a la forme d’une sphère et peut renfermer 500 à 800 lettres qui, écrites sur du papier pelure, ne doivent pas dépasser 4 grammes chacune, enveloppe comprise. Les cylindres possèdent à leurs deux extrémités un petit ballast pouvant être rempli d’eau à volonté pour équilibrer l’ensemble en fonction du poids des lettres qu’il contient.

Le brevet est déposé le 21 novembre 1870 par Delort. Deux expériences successives, réalisées sur de courtes distances dans la Bièvre à Arcueil puis une autre, les 1er et 2 décembre 1870 sur une plus grande distance au Port à l’Anglais dans la Seine, sont concluantes : les boules jetées dans l’eau sont récupérées dans les filets destinés à les arrêter ; dans le cas de la Bièvre, la limpidité de l’eau permet même de les suivre sur leur trajet. Le principe apparaît donc applicable à plus grande échelle.

Premier contrat

Robert rencontre début octobre 1870 le général Trochu, Gouverneur militaire de Paris ; Trochu se montre très intéressé et, dans la foulée, Robert soumet le projet à Germain Rampont, directeur général des Postes resté à Paris. Une fois les tests effectués, Rampont rédige le 6 décembre un contrat autorisant la mise en place de ce service d’acheminement de courrier ; ce document, financièrement très intéressant pour les concepteurs, reste par ailleurs flou sur bien des détails pratiques : c’est ainsi par exemple, que le lieu de collecte, Clermont-Ferrand, n’est convenu que de manière orale et que, si le montant de la rémunération des intervenants est fixé, les modalités de versement ne sont pas précisées. Delort et Robert quittent la capitale à bord du ballon monté Le Denis Papin la nuit suivante en décollant de l’esplanade de la gare d’Orléans ; ils emportent du courrier à destination de la province, quelques boules fabriquées à Paris ainsi que le contrat signé par Rampont et approuvé par le ministre des Finances Ernest Picard.

Atterrissant à La Ferté-Bernard dans un secteur « libre » à l’aube du 7 décembre, ils gagnent dans la journée Le Mans puis Tours le 8 décembre 1870 pour y rencontrer François-Frédéric Steenackers, directeur général des Télégraphes également chargé des Postes pour la province car il a suivi le gouvernement de la Défense nationale dans son repli. Steenackers les félicite de leur initiative et leur confirme que, comme convenu avec Rampont, le courrier doit être centralisé à Clermont-Ferrand. Forts de ces encouragements, Delort et Robert se rendent au plus vite à Clermont-Ferrand en passant par Bordeaux où ils rencontrent l’adjoint de Steenackers dès le 9 décembre. Cet itinéraire compliqué est le seul qui permette alors d’atteindre le Puy-de-Dôme par chemin de fer depuis Tours. C’est lors de leur halte en Gironde qu’ils font paraître dans la presse un communiqué signalant la mise en place de ce service spécial en se présentant comme des opérateurs privés agissant avec l’accord de l’administration des Postes ; le communiqué précise en outre que les trois hommes seront directement rémunérés par les usagers.

Second contrat

 

Le 15 décembre 1870, alors qu’ils sont à pied d’œuvre depuis deux jours et qu’ils ont commencé à collecter le courrier, leur parvient, rédigée par Steenackers, l’injonction de cesser toute publicité, de suspendre l’opération et de restituer les lettres en leur possession ; il leur est reproché une opération aventureuse qui, de plus, contrevient au monopole des services postaux en matière de distribution de courrier. Après avoir rencontré le procureur impérial de Clermont-Ferrand, Delort et Robert retournent immédiatement à Bordeaux où s’est installé le gouvernement. Là, de nouvelles conditions, financièrement moins avantageuses pour eux mais plus précises et plus conformes au statut des Postes, leur sont imposées le 24 décembre 1870, au terme de discussions longues et tendues ; le lieu de collecte des lettres est par ailleurs transféré à Moulins, plus proche de la Seine. Outre ces motifs pratiques et financiers, les raisons profondes de ce revirement sont mal connues, mais la volonté de l’administration de limiter sa responsabilité en cas de dysfonctionnement tout en « reprenant la main » sur l’opération n’y est sans doute pas étrangère. L’inimitié et la rivalité notoires opposant Rampont et Steenackers ont sans doute joué, le second ayant été soupçonné d’entraver volontairement une opération approuvée par le premier.

