LE MARÉCHAL-FERRANT DU XVIIIe SIÈCLE

Le maréchal-ferrant au XVIII° siècle




 

 

 

Extrait de L’Encyclopédie de Diderot /1re édition/Volume 10 (1751)

Orthographe respectée non corrigée

 

Maréchal ferrant, (Art méchan.) est un ouvrier dont le métier est de ferrer les chevaux, et de les panser quand ils sont malades ou blessés.

Les instruments du maréchal sont les flammes, la lancette, le bistouri, la feuille de sauge, les ciseaux, les renettes, la petite gouge, l’aiguille, les couteaux et les boutons de feu, le brûle-queue, le fer à compas, l’esse de feu, la marque, la corne de chamois, le boétier, la corne de vache, la cuiller de fer, la seringue, le pas-d’âne, le leve-sole, la spatule, etc. Voyez tous ces instruments aux lettres et aux figures qui leur conviennent.

Les jurés et gardes de la communauté des maréchaux se choisissent entre les anciens et les nouveaux. Deux d’entr’eux sont renouvelés chaque année, et pris parmi ceux qui ont été deux ans auparavant maîtres de la confrérie de S. Eloi patron de la communauté, et encore auparavant bâtonniers de la même confrérie.

Chaque maître ne peut avoir qu’un apprenti outre ses enfants : l’apprentissage est de trois ans.

Tout maréchal a son poinçon dont il marque son ouvrage, et dont l’empreinte reste sur une table de plomb déposée au châtelet.

Avant d’être reçus maîtres, les apprentis font chef-d’œuvre, et ne peuvent tenir boutique avant l’âge de 24 ans ; permis néanmoins aux enfants de maitres, dont les pères et mères seront morts, de la lever à dix huit ans.

Aucun maître, de lettres, ne peut entrer en jurande, qu’il n’ait tenu boutique douze ans.

Il n’appartient qu’aux seuls maréchaux de priser et estimer les chevaux et bêtes chevalines, et de les faire vendre et acheter, même de prendre ce qui leur sera volontairement donné pour leurs peines par les vendeurs et acheteurs, sans pouvoir y être troublés par aucuns soi-disant courtiers ou autres.

Ferrer un Cheval, (Maréchallerie.) Expression qui caractérise non-seulement l’action d’attacher des fers aux pieds du cheval, mais celle de couper l’ongle en le parant ou le rognant. Voyez Ferrure. (Note en bas du document)

Le premier soin que doit avoir le maréchal, que l’on charge de ferrer un cheval, doit être d’en examiner attentivement les pieds, à l’effet de se conformer ensuite dans son opération aux principes que l’on trouvera discutés au mot ferrure. Cet examen fait, il prendra la mesure de la longueur et de la largeur de cette partie, et forgera sur le champ des fers convenables aux pieds sur lesquels il doit travailler ; ou s’il en a qui puissent y être appliqués et ajustés, il les appropriera de maniere à en faire usage. Voyez Forger et Fer. . (Note en bas du document)

Je suis toujours étonné de voir dans les boutiques de maréchaux un appareil de fers tous étampés, et que quelques coups de ferretier disposent après un moment de séjour dans la forge, à être placés sur le pied du premier animal qu’on leur confie. Que de variétés ! que de différences n’observe-t-on pas dans les pieds des chevaux, et souvent dans les pieds d’un même cheval ! Quiconque les considérera avec des yeux éclairés, partagera sans doute ma surprise, et ne se persuadera jamais que des fers faits et forgés presque tous sur un même modele, puissent recevoir dans un seul instant les changemens que demanderoient les pieds auxquels on les destine. D’ailleurs il n’est assûrément pas possible de remédier assez parfaitement aux étampures qui doivent être ou plus grasses ou plus maigres. Voyez Ferrure. Et il résulte de l’attention du maréchal à se précautionner ainsi contre la disette des fers, des inconvéniens qui tendent à ruiner réellement les pieds de l’animal, et à le rendre totalement inutile.

Ces sortes d’ouvriers cherchent à justifier cet abus, et à s’excuser sur la longueur du tems qu’il faudroit employer pour la ferrure de chaque cheval, si leurs boutiques n’étoient pas meublées de fers ainsi préparés ; on se contente de cette raison spécieuse, et l’abus subsiste ; mais rien ne sauroit l’autoriser, lorsque l’on envisage l’importance de cette opération. D’ailleurs il n’est pas difficile de se convaincre de l’illusion du prétexte sur lequel ils se fondent : ou les chevaux qu’ils doivent ferrer, sont en effet des chevaux qu’ils ferrent ordinairement ; ou ce sont des chevaux étrangers, et qui passent. Dans le premier cas, il est incontestable qu’ils peuvent prévoir l’espece de fers qui conviendront, et l’instant où il faudra les renouveller, et dès-lors ils ne seront pas contraints d’attendre celui où les chevaux dont ils connoissent les pieds, leur seront amenés, pour se mettre à un ouvrage auquel ils pourront se livrer la veille du jour pris et choisi pour les ferrer. Dans le second cas, ils consommeront plus de tems ; mais ce tems ne sera pas considérable, dès qu’ils auront une quantité de fers auxquels ils auront donné d’avance une sorte de contours, qu’ils auront dégrossis, et qu’il ne s’agira que d’étamper et de perfectionner ; il n’est donc aucune circonstance qui puisse engager à tolérer ces approvisionnemens suggérés par le desir immodéré du gain ; desir qui l’emporte dans la plus grande partie de ces artisans sur celui de pratiquer d’une maniere qui soit avantageuse au public, bien loin de lui être onéreuse et préjudiciable.

Quoi qu’il en soit, le fer étant forgé ou préparé, le maréchal, muni de son tablier, ordonnera au palefrenier ou à un aide, de lever un des pieds de l’animal. Ceux de devant seront tenus simplement avec les deux mains ; à l’égard de ceux de derriere, le canon et le boulet appuyeront et reposeront sur la cuisse du palefrenier, qui passera, pour mieux s’en assûrer, son bras gauche, s’il s’agit du pied gauche, et son bras droit, s’il s’agit du pied droit, sur le jarret du cheval.

Il est une multitude de chevaux qui ne supportent que très-impatiemment l’action du maréchal ferrant, et qui se défendent violemment lorsqu’on entreprend de leur lever les pieds. Ce vice provient dans les uns et dans les autres du peu de soin que l’on a eu dans le tems qu’ils n’étoient que poulains, de les habituer à donner et à présenter cette partie sur laquelle on devoit frapper, et que l’on devoit alors lever très-souvent en les flatant. Il peut encore reconnoître pour cause la brutalité des maréchaux et des palefreniers, qui bien loin de caresser l’animal et d’en agir avec douceur, le maltraitent et le châtient au moindre mouvement qu’il fait ; et il est quelquefois occasionné par la contrainte dans laquelle ils le mettent, et dans laquelle ils le tiennent pendant un intervalle trop long. Quelle qu’en puisse être la source, on doit le placer au rang des défauts les plus essentiels, soit à raison de l’embarras dans lequel il jette inévitablement lorsque le cheval se deferre dans une route ; soit par rapport aux conséquences funestes des efforts qu’il peut faire, lorsque pour pratiquer cette opération on est obligé de le placer dans le travail, ou d’avoir recours à la plate-longe : soit par le danger continuel auquel sont exposés les maréchaux et leurs aides quand il est question de le ferrer. On ne doit prendre les voies de la rigueur qu’après avoir vainement épuisé toutes les autres. Si celles-ci ne produisent point relativement à de certains chevaux tout l’effet qu’on s’en promettoit, on est toûjours à tems d’en revenir aux premieres, et du moins n’est-on pas dans le cas de se reprocher d’avoir donné lieu à la répugnance de l’animal, ou d’avoir contribué à le confirmer dans toutes les défenses auxquelles il a recours pour se soustraire à la main du maréchal. J’avoue que la longue habitude de ces mêmes défenses présente des obstacles très-difficiles à surmonter ; mais enfin la patience ne nuit point, et ne sauroit augmenter un vice contre lequel les ressources que l’on espere de trouver dans les châtimens sont toûjours impuissantes. Souvent elle a ramené à la tranquillité des chevaux que les coups auroient précipités dans les plus grands desordres. On ne court donc aucun risque de recommander aux palefreniers de tâcher d’adoucir la fougue de l’animal, et de l’accoûtumer insensiblement à se prêter à cette opération. Ils lui manieront pour cet effet les jambes en le caressant, en lui parlant, et en lui donnant du pain ; ils ne lui distribueront jamais le son, l’avoine, le fourrage en un mot, que cette distribution ne soit précédée et suivie de cette attention de leur part. Si le cheval ne se révolte point, ils tenteront en en usant toûjours de même, de lui soulever peu-à-peu les pieds, et de leur faire d’abord seulement perdre terre. Ils observeront de débuter par l’un d’eux, ils en viendront par gradation aux trois autres, et enfin ils conduiront d’une maniere insensible ces mêmes pieds au degré d’élévation nécessaire pour être à la portée de la main de l’ouvrier. A mesure que le palefrenier vaincra la résistance de l’animal, il frappera legerement sur le pied ; les coups qu’il donnera seront successivement plus forts, et cette conduite pourra peut-être dans la suite corriger un défaut dans lequel le cheval eût persévéré, s’il eût été pris autrement, et qui l’auroit même rendu inaccessible si l’on eût eu recours à la force et à la violence.

Il en est qui se laissent tranquillement ferrer à l’écurie, pourvû qu’on ne les mette point hors de leurs places : les attentions que je viens de prescrire, operent souvent cet effet. D’autres exigent simplement un torchené, voyez Torchené. (Note en bas du document) ; ou les morailles, voyez Morailles. . (Note en bas du document) Les uns ne remuent point lorsqu’ils sont montés ; la plate-longe, le travail soûmet les autres. Voyez Plate-longe, Travail. . (Note en bas du document) Mais si ces dernieres précautions effarouchent l’animal, il est à craindre qu’elles ne lui soient nuisibles, sur-tout s’il est contraint et maintenu de façon que les efforts qu’il peut faire pour se dégager, puissent s’étendre et répondre à des parties essentielles.

Le parti de le renverser est encore le moins sûr à tous égards, outre que la situation de l’animal couché n’est point favorable au maréchal qui travaille, et qu’il n’est pas possible dans cet état de n’omettre aucun des points que l’on doit considérer pour la perfection de cette opération.

Celui que quelques maréchaux prennent d’étourdir le cheval en le faisant troter sur des cercles, après lui avoir mis des lunettes, et en choisissant pour cet effet un terrein difficile, est le dernier auquel on doive s’arrêter. La chûte provoquée du cheval sur un pareil terrein, peut être dangereuse : d’ailleurs un étourdissement ainsi occasionné, excite toûjours le desordre et le trouble dans l’économie animale, et peut susciter beaucoup de maux ; tels que les vives douleurs dans la tête, le vertige, etc. on ne doit par conséquent mettre en pratique ces deux dernieres voies, que dans l’impossibilité de réussir au moyen de celles dont nous avons parlé.

Il en est une autre qui paroît d’abord singuliere : c’est d’abandonner totalement le cheval, de lui ôter jusqu’à son licol, ou de ne le tenir que par le bout de longe de ce même licol, sans l’attacher en aucune façon. Plusieurs chevaux ne se livrent qu’à ces conditions. Ceux-ci ont été gênés et contraints autrement dans les premiers tems où ils ont été ferrés, et la contrainte et la gêne sont l’unique objet de leur crainte et de leur appréhension. J’en ai vû un de cette espece, qu’un maréchal tentoit inutilement de réduire après l’avoir renversé, et qui auroit peut-être été la victime de cet ouvrier, si je n’avois indiqué cette route ; il la suivit, le cheval cessa de se défendre, et présentoit lui-même ses pieds.

Supposons donc que l’aide ou le palefrenier soit saisi du pied de l’animal, le maréchal ôtera d’abord le vieux fer. Pour y parvenir, il appuyera un coin du tranchant du rogne-pied sur les uns et les autres de rivets, et frappera avec son brochoir sur ce même rogne-pied, à l’effet de détacher les rivets. Ces rivets détachés, il prendra avec ses triquoises le fer par l’une des éponges, et le soûlevera ; dès-lors il entraînera les lames brochées ; et en donnant avec ses mêmes triquoises un coup sur le fer pour le rabattre sur l’ongle, les clous se trouveront dans une situation telle qu’il pourra les pincer par leurs têtes, et les arracher entierement. D’une éponge il passera à l’autre, et des deux éponges à la pince ; et c’est ainsi qu’il déferrera l’animal. Il est bon d’examiner les lames que l’on retire ; une portion de clou restée dans le pied du cheval, forme ce que nous appellons une retraite. Voyez Retraite. . (Note en bas du document) Le plus grand inconvénient qui puisse en arriver, n’est pas de gâter et d’ébrecher le boutoir du maréchal ; mais si malheureusement la nouvelle lame que l’on brochera, chasse et détermine cette retraite contre le vif ou dans le vif, l’animal boitera, le pied sera serré, où il en résultera une plaie compliquée.

Le fer étant enlevé, il s’agira de nettoyer le pied de toutes les ordures qui peuvent soustraire la sole, la fourchette et les mammelles, ou le bras des quartiers (Voyez Ferrure) aux yeux de l’opérateur. C’est ce qu’il fera en partie avec son brochoir, et en partie avec son rogne-pied. Il s’armera ensuite de son boutoir pour couper l’ongle, et pour parer le pied. Il doit tenir cet instrument très-ferme dans sa main droite, en en appuyant le manche contre lui, et en maintenant continuellement cet appui, qui lui donne la force de faire à l’ongle tous les retranchemens qu’il juge convenables, voy. Ferrure : car ce n’est qu’en poussant avec le corps, qu’il pourra les opérer et assûrer ses coups ; autrement il ne pourroit l’emporter sur la dureté de l’ongle, et il risqueroit s’il agissoit avec la main seule de donner le coup à l’aide ou au cheval, et d’estropier ou de blesser l’un ou l’autre. Il importe aussi, pour prévenir ces accidens cruels, de tenir toûjours les pieds de l’animal dans un certain degré d’humidité : ce degré d’humidité s’opposera d’ailleurs au desséchement, source de mille maux, et on pourra les humecter davantage quelques jours avant la ferrure. Dès que la corne sera ramollie, la parure en coûtera moins au maréchal.

La plûpart d’entr’eux pour hâter la besogne, pour satisfaire leur avidité, et pour s’épargner une peine qu’ils redoutent, appliquent le fer rouge sur l’ongle, et consument par ce moyen la partie qu’ils devroient supprimer uniquement avec le boutoir. Rien n’est plus dangereux que cette façon de pratiquer ; elle tend à l’altération entiere du sabot, et doit leur être absolument interdite. J’ai été témoin oculaire d’évenemens encore plus sinistres, causés par l’application du fer brûlant sur la sole. La chaleur racornit cette partie, et suscite une longue claudication, et souvent les chevaux meurent après une pareille épreuve. Ce fait attesté par quelques-uns de nos écrivains et par un auteur moderne, auroit au moins dû être accompagné de leur part de quelques détails sur la maniere de remédier à cet accident ; leur silence ne sauve point le maréchal de l’embarras dans lequel il est plongé, lorsqu’il a le malheur de se trouver dans ce cas affligeant pour le propriétaire du cheval, et humiliant pour lui. J’ai été consulté dans une semblable occasion. Le feu avait voûté la sole, de maniere qu’extérieurement et principalement dans son milieu, elle paroissoit entierement concave : sa convexité pressoit donc intérieurement toutes les parties qu’elle recouvre, et la douleur que ressentoit l’animal était si vive, qu’elle était suivie de la fievre et d’un battement de flanc considérable. Si le maréchal avait eu la plus legere théorie, son inquiétude auroit été bien-tôt dissipée ; mais les circonstances les moins difficiles, effrayent et arrêtent les artistes qui marchent aveuglément dans les chemins qui leur ont été tracés, et qui sont incapables de s’en écarter pour s’en frayer d’autres. Je lui conseillai de dessoler sur le champ le cheval ; et à l’aide de cette opération, il lui conserva la vie : on doit par conséquent s’opposer à des manœuvres qui mettent l’animal dans des risques évidens ; et si l’on permet au maréchal d’approcher le fer, et de le placer sur le pied en le retirant de la forge, il faut faire attention que ce même fer ne soit point rouge, n’affecte et ne touche en aucune façon la sole, et qu’il ne soit appliqué que pendant un instant très-court, et pour marquer seulement les inégalités qui subsistent après la parure, et qui doivent être applanies avec le boutoir.

