DRAPIERS, DRAP ET FOULONS





Drapiers, drap et foulons



Échoppe de drapier



Actuellement, lorsque l’on parle de drap, on le comprend dans le sens de « drap de lit ». Le drap était anciennement un type de tissu de laine foulé et apprêté, amélioré principalement par le foulage puis progressivement par d’autres opérations de finition comme le lainage, la laine se prêtant en effet facilement au feutrage et au foulage.

La filature est la première étape importante où les fibres sont transformées en fil. Pour les fibres naturelles, cela implique généralement un processus de nettoyage, de cardage, et de filage. Une fois le fil produit, il est tissé ou tricoté pour créer le tissu. Le tissage est le processus où deux ensembles de fils sont entrecroisés, tandis que le tricotage utilise un seul fil qui est bouclé pour former des mailles. Chaque méthode donne une texture et une apparence différentes au tissu final.

Au Moyen Âge, l’Europe a été envahie par la laine. L’Angleterre et la Flandre étaient les reines du tissage, et la laine était littéralement l’or de l’époque.

Dans nombre de villes, surtout de villes du nord de la France, l’industrie de la laine est une des premières que l’on trouve organisée. Il a été prétendu qu’elle a été le noyau primitif de beaucoup de villes neuves dans le haut moyen-âge; fondant cette opinion sur l’importance de cette industrie en un temps où on se vêtait surtout de lainages et sur la pluralité des professions qui devaient coopérer à la fabrication des tissus, tisserands, foulons, teinturiers, marchands drapiers, etc…

Avant le 17e siècle, il fallait littéralement tout faire soi-même, du filage à la main au tissage sur des métiers artisanaux ; le textile était déjà un pilier central de nombreuses civilisations à travers le monde.

Historiquement, jusqu’au milieu du XIXe siècle, le textile reste l’activité de fabrication la plus importante d’Europe occidentale et jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, la laine et son principal dérivé, le drap, sont la principale activité textile.


Les drapiers


Dès 1183, les drapiers (pannarii) semblent avoir formé une corporation organisée. On les voit à Paris, en effet, au cours de cette année, prendre à cens vingt-quatre maisons que Philippe-Auguste venait de confisquer sur les Juifs expulsés. Ces maisons étaient situées dans une voie qui allait de la rue de la Juiverie (aujourd’hui rue de la-Cité) à la rue de la Barillerie (aujourd’hui boulevard du Palais) 81 et qui prit alors le nom de Judearia pannificorum. La Taille de 1292 l’appelle déjà La Viez Draperie mais elle n’y fait figurer aucun drapier ; en revanche; la Taille de 1313 y mentionne, sur 18 habitants, 10 drapiers, 1 tondeur de drap et 2 tailleurs. La rue de Vieille-Draperie a conservé ce nom jusqu’en 1838, époque où la rue de Constantine (aujourd’hui rue de Lutèce) s’éleva sur ses ruines.

Les statuts accordés aux drapiers en 1573 mentionnent, dans leur préambule, des statuts antérieurs datés de 1188, et que l’on a pu retrouver. Mais, au mois d’août 1219, la corporation révèle de nouveau son existence. Les « mercatores confratres de draperia » achètent à un bourgeois de Paris, nommé Raoul du Plessis:. « Radulfus de Plesseio », une maison et son pourpris (enceinte, enclos), situés derrière le mur du Petit-Pont, « domum cum toto porprisio retro maceriem Parvi Pontis ».

En dehors des pelleteries, dont toutes les classes se couvrirent presque exclusivement, pendant longtemps, l’étoffe dominante pour les vêtements fut la soie au quatorzième siècle et le drap au treizième. Aussi, ce dernier commerce, quoique alimenté moins par la fabrication locale que par les importations de Normandie, de Flandres, de Champagne et de Languedoc, était-il déjà fort actif à Paris. Le poète qui rimé le «Dit du Lendit » qualifie la draperie de « mestier hautain » et place au-dessus de tous les autres marchands « li drapier que Dieu gart ». Ces drapiers étaient à la tête de l’Industrie parisienne, les Tailles levées en 1292, en 1300.et en 1313 ne laissent aucun doute sur ce point. Pour la perception des tailles, chaque habitant était imposé proportionnellement à sa fortune, d’un dixième environ lorsqu’il s’agissait d’une taille extraordinaire, comme celle de 1313. Dans celle-ci, les trois commerçants les plus imposés et par conséquent les plus riches de Paris., sont trois drapiers : Vasselin de Gant, taxé à 150 livres ; Jacques Marciau, 135 livres et Pierre Marcel, 127 livres.

