L’AFFAIRE CALAS

 

Affaire Calas

 

 

L’affaire Calas, procès de l’intolérance et du fanatisme religieux au XVIIIe siècle en France.

« L’abus de la religion la plus sainte a produit un grand crime » – Voltaire

« Ces cas sont rares, mais ils arrivent, et ils sont l’effet de cette sombre superstition qui porte les âmes faibles à imputer des crimes à quiconque ne pense pas comme elles ». Voltaire achève son  » Traité sur la tolérance  » (1763) par ces mots évoquant le drame de ce père de famille protestant accusé à tort par la foule d’avoir assassiné son fils et condamné par la justice à être roué vif puis brûlé sur la place publique.

 

 

En 1761, lorsque l’affaire Calas éclate, l’Edit de Nantes (1598), édit de tolérance reconnaissant la liberté de culte aux protestants, n’est plus. Louis XIV l’a révoqué le 18 octobre 1685 et les dragonnades se multiplient pour convertir de force les protestants. Bien que les conséquences de cette politique se révéleront négatives pour le royaume, tant sur le plan économique que sur le plan diplomatique, Louis XV décide de la pérenniser : peine capitale contre les pasteurs surpris dans l’exercice de leur ministère ; galères à perpétuité pour les protestants que l’on arrêterait en flagrant délit de pratiquer le culte. Les protestants n’ont plus accès aux charges et aux dignités publiques ni à certaines professions. Ils ne sont pas inscrits sur les registres de l’état civil.

En cette deuxième moitié du XVIIIème siècle, le pouvoir royal reste également confronté au jansénisme, mouvement religieux du XVIIè siècle qui s’est développé en réaction à certaines évolutions de l’Église catholique et à l’absolutisme royal, qu’il rejette avec l’aide du pape. La destruction, en 1711, par Louis XIV, du monastère de Port-Royal des Champs, haut lieu du jansénisme, n’a pas mis fin au mouvement. Le jansénisme prend une forme plus politique : de nombreux parlementaires d’Ancien Régime sont jansénistes ; en 1713, Henri François d’Aguesseau, alors procureur général du Parlement de Paris – avant de devenir chancelier et garde des sceaux – s’était opposé à l’enregistrement d’une bulle papale dénonçant cette doctrine. La cause janséniste eût une forte influence notamment lors des révoltes parlementaires du XVIIIème face à l’absolutisme royal.

 L’affaire Calas survient à quelques mois des célébrations du bicentenaire du jour de la Victoire à Toulouse. Le 17 mai 1562, jour de Pentecôte, les Huguenots, las des persécutions dont ils sont victimes, sont sur le point de se rendre maîtres du Capitole mais ils sont délogés et quatre mille d’entre eux sont massacrés. Dès lors, chaque année, les Toulousains, y voyant le signe de la Providence, organisent une procession pour commémorer ce massacre, passant outre les six arrêts du conseil qui l’ont interdite. « La ville de Toulouse est sans contredit l’une des plus superstitieuses d’Europe, sa haine des Huguenots est la plus étrange du monde » écrivait le philosophe Pierre Bayle (1647-1706).

 Pendant les guerres de Religion, l’exode des huguenots est massif et renforcé par la révocation de l’édit de Nantes qui voit près de 200 000 de ces huguenots fuir vers les pays protestants d’Europe. La révocation interdit pourtant sévèrement toute émigration. Ceux qui se résolvent à rester sont soumis à des lois sévères mais peu appliquées lorsqu’ils observent une extrême discrétion. C’est dans ce contexte que la ville de Toulouse compte en 1761 environ 50 000 catholiques et 200 calvinistes. L’intolérance envers les protestants se ravive à cette période à cause de la crise économique et de la guerre de Sept Ans qui voit la France, alliée de l’Autriche et de la Russie, affronter des puissances protestantes (Prusse, Grande-Bretagne). Enfin, juste un mois avant l’affaire Calas, le 17 septembre 1761, le pasteur François Rochette, prédicateur clandestin dans la région de Montauban, est arrêté à Caussade. Un petit groupe de protestants tente en vain de le libérer. Jugés à Toulouse, le pasteur est condamné à la pendaison et trois gentilshommes verriers protestants, les frères de Grenier, sont décapités. Bien que les calvinistes soient ultra-minoritaires et généralement très discrets, ces événements ne font qu’amplifier la rumeur d’une menace protestante grandissante.

 C’est dans ce contexte qu’ éclate l’affaire Callas.

Jean Calas, marchand d’étoffes, et sa famille habitent au no 16 de la rue des Filatiers (aujourd’hui no 50), à Toulouse.