On peut rapporter encore à la paresse des ouvriers, l’inégalité fréquente des quartiers : outre qu’en coupant l’ongle ils n’observent point à cet égard de justesse et de précision, le moins de facilité qu’ils ont dans le manièment de cet instrument lorsqu’il s’agit de retrancher du quartier de dehors du pied du montoir, et du quartier de dedans du pied hors du montoir (Voyez Montoir) . (Note en bas du document), fait que ces quartiers sont toûjours plus hauts que les autres, les pieds sont conséquemment de travers, et une ferrure ainsi continuée suffit pour donner naissance à une difformité incurable. Que l’on examine les pieds de presque tous les chevaux, on se convaincra par soi-même de la justice de ce reproche. Le resserrement des quartiers, leur élargissement, le retrécissement des talons, l’encastelure, sont de plus très-souvent un effet de leur ignorance. Voyez Ferrure. A défaut par eux de parer à plat les talons, ils les resserrent plûtôt qu’ils ne les ouvrent.

Après qu’on a retranché de l’ongle tout ce qui en a été envisagé comme superflu, que l’on a donné au pied la forme qu’il doit avoir, que l’on a rectifié les imperfections, et que le maréchal ayant fait poser le pied à terre, s’est assûré que relativement à la hauteur des quartiers il n’est point tombé dans l’erreur commune, car il ne peut juger sainement de leur égalité que par ce moyen, le palefrenier levera de nouveau le pied, et le maréchal présentera le fer sur l’ongle : ce fer y portera justement et également, sans reposer sur la sole ; s’il vacilloit sur les mammelles, l’animal ne marcheroit point sûrement, les lames brochées seroient bien-tôt ébranlées par le mouvement que recevroit le fer à chaque pas du cheval, dés que ce fer n’appuyeroit pas également par-tout ; et si son appui s’étendoit jusque sur la sole, l’animal en souffriroit assez ou pour boiter tout bas, ou du moins pour feindre. La preuve que le fer a porté sur cette partie, se tire encore de l’inspection du fer même qui dans la portion même sur laquelle a été fixé l’appui dont il s’agit, est beaucoup plus lisse, plus brillant, et plus uni que dans toutes les autres. Il est néanmoins des exceptions et des cas où la sole doit être contrainte ; mais alors le maréchal n’en diminue pas la force, et lui conserve toute celle dont elle a besoin. Voyez Ferrure. Lorsque je dis au reste qu’il est important que le fer porte par-tout également, je n’entends pas donner atteinte à la regle et au principe auquel on se conforme, en éloignant le fer du pied depuis la premiere étampure en-dedans et en talon jusqu’au bout de l’éponge, ensorte qu’il y ait un intervalle sensible entre l’ongle et cette partie de la branche : cet intervalle qui peut regner sans occasionner le chancellement de fer est nécessaire, et par lui le quartier de dedans toûjours et dans tous les chevaux plus foible que celui de dehors, se trouve extrèmement soulagé.

Aussi-tôt que l’appui du fer est tel qu’on est en droit de l’exiger, le maréchal doit l’assujettir ; il broche d’abord deux clous, un de chaque côté, après quoi le pied étant à terre, il considere si le fer est dans une juste position : il fait ensuite reprendre le pied par le palefrenier, et il broche les autres. La lame de ces clous doit être déliée et proportionnée à la finesse du cheval et à l’épaisseur de l’ongle ; il faut cependant toûjours bannir, tant à l’égard des chevaux de legere taille que par rapport aux chevaux plus épais, celles qui par leur grosseur et par les ouvertures énormes qu’elles font, détruisent l’ongle et peuvent encore presser le vif et serrer le pied. Le maréchal brochera d’abord à petits coups, et en maintenant avec le pouce et l’index de la main gauche, la lame sur laquelle il frappe. Lorsqu’elle aura fait un certain chemin dans l’ongle, et qu’il pourra reconnoître le lieu de sa sortie, il reculera sa main droite pour tenir son brochoir par le bout du manche ; il soûtiendra la lame avec un des côtés du manche de ses tricoises, et la chassera hardiment jusqu’à ce qu’elle ait entierement pénétré, et que l’affilure se montre totalement en-dehors. Il est ici plusieurs choses à observer attentivement. La premiere est que la lame ne soit point coudée, c’est-à-dire qu’elle n’ait point fléchi en conséquence d’un coup de brochoir donné à faux ; alors la coudure est extérieure et s’apperçoit aisément : ou en conséquence d’une résistance trop forte que la pointe de la lame aura rencontrée, et qu’elle n’aura pu vaincre ; et souvent alors la coudure est intérieure, et ne peut être soupçonnée que par la claudication de l’animal dont elle presse et serre le pied. La seconde considération à faire est de ne point casser cette même lame dans le pied en retirant ou en poussant le clou ; de l’extraire sur le champ, ainsi que les pailles ou les brins de lame qui peuvent s’être séparés de la lame même (Voyez Retraite), et de chasser la retraite avec le repoussoir, si cela se peut. Voyez, Repoussoir. (Note en bas du document). On ne sauroit encore se dispenser de prendre garde de brocher trop haut ; en brochant bas, on ne court point le hasard d’encloüer. Le quartier de dedans demande, attendu sa foiblesse naturelle, une brochure plus basse que celui de dehors : c’est un précepte que les Maréchaux ont consacré par ce proverbe misérable et trivial, adopté par tous les écuyers qui ont écrit : madame ne doit pas commander à monsieur. Les lames doivent être chassées, de façon qu’elles ne pénetrent point de côté, et que leur sortie réponde à leur étampure. Il faut de plus qu’elles soient sur une même ligne, c’est-à-dire qu’elles regnent également autour des parois du sabot, les rivets se trouvant tous à une même hauteur, et l’un n’étant pas plus bas que l’autre ; ce qui est encore recommandé dans les boutiques, et ce que l’on y enseigne en débitant cet autre proverbe, il ne faut pas brocher en musique.

Les étampures fixant le lieu où l’on doit brocher, il seroit sans doute inutile de rapporter ici celui que renferment ces expressions, pince devant, talon derriere, et qui ne signifient autre chose, si ce n’est que les fers de devant doivent être assujettis en pince, et les fers de derriere en talon. La routine seule suffit pour graver de tels principes dans l’esprit des maréchaux : il en est cependant plusieurs dans les campagnes qui n’adoptent point celui-ci ou qui l’ignorent, et qui sans égard à la foiblesse de la pince des pieds de derriere et des talons des pieds de devant, brochent indifféremment par-tout, après avoir indifféremment étampé leurs fers selon leur caprice et leurs idées. Il est facile de prévoir les malheurs qui peuvent en arriver.

Revenons à notre opération. Dès que chaque lame est brochée, l’opérateur doit par un coup de brochoir sur l’affilure, abattre la portion de la lame qui saillit en-dehors le long de l’ongle, ensorte que la pointe soit tournée en-dessous ; et tous les clous étant posés, il doit avec ses triquoises rompre et couper toutes les affilures qui ont été pliées et qui excedent les parois du sabot. Il coupe ensuite avec le rogne-pied toute la portion de l’ongle qui outrepasse les fers, ainsi que les éclats que les clous ont pû occasionner : mais il ne frappe pour cet effet avec son brochoir sur le rogne-pied, que modérément et à petits coups. De-là il rive les clous en en adressant d’autres moins ménagés, sur ce qui paroît encore des affilures coupées ou rompues : mais comme ces mêmes coups sur les affilures pourroient rechasser les clous par la tête, il oppose les triquoises sur chaque caboche, à l’effet de maintenir et d’assûrer les lames dont la tête s’éleveroit au-dessus du fer, et s’éloigneroit de l’étampure sans cette précaution. Il en prend encore une autre ; les affilures frappées, ou, quoi qu’il en soit, ce qu’il en reste se trouve seulement émoussé. Il enleve donc avec le coin tranchant du rogne-pied, une legere partie de la corne qui environne chaque clou ; et alors au lieu de cogner sur la pointe des affilures, il cogne sur les parties latérales, et insere cette même pointe dans l’ongle, de façon qu’elle ne surmonte point, et que les rivets sont tels qu’ils ne peuvent point blesser l’animal, et occasionner ce que nous nommons entretaillure. Voyez Ferrure.

Il ne reste plus ensuite au maréchal qu’à unir avec la râpe tout le tour du sabot, lorsque le palefrenier a remis le pied à terre ; et quelques coups legers redonnés sur les rivets, terminent toute l’opération.

Il seroit superflu de parler des clous à glace et des clous à grosse tête, que l’on employe pour empêcher les chevaux de glisser ; il n’est personne qui ne connoisse la forme de ces sortes de clous : mais je ne puis en finissant cet article, trop faire sentir la nécessité de ferrer les chevaux un peu plus souvent que l’on ne fait communément. Il est nombre de personnes qui se persuadent qu’il est bon d’attendre que les fers soient entierement usés pour en mettre de nouveaux, et il en est d’autres qui veulent épargner les relevées ou les rassis (Voyez Rassis) . (Note en bas du document), convaincus que l’action de parer ou de rafraîchir l’ongle, n’est nullement utile et ne profite qu’au maréchal : ce préjugé nuit à ceux qu’il aveugle et qu’il séduit, car insensiblement les pieds de l’animal se ruinent et dépérissent s’ils sont ainsi négligés. Il seroit à propos de les visiter et d’y retoucher au moins tous les mois, ce qui n’arrive point aux maréchaux avec lesquels on a traité pour l’année entiere ; ils attendent en effet la derniere extrémité pour réparer des pieds qu’ils endommagent la plûpart et par leur ignorance et par l’abandon dans lequel ils les laissent.

 

Planches

 

La Vignette. :

Fig. 1. Maréchal ferrant et brochant un pied de derriere tenu par un apprentif, et le maître lui donnant une leçon.

2. Maréchal opérant et dessolant un cheval contenu dans le travail.

3. Palfrenier conduisant un cheval chez le Maréchal.

Explication du Travail. :

Fig. 1. Anneau servant à passer une corde lorsque l’on donne des breuvages aux chevaux.

2. Levier servant à tourner la tarre pour monter les soupentes.

3. Soupentes.

4. Doubles soupentes servant de poitrail et de recule – ment pour maintenir le cheval dans le travail.

5. Soupentes servant de même.

6. Barres de fer appellées main du travail, servant à le – ver les pieds de derriere des chevaux, soit pour les ferrer ou opérer.

7. Main de devant servant à lever les pieds de devant, soit pour les ferrer ou pour les opérer.

8. Coussinet placé en – dedans du travail, de peur que les chevaux ne s’estropient.

9. Anneau donnant attache aux plates longes avec les – quelles on leve les pieds des chevaux.

PLANCHE II. Véritable construction d’une forge exécutée chez le sieur Delafosse, Marèchal du Roi à Paris.

Fig. 1. Maréchal allumant sa forge.

2. Maréchal ajustant un fer.

3. Forge.

4. Soufflets.

5. Enclume à forger posée sur son billot.

6. Baquet de fonte servant à mouiller les tenailles.

7. Divers panniers contenant des fers.

8. Tablier à ferrer, dans lequel le maréchal pose ses outils et ses clous.

9. Plate longe servant au travail.

10. Bricole servant au travail de peur que le cheval ne s’enleve ou ne se cabre.

11. Plate longe servant à lever les pieds de derriere, soit dans le travail, soit en main, lorsque l’on veut ferrer le cheval.

12. Billot servant à couper la queue.

13. Filet ou espece de bridon servant à donner des breuvages.

14. Enclume propre à ajuster des fers.

15. Enclume propre à forger des fers.

Fig. 1. Tisonnier propre à remuer le feu.

2. Pelle à prendre du charbon.

3. Ecouvette ou espece de balai à ramasser le char – bon dans le foyer.

4. Chambriere servant à arranger ou le fer ou le char – bon dans le feu.

5. Fertier à ajuster.

6. Fertier à forger des fers.

7. Marteau sans panne à rabattre.

8. Marteau à panne à devant.

9. Grosse tenaille à forger, dont on se sert pour tenir le lopin ou le fer.

10. Tenaille à forger la premiere branche d’un fer.

11. Tenaille à forger la seconde branche, ou à ajuster les fers.

12. Etampes servant à percer les fers, ce que l’on appelle étamper.

13. Tranche ou ciseaux à rogner une éponge ou couper un fer.

14. Poinçon servant à contre – percer les fers.

PLANCHE IV. Outils de la Forge, les Outils propres à la ferrure, et quelques instruments de Chirurgie.

Fig. 1. Seringue à donner les lavemens aux chevaux.

2. Bouton de fer à cautériser des ulceres calleux, à cautériser des glandes obstruées.

3. Couteau de fer à mettre le feu extérieurement sur la peau.

4. Pointe de fer pour mettre le feu sur l’étendue de la peau dans de très petits espaces.

5. Corne de boeuf servant à donner des breuvages.

6. Outil appellé brûle – queue, servant à arrêter le sang des arteres, lorsque l’on fait la section de la queue.

7. Autre couteau de fer à mettre le feu.

8. Masse de bois pour couper la queue.

9. Couperet servant à la section de la queue.

10. Cuiller de fer servant à chauffer les médicamens.

11. Rape servant à tenir la peau belle.

12. Outil de fer appellé pas d’âne, servant à ouvrir la bouche du cheval pour faire quelque opération.

13. Bouton, instrument propre à diminuer le sabot lors – que l’on ferre le cheval.

14. Pince de fer appellée moraille, que l’on met au nez du cheval pour ôter la douleur du cheval dans les opérations quelconques.

15. Tenailles nommées par les maréchaux tricoises, servant à déferrer les chevaux.

16. Petit marteau appellé brochoir, dont l’usage est d’implanter des clous.

17. Petite pince servant à retirer une pointe de clou, de l’autre côté servant de renette et de gouge pour fouiller pareillement dans le pied.

18. Anneau de cuir appellé entrave, que l’on met au paturon des chevaux, soit pour leur lever le pied ou pour les abattre.

19. Repoussoir ou petit poinçon, servant à déboucher les fers ou à tirer une pointe de clou dans le pied du cheval.

20. Clou à ferrer.

21. Portion d’un sabre appellé rogne – pied, servant à découvrir les clous qui attachent le fer sur le pied du cheval.

PLANCHE V. Diffèrens fers d’usage en quelque cas que ce puisse être.

Fig. 1. Lopin ou masse de fer dont on fait un fer à cheval.

2. Premiere branche tirée d’un lopin sans être étampé.

3. Premiere branche d’un fer étampé.

4. Fer entier sans être étampé. a la pince du fer. b la branche du fer. c l’éponge du fer.

5. Fer de devant étampé à éponges minces. a étampoir, ou trou du fer.

6. Fer ouvert de devant ou à croissant propre pour un bon pied.

7. Fer de derriere à éponge mince, et dont les éponges sont renversées en dedans pour les pieds creux.

8. Fer de devant dont l’éponge est coupée et amincie, pour un cheval qui se coupe ou se couche en vache.

9. Fer de devant à forte branche en – dehors et éponge mince en – dedans, pour un pied où il y a une leime ou bleime ou talon bas, ou renversé en huitre à l’écaille.

10. Fer à demi – branche pour un pied de devant, pour un cheval qui se coupe.

11. Fer échancré à pince, soit de devant, soit de derriere, pour pouvoir panser aisément un cheval sans le déferrer chaque fois qu’il aura été encloué ou qu’il aura d’autres maladies qui affectent la chair cannelée.

12. Même fer échancré pour le même usage, pour les maladies du quartier.

13. Fer échancré en talon pour le même usage, pour les plaies du talon, soit bleime, clou de rue, enclouure ou foulure.

14. Fer de devant étranglé pour servir d’appareil à la dessolure.

15. Fer couvert pour un cheval qui a été guéri de la dessolure, et dont on veut se servir.

16. Fer couvert pour les chevaux de chasse, pour garantir la fosse des chicots ou restes de tronçons d’arbres dans les forêts.