On ne s’étonnera donc point que les drapiers aient soumis, vers 1268, à homologation du prévôt Étienne Boileau des statuts très détaillés et très curieux (Livre des métiers titre L).

Ils y sont appelés toissarans de lange, c’est-à-dire tisserands de laine.

Le droit de s’établir s’achetait au roi. Mais cet achat était rare, car les maisons se transmettaient presque toujours de père en fils, ou du moins se perpétuaient dans la même famine.

Les statuts ont tout prévu pour favoriser ce résultat. Ainsi, chaque maître ne doit avoir, chez soi. « en son hostel » plus de trois métiers, mais on l’autorise à prendre sous son toit ses enfants, un frère et un neveu, et il peut confier à chacun d’eux, tant qu’ils ne sont pas mariés et restent sous son autorité, encore trois métiers. Ce fils, ce frère ou ce neveu étaient dispensés de la plupart des redevances acquittées par les membres de la corporation. Ils n’avaient rien à payer non plus s’ils prenaient l’établissement : celui-ci était censé n’avoir pas changé de maître.

A part les membres de sa famille, chaque drapier ne devait avoir qu’un seul apprenti, et l’apprentissage durait longtemps. Il était de sept ans pour l’enfant sans argent, de six ans pour celui qui apportait vingt sous, de cinq ans pour celui qui apportait soixante sous, et de quatre ans pour celui qui apportait quatre livres parisis.

Les statuts semblent avoir voulu qu’il ne fût pas fait de différence entre l’apprenti étranger et les apprentis membres de la famille : un article spécial assurait au premier une protection contre son maître. L’apprenti qui croyait avoir de sérieux griefs à formuler pouvait quitter l’atelier, et, soit directement, soit par l’intermédiaire de ses amis, porter sa plainte au Maître des tisserands. Celui-ci mandait le patron, l’interrogeait, et s’il était reconnu coupable, lui enjoignait « que il tiengne l’apprentiz honorablement comme fils de preud’oume, de vestir, de chaucier, de boivre et de mangier, et de toutes autres choses ». Si quinze jours après, le ‘maître n’avait pas obéi, on plaçait l’apprenti dans une autre maison.

Les drapiers disaient tenir de Blanche de Castille, « de la roine Blanche, qui Diex absoille », le droit de teindre eux-mêmes leurs draps, sauf pourtant quand il s’agissait de la teinture bleue appelée guède (elle a été remplacée par l’indigo), et que deux maisons seulement pouvaient employer. Lorsque le maître d’une de ces maisons mourait, son successeur était désigné par le prévôt de Paris. Les teinturiers, qui prétendaient cumuler le tissage et la teinture, eurent à ce sujet de longs démêlés avec les drapiers. Ils demandaient, ou que les drapiers cessassent de teindre, ou que les deux métiers fussent réunis, et que drapiers et teinturiers pussent également teindre et tisser. Les drapiers refusèrent d’abandonner aucune de leurs prétentions, et la victoire finit par leur rester.

Les statuts recommandent de n’employer aucun ouvrier menant une mauvaise conduite. Il suffisait qu’il eût une maîtresse à Paris ou en dehors, qu’il « tiegne sa meschine au chans ne à l’ostel », pour se voir aussitôt chassé, non seulement de l’atelier, mais encore de la ville.

Le travail à la lumière était interdit. Nul ne pouvait se mettre à l’œuvre « devant l’eure de soleil levant ».

Dans l’origine, tous les maîtres vendaient les draps qu’ils avaient tissés ; mais, dès la fin du treizième siècle, on vit se produire cette division entre l’industrie et le commerce que nous offrent aujourd’hui toutes les branches de la production.