Cette affaire entraîne sept protagonistes dans la tourmente :

  • Marc-Antoine Calas, le mort : 28 ans en 1761, il a fait son droit et veut devenir avocat mais il se heurte à la législation anti-protestante qui interdit cette profession aux « prétendus réformés ». Il renonce et seconde son père à la boutique de tissus. Il est dépeint par son entourage comme taciturne et mélancolique. Marc-Antoine Calas est retrouvé mort le 13 octobre 1761 au soir, dans la boutique de son père, après un dîner en famille pris à l’étage, rue des filatiers à Toulouse.

  • Jean Calas, le père : 63 ans. Il est marchand de tissus depuis quarante ans. Il a six enfants : quatre fils, suivis de deux filles. Il découvre à 22 heures, en compagnie de son fils Pierre et d’un ami Gaubert Lavaysse, Marc-Antoine mort dans sa boutique.

  • Anne Rose Cabibel épouse Calas, la mère : Madame Calas n’est pas présente lors de la découverte du corps de son fils. Lorsqu’elle entend les cris de son mari, elle veut descendre à la boutique mais Lavaysse l’arrête dans l’escalier. Lorsqu’elle trouve son fils décédé, les cris redoublent d’intensité.

  • Pierre Calas, le deuxième fils de Jean : Pierre raccompagne son ami Lavaysse après le dîner, il est présent lors de la découverte du corps.

  • Louis Calas, le troisième fils : 25 ans. Il s’est converti cinq ans plus tôt au catholicisme sous l’influence de Jeanne Viguière, la servante de la maison. Il a rompu avec sa famille, ne travaille pas et vit de la rente que son père est tenu de lui payer de par la loi parce que Louis a abjuré.

  • Gaubert Lavaysse, ami de Marc-Antoine et de Pierre Calas : 19 ans. Fils d’un célèbre avocat toulousain, il est arrivé de Bordeaux la veille de l’événement. Il dîne par hasard chez les Calas ce soir là.

  • Jeanne Viguière, servante de la famille Calas : Jeanne Viguière est une fervente catholique au service des Calas depuis vingt cinq ans. Elle a élevé leurs six enfants. Elle fût l’un des principaux instruments de la conversion de Louis Calas ; Jean Calas le sut mais ne lui fit jamais aucun reproche et la conserva chez lui, la traitant toujours avec égards.

Le 13 octobre 1761, après un dîner familial, vers 19h30, Marc-Antoine, comme à son habitude, sort. Personne n’est inquiet de son absence, il part souvent faire une promenade le soir. Vers 22 heures, Lavaysse décide de se retirer, son ami Pierre Calas le raccompagne en l’éclairant d’un flambeau, c’est là qu’ils découvrent Marc-Antoine suspendu entre les deux battants de la porte qui communique de la boutique au magasin. Ils remontent pour en avertir Jean Calas. Tous poussent des cris d’effroi. Calas et son fils Pierre décident d’étendre le cadavre à terre.

Les parents évoquent le crime d’un inconnu.

Arrivé sur les lieux, le capitoul se contente d’examiner sommairement le cadavre et de conclure qu’ « il n’était pas mort de mort naturelle » d’après le procès-verbal de l’arrestation de la famille Calas (13 octobre 1761). Il fait donc mander deux chirurgiens pour procéder à la « vérification du cadavre ». Les médecins constatent que la cravate de Marc-Antoine masque les marques d’une double strangulation. Meurtre ou suicide par pendaison ? Beaudrigue ne perquisitionne pas et ne laisse aucun homme de la force publique devant la maison des Calas. Il arrête tous les occupants de la maison et fait déplacer le cadavre pour aller à l’hôtel de ville, bafouant ainsi l’ordonnance criminelle du 26 août 1670 (titre IV, article premier) en vigueur à l’époque. Dressé le 14 à l’hôtel de ville, le procès verbal est antidaté.

 L’attitude de la famille est, en effet, suspecte, car celle-ci reconnaît, après trois jours d’interrogatoire à l’hôtel de ville, avoir détaché Marc-Antoine pour camoufler le suicide et éviter ainsi à ce dernier qu’il ne subisse le traitement alors infligé aux suicidés, « être traîné sur la claie » tiré par un cheval (cadavre traîné face contre terre à travers la ville ou la campagne sous les lazzis de la population, puis jeté aux ordures) (1).

Les cris des Calas transpercent les murs et une foule s’amasse aussitôt devant leur maison. La foule ne connaît pas les causes de la mort de Marc-Antoine puisque les Calas ont convenu de ne pas les divulguer.