17. Fer à cercle d’un cheval de selle pour aller sur le pavé plombé, et éviter que le cheval ne glisse.

18. Fer à demi – cercle pour un cheval de carrosse, pour aller de même sur le pavé sec.

19. Fer à tout pied, pour un cheval qui se déferre en route.

20. Divers fers à tous pieds, pour un cheval qui auroit la muraille détruite ou qui seroit exposé à aller sur les cailloux.

21. Soulier de cuir, inventé par M. le maréchal de Saxe, pour le même usage que ceux ci – dessus.

22. Fer de mulet.

23. Fer de bœuf.

PLANCHE VI. Fers anciens et modernes dont on se sert journellement, et dont l’usage est nuisible.

Fig. 1. Fer anglois.

2. Fer espagnol.

3. Fer allemand, ou fer du nord.

4. Fer turc.

5. Fer de chef – d’oeuvre, du tems de Philippe – le – Bel.

6. Fer de chef – d’oeuvre, du tems de Charles VII.

7. Fer de chef – d’oeuvre, du tems de François premier.

8. Fer de chef – d’oeuvre, actuellement d’usage depuis Charles IX. Il est remarqué que lorsqu’un maître se fait recevoir, il ferre le cheval de cette façon, et qu’ensuite on le ferre pour l’usage à la méthode ordinaire.

9. Fer de devant pour un bon pied, dont on se sert tous les jours.

10. Fer à crampon de derriere.

11. Fer couvert à forte éponge, pour un pied plat.

12. Fer entaillé à forte éponge, dont on se sert pour les pieds combles, et pour soulager les talons bas.

13. Fer échancré pour les talons foibles en – dedans.

14. Fer à forte branche, pour soulager les quartiers et les talons.

15. Fer à forte branche, pour un cheval qui se coupe.

16. Fer à forte éponge pour le talon foible.

17. Fer à crampon en – dedans, pour un cheval qui se coupe de derriere.

18. Fer à bosse pour un cheval qui se coupe.

19. Fer à patin, dont les maréchaux se servent pour redresser les chevaux boiteux, en les obligeant de marcher sur la pince.

20. Fer à patin servant à alonger la jambe d’un cheval boiteux.

21. Autre fer à trois crampons pour le même usage.

22. Fer à écrou, inventé par M. le comte de Cha – rolois, pour aller sur la glace et sur le pavé.

23. Fer de derriere de mulet.

24. Fer de devant de mulet appellé florentiné.

25. Fer de devant et de derriere appellé fer en planche.

PLANCHE VII. Instruments de Chirurgie les plus usitès dont doivent se servir les Marèchaux.

Fig. 1. Sonde pleine, servant de spatule d’un côté et de sonde de l’autre.

2. Sonde cannelée.

3. Ciseaux droits.

4. Bistouri propre aux maladies du sabot et maladies au cou.

5. Bistouri propre à ouvrir les tumeurs.

6. Bistouri propre à introduire dans la sonde cannelée.

7. Bistouri courbé sur son plat, nommé feuille de sauge, ne pouvant servir que de la main gauche, propre aux maladies du pied et à celles du garot.

8. Autre bistouri pour le même usage, propre à la main droite.

9. Bistouri renversé, propre à scarifier dans l’œdème.

10. Lancette propre à percer les abscès superficiels.

11. Instrument appellé renette pour les maladies du sabot.

12. Renette propre à la coupe du javard encornée, servant pour la main droite.

13. Renette pour le même usage, pour la main gauche.

14. Etui de cuivre dans lequel sont renfermés une lancette nommée flamme, un bistouri et une renette.

15. Flamme de cuivre à ressort, dont on se sert sans frapper dessus.

16. La flamme ouverte.

17. Platine servant à recouvrir le ressort de la flamme.

18. Flamme dont on se sert ordinairement et avec la – quelle on saigne en frappant dessus avec un bâton ou brochoir.

19. Pince à anneau, propre à enlever les plumaceaux de dessus les plaies.

20. Corne de chamoi, servant à dénerver.

21. Aiguille courbe à suture, pour les plaies profondes et réunir la peau.

21. 2. et 3. Autre aiguille courbe pour les plaies superficielles.

22. Scie pour les os.

23. Pinces à contenir les chairs dans l’opération.

24. Aiguille à empième.

25. Trois – quarts servant à la ponction.

26. Son tuyau, propre à écouler les eaux.

27. Seringue pour les plaies.

28. Différentes especes d’aiguilles propres à passer des sétons entre cuir et chair

 

Notes

 

Fer, (Maréch.) on appelle de ce nom en général l’espece de semelle que l’on fixe par clous sous le pied du cheval, du mulet, etc. à l’effet d’en défendre l’ongle de l’usure et de la destruction, à laquelle il seroit exposé sans cette précaution.

Communément cette semelle est formée par une bande de ce métal. Cette bande applatie et plus ou moins large, est courbée sur son épaisseur, de maniere qu’elle représente un croissant alongé.

On peut y considérer deux faces et plusieurs parties. La face inférieure porte et repose directement sur le terrein. La face supérieure touche immediatement le dessous du fabot, dont le fer suit exactement le contour. La voûte est le champ compris entre la rive extérieure et la rive intérieure, à l’endroit où la courbure du fer est le plus sensible. On nomme ainsi cette partie, parce qu’ordinairement le fer est dans ce même lieu relevé plus ou moins en bateau. La pince répond précisément à la pince du pied ; les branches aux mammelles ou aux quartiers, elles regnent depuis la voûte jusqu’aux éponges ; les éponges répondent aux talons, et sont proprement les extrémités de chaque branche : enfin les trous dont le fer est percé pour livrer passage aux clous, et pour en noyer en partie la tête, sont ce que nous appellons étampures. Ces trous nous indiquent le pied auquel le fer est destiné ; les étampures d’un fer de devant étant placées en pince, et celles d’un fer de derriere en talon, et ces mêmes étampures étant toûjours plus maigres ou plus rapprochées du bord extérieur du fer, dans la branche qui doit garantir et couvrir le quartier de dedans.

Il seroit inutile de fixer et d’assigner ici des proportions, relativement à la construction de chacune des parties que je viens de désigner ; elles varient et doivent varier dans leur longueur, dans leur épaisseur, et dans leur contour, selon la disposition et la forme des différens pieds auxquels le fer doit être adapté : j’observerai donc simplement et en général, qu’il doit être façonné de telle sorte, que la largeur des branches décroisse toûjours insensiblement jusqu’aux éponges ; que la face intérieure d’épaisseur diminue imperceptiblement de hauteur, depuis une éponge jusqu’à l’autre ; que la face extérieure s’accorde en hauteur avec elle à ces mêmes éponges, et dans tout le contour du fer, excepté la pince, où on lui on donne communément un peu plus ; que la face supérieure soit legerement concave, à commencer depuis la premiere étampure jusqu’à celle qui dans l’autre branche répond à celle-ci ; que la face inférieure de chaque branche reste dans le même plan ; que la partie antérieure du fer soit foiblement relevée en bateau ; que les éponges soient proportionnées au pied par leur longueur, etc.

Quant aux différentes especes de fer, il en est une multitude, et on peut les multiplier encore relativement aux différens besoins des pieds des chevaux, et même des défectuosités de leurs membres ; mais je me contenterai de décrire ici celles qui sont les plus connues, et dont l’usage est le plus familier.

Fer ordinaire de devant, de derriere, du pied gauche et du pied droit. Le fer ordinaire n’est autre chose que celui dont l’ajusture est telle que je l’ai prescrit ci-dessus ; et ce que j’ai dit plus haut de l’étampure, suffit pour déterminer le pied pour lequel il a été forgé.

Fer couvert. On entend par couvert, celui qui par la largeur de ses branches, ainsi que de sa voûte, occupe une grande partie du dessous du pied.

Fer mi-couvert. Le fer mi-couvert est celui dont une seule des branches est plus large qu’à l’ordinaire.

Fer à l’angloise. On appelle fer à l’angloise, un fer absolument plat. Le champ en est tellement étroit, qu’il anticipe à peine sur la sole ; ses branches perdent de plus en plus de leur largeur, ainsi que de leur épaisseur, jusqu’aux éponges qui se terminent presque en pointe. Il n’y a que six étampures.

Autre espece de fer à l’angloise. Quelques-uns ont encore nommé ainsi un fer dont les branches augmentent intérieurement de largeur entre l’éponge et leur naissance. L’étampure n’en est point quarrée et séparée ; elle est pour chaque branche une rainure au fond de laquelle sont percés quatre trous : les têtes des clous dont on se sert alors ne se noyent dans cette rainure, que parce qu’elles ne débordent les lames que latéralement. Cette maniere d’étampure affoiblit le fer plus que l’étampure ordinaire, dont les interstices tiennent liées les rives que desunit la rainure.

Fer à pantoufle. Ce fer ne differe d’un fer ordinaire, qu’en ce que son épaisseur intérieure augmente uniformément depuis la voûte jusqu’aux éponges ; ensorte que le dessus de chaque branche présente un glacis incliné de dedans en-dehors, commençant à rien au milieu de cette même branche, et augmentant insensiblement jusqu’aux éponges.

Fer demi-pantoufle. Ce fer est proprement un fer ordinaire dont on a simplement tordu les branches, afin que la face supérieure imite le glacis des fers à pantoufle. Le point d’appui du pied sur ce fer est fixé à l’intérieur des branches, mais l’extérieur seul est chargé de tout le fardeau du corps ; de maniere que le fer peut plier, porter, ou entrer dans les talons, et rendre l’animal boiteux ; d’où l’on doit juger de la nécessité de n’en faire aucun usage dans la pratique.

Fer à lunette. Le fer à lunette est celui dont on a supprimé les éponges et une partie des branches.

Fer à demi-lunette. Dans celui-ci il n’est qu’une éponge, et une partie d’une seule des branches qui ayent été coupées.

Fer voûté. Le fer voûté est un fer plus couvert qu’à l’ordinaire, et dont la rive intérieure plus épaisse que l’extérieure, doit chercher la sole et la contraindre legerement. Nombre de maréchaux observent très-mal à-propos le contraire.

Fer geneté. On appelle ainsi celui dont les éponges sont courbées sur plat en contre-haut.

Fer à crampon On ajoûte quelquefois au fer ordinaire un ou deux, et même en quelque pays jusqu’à trois crampons. Le crampon est une sorte de crochet formé par le retour d’équerre en-dessous de l’extrémité prolongée, élargie, et fortifiée de l’éponge. Le fer à crampon est celui qui a un crampon placé à l’extrémité de la branche extérieure. On dit fer à deux crampons, si les branches portent chacune le leur ; et à trois crampons, si, outre ces deux premiers, il en part un de la pince en contre-bas.

Fer à pinçon. On tire dans de certains cas de la rive supérieure de la pince une petite griffe, que l’on rabat sur la pince du pied : c’est cette griffe que l’on appelle pinçon.

Fer à tous pieds. Il en est de plusieurs sortes.

1°. Le fer à tous pieds simple n’est différent d’un fer ordinaire, qu’en ce que ses deux branches sont plus larges, et qu’elles sont percées sur deux rangs d’étampures distribuées tout autour du fer. Pour que les trous percés sur ces deux rangs près l’un de l’autre, n’affoiblissent point le fer, le rang extérieur n’en contient que huit, et le rang intérieur sept, et chaque étampure d’un rang répond à l’espace qui sépare celles de l’antre.

2°. Le brisé a un seul rang. Les branches en sont réunies à la voûte par entaille, et sont mobiles sur un clou rond rivé dessus et dessous.

3°. Le brisé à deux rangs. Il est semblable à ce dernier par la brisure, et au premier par l’étampure.

4°. Le fer à tous pieds sans étampures. Il est brisé en voûte comme les précédens ; et le long de sa rive extérieure s’éleve une espece de sertissure tirée de la piece, qui reçoit l’extrémité de l’ongle comme celle d’un chaton reçoit le biseau de la pierre dont il est la monture. L’une et l’autre éponge est terminée en empatement vertical, lequel est percé pour recevoir une aiguille à tête refendue, dont le bout est taillé en vis. Cette aiguille enfile librement ces empattements, et reçoit en-dehors un écrou, au moyen duquel on serre le fer jusqu’à ce qu’il tienne fermement au pied. On peut avec le brochoir incliner plus ou moins la sertissure pour l’ajuster au sabot.

5°. Le fer à double brisure. Ses branches sont brisées comme la voûte de ces derniers, et leurs parties mobiles sont taillées sur champ et en-dedans de plusieurs crans, depuis le clou jusqu’aux éponges ; elles sont percées de trois étampures, dont deux sont au long de la rive extérieure, et la troisième en-dedans et vis-à-vis l’espace qui les sépare. Un petit étrésillon de fer dont les bouts fourchus entrent et s’engagent dans les crans des branches mobiles, entr’ouvre de plus en plus le vuide du fer, à mesure qu’on l’engage dans les crans les plus éloignés des brisures : aussi ce fer est-il d’une grande ressource pour ouvrir les talons.

Fer à patin. Il en est aussi de plusieurs sortes.

La premiere espece présente un fer à trois crampons ; celui de la pince étant plus long que les autres. Comme ce fer n’est point destiné à un cheval qui doit cheminer, on se contente ordinairement de prolonger les éponges, et d’en enrouler les extrémités pour former les crampons de derriere, et l’on soude sur plat à la voûte une bande, qu’on enroule aussi en forme d’anneau jetté en-avant.

La seconde offre encore un fer ordinaire, sous lequel on soude quatre tiges, une à chaque éponge, et une à la naissance de chaque-branche : ces tiges sont égales et tirées des quatre angles d’une petite platine de fer quarré long, dont l’assiette est parallele à celle du fer à deux pouces de distance plus ou moins, et répond à la direction de l’appui du pied.

La troisième enfin est un fer ordinaire de la pince, duquel on a tiré une lame de cinq ou six pouces de longueur, prolongée sur plat dans un plan parallele à celui de l’assiette du fer, et suivant sa ligne de foi. Cette lame est quelquefois terminée par un petit enroulement en-dessous.

Fer à la turque. Nous en connoissons aussi plusieurs especes.

Nous nommons ainsi 1°. un fer dont la branche intérieure dénuée d’étampure depuis la voute, augmente uniformément d’épaisseur en-dessous jusqu’à son extrémité, où elle se trouve portée jusqu’à environ neuf ou dix lignes, diminuant en même tems de largeur jusqu’au point d’en avoir à peine une ligne à l’éponge.

2°. Un autre fer sous le milieu de la branche intérieure, duquel s’éleve dans la longueur d’environ un pouce une sorte de bouton tiré de la piece, lequel n’en excede pas la largeur, et qui saillant de trois ou quatre lignes, est bombé seulement dans le sens de sa longueur. Sa largeur est partagée en deux éminences longitudinales par une cannelure peu profonde ; il n’est aucune étampure dans toute l’étendue de ce bouton, mais il en est une qui est portée en-arriere entre ce bouton et l’éponge.

3°. Il en est un troisième dont il est rare que nous fassions usage. Ce fer n’est autre chose qu’une platine contournée pour le pied de l’animal, et percée dans son milieu d’un trou fort petit, eu égard au vuide des fers ordinaires.

Fer prolongé en pince. Nous ajoûtons aux pieds des chevaux rampins un fer dont la pince déborde d’un pouce, plus ou moins, celle du sabot. Cet excédent est relevé en bateau par une courbure plus ou moins sensible.

Fers à mulet. Ces fers ne different de ceux qui sont destinés aux chevaux, qu’autant que la structure et la forme du pied de cet animal different de celles du pied du cheval. Le vuide en est moins large pour l’ordinaire ; les branches en sont plus longues, et débordent communément le sabot, etc.

On doit adapter souvent aux pieds des mulets des fers de chevaux. Voyez Ferrure (Note en bas du document) Ceux qui sont dans la pratique particuliere à ces animaux, sont la planche et la florentine.