Les maîtres les plus riches se bornèrent à vendre les draps qu’ils faisaient fabriquer ; ils furent appelés Grands maîtres, par opposition aux Menus maîtres, nom donné aux producteurs. Dans la suite, ces derniers prirent le nom de Drapiers-drapans , qui les distingua des Marchands-drapiers.

La corporation était administrée par un maître, dit le Maître des tisserands, et par quatre jurés. Le Maître des tisserands, personnage important, relevait directement sous certains rapports de l’autorité royale, pour l’organisation du service du guet, par exemple.

Dans le chapitre que le Livre des métiers consacre aux droits dont les draps étaient alors imposés, on trouve cités les lieux de production suivants : Beauvais, Châtres (aujourd’hui Arpajon), Cambrai, Saint-Denis.

Les statuts que l’on vient d’analyser furent révisés le 23 avril 1309, mais cette nouvelle rédaction est presque exclusivement relative à l’organisation de la confrérie, et elle modifie sur très peu de points les statuts précédents. La confrérie se réunissait le premier dimanche de l’année , « le premier dimanche après les estraines ». Un banquet suivait les exercices religieux, et les pauvres n’y étaient pas oubliés. chacun de ceux de l’Hôtel-Dieu, on envoyait un pain, une pinte de vin et « une pièce de char (chair), buef ou porc ». Les prisonniers du Châtelet recevaient à peu près autant, et s’il se trouvait dans le nombre un gentilhomme il avait droit à deux mets. On donnait encore un mets au roi et à chaque accouchée de l’Hôtel-Dieu, un pain à chacun des religieux jacobins et cordeliers et à tous les mendiants qui se présentaient pendant le repas. Les restes en pain, vin, graisse, etc. , étaient remis le lendemain aux religieux de Vau-par-fonde (L’abbaye de Valprofond ou de Vauparfond, dans la vallée de la Bièvre) et aux hôpitaux de Paris. Ces mêmes statuts , qui furent confirmés sans changement en juillet 1362, en février 1364 et en mars 1392, autorisent les drapiers à laisser ouverte, à tour de rôle, une de leurs boutiques le dimanche.

Quand Louis XI, en 1467, eut l’idée d’enrégimenter sous soixante et une bannières tous les métiers de Paris, les tixerands de lange formèrent à eux seuls la trentième bannière, tandis que les marchands drappiers en composaient une autre.

Quelque temps après, les drapiers eurent la satisfaction de voir disparaître une communauté qui leur avait pendant longtemps fait concurrence, celle des chaussetiers. Ses dépouilles furent partagées entre les tailleurs, les lingères et les drapiers. Ces derniers obtinrent le droit de faire et vendre les chausses en drap, serge, droguet et autres tissus de laine, ainsi que celles de toile peinte, et ils prirent à partir de cette époque le titre de drapiers-chaussetiers.

Leur industrie subit le sort commun pendant les guerres civiles du seizième siècle : lorsque Henri IV monta sur le trône, elle était discréditée et à peu près ruinée. Elle produisait quatre fois moins qu’auparavant. A Provins, où dix-huit cents métiers avaient jadis marché, à Senlis, à Meaux, à Melun, à Saint-Denis, aussi dans d’autres localités des environs de Paris, la fabrication était ralentie ou presque arrêtée.

La pacification du royaume et l’édit de Nantes rendirent cette industrie moins précaire, mais la France restait toujours tributaire de la Hollande et de l’Angleterre. Antoine de Montchrestien pouvait écrire en 1615 dans son Traité de l’économie politique : « Il ne nous est permis de porter en Angleterre aucune draperie, à peine de confiscation. Au contraire, les Anglois, en pleine liberté, apportent en France toutes telles draperies qu’il leur plaise, voire en si grande quantité que nos ouvriers sont maintenant contrains pour la pluspart de prendre un autre mestier, et bien souvent de mendier leur pain ». Un demi-siècle plus tard, pareille pensée n’eût pu venir à ces ouvriers. Nicolas Cadeau avait créé la manufacture de Sedan (1646), Josse van Robais celle d’Abbeville (1665), et une foule de fabriques secondaires existaient dans le reste de la France.