Aussitôt, la foule porte une accusation : les protestants Calas ont assassiné leur fils Marc-Antoine qui voulait se convertir au catholicisme. Les Calas, de confession protestante, sauf l’un des fils, Louis, converti au catholicisme et affilié à la Confrérie de pénitents blancs, continuent à pratiquer leur foi.

Le soir même, le capitoul procède à l’audition de Jean Calas, qui ne répond pas précisément à la question sur les causes de la mort de son fils.

Selon ses dires, Marc-Antoine a été retrouvé mort couché à terre alors que la porte de la boutique était fermée suivant l’interrogatoire de Jean Calas, audition d’office du 13 octobre 1761. Beaudrigue en conclut que Marc-Antoine a été assassiné par une personne présente dans la maison et, convaincu par la rumeur de la foule hostile, il ne suivra plus que la piste du crime calviniste.

Excité et convaincu par des rumeurs de voisinage alléguant la volonté de Marc-Antoine de choisir réellement la religion catholique et accusant son père de l’avoir assassiné afin qu’il ne se convertisse pas, le capitoul (2) David de Beaudrigue intervient sur le champ avec sa « main forte », la force publique et exige un complément d’enquête.

Lors du deuxième interrogatoire, le 15 octobre, voyant la tournure que prennent les événements, Jean Calas revient sur sa version des faits : Il affirme avoir découvert  Marc-Antoine pendu et avoue avoir menti pour « conserver l’honneur de sa famille ». Mais il est trop tard, le capitoul ne le croit plus, et veut à tout prix faire avouer Calas.

Face au manque de preuves pour établir la culpabilité de Jean Calas, le procureur du roi Charles Laganne, décide de recourir aux monitoires (3) en posant quatre questions orientées clairement dans le sens d’un complot familial à l’encontre du fils pour l’empêcher de se convertir. Lui non plus n’hésite pas à faire des entorses à la légalité : les noms de Marc-Antoine et des accusés sont mentionnés dans les monitoires, contrairement aux dispositions de l’ordonnance de 1670 (titre VII, article 4). Le procureur publie le 17 octobre 1761 un monitoire à fin de révélations. Dans ce contexte d’appel aux témoins, on aurait admis les ouï-dire comme quarts de preuves et les ragots comme huitièmes de preuves. Selon certains auteurs, les juges, faute de mieux, additionnent les signes, adminicules (indices légers) et présomptions, privilégiant la preuve conjecturale à la preuve testimoniale. Les 87 dépositions ainsi recueillies, n’apportent aucun élément décisif.

 Pour l’historien de la justice Benoît Garnot, par contre, il s’agit là d’une caricature de la justice d’Ancien Régime : Jean Calas, sa femme et son fils Pierre sont interrogés à plusieurs reprises. Le 18 novembre 1761, après délibération, le tribunal des capitouls les condamne à la préparatoire ordinaire et extraordinaire. La famille Calas interjette appel de cette sentence.

Un premier procès a lieu le 18 novembre 1761, soit un mois après les faits. Entre temps, le 8 novembre, Marc-Antoine a été inhumé en grande pompe selon le rite catholique. Le cercueil a été accompagné jusqu’au tombeau par une foule frénétique et immense. En faisant de ce tombeau celui d’un nouveau saint, les Toulousains condamnent, par anticipation, les Calas et valident ainsi la thèse du complot protestant.

Le tribunal est composé de quatre capitouls – dont deux ont participé à l’instruction – et de trois assesseurs.

Les accusés se défendent seuls. Les avocats sont en effet exclus de la phase d’instruction ainsi que de l’audience depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts d’août 1539 (article 162).

Le procureur du roi Lagane requiert la peine de mort pour les trois Calas, les galères perpétuelles pour Lavaysse et un emprisonnement ferme de cinq ans pour la servante catholique Viguière.

Après de longues discussions et deux séances de vote, les juges condamnent les Calas à subir la question préalable « pour tirer de lui l’aveu de son crime, complices et circonstances » avant jugement et Lavaysse et Viguière à y être présentés (simple intimidation dans ce dernier cas). Il y avait deux sortes de questions : la question ordinaire et la question extraordinaire. A Toulouse, la question ordinaire se faisait par étirement (les membres du condamné étaient étirés par des palans) et la question extraordinaire par l’eau (on faisait avaler une grande quantité d’eau au condamné) pour obtenir l’aveu du crime.

Les accusés interjettent appel devant le Parlement de Toulouse. Le procureur Lagane fait de même, estimant la peine insuffisante.