La planche est une large platine de figure à-peu-près ovalaire, ouverte d’un trou de la même forme, relatif aux proportions de la solle. La partie de cette platine qui fait office de la branche intérieure du fer ordinaire, n’est large qu’autant qu’il le faut pour saillir de quelques lignes hors du quartier. Celle qui recouvre et défend le talon est un peu plus large et déborde à proportion. La portion qui tient lieu de la branche extérieure, a encore plus de largeur ; son bord extérieur est relevé d’environ trois ou quatre lignes, par une courbure très-précipitée, dont la naissance n’est éloignée de la rive que d’environ quatre lignes. Cette courbure regne depuis le talon jusqu’à la pointe du fer. La partie antérieure qui s’étend au-delà de la pince d’environ trois pouces, est elle-même relevée en bateau par une courbure fort précipitée, qui commence dès le dessous de la pince de l’animal. Les étampures sont semblables à celle de fers ordinaires de derriere. Outre ces étampures, on perce encore deux trous plus larges, un de chaque côté de la pince et hors de son assiette, pour recevoir de forts clous à glace quand le cas le requiert.

Fer à la florentine. Ce fer est proprement une planche dont l’ouverture est telle, qu’elle le divise en deux branches, comme les fers ordinaires. L’extrémité des éponges en est legerement relevée : on y perce également des trous en pince pour les clous à glace. La bordure de ceux qu’on destine aux pieds de derriere n’est pas relevée, et la courbure de la partie antérieure n’est point aussi précipitée. Les éponges prolongées à dessein sont rejettées en-dessous, et tordues de dehors en-dedans pour former des crampons, tels que ceux que l’on nomme à oreille de lievre ou de chat. Voyez Forger. (Note en bas du document) Outre les deux trous percés pour les clous à glace, on en perce un troisième, environ au milieu de la portion antérieure et relevée de ce fer pour le même usage. (e)

Fer à Lampas, (Maréchall.) tige de fer dont une extrémité portée par son applatissement à une largeur de cinq ou six lignes environ, est relevée pour former une sorte de crochet tranchant, et en sens croisé à la longueur de la tige.

Ferrure, (Maréchall.) La ferrure est une action méthodique de la main du maréchal sur le pied du cheval, c’est-à-dire une opération qui consiste à parer, à couper l’ongle, et à y ajuster des fers convenables. Par elle le pied doit être entretenu dans l’état où il est, si sa conformation est belle et réguliere ; ou les défectuosités en être réparées, si elle se trouve vicieuse et difforme.

A la vûe d’un passage qui se trouve dans Xénophon, de re équestri, et par lequel les moyens de donner à l’ongle une consistence dure et compacte, nous sont tracés, on a sur le champ conclu que l’opération dont il s’agit n’était point en usage chez les Grecs. Homere et Appien cependant parlent et font mention d’un fer à cheval ; le premier dans le 151 vers du second livre de l’Iliade, l’autre dans son livre de bello mithridatico. La conséquence que l’on a tirée, en se fondant sur l’autorité de Xénophon, me paroît donc très-hasardée. On pourroit en effet avancer, sur-tout après ce que nous lisons dans les deux autres auteurs grecs, que ce même Xénophon ne prescrit une recette pour durcir et resserrer le sabot, que dans le cas où les chevaux auroient les pieds extrèmement mous et foibles ; et dès-lors cette prétendue preuve que les chevaux n’étoient pas ferrés de son tems, s’évanoüit avec d’autant plus de raison, que quoique nous nous servions nous-mêmes de topiques astringens dans de semblables circonstances, il n’en est pas moins certain que la ferrure est en usage parmi nous. On ne sait si cette pratique était générale chez les Romains. Fabretti, qui prétend avoir examiné tous les chevaux représentés sur les anciens monumens, sur les colonnes et sur les marbres, déclare n’en avoir jamais vû qu’un qui soit ferré. Quant aux mules et aux mulets, nous ne pouvons avoir aucun doute à cet égard. Suétone, in Nerone, cap. xxx. nous apprend que le luxe de Néron était tel, qu’il ne voyageoit jamais qu’il n’eût à sa suite mille voitures au moins, dont les mules étoient ferrées d’argent : Pline assûre que les fers de celles de Poppée, femme de cet empereur, étoient d’or ; et Catulle compare un homme indolent et paresseux, à une mule dont les fers sont arrêtés dans une boue épaisse et profonde, ensorte qu’elle ne peut en sortir. Or si la ferrure, relativement aux mules, était si fort en vigueur, pourquoi ne l’auroit-elle pas été relativement aux chevaux, et pourquoi s’éleveroit-on contre ceux qui feroient remonter cette opération jusqu’à des siecles très-reculés ? Ces questions ne nous intéressent pas assez pour nous livrer ici à la discussion qu’elles exigeroient de nous, dès que nous entreprendrions de les éclaircir. La fixation de l’époque et du tems auquel les hommes ont imaginé de ferrer les chevaux, ne sauroit nous être de quelqu’utilité, qu’autant que nous pourrions, en partant de ce fait, comparer les idées des anciens et les nôtres, en établir en quelque façon la généalogie, et découvrir, en revenant sur nos pas, et à la faveur d’un enchaînement et d’une succession constante de lumieres, des principes oubliés, et peut-être ensevelis dans des écrits délaissés ; mais en ce point, ainsi que dans tous ceux qui concernent l’Hippiatrique, il n’est pas possible d’espérer de tirer de pareils avantages de l’étude des ouvrages qui nous ont été transmis. Sacrifions donc sans balancer, des recherches qui concourroient plûtôt à flater notre curiosité qu’à nous instruire, et ne nous exposons point au reproche d’avoir dans une indigence telle que la nôtre, et dans les besoins les plus pressans, abandonné le nécessaire et l’utile pour ne nous attacher qu’au superflu.

De toutes les opérations pratiquées sur l’animal, il en est peu d’aussi commune et d’aussi répetée que celle-ci ; or l’ignorance de la plûpart des artisans aux quels elle est confiée, et qui, pour preuve de leur savoir, attestent sans cesse une longue pratique, nous démontre assez que le travail des mains ne peut conduire à rien, s’il n’est soûtenu par l’étude et par la réflexion. Toute opération demande en effet de la part de celui qui l’entreprend, une connoissance entiere de la partie sur laquelle elle doit être faite : dès que le maréchal-ferrant ignorera la structure, la formation, et les moyens de l’accroissement et de la régénération de l’ongle, il ne remplira jamais les différentes vûes qu’il doit se proposer, et il courra toûjours risque de l’endommager et d’en augmenter les imperfections, bien loin d’y remédier.

Le sabot ou le pied n’est autre chose que ce même ongle dont les quatre extrémités inférieures du cheval sont garnies. La partie qui regne directement autour de sa portion supérieure, est ce que nous nommons précisément la couronne ; sa consistence est plus compacte que celle de la peau par-tout ailleurs : les parties latérales internes et externes en forment les quartiers ; la portion antérieure, la pince ; la portion postérieure, les talons ; la portion inférieure enfin contient la fourchette et la sole : celle-ci tapisse tout le dessous du pied.

La forme naturelle du sabot et de l’ongle entier, est la même que celle de l’os qui compose le petit pied ; elle nous présente un ovale tronqué, ouvert sur les talons, et tirant sur le rond en pince. Dans le poulain qui naît, l’ongle a moins de force et de soûtien ; la sole est molle et comme charnue ; la fourchette n’a ni saillie ni forme ; elle n’est exactement visible et saillante en-dehors, qu’à mesure que la sole parvient à une certaine consistence, et se durcit. Il en est à cet égard comme des os mêmes, c’est-à-dire qu’ici l’ongle est plus mou que dans le cheval, parce qu’il y a plus d’humidité, et que les parties n’ont pû acquérir leur force et leur solidité.

Quelque compacte que soit dans l’animal fait la substance du sabot, il est constant que l’ongle dépend des parties molles, et reconnoît le même principe. Il n’est réellement dans son origine, ainsi que nous l’observons dans le fœtus et dans le poulain naissant, qu’une suite et une production du système général des fibres et des vaisseaux cutanés, et n’est formé que par la continuité de ces fibres et par l’extrémité de ces mêmes vaisseaux. Ces fibres à l’endroit de la couronne sont infiniment plus rapprochées les unes des autres, qu’elles ne l’étoient en formant le tissu des tégumens ; et elles se resserrent et s’unissent toûjours davantage à mesure qu’elles se prolongent, et qu’elles parviennent à la pince et aux extrémités du pied : de-là la dureté et la consistence de l’ongle. Quant aux vaisseaux, leur union plus étroite et plus intime contribue à cette solidité ; mais ils ne s’étendent pas aussi loin que les fibres : arrivés à une certaine portion du sabot, leur diametre est tellement diminué que leurs liqueurs ne circulent plus, et ne peuvent s’échapper que par des porosités formées par l’extrémité de ces tuyaux. La liqueur échappée par ces porosités, nourrit la portion qui en est imbue ; mais comme elle n’est plus soûmise à l’action systaltique, elle ne peut être portée jusqu’à la partie inférieure de l’ongle, aussi cette partie ne reçoit-elle point de nourriture.

Distinguons donc trois parties dans le sabot ; la partie supérieure sera la partie vive ; la partie moyenne sera la partie demi-vive, si je peux m’exprimer ainsi ; et la portion inférieure sera la partie morte.

La partie supérieure, ou la partie vive, sera aussi la partie la plus molle, parce qu’elle sera tissue de vaisseaux et de fibres qui seront moins serrés à l’origine de l’ongle qu’à son milieu et à sa fin : aussi voyons-nous que le sabot, à la couronne et à son commencement, est moins compacte qu’il ne l’est dans le reste de son étendue, soit par le moindre rapprochement des fibres, soit parce que les liqueurs y circulent et l’abreuvent, malgré l’étroitesse des canaux, dont le diametre, quelque petit qu’il soit, laisse un passage à l’humeur dont il tire et dont il reçoit sa nourriture.

La partie moyenne, ou la partie demi-vive, sera d’une consistance plus dure que la partie supérieure, parce que les fibres y seront plus unies ; et que d’ailleurs les vaisseaux s’y terminant, ce n’est que par des filieres extrèmement tenues, ou par des porosités imperceptibles, que la partie la plus subtile de la lymphe qui sert à son entretien et à sa nutrition, pourra y être transmise et y pénétrer.

Enfin la partie inférieure, que j’ai crû devoir appeller la partie morte, sera d’une substance encore plus solide que les autres, parce que la réunion des fibres sera plus intime ; et que quand même on pourroit y supposer des vaisseaux, ils seroient tellement oblitérés qu’ils n’admettroient aucun liquide, ce qui est pleinement démontré par l’expérience. En effet, lorsqu’on coupe l’ongle en cet endroit, et que l’on pare un pied, les premieres couches que l’on enleve ne laissent pas entrevoir seulement des vestiges d’humidité ; or dès que les liqueurs ne peuvent être charriées jusqu’à cette partie, elle ne peut être envisagée que comme une portion morte, et non comme une portion joüissante de la vie.

Le méchanisme de la formation et de l’entretien du sabot, est le même que celui de son accroissement. Nous avons reconnu dans la couronne et dans la partie vive, des vaisseaux destinés à y porter la nourriture, de maniere que les lois de la circulation s’y exécutent comme dans toutes les autres parties du corps ; c’est-à-dire que la liqueur apportée par les arteres, est rapportée par des veines qui leur répondent. Nous avons observé, en second lieu, que les extrémités de ces mêmes vaisseaux qui donnent la vie à la partie supérieure, sont directement à la partie moyenne ; et que conséquemment le suc nourricier suintant dans cette partie, et y transsudant par les porosités que forment les extrémités de ces canaux, s’y distribue, sans que cette humeur puisse être repompée et rentrer dans la masse. Enfin nous avons envisagé la partie inférieure, comme une partie absolument morte ; or si la partie supérieure est la seule dans laquelle nous admettions des vaisseaux, elle est aussi sans contestation la seule qui soit exposée à l’impulsion des liquides, et c’est conséquemment en elle que s’exécutera l’œuvre de la nutrition et de l’accroissement.

L’ongle ne s’accroît et ne se prolonge pas en effet par son extrémité ; elle ne tire son accroissement que depuis la couronne, de même que dans la végétation la tige ne se prolonge qu’à commencer par la racine. Cette partie et la portion supérieure du sabot, sont, ainsi que je viens de le remarquer, les seules exposées à l’impulsion des liquides. Cette impulsion n’a lieu que par la contraction du cœur, et par le battement continuel des arteres ; la force de l’un et l’action constante des autres, suffisent pour opérer non-seulement la nutrition, mais encore l’accroissement : car le fluide qu’ils y poussent sans cesse, y aborde avec assez de vélocité pour surmonter et pour vaincre insensiblement l’obstacle que lui présentent et la portion moyenne et la portion inférieure de l’ongle, de maniere que l’une et l’autre sont chassées par la portion supérieure. A mesure que celle-ci descend, et qu’elle s’éloigne du centre de la circulation, il se fait une régénération ; et cette même portion étant alors hors du jeu des vaisseaux, et n’étant plus entretenue que par la transsudation dont j’ai parlé, elle devient portion moyenne et demi-vive : est-elle pressée et chassée encore plus loin ? elle cesse d’être portion demi-vive, et elle devient portion morte.

Ce n’est pas que la portion demi-vive chasse la portion morte. Dès que la portion supérieure, en se régénérant, pousse, au moyen de l’effort des liqueurs qui y abordent, la portion moyenne, elle chasse conséquemment la partie inférieure, qui en est une suite, et de-là le prolongement du sabot ; car la portion demi-vive n’étant plus soûmise aux lois du mouvement circulaire, on ne peut supposer en elle la faculté et la puissance d’exercer aucune action : ce n’est donc qu’autant qu’elle est un corps continu à la partie inférieure, qu’elle paroît le chasser devant elle, tandis qu’elle est elle-même chassée par la portion supérieure, à laquelle on doit attribuer tout l’ouvrage de la nutrition et de l’accroissement.

J’avoue que peut-être on sera surpris que la force du cœur et celle du jeu des arteres soient telles, qu’elles puissent pousser les liquides avec une véhémence capable de forcer la résistance de deux corps aussi solides que ceux de la portion moyenne et de la portion inférieure ; mais il faut ajoûter à ces causes motrices, la puissance qui résulte de l’action des muscles et de la pression de l’air, qui sont autant d’agens auxiliaires qui poussent les fluides.

Une simple observation vient à l’appui de toutes ces vérités. Si l’on demeure un long intervalle de tems sans parer le pied d’un cheval, l’ongle croît peu, et croît moins vîte : pourquoi ? parce que la partie morte ou la partie inférieure ayant acquis dès-lors une étendue et un volume plus considérable, opposera une plus grande résistance, et contre-balancera en quelque façon la force par le moyen de laquelle les liqueurs sont portées à la partie vive ou à la partie supérieure. Si au contraire le pied de l’animal est souvent paré, l’accroissement sera moins difficile, parce qu’une portion de l’ongle mort étant enlevée, l’obstacle sera moindre, et pourra être plus aisément surmonté par l’abord, l’impulsion et le choc de ces mêmes liqueurs.

Un autre fait non moins certain nous prouve que l’ongle ne se prolonge point par son extrémité. Lorsque, par exemple, dans l’intention de resserrer une seyme (voyez Seyme), et de réunir les parties divisées du sabot, nous avons appliqué à la naissance de la fente et de la division, c’est-à-dire très-près de la couronne, S de feu (voyez Feu), cette lettre formée par l’application du cautere actuel sur lequel elle était imprimée, descendra peu-à-peu et plus ou moins promptement, selon que le pied sera plus ou moins souvent paré, et s’évanoüira enfin promptement. Il est donc parfaitement démontré que l’accroissement ne se fait et ne peut avoir lieu que dans la couronne et dans la partie vive.

Dès que cette portion change, pour ainsi dire, et qu’elle devient demi-vive, il est incontestable qu’il se fait une régénération. Tâchons donc de développer, s’il est possible, les moyens dont la nature se sert pour renouveller cette partie.