A cette époque, les drapiers parisiens étaient régis par des statuts de février 1573, révisés le 17 février 1646. L’apprentissage durait trois ans, et était suivi de deux ans de compagnonnage. Chaque maître ne pouvait avoir en même temps qu’un seul apprenti ; il était cependant autorisé à en prendre un second quand le premier avait terminé sa deuxième année. Aucune boutique ne pouvait plus rester ouverte le dimanche. La corporation était administrée par six jurés ou gardes. La révocation de l’édit de Nantes avait arrêté l’élan pris par nos manufactures. Beaucoup d’ouvriers protestants s’expatrièrent, passèrent soit en Angleterre soit en Allemagne, et la production des draps ordinaires subit un ralentissement qui, sous Louis XV, s’étendit aux draps de luxe. La Cour, d’ailleurs, avait mis à la mode la soie et le velours, et d’Argenson écrivait, le 29 septembre 1753 : « Nos principales manufactures tombent de tous côtés. Celle de M. van Robais, qui était si riche et si fameuse, ne travaille presque plus ; nos gens riches ou qui se piquent de l’être, ne voulant plus se vêtir que d’étoffes de soie en toutes saisons, ce qui accomplit la prédiction du duc de Sully que l’on quitteroit les vers pour la soie, A Andelys, en Normandie, il y avoit une manufacture de beaux draps ; et de soixante dix métiers battans qu’il y avoit, il n’en reste plus que neuf ».

Les drapiers paraissent avoir toujours tenu le premier rang parmi les Six-Corps, privilège qu’ils conservèrent jusqu’à la Révolution. Le nombre des maîtres, tombé à 190 en 1725, était de 200 en 1770 et de 192 en 1779.

Le bureau de la corporation était situé rue des Déchargeurs. En 1527, les drapiers avaient acheté à Jean le Bossu, archidiacre de Josas, un vieux logis appelé la maison des Carneaux. Ils le firent démolir vers 1670, et Jacques Bruant éleva sur ses ruines un joli monument de style dorique, qui subsista jusqu’en 1786 ; il fut alors remplacé par l’affreuse halle aux draps et aux toiles qui a disparu sous le second Empire. Les drapiers avaient pour patrons saint Nicolas et sainte Marie l’Égyptienne. Des lettres patentes de 1541 constatent que « de grande ancienneté et passé plus de trois cens ans, les draappiers ont tousjours eu chappelle et confrairie fondée en l’église des Saincts Innocents ». Les statuts de. 1573 fixent la date de cette fondation à l’année 1188.


Drapiers d’or et de soie


Les drapiers d’or et de soie pouvaient faire remonter leur origine jusqu’au treizième siècle, jusqu’ aux ouvriers de draps de soye et de veluyaus, et de bourserie en lice qui, vers 1268, présentèrent leurs statuts à l’homologation du prévôt Étienne Boileau. Le veluyau est du velours, que la bourserie désigne les riches étoffes dont on faisait des bourses et des aumônières, et sé que la lice, lisse ou chaîne est l’ensemble des fils, que traverse la trame.

Au moyen âge, l’ouvrier qui voulait s’établir drapier de soie devait, avant tout, prouver qu’il connaissait le métier. Il devait « le savoir faire de touz poinz, de soy, sain conseil ou ayde d’autruy », aussi était-il examiné par les jurés du métier, à qui il versait dix sous « pour leur paine ».

Chaque maître ne pouvait avoir à la fois plus de deux apprentis.

La durée de l’apprentissage était de huit ans pour l’enfant sans argent, de six ans seulement pour celui qui apportait six livres parisis (cent francs de 1906).

Le travail à la lumière était interdit sauf quand il s’agissait du roi, de la reine ou enfants de France..

La veuve d’un maître pouvait continuer le métier, pourvu qu’elle le sût « faire de sa main ».

La mesure des étoffes était fixe et conforme à l’étalon déposé au Châtelet. Sur commande spéciale, on avait droit de faire plus large, en aucun cas, on ne pouvait faire plus étroit. La chaîne devait avoir 1800 fils de soie retorse ou 1900 fils de soie simple.