Lettre par boule de Moulins affranchie au tarif 1 franc, enregistrée à Avranches le 3 janvier 1871.

Phase opérationnelle

 

Selon les termes du contrat imposé par Steenackers et faisant l’objet d’un décret publié le 26 décembre 1870 dans Le Moniteur universel, les plis qui sont destinés à entrer dans Paris par l’intermédiaire des boules sont regroupés au bureau de poste central de Moulins, quel que soit leur lieu d’expédition, et doivent être affranchis à 1 franc au lieu des 20 centimes du tarif normal. Les 80 centimes supplémentaires sont destinés à la rétribution de Delort, Robert et Vonoven (payée par les Postes, pour moitié à l’enregistrement du courrier à Moulins et pour moitié à sa réception effective à Paris) ; aucune garantie n’est toutefois promise aux utilisateurs par l’administration qui dégage par avance sa responsabilité.

Certains bureaux de poste étant dépourvus de timbres en raison de la guerre, quelques courriers transportés par boule de Moulins n’en comportent pas sur l’enveloppe ; ils sont remplacés par un cachet P.P. (« port payé ») apposé à l’enregistrement de la lettre et attestant que l’expéditeur s’est bien acquitté du coût de l’affranchissement. Les lettres peuvent aussi être affranchies au départ mais avoir perdu leurs timbres à l’intérieur de la boule lors de son séjour dans l’eau, en raison de l’humidité ; dans ce cas le même cachet est apposé, mais à l’arrivée cette fois, afin que la lettre ne soit pas taxée.

Afin de ne pas éveiller l’attention de l’ennemi, les lettres ne se distinguent par aucun cachet spécial ; seule l’adresse du destinataire doit comporter la mention « Paris, par Moulins (Allier) ».

Delort reste à Moulins pour conditionner les boules — celles apportées de Paris étant trop peu nombreuses, c’est à Lyon que d’autres sont fabriquées par un artisan —, remplir les bordereaux qui détaillent leur contenu et superviser leur acheminement à Cosne-sur-Loire où elles sont stockées. Robert, habillé en paysan conduisant une charrette de paille ou en marchand de volailles et d’œufs, assure le transport des « agents » — pour éviter les fuites, c’est le terme employé pour désigner les boules dès les premières discussions avec Rampont— depuis Cosne jusqu’aux bords de la Seine. Il les immerge en amont de Paris, depuis Bray-sur-Seine jusqu’à Samois-sur-Seine, à partir d’une barque ou depuis un pont. Sur son trajet, il assure également le service postal de bureau à bureau là où celui-ci est interrompu.

Un filet, large de 280 m barrant toute la largeur du fleuve sur une hauteur d’un mètre à partir du fond pour que les bateaux ne risquent pas de le détériorer, tendu derrière les lignes ennemies au niveau du Port à l’Anglais à Alfortville, doit arrêter les boules qui sont dirigées vers un entonnoir. Vonoven, qui est resté à Paris, se charge de le relever matin et soir avec l’aide d’employés des Postes mis à sa disposition par Rampont mais, ignorant tout des longues discussions qui se déroulent en province et des retards qui en découlent, il commence ce travail de surveillance peu après la sortie de Paris de Delort et Robert, sans doute vers le 15 décembre.

Cinquante-cinq boules sont finalement jetées à la Seine entre le 5 janvier 1871 — les premiers plis et les dernières consignes ne parviennent pas à Moulins avant le 4 janvier 1871 — et le 28 du même mois alors que, plusieurs jours avant cette dernière date, l’administration des Postes a demandé de ne plus faire parvenir de courriers à Moulins faute de certitude sur la réussite de l’opération. Le nombre des lettres transportés par les boules de Moulins est estimé entre 35 000 et 40 000.