Il ne s’agit pas ici, comme dans les plaies, de la réparation d’une substance absolument détruite et perdue ; elle est néanmoins produite selon les lois du même méchanisme : elle est en effet opérée et par le suc nourricier, et par le prolongement des vaisseaux qui y ont une part considérable. J’ai dit que la circulation s’exécute dans la couronne et dès l’origine de l’ongle ; il est par conséquent dans l’une et dans l’autre de ces parties, des tuyaux destinés à apporter et à rapporter les liqueurs : mais comme nous sommes forcés d’avoüer que ceux qui sont à la couronne, sont, à raison de leur union plus intime, d’une plus grande exilité que ceux qui sont au-dessus et à la peau, nous sommes aussi contraints de conclure que le diametre de ceux qui seront au-dessous et à l’origine du sabot, sera encore bien moindre, et qu’il admettra moins de liquide. Disons encore que la solidité de cette partie ne permet pas de penser que la plus grande quantité des fibres dont elle est formée, soit vasculeuse, principalement celles qui sont les plus extérieures, et que le contact de l’air tend toûjours à dessécher ; ou si nous leur supposons une cavité, elles ne seront que l’extrémité d’une partie des vaisseaux qui se distribuent à la couronne : or le suc nourricier étant parvenu dans ces extrémités, s’y arrête ; et étant continuellement poussé par la liqueur qui le suit, il s’engage dans les porosités, et prend lui-même une consistance solide qui commence à avoir moins de sentiment. Cette substance compacte est toûjours chassée devant elle par le nouvel abord des liqueurs ; les vaisseaux eux-mêmes se prolongent, et c’est ainsi qu’elle est régénérée.

En parlant de l’extrémité de l’ongle, je n’ai encore entendu parler que de la partie inférieure de ses parois, et non de la sole.

Celle-ci de même que la fourchette qui en est le milieu, est une suite et une continuation des fibres et des vaisseaux d’une portion de la peau qui se propage autour du petit pied, et qui est tellement adhérente à l’intérieur des parois du sabot, qu’elle y est intimement unie par des crénelures, de maniere qu’elle est comme enclavée dans des sillons formés à l’ongle même. Son milieu, c’est-à-dire, la fourchette que l’on nomme ainsi, attendu la bifurcation que l’on y remarque, tire sa forme d’une espece de corps charnu d’une substance spongieuse, lequel est directement situé au-dessous de l’aponévrose du muscle profond qui tapisse et qui revêt la portion inférieure de l’os du petit pied. Il est à-peu près semblable à celui que l’on apperçoit à l’extrémité des doigts de l’homme lorsqu’on en a enlevé la peau, excepté qu’il est plus compacte et plus solide. Sa figure est celle d’un cône dont la pointe est tournée en-devant, et dont la base échancrée répond aux deux talons. C’est à ce corps spongieux que la fourchette adhere par de petites fibres et des vaisseaux de communication. Que si elle est d’une consistance moindre que le sabot, et même que la sole, c’est que les fibres et les vaisseaux qui la composent sont plus lâches. Que si elle acquiert enfin plus de solidité à sa partie extérieure que dans le reste de son étendue, ce ne sera que parce que le liquide n’y affluera pas, et que ces mêmes fibres et ces mêmes vaisseaux se resserreront toûjours de plus en plus.

Venons à l’application de ces principes ; eux seuls peuvent mettre le maréchal ferrant en état de donner à chaque portion du pied la configuration qu’elle doit avoir, et de remplir par conséquent les deux intentions qu’il doit se proposer dans cette opération.

La premiere de ces intentions est, ainsi que je l’ai dit, d’entretenir le pied dans l’état où il est quand il est régulierement beau ; et la seconde consiste à en réparer les défectuosités lorsqu’il peche dans sa forme, et dans quelques-unes de ses parties.

Un pied qui n’est ni trop gros, ni trop grand, ni trop large, ni trop petit, dont la corne est douce, unie, liante, haute, épaisse et ferme sans être cassante,; dont les quartiers sont parfaitement égaux,; dont les talons ne seront ni trop hauts ni trop bas, et seront égaux, larges, et ouverts,; dont la sole sera d’une consistance solide, et laissera au-dessus du pied une cavité proportionnée,; dont la fourchette enfin ne sera ni trop grasse, ni trop maigre, voyez; et qui d’ailleurs aura la forme de cet ovale tronqué dont j’ai parlé, sera toûjours envisagé comme un beau pied.

Ceux dans lesquels on observera un quartier plus haut que l’autre, et qui seront conséquemment de travers, ou dans lesquels un des quartiers se jettera en-dehors ou en-dedans ; ceux dans lesquels les talons seront bas, , seront flexibles, seront hauts, non sujets ou sujets à l’encastelure,; qui seront encastelés, qui seront plats,; qui auront acquis cette difformité à la suite d’une fourbure, et dans lesquels on entreverra des croissans, qui auront un ou deux oignons,; qui seront comblés, affectés par des bleymes, qui seront gras ou foibles,; qui auront des soies, des seymes,; qui seront trop petits, trop longs en pince et en talon, , seront des pieds défectueux : ils demanderont toute l’attention du maréchal, qui travaillant avec succès d’après les connoissances que nous avons développées, en corrigera inévitablement les vices, et qui pourra encore remédier aux défauts qu’entraînent celui d’être argué, brassicourt, droit sur ses membres, et ceux de se couper, de forger, voyez Forger, (Note en bas du document)

Ferrure d’un pied naturellement beau. Blanchissez simplement la sole, c’est-à-dire, n’en coupez que ce qu’il en faut pour découvrir la blancheur naturelle ; enlevez le superflu des quartiers, observant d’y laisser dequoi brocher ; ouvrez les talons en penchant le boutoir en-dehors, et non en creusant ; abattez-les de maniere que le pied étant en terre, l’animal soit dans une juste position ; coupez le superflu de la fourchette ; ouvrez la bifurcation jusqu’à l’épanchement d’une espece de sérosité, et non jusqu’au sang, et maintenez par le fer comme par la parure le sabot dans la configuration qu’il avait.

Ajustez à ce pied un fer qui l’accompagne dans toute sa forme, qui ne soit ni trop ni trop peu couvert, ni trop leger ni trop pesant, qui ait la même épaisseur aux éponges qu’à la pince, voyez Fer. (Note en bas du document), et qui en ait quelques lignes de plus à la voûte qu’à cette derniere partie. Etampez un peu plus gras en-dehors qu’en-dedans ; qu’il y ait quatre étampures de chaque côté avec une distance marquée à la pince pour séparer celles de chaque branche ; que ces étampures ne soient ni trop grasses ni trop maigres. Voyez Forger un fer. (Note en bas du document); que le fer au talon ne soit point trop séparé du pied ; que les éponges ne débordent que proportionnément à sa forme ; et que l’on apperçoive enfin pour la grace du contour et de l’ajusture une simple élévation tout-autour de ce fer depuis la premiere étampure jusqu’à la derniere, en passant sur la pince.

L’action de pancher le boutoir en-dehors pour ouvrir les talons ou de les parer à plat, est totalement contraire à la pratique ordinaire de presque tous les maréchaux. Toûjours guidés par une fausse routine, et jamais par le raisonnement, ils ne cessent de creuser au lieu d’abattre, c’est-à-dire qu’ils coupent continuellement la portion de l’ongle qui se trouve entre la fourchette et le talon, ensorte qu’au moment où ils croyent ouvrir cette partie, ils la resserrent de plus en plus : dès qu’ils enlevent en effet l’appui qui étaye et qui sépare le talon et la fourchette, les parois extérieures de l’ongle n’étant plus gênées, contenues, et n’ayant plus de soûtien, se jettent et se portent en-dedans d’autant plus aisément, que le tissu de la corne est tel qu’il tend toûjours à se contracter ; de-là une des causes fréquentes de l’encastelure, et c’est ainsi que le plus beau pied devient difforme quand il est livré à des mains ignorantes. Mais voyons si la méthode que nous prescrivons est réellement établie sur les fondemens inébranlables que nous avons jettés, on en sera toûjours de plus en plus convaincu ; car nous expliquerons dans tous les différens genres de ferrure les raisons qui nous inspirent et qui nous déterminent.

Ici, c’est-à-dire, dans le cas où il s’agit d’un beau pied, nous ne changeons rien à la configuration de l’ongle ; les retranchemens que nous faisons à chaque partie sont tels que chacune d’elle subsiste dans le même état où elle était auparavant ; tout l’effet qui en résulte se borne à en diminuer le volume et l’étendue.

Le fer que nous y plaçons accompagne le pied dans toute sa forme, parce que si l’on ne faisoit pas cette attention, il en résulteroit une difformité lors de l’accroissement selon le défaut du fer même. D’ailleurs, si le fer débordoit trop, l’animal se déferreroit ; et s’il ne débordoit pas ou ne couvroit pas assez, les mammelles croîtroient beaucoup plus que ce qui porteroit sur le fer, qui n’appuyant que sur la sole feroit incontestablement boiter le cheval.

Ce même fer ne sera ni trop leger ni trop pesant : dans le premier cas il ne résisteroit pas ; dans le second il ruineroit les jambes de l’animal, et par son propre poids dériveroit et entraineroit les lames. Voyez Fer (Note en bas du document)

Il y aura même épaisseur aux éponges qu’à la pince, afin que le pied soit toûjours égal par-tout, et qu’une de ses parties n’étant pas plus contrainte que l’autre, les liqueurs ne trouvent pas une résistance plus forte, ce qui les détermineroit à se jetter et à refluer sur les parties moins gênées.

La force de la voûte excédera celle de la pince, parce que l’animal use toûjours plûtôt le fer sur les extrémités de cette portion, et que si la voûte était aussi foible, le fer plieroit et porteroit sur la sole.

Il sera étampé plus gras en-dehors qu’en-dedans, parce qu’il doit toûjours plus garnir de ce côté que de l’autre. S’il était aussi garni en-dedans, l’animal se couperoit, s’attraperoit, voyez ferrure du cheval qui se coupe, ou se déferreroit en marchant sur son fer. D’ailleurs, le quartier de dehors s’usant ordinairement davantage, il est bon qu’il soit plus garni ; et l’étampure y sera plus grasse, parce que celui de dedans est toûjours plus foible.

Ferrure d’un pied de travers, un quartier étant plus haut que l’autre. Abattez d’abord le quartier plus haut presque jusqu’au sang ; creusez le talon, sans cependant trop pancher le boutoir. Coupez ensuite assez de l’autre quartier pour enlever une portion de la partie morte, contentez-vous d’ouvrir le talon de ce même côté ; ajustez enfin à ce pied un fer beaucoup plus mince du côté du quartier qui sera trop haut, plus couvert du côté du quartier plus bas. Etampez plus gras de ce même côté, et plus maigre de l’autre. Le fer garnira et débordera du côté bas ; il sera si juste du côté haut, qu’il y aura à rogner en supposant que ce quartier se renverse, ce qui arrive communément à tous les quartiers trop hauts qui se jettent et qui se portent le plus souvent en-dehors. L’éponge du quartier plus bas sera proportionnée à la force de la branche, et par conséquent plus épaisse que celle du quartier plus haut. Elle garnira sur le talon, afin que l’ongle ne s’use point et s’y étende ; à l’égard de celle du quartier haut, elle ne débordera point, et sera juste à la forme du pied.

Vous abattrez le quartier plus haut, parce que par sa hauteur excessive non-seulement le pied est difforme, mais l’animal n’est pas dans son point de force et d’appui. Vous en creuserez le talon ; c’est-à-dire que votre intention étant de le resserrer, vous parerez comme le commun des maréchaux quand ils veulent les ouvrir, et vous aurez intention de les resserrer pour éviter qu’il se porte en-dehors ; or en diminuant la force de l’ongle qui est entre le talon et la fourchette, la paroi extérieure se portera en-dedans.

Vous ouvrirez le talon qui est plus bas, en renversant le boutoir en-dehors pour lui laisser toute sa force, et vous en abattrez une partie ainsi qu’une portion du quartier ; car si vous n’y touchiez pas, et si vous laissiez subsister l’ongle mort dans son entier, les liqueurs trouveroient lors de leur impulsion une trop grande résistance ; elles auroient plus de corps à chasser, et ce quartier recevroit moins de nourriture. La maniere d’ouvrir ce talon produira un effet opposé et contraire à l’autre, c’est-à-dire qu’il s’ouvrira toûjours de plus en plus, attendu la force qui sera conservée dans le dedans, force qui sera supérieure à celle du dehors.

D’une autre part, le fer sera plus mince du côté du quartier haut par rapport à cette hauteur excessive même. Il sera étampé plus maigre de ce même côté, vû le défaut de l’ongle que vous avez coupé, et dont vous avez diminué la force en-dedans, tandis qu’il sera plus couvert et étampé plus gras du côté du quartier bas, parce que le fer débordant, l’ongle pourra s’étendre en-dehors.

Vous gênerez enfin, vous contiendrez le quartier haut, et le fer y sera extrèmement juste, parce que la nourriture n’est jamais aussi abondante dans une partie contrainte et gênée. Le suc nourricier ne pouvant dès-lors forcer et surmonter l’obstacle qui lui est présenté, est obligé de se détourner et de se déterminer sur les autres.

Ferrure d’un pied de travers, un des quartiers se jettant en-dehors ou en-dedans. Je n’entends pas parler ici d’un pied dont un des quartiers se jettant en-dedans, et pouvant resserrer et entraîner le talon, tendroit à l’encastelure ; je ne considere que celui dont la forme seroit irréguliere dans l’un ou dans l’autre des cas que je suppose. Parez donc le pied également partout ; ouvrez les talons, la fourchette, et ajustez-y un fer ordinaire qui sera plus couvert et étampé plus gras du côté du quartier qui rentrera, qui garnira également au talon de ce même côté, et qui sera juste du côté sain. Si la difformité du pied et l’inégalité des quartiers provient de ce que l’un d’eux se portera en-dehors, que l’étampure de ce côté soit alors extrèmement maigre, placez le fer de maniere qu’il réponde à la ligne de la couronne ; après quoi avec le rogne-pied (voyez Rogne-pied.) (Note en bas du document) coupez tout l’ongle qui excédera le fer. Que si enfin le pied est de travers à raison de la défectuosité des deux quartiers, parez le de même, et mettez-y un fer figuré selon ces principes. Vous parerez le pied également partout, parce qu’ensuite de cette parure la configuration du fer dirigera l’ongle dans son accroissement.

Il sera étampé plus gras, il sera plus couvert du côté du quartier qui rentrera, parce qu’il débordera de ce côté, et qu’en débordant il soulagera l’ongle au quartier, et le laissera croître sur-tout n’ayant pas de bordure. D’ailleurs, le fer devant déborder, si la branche n’était pas plus couverte, celle du quartier sain seroit contrainte de gêner la fourchette. Quant à l’étampure, quoiqu’elle paroisse plus grasse, elle ne le sera réellement pas ; car elle ne sera telle, que parce que la branche sera plus couverte.

Dans le cas où l’un des quartiers se porteroit en-dehors, vous placeriez le fer, ensorte qu’il répondroit à la ligne de la couronne, et vous rogneriez tout l’ongle qui excéderoit le fer ; or en le coupant ainsi, vous repareriez la difformité, et cette difformité ne se reproduiroit point, parce que la branche seroit juste au quartier. Au surplus, vous n’étamperiez maigre, que parce qu’autrement le clou broché se trouveroit dans le vif.

Ferrure d’un pied dont les talons sont bas. Parez le pied à l’ordinaire ; ouvrez par conséquent le peu de talon que vous rencontrez, diminuez le volume de la fourchette, et ne coupez point en pince avec le boutoire que les éponges de fer soient fort épaisses, étampez-le en pince le plus qu’il vous sera possible, placez-le de façon que cette partie l’excede beaucoup, et après avoir broché, coupez cet excédent avec le rogne-pied.

Par le plus de force et la plus grande épaisseur des éponges, vous releverez le pied du cheval, et vous obvierez à son défaut naturel. Vous le rognerez en pince, parce que le pied étant plus court, la pince portera davantage ; dès-lors le talon sera donc soulagé, et la nourriture y affluera avec plus d’aisance. Enfin l’étampure en pince n’aura lieu que pour ne pas gêner les talons, qui dans ces sortes de circonstances, sont très-délicats, et si foibles, qu’ils ne peuvent pas résister à la lame, et qui en éclatant se détruisent toûjours davantage.