Le dossier ne contient toujours pas de preuve irréfutable de l’assassinat de Marc-Antoine et aucun accusé n’a avoué. Pourtant, le procureur général du roi Riquet de Bonrepos requiert la mort contre les Calas et plus ample information pour Lavaysse et Viguière.

Les treize juges du Parlement sont très partagés sur le sort des accusés. Il faudra dix séances pour que la majorité requise de deux voix d’écart soit obtenue.

Par le verdict en appel du parlement de Toulouse, par 8 voix contre 5, le 9 mars 1762, Jean Calas est condamné « à être rompu vif, à être exposé deux heures sur une roue, après quoi il sera étranglé et jeté sur un bûcher pour y être brûlé ». Par une indulgence de dernière minute, le juge lui a accordé un retentum, clause prévoyant son étranglement après deux heures d’exposition sur la roue afin d’abréger le supplice. Il clame son innocence. Le 10 mars 1762, Jean Calas est roué vif place Saint-Georges, étranglé puis brûlé deux heures plus tard.

Le 10 mars 1762 au matin, le capitoul David de Beaudrigue soumet le condamné à un dernier interrogatoire. Jean Calas exténué, ne variera pas et confirmera qu’il est innocent ainsi que son entourage. Il subit donc la question ordinaire puis extraordinaire sans rien avouer.

L’après-midi, il endure le supplice de la roue. L’arrêt du Parlement de Toulouse a prévu que le bourreau « lui rompra et brisera bras, jambes, cuisses et reins, ensuite l’exposera sur une roue qui sera dressée tout auprès du dit échafaud, la face tournée vers le ciel pour y vivre en peine et repentance des dits crimes et méfaits, (et servir d’exemple et donner de la terreur aux méchants) tout autant qu’il plaira à Dieu lui donner de la vie ». Durant l’épreuve, Jean Calas est resté digne et ferme, « il ne jeta qu’un seul cri à chaque coup » et ne confessa rien au Père Bourges près de lui, excepté qu’il voulait mourir protestant. Il prit Dieu à témoin et le conjura de pardonner à ses juges.

Après deux heures passées sur la roue, le bourreau l’étrangle puis jette son corps dans un bûcher ardent. ses cendres sont dispersées au vent.

Le 17 mars, les juges décident de bannir Pierre Calas à perpétuité et d’acquitter Madame Calas, Lavaysse et la servante.

L’affaire Calas a un retentissement considérable en France. Voltaire, alerté par le riche négociant marseillais Dominique Audibert sur les contradictions du procès, décide de mener l’enquête. Le philosophe croit d’abord l’accusation fondée, et rédige, dans un premier temps, une lettre incendiaire sur Jean Calas. Mais, convaincu par Pierre de son innocence, il forme par la suite un groupe de pression avec ses amis, et utilise son ironie corrosive pour que justice soit faite.

Après avoir examiné les pièces durant trois mois et après avoir longuement interrogé les frères Calas réfugiés à Genève, Voltaire a acquis une intime conviction : Marc-Antoine n’a pas pu être assassiné par son père. Dès lors, il travaille sans relâche à obtenir la réhabilitation de Jean Calas, multipliant les interventions à Versailles. Il. L’affaire qui révolte Voltaire, débute l’écriture du « Traité sur la tolérance » dès octobre 1762. Il crie son horreur devant ce qu’il considère comme un assassinat dans son célèbre Traité sur la tolérance, à l’occasion de la mort de Jean Calas (1763), qui débute ainsi : « Le meurtre de Calas, commis dans Toulouse avec le glaive de la justice, le 9 mars 1762, est un des plus singuliers événements qui méritent l’attention de notre âge, et de la postérité. » Il rédige également en 1762 les Pièces originales concernant la mort des Srs Calas, et le jugement rendu à Toulouse, notamment à partir des documents que lui fournit l’avocat genevois Charles de Manoël de Végobre. Avec son ami Étienne-Noël Damilaville et le soutien de Friedrich Melchior Grimm, rédacteur de la Correspondance littéraire, philosophique et critique, Voltaire veut non seulement réhabiliter Jean Calas, mais aussi aider matériellement et moralement sa veuve et ses enfants, qui sont ses coaccusés, à travers le « Projet de souscription pour une estampe tragique et morale ».