Résultats

 

Les résultats escomptés ne sont pas au rendez-vous. Alors que les essais avaient été couronnés de succès, le système se révèle totalement inefficace dans la pratique. Aucune des boules expédiées n’est récupérée pendant le siège ; elles sont probablement envasées, arrêtées par des obstacles ou sont passées au travers du filet déchiré et dont les points d’ancrage sont arrachés par les glaçons charriés par la Seine le 22 janvier ; Vonoven arrive à réparer le dispositif (confection et fixation d’un nouveau filet) le 28 janvier mais l’opération touche déjà à sa fin.

Le 10 février, 14 600 lettres en attente sont découvertes à la poste de Moulins : il s’agit très vraisemblablement de plis que le receveur des postes de Moulins avait pour consigne de ne plus confier à Delort dans les derniers jours de janvier 1871 ; ces lettres sont acheminées à Paris, où elles parviennent deux jours plus tard, dissimulées dans des sacs de riz destinés au ravitaillement des Parisiens d’où le nom de « sacs de riz » donné à ces lettres. Des boules toutes prêtes sont trouvées à Cosne et les lettres qu’elles contiennent arrivent par la route à Paris entre le 17 et le 22 février après que les Prussiens ont autorisé le rétablissement normal des services postaux ; ces plis sont surnommés « lettres de Cosne », portant généralement les cachets d’arrivée des 17-18-22 février 71).

Les retards dus aux négociations ont certainement pesé dans l’échec du projet : les jours passant avec l’arrivée de l’hiver, le courant de la Seine se ralentit avec son embâcle partielle et les premières boules ne sont immergées que le 5 janvier 1871 alors que l’opération aurait pu débuter au moins quinze jours plus tôt ; Delort, dans une lettre ouverte au général Trochu, rend Steenackers responsable de ces retards et donc de cet échec. Après la guerre les concepteurs, dont les clauses de rétribution n’ont pas été respectées par l’administration des Postes, engagent des actions envers l’État pour obtenir des compensations financières, allant jusqu’à écrire au maréchal Patrice de Mac Mahon, mais sans succès ; Delort et Robert n’ont droit qu’à une médaille commémorative pour leur sortie de Paris en ballon.

 

Repêchages ultérieurs

 

Entre 25 et 30 boules sont récupérées, mais après la fin du siège, échouées sur les berges, ramenées du fond par des engins, retrouvées lors de l’entretien de ponts. La première est repêchée en mars 1871 aux Andelys ; la majeure partie des trouvailles a lieu jusqu’en 1910 dont dix dès 1871, mais une boule est retrouvée en 1942, une autre en 1952. Plus récemment, une boule est remontée par le conducteur d’un engin de dragage à Saint-Wandrille (Seine-Maritime), le 8 août 1968. Une boule est encore récupérée à Vatteville-la-Rue (Seine-Maritime) en 1982, puis une autre en 1988. Jusqu’en 1982, l’administration postale cherche à remettre les lettres aux descendants des destinataires d’origine. À compter de cette date, les boules et leur contenu appartiennent au patrimoine national.

Sur 55 boules confectionnées, une vingtaine restent donc théoriquement enlisées au fond de la Seine et pourraient encore être retrouvées mais, sur cette quantité, il convient de retirer un nombre inconnu de boules dont la récupération s’est faite dans la discrétion et le contenu directement mis en vente sur le marché des philatélistes. Même si certaines boules sont repêchées presque à l’emplacement de leur immersion, la localisation des dernières trouvailles (à l’aval de Rouen) suggère cependant que les boules restant à découvrir ont pu s’éloigner considérablement de Paris, voire rejoindre la Manche. Après la fin de la guerre de 1870, un repêchage est même déclaré à Saint-Malo : il aurait fallu pour cela que les courants marins aient permis à la boule de contourner toute la péninsule du Cotentin, ce qui peut sembler surprenant ; il est également possible qu’un pêcheur l’ait chalutée près de l’embouchure de la Seine pour la rejeter ensuite à l’eau non loin de son port d’attache malouin.

Sources

www.rhonephilatelie.fr/content/48-les-ballons-montes

www.r.m.wikipedia.org/wiki/Ballon_monté sous licence CC-BY-SA 3.0

www.fr.m.wikipedia.org/wiki/Boule_de_Moulins sous licence CC BY-SA 4.0

www.philatelie-rueil-malmaison.fr/philatelie-et-histoire-les-boules-de-moulins/

 

 

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