Ferrure d’un pied dont les talons sont flexibles.. N’ouvrez pas les talons, laissez-leur toute leur force. Si néanmoins ils sont trop hauts, abattez-les, mais en parant à plat ; s’ils sont trop bas, blanchissez-les ; mettez un fer ordinaire étampé en pince autant qu’il se pourra, et qui garnira beaucoup sur les talons à l’effet de les renforcer, de les soûtenir, et de les soulager.

Ferrure d’un pied dont les talons sont trop hauts, mais qui cependant sont trop ouverts pour qu’on puisse redouter l’encastelure.. Parez le talon presque jusqu’au vif et à plat, c’est-à-dire que vous devez dégager la fourchette en tenant votre boutoir renversé, parez-la ensuite, et ayez attention de ne pas diminuer beaucoup en pince. Mettez à ce pied un fer ordinaire, dont l’épaisseur sera égale à la pince et aux éponges, qui sera relevé comme de coûtume, qui garnira tout le tour du pied, qui portera également par-tout, et dont les étampures seront plus grasses en pince qu’elles ne le sont communément.

Je conseille d’abattre le talon jusqu’au vif, pour en diminuer la hauteur, et à lat, parce que si l’on creusoit, on encasteleroit le pied.

Vous ne diminuerez pas beaucoup de la pince, parce que le défaut commun à ces pieds, est de manquer par cette partie.

Votre fer sera aussi épais aux éponges qu’en pince ; la raison en est que s’il avait plus d’épaisseur aux éponges, vous entretiendriez le défaut par votre fer, tandis que vous auriez fait des efforts pour le réparer par la ferrure.

Le fer portera sur les talons ; parce que, comme vous devez le savoir, des talons gênés reçoivent moins de nourriture, et le suc nourricier se distribuera ailleurs.

Il garnira tout-autour du pied, et dès-lors la pince ne s’usera pas ; ce qui arrive presque toûjours à ces sortes de pieds.

Je demande, en un mot, une étampure plus grasse, parce que l’étampure étant ordinaire, et le fer devant garnir, le pied seroit broché trop maigre.

Ferrure d’un pied dont les talons seroient trop hauts, et qui tendroient à l’encastelure. Abattez considérablement les talons ; mais parez toûjours à plat, et n’affoiblissez jamais l’appui qui est entre cette partie et la fourchette : parez celle-ci sans l’ouvrir, et diminuez de la pince proportionnément au talon, par le moyen du rogne-pied.

Ajustez à ce pied un fer à pantoufle. Voyez Fer (Note en bas du document) Ce fer sera étampé à l’ordinaire, mais plûtôt en pince qu’en talon ; il garnira beaucoup à cette derniere partie, et portera également par-tout.

Ferrure d’un pied encastelé.. Parez-le et ferrez-le, de même que celui qui tend à l’encastelure, en augmentant néanmoins l’épaisseur de la pantoufle, selon la défectuosité du pied.

Vous abattrez le talon à plat, et je crois qu’il est superflu de répeter ici les raisons de parer ainsi. Vous ne diminuerez point l’appui qui est entre la fourchette et cette partie, parce que le fer doit y porter. Vous n’ouvrirez point la fourchette ; dès-lors vous lui conserverez la force nécessaire pour s’opposer au resserrement du talon. Vous rognerez enfin la pince, soit pour recouvrir le pied, soit pour que la nourriture se distribue aux talons ; parce que la longueur du pied étant diminuée, l’animal ne travaillera pas tant sur eux ; et la contrainte étant moindre, les liqueurs s’y détermineront avec plus d’aisance et plus de facilité.

La nécessité du fer à pantoufle est évidente. L’intérieur de cette pantoufle portant aux talons, et les gênant en-dedans, ils s’ouvriront par eux-mêmes, vû que dès-lors le suc nourricier gagnera la partie de dehors, et que l’ongle de ce côté n’aura rien qui puisse le gêner dans son accroissement, puisqu’étant d’ailleurs chassé par l’épaisseur intérieure de la pantoufle, le talus qui est observé depuis cette épaisseur intérieure jusqu’à l’extérieur de la branche, facilitera son extension de ce même côté.

L’étampure en pince est enfin préférable, attendu que les quartiers affoiblis par la parure, ne seroient pas en état de supporter les lames ; et vous garnirez beaucoup en talons, parce que dès qu’ils seront soulagés, non-seulement ils reviendront sur la ligne de la couronne, mais ils s’élargiront toûjours davantage, à l’aide et par le secours du fer proposé.

Ferrure du pied plat. Parez et diminuez l’ongle le moins qu’il vous sera possible ; ajustez un fer plus couvert qu’un fer ordinaire, étampez-le plûtôt maigre que gras : que la voûte soit très près de la sole ; placez-le sur le pied, de maniere encore que vous puissiez couper avec le rogne-pied le superflu de l’ongle qui déborde : que les éponges en soient fortes et épaisses, et qu’elles ne débordent pas extraordinairement en talons.

Parez et diminuez très-peu l’ongle ; en en abattant trop, vous pénétreriez bientôt jusqu’au vif : l’animal n’auroit pour ainsi dire plus de pied, et il ne pourroit se soûtenir, par la douleur que lui causeroit et cette diminution et ce retranchement trop considérable.

Que le fer soit plus couvert, et que la voûte soit très-près de la sole ; par ce moyen cette partie sera gênée et contenue ; la nourriture ne pouvant plus s’y porter en aussi grande quantité, se déterminera sur les autres ; ce qui, en remontant à la source et à la cause de la difformité du pied, en arrêtera les progrès.

Le fer sera ajusté de façon que vous pourrez couper avec le rogne-pied le superflu de l’ongle ; et vous couperez ce superflu, parce que si vous ne l’enleviez pas, le pied paroîtroit toûjours évasé.

L’étampure sera maigre, parce qu’en rognant tout le tour du pied, vous approcheriez plus du vif que si vous ne rogniez point.

Enfin ce n’est que parce que ces sortes de pieds portent sur les talons, que je prescris des éponges plus fortes et qui ne débordent pas extraordinairement ; car une ferrure trop longue feroit infailliblement user cette partie.

Ferrure du pied plat ensuite d’une fourbure, l’ongle s’étendant vers la pince, et la sole laissant apparoître des croissans.. Ouvrez d’abord les talons ; abattez les, s’ils sont trop hauts ; blanchissez-les, s’ils sont trop bas ; étampez le fer sur les talons, et non en pince ; mettez-y un pinçon assez large (voyez Fer) (Note en bas du document); et lorsque les clous seront brochés, rognez l’ongle excédant le fer, et râpez la pince.

Abattez les talons, pour parer à l’inconvénient de ces sortes de pieds, qui est de travailler toûjours sur les talons, la pince ayant rarement de l’appui ; ce qui fait que quand l’animal ne boiteroit pas ensuite des croissans, il boiteroit par le raccourcissement du tendon, vû que le talon étant trop élevé, ce même tendon n’a pas son extension naturelle, et ce qui peut bouter l’animal.

Etampez le fer sur les talons, et non en pince, parce que cette partie ne supporteroit pas la brochure. D’ailleurs, tout cheval dans lequel on entrevoit des croissans, est rarement encloüé sur la premiere, pourvû néanmoins que le fer ne soit pas étampé trop gras.

Mettez-y un pinçon assez large pour tenir le fer, parce que si le pinçon était trop petit, il entreroit dans l’ongle, et le fer se déplaceroit. Du reste, lorsqu’en râpant la pince vous diminuez la force de l’ongle en cet endroit, c’est pour moins contraindre le pied, et pour que les croissans ne soient pas si douloureux.

A l’égard du pied plat, large et étendu, vous ne couperez la sole que le moins que vous pourrez ; vous vous contenterez de la nettoyer simplement, après quoi vous y ajusterez un fer semblable à celui que vous avez employé en ferrant le pied plat, dont j’ai parlé précédemment à ce dernier.

Ne coupez la sole que le moins que vous pourrez, et ne faites que la blanchir ; car en retranchant une portion de la partie morte, le suc nourricier trouveroit moins d’obstacle, et vous y attireriez conséquemment plus de nourriture ; ce qui ne feroit qu’entretenir, et ce qui pourroit même augmenter la difformité du pied dont il s’agit.

Ferrure d’un pied qui aura un ou deux oignons. En parant le pied, laissez autant d’ongle qu’il sera possible sur les oignons ; mettez un fer assez fort et assez couvert, du côté des oignons mêmes : que l’étampure soit ordinaire, et ne differe que par une moindre quantité de ce même côté : le tout pour gêner et pour contraindre la partie tuméfiée, et pour ne pas l’offenser par la brochure ; ce qui réussit quelquefois, pourvû que les oignons ne proviennent pas d’une tumeur formée dans les parties molles.

Ferrure du pied comble. Laissez, en parant le pied, autant de talon que vous le pourrez, et tachez de conserver à cette partie toute sa force : blanchissez la sole : ne coupez point avec le boutoir, la pince ni les quartiers ; mais servez-vous à cet effet du rogne-pied : forgez un fer extrèmement fort, à commencer depuis la voûte jusqu’à la partie interne des deux éponges, le dehors en étant extrèmement mince ; qu’il soit très-couvert, sans néanmoins que les éponges puissent gêner la fourchette : étampez-le assez maigre, et sur-tout en pince : voûtez-le à proportion du pied, de maniere qu’il ne porte pas absolument sur la sole, mais qu’il la contraigne un peu : placez-le en talon le plus qu’il vous sera possible, sans qu’il y garnisse trop, et qu’il s’avance : brochez au surplus assez avant.

Taillez autant de talon que vous le pourrez, parce que ces pieds manquent ordinairement par cette partie. On ne doit que blanchir la sole, parce que dès que toute sa force sera conservée, elle résistera davantage, non-seulement à celle de l’impulsion des liqueurs, mais encore à l’impression du fer, qui doit la gêner et la contraindre : vous le forgerez très-fort sur la voûte, dès-lors il ne pliera point. Cette précaution est d’autant meilleure, que ces sortes de pieds travaillent beaucoup sur cette partie ; et que si le fer plioit, il les élargiroit, et en emporteroit tout l’ongle. Il ne sera pas aussi épais en-dehors, parce qu’il seroit trop pesant. Les étampures seront maigres et bien en pince, attendu qu’il faut nécessairement rogner pour donner la forme au pied. Vous placerez le fer beaucoup en talon, autrement le pied seroit trop long : vous brocherez avant, pour que l’ongle, que vous devez d’ailleurs rogner, puisse soûtenir le fer : vous ferrerez plus court que long, dans la crainte que le talon ne s’use davantage, et le cheval en marchera plus à son aise : enfin voûtez proportionnément le fer, parce que la sole étant contrainte. elle cessera d’avoir une nourriture aussi abondante ; et que celle qui s’y portoit y affluant en moindre quantité, et se distribuant sur les autres parties, la difformité sera réparée insensiblement et avec le tems.

Tel est le juste milieu que l’on doit prendre. Je ne proscris point entierement la méthode des fers voûtés, pourvû que la contournure ne soit point celle que les Marechaux leur donnent ordinairement ; contournure si défectueuse, qu’elle met enfin le cheval hors de service : car ces sortes de fers gênant l’ongle par leur bord extérieur, renvoyent toute la nourriture à la sole, dont le volume augmente sans cesse, et qui croît et saillit en-dehors de plus en plus, parce que d’ailleurs elle n’est en aucune façon contrainte et resserrée.

Ferrure d’un pied gras ou foible, d’un pied trop long en pince et en talon ; et d’un pied trop petit. Parez le pied gras à l’ordinaire ; que le fer que vous y ajusterez n’ait rien de particulier, et qu’il soit étampé plus maigre, dans la crainte de serrer ou de pénétrer le vif en brochant.

Quant au pied trop long en pince, rognez-le : à l’égard du pied trop long en talon, abattez cette partie, et que les fers n’y avancent point trop : pour les pieds trop petits, votre fer débordera tout-autour, à l’effet de faciliter l’extension de l’ongle.

Ferrure d’un cheval arqué, brassicourt, droit sur ses membres, bouté, rampin.. Pour obvier à ces défauts essentiels, on doit considérablement abattre les talons ; et outre ce grand retranchement, vous y ajusterez un fer dont les éponges seront beaucoup plus minces que la pince : étampez-le encore plus en cette partie qu’en talon, et ferrez extrèmement court.

Par le fort abattement des talons, vous parerez au vice principal qui résulte du défaut d’extension, et de la retraction même du tendon. Le fer sera beaucoup moins épais en talon qu’en pince, toûjours dans la même intention ; et pour ne pas détruire par le fer les effets qui doivent suivre la parure, vous étamperez plus en pince qu’en talon, parce que le talon étant fort abattu, les lames pourroient intéresser les parties molles ; et vous ferrerez extrèmement court, afin que le talon porte toûjours plus bas. Si l’animal est bouté, vous lui mettrez ensuite de la même parure, un fer de mulet (voyez Ferrure des Mulets), relevant plus ou moins en pince pour l’asseoir toûjours davantage sur les talons, pour contraindre la partie à rentrer sur la ligne qu’elle a quittée dans ce cas, et pour remettre le cheval dans sa position naturelle.

Il est cependant important d’observer qu’une extension trop subite des tendons retirés, causeroit des douleurs inévitables à l’animal, et occasionneroit infailliblement une claudication : aussi ne doit-on l’asseoir ainsi qu’insensiblement, par degrés, et en facilitant le jeu de cette partie par des applications d’herbes émollientes, telles que les feuilles de mauve, guimauve, et de bouillon-blanc, que l’on fait bouillir jusqu’à ce qu’elles acquierent une consistance palpeuse. On les place sur la partie postérieure du canon, depuis le genou jusqu’au boulet ; on les y arrête par le moyen d’une ligature ou d’un bandage, et on les humecte plusieurs fois par jour avec ce qui reste de la décoction de ces mêmes plantes.

Ferrure des chevaux qui se coupent, et qui forgent. Nous disons qu’un cheval s’entretaille ou se coupe, lorsqu’en cheminant il touche sans cesse et à chaque pas avec le pied qu’il meut, le boulet de la jambe qui est à terre ; de maniere qu’à l’endroit frappé le poil paroît totalement enlevé, et qu’il résulte souvent de ce heurt ou de ce frotement continuel, une plaie plus ou moins profonde, que l’on apperçoit aisément à la partie latérale interne du boulet, et d’autres fois derriere le boulet même, surtout lorsque l’animal a été vivement troté sur des cercles ou à la longe.

Il s’entre-taille plus communément des pieds de derriere que de ceux de devant ; souvent il ne se coupe que d’un pied, quelquefois de deux, d’autres fois encore de tous les quatre ensemble.

Quelle que soit la cause du défaut dont il est question, on peut se flater de le détruire par la voie de la ferrure, à moins que la foiblesse de l’animal ne soit telle, qu’il soit absolument à rejetter. Ce n’est pas que je prétende que la ferrure donne de la force, change la conformation du cheval, s’oppose à sa lassitude, diminue sa paresse, et lui forme l’habitude de cheminer ; mais elle l’oblige et le contraint à une situation et à une action qui éloignent le port de son pied du boulet qui seroit atteint et heurté.

Les chevaux peuvent se couper aux talons ou en pince : dans le premier cas, si après avoir abattu le quartier de dehors jusqu’au vif, et laissé subsister le quartier de dedans dans son entier, vous n’avez pû remplir votre objet, ajustez un fer à la turque, c’est-à-dire un fer dont la branche de dedans ait le triple ou le quadruple d’épaisseur de plus que celle de dehors (voyez Fer), et n’étampez point à cette branche : alors le quartier de dedans étant beaucoup relevé, et l’animal reposant beaucoup plus sur celui de dehors, ce qui change la situation de sa jambe et le port de son pied, il ne se coupe plus. J’ai au contraire éprouvé plusieurs fois aussi, qu’en mettant la branche à la turque en-dehors, et en suivant une méthode diamétralement opposée, je parvenois au but auquel il ne m’avait pas été possible d’arriver par le secours de la premiere.