Ce dessin est la contribution de Carmontelle, artiste aux talents multiples, à la fois dessinateur de portraits, auteur de théâtre de société, dessinateur de jardins exotiques et organisateur de fêtes aristocratiques mondaines, à leur campagne d’opinion. Ce dessin de bienfaisance offert aux partisans de la réhabilitation de Calas et de l’innocence de sa famille a donc vocation à être reproduit par le procédé classique de la gravure afin de bénéficier d’une large diffusion auprès du public. La gravure réalisée par Jean-Baptiste Delafosse permet aussi d’ajouter au dessin une légende qui porte le message du combat de Voltaire et des partisans de l’innocence de Calas : « La Mère, les deux Filles, avec Jeanne Viguière, leur bonne Servante, le Fils et son ami, le jeune Lavaysse. » Il ne s’agit pas ici d’engager un combat politique en faveur de la tolérance pour « ceux de la RPR » (religion prétendue réformée), c’est-à-dire les calvinistes, mais de toucher la corde sensible, d’émouvoir l’opinion.

Une famille entière a été meurtrie, comme le rappelle le Traité sur la tolérance, et chacun peut devenir un nouveau Jean Calas. L’achat de la gravure, d’un prix de six livres, doit permettre d’aider matériellement une famille éplorée mais digne. Voltaire se félicite de cette mobilisation : « L’idée de l’estampe des Calas est merveilleuse. Je vous prie, mon cher frère, de me mettre au nombre des souscripteurs pour douze estampes. » La souscription connaît un succès remarquable, au point que le Parlement de Paris intervient pour en suspendre le cours. Mais la gravure a le temps d’être largement diffusée. En novembre, la publication du « Traité sur la tolérance » a un grand retentissement.

 

Le 7 mars 1763 un procès en réhabilitation est ouvert, lorsque le Conseil du roi ordonne à l’unanimité au Parlement de Toulouse de communiquer la procédure. Ce dernier résistera et ne s’y résoudra qu’au bout d’un an.

Après deux ans d’instruction, le Conseil du roi, assemblée de quatre-vingt juges ,casse l’arrêt du parlement de Toulouse le 4 juin 1764 pour vice de procédure et renvoie l’affaire devant le tribunal des Requêtes (4) pour qu’il soit statué au fond. Le 9 mars 1765, celui-ci rend, en dernier ressort, un arrêt réhabilitant la mémoire de Jean Calas, et acquittant tous les autres accusés. Le parlement de Toulouse refusera toujours de revenir sur son jugement, et tiendra cet arrêt de réhabilitation pour nul et non avenu. Le capitoul est destitué le 25 février 1765 et se suicide peu après.

« Ce fut dans Paris une joie universelle : on s’attroupait dans les places publiques, dans les promenades ; on accourait pour voir cette famille si malheureuse et si bien justifiée ; on battait des mains en voyant passer les juges, on les comblait de bénédiction » décrit Voltaire.

Après avoir passé plusieurs années dans les couvents à fuir la furie de ceux qui ne voulaient se résoudre à son innocence, Madame Calas est invitée à Versailles pour rencontrer Louis XV qui lui accorde, ainsi qu’à ses enfants, une pension de 36 000 livres.

L’affaire Calas n’eut aucune conséquence immédiate sur la législation anti-protestante. Ce fut en 1787 que Louis XVI se décida à signer l’édit de Versailles, édit de tolérance restituant uniquement aux protestants leur état-civil. Deux ans plus tard, la Révolution est en marche et bouleverse l’Ancien Ordre : la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 proclame la liberté de conscience (article 10) et la liberté d’opinion (article 11).

 

Notes

1 – La législation pénale prévoyait un procès au cadavre pour « homicide de soi-même », c’est à dire pour suicide. Après condamnation, le corps, nu, était étendu sur une claie face contre terre, il était montré à la population dans les rues pour être enfin suspendu à un gibet (Article premier du titre XXII de l’ordonnance criminelle du 26 août 1670)

2 – Ancien magistrat municipal de la ville de Toulouse. La municipalité de Toulouse, au XVIIIème siècle est constituée de huit capitouls désignés annuellement par le conseil du roi, d’après une liste de 24 candidats transmise par l’intendant résidant à Montpellier

3 – Les monitoires sont un appel à témoins rédigé par le procureur et diffusé par les prêtres.Tout faux témoignage est sanctionné par l’excommunication

4 – Cour souveraine composée de maîtres des requêtes, pour juger les procès entre les officiers de la cour et les causes que le roi leur renvoie.


Sources :

    • Pièces originales concernant la mort des srs calas, et le jugement rendu à Toulouse, 1762

    • Mémoire à consulter et consultation pour la dame Anne-Rose Cabibel, veuve Calas, et pour ses enfants. / (Signé : Elie Beaumont) (23 août 1762.), 1er janvier 1762

    • http://www.justice.gouv.fr/histoire-et-patrimoine-10050/proces-historiques-10411/laffaire-calas-22774.html

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