Dans le second cas, c’est-à-dire dans celui où le cheval se coupera en pince, que votre fer à la turque ne soit pas d’une égale épaisseur dans toute l’étendue de la branche de dedans ; qu’il y ait seulement une élevation, un croissant, et point de clous à l’endroit où il se coupera. Si vous en brochez à côté du croissant, rivez-les avec le feu ; brûlez l’ongle au-dessous de la sortie des lames, pour y faire entrer les rivets : et comme le fer à la turque, dans toute l’étendue de la branche de dedans, n’est point arrêté, mettez-y un pinçon capable de le maintenir en place.

Quant au cheval qui forge, ou il forge sur les éponges, ou il forge sur la voûte.

Mettez à celui qui forge sur les éponges, un fer ordinaire dont les éponges ne déborderont point, et seront comme genetées (voyez Fer) (Note en bas du document) : abattez beaucoup les talons des pieds de devant ; que ceux de derriere soient très-courts et très-relevés en pince ; que leurs talons soient néanmoins abattus, dans la crainte que le cheval ne devienne rampin : et s’il forge à la voûte, ajustez un fer anglois (voyez Fer) (Note en bas du document) en-devant, dont la voûte sera extrèmement étroite.

Ferrure des chevaux qui ont des seymes.. Parez le pied à l’ordinaire ; abattez les talons, et ajustez un fer à lunette ou un fer à demi-lunette (voyez Fer). (Note en bas du document) Le quartier, à l’endroit où est la seyme, ne reposant point sur un corps dur, sera infiniment soulagé, et la seyme pourra se reprendre plus aisément. Substituez ensuite à ce fer à lunette ou à demi-lunette, un fer à pantoufle, à l’effet d’ouvrir les talons qui n’auront pas été maintenus, les éponges des premiers fers ayant été coupées jusqu’à la premiere étampure.

Ferrure des chevaux qui ont des soies ou des pieds de bœuf.. Mettez un fer ordinaire ; mais pour empêcher que la partie affectée porte et repose sur le fer, pratiquez un sifflet ; entaillez l’ongle au bas de la pince, au-dessous de la fente et de la division ; et que votre fer ait deux pinçons répondant aux deux côtés du sifflet, afin qu’il soit plus sûrement maintenu.

Ferrure des chevaux qui ont des bleymes.. Découvrez, en parant, la bleyme autant qu’il est possible ; abattez le talon sain au niveau de l’autre, pour que le pied soit égal ; ferrez à demi-lunette, pour que la bleyme non contrainte de porter sur un corps dur, se guérisse plus aisément, et pour parer à l’encastelure : ferrez ensuite à pantoufle.

Ferrure des chevaux qui butent. Les termes de buter et de broncher sont ceux dont nous nous servons pour exprimer en général l’action d’un cheval qui fait un faux-pas : il bute, lorsque ce faux-pas est occasionné par le heurt de l’un de ses pieds contre un corps quelconque plus ou moins haut, et qu’il auroit franchi, si le mouvement de sa jambe eût été plus relevé : il bronche, lorsque le pied qu’il met à terre est mal assûré et porte à faux. Ces deux vices sont essentiels, si les faux-pas sont souvent répetés ; car l’animal peut enfin tomber et estropier le cavalier, qui d’ailleurs doit être dans une appréhension continuelle, et sans cesse occupé du soin de soûtenir son cheval.. Ils proviennent ordinairement d’une foiblesse naturelle ou d’une foiblesse acquise, et quelquefois aussi de la froideur de l’allure de certains chevaux, ou de leur paresse. J’ai remarqué que dans des chemins difficiles, l’animal sujet à broncher ou à buter, était plus ferme que sur un terrein bon et uni, pourvû que celui qui le monte ne le presse point et le soûtienne, en lui laissant néanmoins la liberté de choisir, pour ainsi parler, ses pas, Sans doute que l’attention du cheval, dans de pareilles circonstances, est fixée par la crainte où il est de buter, de broncher, et de faire une chûte. Du reste il est rare que des chevaux chargés d’épaules, abandonnés sur leur devant, et non assis, et qui ne font montre d’aucune liberté et d’aucune souplesse en maniant leurs membres, ne butent ou ne bronchent, puisqu’ils rasent nécessairement toûjours le tapis.

On conçoit que des jambes fortement usées, des épaules froides, chevillées, foibles, engourdies et paresseuses, ne pourront acquérir plus de perfection dans leur jeu au moyen de la ferrure ; mais on peut du moins par la parure et par l’ajusture du fer, donner à leurs pieds une forme telle, qu’elle diminuera la facilité qu’ils auroient à heurter, et à rencontrer les obstacles qui se trouvent sur leur passage. Pour cet effet, abattez beaucoup le talon ; que le fer garnisse fort en pince, et releve legerement : étampez-y gras, puisque le fer doit garnir ; et genetez un peu en talon, parce que n’ayant pas, étant geneté, le même point d’appui, l’animal sera forcé de porter beaucoup moins en pince ; et l’extension du tendon étant plus grande, le mouvement sera beaucoup plus facile.

Ferrure contre les clous de rue et contre les chicots.. Il semble que le plus court moyen de défendre cette partie des accidens dont il s’agit, seroit d’employer des fers couverts, tels que ceux que l’on met aux pieds des mulets ; mais la différence des pieds du cheval et de ceux de ces animaux, ne permet pas d’en user ainsi. La force des pieds de devant du cheval réside dans la pince ; celle des pieds des mulets dans les talons : or les fers couverts demandent nécessairement que l’on pratique un sifflet pour l’écoulement des eaux qui pénetrent entre l’ongle et le fer ; et cette méthode est absolument impraticable aux chevaux, par la raison que le sifflet fait en pince affoibliroit cette partie, qui est la plus solide : d’ailleurs le pied du cheval naturellement moins sec et plus humide que celui du mulet, se corromproit dans les tems froids, et se dessécheroit dans le tems des chaleurs par la privation de l’air. Le parti que quelques-uns prennent à cet égard, c’est-à-dire pour obvier aux inconvéniens des clous de rue et des chicots, est de ne jamais parer ni la sole ni la fourchette, à moins que la sole ne s’écaille avec le tems ; car alors on en enleve la portion qui se détache : on procede ainsi, sous le prétexte que la sole par son épaisseur sera capable de résister à la piquûre des corps qui pourroient pénétrer dans le pied, et en empêchera l’introduction. Mais d’une autre part, cette maniere de ferrure peut endommager le pied, et y susciter d’autres maux plus dangereux quelquefois que ceux dont on veut les préserver.

Ferrure des chevaux sujets à se déferrer. Les chevaux sujets à se déferrer sont ceux dont les pieds sont trop gras, trop grands ou trop larges ; ceux qui forgent et ceux dont les pieds sont dérobés, c’est-à dire dont l’ongle est si cassant que la lame la plus déliée y fait des breches considérables près du fer, et laisse entrevoir des éclats à l’endroit où les clous sont rivés. Les premiers exigent que le maréchal broche le plus haut qu’il est possible, l’affilure étant exactement droite ; il est conséquemment obligé malgré lui de risquer de serrer ou d’encloüer. Quant aux seconds, les fers doivent être genetés, et la ferrure ne différera en rien de celle que j’ai prescrit pour les chevaux qui forgent. A l’égard des derniers, on cherchera à contenir le fer par un pinçon ; on l’étampera, et on le percera sans aucune attention aux regles ordinaires, puisqu’il n’est plus de prise aux lieux où devroient être brochés les clous.

Ferrure des mulets. Rarement le pied de ces sortes d’animaux est-il encastelé, vû la force dont sont pourvûs en eux les talons. On doit en général en parer l’ongle, de façon qu’on en resserre les talons s’ils ne se resserrent pas d’eux-mêmes ; mais en les abattant, il ne faut néanmoins pas les trop affoiblir. Ajustez-y un fer à la florentine, c’est-à-dire un fer dont la branche de dehors soit fort couverte, celle de dedans extrèmement étroite et dégorgée ; que la pince en soit couverte et longue ; que l’étampure soit près du bord inférieur du fer à la branche de dehors, et le plus en talon qu’il sera possible ; et quant à la branche de dedans, étampez très-maigre, et que les trous soient au nombre de quatre à chaque branche. Dans le cas où l’on seroit contraint d’en préparer pour le passage des clous à glace, faites-en un de chaque côté de la voûte entre les quatre étampures du dedans et du dehors ; que le fer, si c’est pour le pied de devant, releve beaucoup en pince, et qu’il releve moins, si c’est pour un pied de derriere ; que les éponges en soient très-minces, que la voûte soit très-forte dans tout son contour, que la branche de dedans en égale l’épaisseur en pince, et que l’excédent du fer en-dehors et en pince en ait très-peu. Du reste n’oubliez pas en parant de pratiquer un sifflet : coupez donc l’ongle en pince en forme d’arc, pour faciliter le nettoyement du pied et l’écoulement de l’eau qui sert à ce nettoyement. Observez encore que le fer à la florentine est infiniment préférable aux planches que l’on ajuste communément. Voyez Fer. (Note en bas du document) Je conviens que le premier n’est adapté qu’aux bons pieds, et que les seconds ne s’employent que pour les pieds foibles : mais dans tous les cas il vaut mieux user de la florentine. Au surplus, lorsque le mulet s’encastele ou est encastelé, on peut donner à ce même fer la figure de la pantoufle, comme on le donne aux planches. Voyez Fer (Note en bas du document)

Ferrure des mulets qui posent le pied à terre à la maniere du cheval. La plûpart des mulets heurtent en posant le pied à terre, la pince y atteint plûtôt que le talon. Il en est néanmoins qui y posent le pied comme le cheval : ceux-ci demandent des fers à cheval dont l’étampure soit très-grasse en-dehors, c’est-à-dire presque dans le bord intérieur du fer, et un peu plus maigre en-dedans ; ce fer aura une égale force, soit dans la voûte, soit dans son rebord extérieur, et relevera beaucoup plus en pince que le fer du cheval.

Ferrure des mulets dont le talon est bas. Parez beaucoup en pince, ouvrez et blanchissez les talons ; mettez un fer à cheval dont les étampures rogneront autour de la voûte. Si l’on étampoit les fers des mulets comme ceux des chevaux, c’est-à-dire en-delà de la voûte du côté extérieur, ils couvriroient dès-lors tout le pied et ne déborderoient point assez ; et ils doivent déborder, parce que le mulet a ordinairement le pied trop petit proportionnément à sen corps : que ce même fer garnisse en-dehors et en-arriere du talon, qu’il soit relevé en pince, que les deux branches soient égales, afin que les talons portent également ; et faites, si vous le voulez, de chaque côté deux pelits crampons, ou en oreille de lievre (Voyez Fer), (Note en bas du document) ou suivant la ligne directe de la branche.

Ferrure des mulets dont la fourchette est grasse et les talons bas. Parez la fourchette presque jusqu’au vif, et ferrez-le ainsi que je viens de le prescrire pour le talon bas ; l’éponge étant plus étroite, ne portera pas sur la fourchette.

Ferrure des mulets qui ont des soies.. Les pieds de derriere sont plus fréquemment atteints de ce mal que ceux de devant, sur-tout s’ils sont courts en pince. Faites usage de l’opération indiquée dans ces sortes de cas, mais relativement à la ferrure ; pratiquez en pince un sifflet plus grand qu’à l’ordinaire, parce que l’animal portant dès-lors sur les quartiers, la soie se resserrera plus aisément : que ce même fer déborde beaucoup, et que ses talons soient au surplus considérablement abattus.

Ferrure des mulets qui ont des seymes.. Les seymes exigent la même opération que les soies : pratiquez-la conséquemment. Ménagez un sifflet au quartier endommagé par la seyme ; abattez beaucoup de talon, et mettez un fer ordinaire.

Ferrure des mulets panards et qui se coupent. Voyez Panards. Abattez les quartiers de dehors autant qu’il est possible, afin de faciliter l’appui de la pince ; et maintenez le quartier de dedans en pince plus haut que le talon, pour que ce même talon se tourne plus aisément en-dehors : que le fer soit couvert en-dehors depuis le bout de la pince en-dedans jusqu’au talon, et que la branche de dedans soit à la turque. Voyez Fer. (Note en bas du document) Etampez gras, parce que le fer doit déborder en-dehors ; qu’il garnisse beaucoup en talon, sans outrepasser en-arriere en-dedans, et pouvant outrepasser en-arriere en-dehors. On ne peut remédier à cette défectuosité, que par la parure et par le fer, puisque la petitesse du pied de l’animal exclut totalement l’usage du rogne-pied. On ne doit pas du reste oublier le sifflet ; et quant à l’ajusture du fer, il sera toûjours également relevé en pince.

Ferrure des mulets qui se coupent en pince. Parez le pied droit, et à l’ordinaire : que la branche de dehors du fer soit très-couverte ; ne changez rien à celle de dedans : que la pince suive la rondeur du pied en-dedans, et la forme de la branche bien courte en-dehors : laissez vis-à-vis l’endroit où vous vous appercevez que le mulet se coupe, une épaisseur plus ou moins considérable ; qu’il n’y ait point d’étampure à cette épaisseur : percez un ou deux trous sur le talon, étampez en-dehors comme de coûtume. On doit cependant avoüer, malgré ces précautions, qu’un fer à cheval conviendroit beaucoup mieux.

Ferrure des mulets qui se coupent par foiblesse de reins et ensuite de quelque effort. Les mulets qui ont fait quelque effort par quelque cause que ce soit, se coupent tous du derriere, et d’autant plus aisément, qu’ils sont ordinairement ferrés de maniere que la pince est beaucoup trop longue : faites-la donc plus courte et plus épaisse, et que la branche de dedans soit à la turque ; ou bien faites à l’éponge un bouton à la turque, qui diminue imperceptiblement à son extrémité. Ce bouton est une sorte de crampon. Que cette même branche soit étampée maigre, pour qu’elle puisse accompagner la rondeur du pied, et que celle de dehors, à laquelle vous laisserez un leger crampon, soit étampée plus gras.

Ferrure des mulets de charrette. Ajustez aux pieds des mulets destinés à tirer, un fer à cheval débordant en-dedans, en-dehors, en pince, et relevé à cette derniere partie ; qu’il y ait deux crampons à chaque fer : on ne peut s’en dispenser ; car sans crampon et avec un fer à la florentine, le mulet ne pourroit ni tirer ni retenir.

Ferrure des mulets de charrette qui sont boutés. Ferrez-les de même que ces derniers, mais n’ajoûtez point de crampons : ceux-ci retiendront de la pince.

Quelque long que paroisse cet article, il ne renferme pas néanmoins tous les cas qui peuvent se présenter relativement à la ferrure des chevaux, et relativement à celle des mulets : mais nous avons assez discuté les principes, pour que ces cas cessent de jetter dans l’embarras ceux auxquels ils peuvent s’offrir ; car lorsqu’ils allieront la théorie et la pratique, ils surmonteront tous les obstacles, et leurs progrès seront assûrés. Qui n’admirera pas néanmoins après tous les détails dans lesquels j’ai été contraint d’entrer, la sécurité des maréchaux qui dans la plûpart de leur communauté, et avant d’admettre un aspirant au nombre des maîtres, l’obligent à faire un chef-d’œuvre de ferrure ? La forme de l’épreuve est singuliere. On choisit un cheval, on le fait passer trois fois en présence de l’aspirant, qui est censé en examiner les pieds, et en avoir connu toutes les imperfections et tous les défauts, quoique ces défauts échappent presque toûjours aux yeux des maitres même. Si la communauté lui est favorable, on lui permet seulement de prendre la mesure des pieds : après quoi on renvoye l’aspirant forger les fers nécessaires. Le jour pris et fixé pour le chef-d’œuvre, l’aspirant pare le pied d’après la routine qu’il s’est fait en errant de boutique en boutique, et il attache les fers forgés tels qu’ils sont ; car il est expressément défendu de les porter de nouveau à la forge, il doit ferrer à froid : il est donc obligé de se conduire en cette occasion, comme la plus grande partie de ceux qui composent la communauté se conduisent en opérant, c’est à-dire qu’il prépare et qu’il accommode à leur imitation le pied au fer, plûtôt qu’il n’ajuste le fer pour le pied. Je laisse aux lecteurs le soin de juger des suites d’une opération ainsi pratiquée : mais j’ai de la peine à croire qu’ils puissent concilier d’une part les plaintes qu’excite l’ignorance de ces sortes d’ouvriers, et dont retentissent unanimement toutes les villes du royaume, et de l’autre le peu d’attention que l’on a d’y remédier en leur fournissant les moyens de s’instruire.

Forger un Fer, (Manége et Maréch.) action du maréchal qui donne à du fer quelconque la forme qu’il doit avoir, pour être placé sous le pied du cheval.

Le fer que les Maréchaux doivent employer, doit être doux et liant ; un fer aigre soûtiendroit avec peine les épreuves qu’ils lui font subir à la forge, et ne resisteroit point à celles auxquelles le met le travail de l’animal.

Ces ouvriers nomment loppin, un bout coupé d’une bande de fer, ou un paquet formé de morceaux de vieux fers de cheval. Celui qu’ils coupent à la bande en est séparé au moyen de la tranche.

Un compagnon prend un loppin de l’une ou de l’autre espece, proportionné aux dimensions qu’il prétend donner à son fer, et le chauffe jusqu’à blanc tout-an-plus, à moins que la qualité du fer dont il se sert lorsqu’il est question d’en souder les parties, n’exige qu’il pousse la chaude au-delà. Le fer ainsi chauffé, il le prend avec les tenailles les plus appropriées à la forme actuelle du loppin ; les tenailles dont sa forge doit être abondamment pourvue, devant être de différentes grandeurs et de différentes figures. Il le présente à plat sur la table de l’enclume. Un apprenti ou un autre compagnon armé du marteau à frapper devant, frappe toûjours de maniere à alonger et à élargir le loppin, et chacun de ses coups est suivi de celui du premier forgeur, dont la main droite saisie du ferretier ne frappe que sur l’épaisseur du fer. Pour cet effet, comme leurs coups se succedent sans interruption, celui-ci après avoir posé le loppin à plat pour l’exposer au marteau de l’apprenti, le retourne promptement de champ pour l’exposer à son ferretier ; et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’une des branches soit suffisamment ébauchée : du reste les coups du ferretier tendent comme ceux du marteau au prolongement du loppin, mais ils le retrécissent en même tems, et lui donnent la courbure qui caractérise le fer du chev il ; c’est ce que les Maréchaux appellent dégorger. Pour la lui procurer plus promptement, le forgeur adresse quelques-uns de ses coups sur la pointe non-chauffée du loppin, tandis que l’autre porte sur l’enclume ; car il doit avoir eu l’attention de ne faire chauffer de ce même loppin qu’environ les deux tiers, afin que la partie saisie par la tenaille ait assez de solidité pour rejetter sur la partie chauffée tout l’effet des coups de ferretier qui sont diriges sur elle. Cette branche dans cet état, le forgeur quitte son ferretier et prend le refouloir, avec lequel il la refoule à son extrémité, pour commencer à en façonner l’éponge.

Il remet au feu ; et par une seconde chaude conduite comme la premiere, il ébauche au même point la seconde branche et la courbure, ou la tournure, pour me servir de l’expression du Maréchal ; après quoi lui seul façonne le dessus, le dessous, les côtés extérieurs et intérieurs des branches, en se servant au besoin de l’un et de l’autre bras de la bigorne, pour soûtenir le fer lors des coups de ferretier qu’il adresse sur l’extérieur, ce fer étant tenu de champ sur le bras rond, quand il s’agit de former l’arrondissement de sa partie antérieure, et sur le bras quarré, quand il est question d’en contourner les branches. Il employe de même que ci-devant le refouloir.

Il seroit à souhaiter que tous les Maréchaux s’en tinssent à ces opérations, jusqu’à ce que l’inspection du pied auquel le fer sera destiné, les eût déterminés sur le juste lieu des étampures. Ce n’est qu’alors qu’ils devroient passer à la troisième chaude, et profiter des indications qu’ils auroient tirées. Cette chaude donnée, le forgeur, à l’effet d’étamper, pose le fer à plat sur l’enclume, ce fer étant retourné de maniere que sa face inférieure est en-dessus ; il tient l’étampe de la main gauche ; il en place successivement la pointe sur tous les endroits ou il veut percer, sans oublier que l’une de ses faces doit être toûjours parallele au bord du fer ; et le compagnon ou l’apprenti frappe sur la tête de cet outil, jusqu’à ce qu’il ait pénétré proportionnément à l’épaisseur de ce même fer. L’étampure faite, le forgeur le rapproche avec son ferretier de la forme que ce dernier travail a altéré ; et après l’avoir retourné, il applique la pointe du poinçon sur les petites élévations apparentes à la face supérieure ; et frappant du ferretier sur la tête de ce poinçon, il chasse en dedans et détache par les bords la feuille à laquelle le quarré de l’étampe a réduit l’épaisseur totale du fer. Cette action avec le poinçon se nomme contre-percer. Enfin il refoule et il rétablit dans ce premier contour, avec ce même ferretier, les bords que l’étampure a forcés, et il porte l’ajusture du fer à sa perfection.

Ces trois seules chaudes seroient insuffisantes dans le cas où il s’agiroit de forger un fer à crampons, et à plus forte raison dans celui où le fer seroit plus composé. Lorsque l’ouvrier se propose de former des crampons quarrés, il a soin de refouler plus fortement les éponges, et de tenir les branches plus longues de tout ce qui doit composer le crampon. La propreté de l’ouvrage exige encore deux chaudes, une pour chaque branche. Le forgeur doit commencer à couder celle qui est chauffée avec le ferretier sur la table de l’enclume, ou sur le bras rond de la bigorne ; sur la table de l’enclume, en portant un coup de son outil sur le dessous de l’éponge à quelques lignes de distance de sa pointe, qui seule repose sur la table, tandis que le reste de la branche est soûtenu par la tenaille dans une situation oblique, ou inclinée ; sur le bras rond, en posant cette même face inférieure de façon que le bout de l’éponge déborde la largeur de ce bras, et en adressant son coup sur l’extrémité saillante. Il s’aide ensuite du bras quarré de la bigorne pour façonner les côtés du crampon.

C’est par la différente maniere dont l’ouvrier présente son fer sur les différentes parties de la bigorne, et dont il dirige ses coups, qu’il parvient à former exactement un crampon quarré, ou un crampon à oreille de lievre ou de chat : celui-ci ne differe du premier, que parce qu’il diminue à mesure qu’il approche de son extrémité, et qu’il est tellement tordu dans sa longueur et des sa naissance, qu’il présente un de ses angles dans la direction de la longueur de la branche dont il émane. Il est encore des crampons postiches, terminés supérieurement en une vis, dont la longueur n’excede pas l’épaisseur de l’éponge. Cette partie du fer est percée d’un trou taraudé, qui comme écrou reçoit cette vis. Par ce moyen le crampon est assez fermement assemblé avec le fer, et facilement mis en place quand il est utile. On l’en sépare aussi sans peine en le dévissant : mais comme l’écrou qui resteroit vuide lorsqu’on jugeroit à-propos de supprimer le crampon, ne pourroit que se remplir de terre ou de gravier qui s’opposeroient à une nouvelle introduction de la vis du crampon, on substitue toûjours à cette vis une autre vis semblable, à cela près qu’elle ne déborde aucunement l’épaisseur du fer dans laquelle elle est noyée, et qu’elle est refendue pour recevoir le tourne-vis, au moyen duquel on la met en place ou on l’ôte avec aisance.

Quant aux pinçons, on les tire de la pince sur la pointe de la bigorne, au moyen de quelques coups de ferretier.

S’il est question d’appliquer aux fers quelques pieces par soudure, il faut de nouvelles chaudes. Les encoches se travaillent à la lime, etc.

Un ouvrier seul pourroit forger un fer ; mais ce travail coûteroit plus de peine, et demanderoit plus de tems.

Il est nombre de boutiques ou de forges où l’on en employe deux, et même quelquefois trois, à frapper devant, sur-tout quand les loppins font d’un volume énorme

Montoir, s. f. (Maréchal.) pierre haute, ou autre petite élevation, qui sert à monter à cheval, et à donner avantage pour monter plus aisément dessus. Ce mot vient originairement d’Italie, où les montoirs de pierre sont plus en usage qu’en France. On appelle, en parlant du cheval, le pied du montoir, le pied gauche du devant, et le pied hors du montoir, le pied droit de devant.

moraille, s. f. (Maréchal.) instrument que les Maréchaux mettent au nez des chevaux pour les faire tenir tranquilles pendant qu’on les ferre ou qu’on les saigne, etc. Voyez nos Pl. de Maréc.

Plate-longe, s. f. (Manege.) longe de fil large de trois doigts, fort épaisse, longue de trois ou quatre toises, dont on se sert pour abattre un cheval, ou pour lever ses jambes dans un travail, afin de faciliter plusieurs opérations du maréchal.

Rassis, terme de maréchal ferrant, nouvelle application d’un même fer sur le pied d’un cheval, après lui avoir un peu paré le pied. On dit : je ne vous dois pas un fer, ce n’est qu’un nouveau rassis.

Repoussoir, s. m. (Maréchal.) espece de gros clou, pour chasser et faire sortir les cloux du pied, lorsqu’on veut deferrer un cheval.

Retraite, (Maréchal.) les Maréchaux ferrans appellent ainsi une portion de clou qui a resté dans le pied d’un cheval. C’est aussi une espece de longe de cuir attachée à la bride du cheval de devant d’une charrette, et liée à un cordeau, dont on se sert pour manier le cheval.

Rogne-pied, s. m. (Maréchalerie.) outil de maréchal ; c’est un morceau d’acier tranchant d’un côté, avec un dos de l’autre, pour couper la corne qui déborde le fer, lorsqu’il est broché, ou pour couper, avant que de river les cloux, le peu de corne qu’ils ont fait éclater en la perçant

Torche-nés, s. m. (Maréchallerie.) est un instrument long à-peu-près de dix pouces, qui avec une courroie, serre étroitement le nés d’un cheval ; ce bâton est arrêté au licou ou au filet, et cette gène empêche le cheval de faire du désordre ou de se débattre, lorsqu’il est trop fougueux, et qu’on lui fait le poil ou qu’on le ferre.

Travail, (Maréchal.) cheval de travail ou de fatigue, opposé au simple cheval de parade ou de cérémonie.

Les maréchaux donnent aussi ce nom de travail à un bâtis, ou assemblage de charpente composé de quatre piliers quarrés A, A, A, A, de sept à huit pieds de haut hors de terre, de quatre pieds ou environ de fondation, et de neuf pouces d’équarrissage B, B, B, B. Les deux bouts sont formés par la distance de ces quatre piliers, où ils sont deux à chaque bout qui ne doivent être éloignés l’un de l’autre que de deux pieds, ayant une traverse en-haut, une autre à rase terre, et la troisième au bout de leurs extrémités qui est en terre. Chaque couple de piliers ainsi assemblés, et éloignés l’un de l’autre de quatre pieds quatre pouces, et assemblés de chaque côté par trois traverses CC, DD, EE, qui prennent aux mêmes hauteurs que les six premieres, ce qui compose un bâtiment de bois à jour, formant un quarré long ; à chacun de ces piliers quarrés on fait plusieurs mortaises pour y ajouter les pieces nécessaires.

Premierement à cinq pieds et demi de terre, on ajoute par ce côté une traverse quarrée FF, ayant demi-pied d’équarrissage, à laquelle on cloue et attache en-dedans cinq crochets de fer à égale distance, et ayant la tête en-bas ; vis-à-vis et de l’autre côté, on met à égale hauteur un rouleau, ou une traverse ronde G, garnie de cinq autres crochets ou crampons ; ses deux bouts plus épais HH, sont équarris et ferrés au-delà, près des piliers des deux crics à dents L, dans lesquels s’engrene à chacun un morceau de fer qui les arrête ; on perce chaque bout de deux trous de tariere, un à chaque face du quarré qui perce tout au-travers.

A quatre pieds de terre, on fait une mortaise dans le pilier à moitié d’épaisseur, et à un pied de terre, une autre pareille pour y faire entrer deux traverses, ou barres mobiles MM, qui forment le travail des deux côtés, dont au bout entre dans la mortaise d’en-bas d’un pilier, et l’autre dans la mortaise d’enhaut de l’autre pilier, où elle est retenue par un morceau de fer attaché au-dessus NN, qu’on range pour la faire entrer, et qu’on laisse retomber pour l’empêcher d’en sortir.

Quatre autres barres mobiles OO, deux à chaque bout, forment les deux bouts du travail ; celles-la se coulent dans des mortaises qui percent les piliers d’outre-en-outre ; la plus haute se fait à trois pieds ou trois pieds deux pouces de terre, et celle d’au-dessous à deux pieds deux pouces de terre.

On cloue à chaque pilier deux gros anneaux de fer PP, à rase-terre, dont l’un regarde le côté du travail, et l’autre le bout en-dedans.

A deux pieds de terre on fait une petite mortaise destinée à recevoir le bout d’une double potence de fer QQ, qui a environ quinze pouces de long hors du pilier ; elle fait un petit coude à deux pouces près du pilier, qui la rejette en-dehors ; et sa tête qui a six pouces de longueur, finit par deux boulons.

A deux pieds et demi de terre sont percées deux autres mortaises tranchantes, faites pour y fourrer deux barres de fer rondes RR, d’un pied de long, et terminées par un quarré de fer, dans lequel sont deux trous de même figure, destinés à recevoir une barre de fer ronde SS, qu’on fait entrer de l’une à l’autre. Chaque traverse du haut des bouts du travail, est garnie d’un anneau T, qui pend, ou d’un rouleau V, soutenu par deux branches, qui tourne sur lui-même : du côté de la traverse ronde G, à chaque pilier, est une barre de fer ronde XX, qui pend à une chaîne, et qu’on arrête en la passant dans un anneau qui l’empêche de vaciller : on met aussi de petits anneaux de fer pour passer les longes du licou du cheval ou de la cavessine de main, ou-bien on les arrête avec des crochets YY, qui pendent entre les deux barres des bouts. On garnit le dedans des quatre piliers des bouts du travail de cuir rembourré et cloué ZZZZ : on couvre tout le travail d’un toit qui y tient, ou d’un appenti attaché à la muraille voisine, s’il est auprès d’une muraille, ou qu’il ne soit pas isolé.

Comme tous les quatre piliers sont percés des mêmes mortaises, il n’y a moyennant cela ni devant ni derriere ; c’est-à-dire que la tête du cheval peut être à un bout ou à l’autre indifféremment, parce que toutes les traverses mobiles, les barres, etc. s’ajustent d’un côté comme de l’autre.

On fait les fondemens de quatre pieds de profondeur pour rendre le travail capable de résister aux efforts du cheval ; on doit murer tout le dedans avec chaux et ciment, le paver à rase-terre, et à un pied et demi tout-autour.

Les traverses d’en-haut servent à l’assemblage.

Les anneaux ou rouleaux qui sont aux bouts, servent à lever la tête du cheval lorsqu’on veut lui donner des breuvages ou des pilules.

Les crochets de fer qui sont aux traverses immobiles des côtés, servent à soutenir et à élever la souspente, et les barres rondes attachées à des chaînes de fer, sont faites pour tourner la traverse ronde, en les mettant successivement dans les trous de tariere qui sont aux bouts.

Les traverses ou barres de bois qui vont en biais des deux côtés, sont faites pour empêcher le cheval de se jetter de côté.

Les traverses ou barres de bois mobiles qui sont deux devant et deux derriere, empêchent le cheval de sortir du travail en avançant ou en reculant.

La double potence de fer est destinée à tenir, lever et attacher le pied de devant pour y travailler.

Les barres et la traverse de fer sont faites pour tenir et arrêter le pied de derriere.

Les anneaux du bas des piliers doivent servir à tenir en respect (par le moyen des cordes qui entourent le pâturon et qui passent au-travers desdits anneaux), les pieds auxquels on ne travaille pas.

Les rembourrures des piliers empêchent que le cheval ne se blesse la tête contre les piliers. L’inspection de la figure mettra le lecteur au fait de ce qu’on vient de dire.

 

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