Cette première corporation de drapiers avait sans doute disparu depuis longtemps quand, vers 1470, Louis XI appela, de Grèce et d’Italie, divers artisans habitués à travailler la soie en installa à Tours, où ils furent placés sous l’autorité de Guillaume Briçonnet, secrétaire des finances. Dix ans après, le 23 décembre 1480, des lettres patentes leur accordèrent exemption pleine et entière de tout impôt. Charles VIII leur confirma ce privilège en 1497 ; l’ordonnance qu’il rendit à cette occasion fixe à cinq ans le temps de service des apprentis, afin qu’ils arrivent à « parfaitement savoir besongner de l’un des quatre bons draps, c’est assavoir satin, damas, veloux et drap d’or ».

Cette seconde tentative échoua comme celle qu’avait inaugurée le treizième siècle ; elle fut ruinée par les édits somptuaires, par les guerres civiles, de sorte qu’au seizième siècle, aucune industrie de ce genre ne semble exister en France.

Henri IV eut la gloire de ranimer, de recréer plutôt, cette industrie. Malgré l’opposition du clergé et celle de l’austère Sully , il fit venir d’Italie des ouvriers renommés par leur habileté et les logea, en 1603, rue de la. Tixeranderie dans le vieil hôtel d’Anjou, dit alors hôtel de la Macque (Jaillot, quartier de la Grève). Ils firent là, écrit Palma Caget « des pièces excellentes en rehaulsement de fils d’or et d’argent, draps d’or et d’argent, toiles d’or et d’argent, d’or frisé de toutes les façons, avec une naïfveté tant des estoffes que des estoffures, tellement qu’aux damas figurés, satins et autres ouvrages, il sembleroit que les couleurs qui y esclatent sont toutes choses naturellement procrées, tant est l’industrie naïfve et subtile de leurs tissus ».

Cette manufacture fut ensuite transportée dans ce qui restait des bâtiments du vieil hôtel des Tournelles, dont la démolition, ordonnée en 1565, n’était pas encore achevée. C’est là que l’on mit en œuvre pour la première fois les soies obtenues dans les magnaneries établies par le roi. Mais les ouvriers s’y trouvèrent bientôt à l’étroit, il fallait construire, et cette nécessité donna à Henri IV l’idée de la place Royale, qui fut élevée, comme on sait, sur les jardins de l’hôtel des Tournelles.

En 1606, on fabriquait des velours à Lyon, des satins et des damas à Troyes, des crêpes à Nantes, et d’immenses et luxueux locaux abritaient la corporation de Paris. Isaac de Laffémas pouvait citer avec fierté « ces orgueilleux bastimens de la place Royale, dont le front menace de ruyne les estrangers qui vivo’ ient de nos dépouilles, et dont la seule baterie des mestiers que nos Francoys y ont montez fait peur à tout un pays ». Les lettres patentes. qui avaient fondé ce bel établissement sont datées de 1603. Ses premiers administrateurs furent anoblis, sous la condition qu’ils dirigeraient les travaux pendant douze ans.

Après le même laps de temps, tous les. ouvriers employés dans la maison devaient recevoir gratuitement des lettres de maîtrise.

A l’issue des douze années fixées pour l’expérience, les ouvriers se virent donc constitués en communauté (juillet 1615), et leurs statuts furent enregistrés. La durée de l’apprentissage, désormais réduite à quatre ans, fut suivie de trois ans de compagnonnage. Chaque maître put avoir à la fois jusqu’à trois apprentis. Les fils de maître furent exempts du compagnonnage et du chef-d’œuvre. Le compagnon épousant une . fille de maître était dispensé du chef-d’œuvre seulement. Trois jurés furent élus pour administrer la nouvelle corporation.

Celle-ci eut, en effet, d’incessants démêlés avec la communauté des tissutiers-rubaniers. Une transaction, signée en mai 1644 et confirmée en février 1648, intervint, qui réunit les deux corps d’état en un seul ; les tissutiers restant, d’ailleurs, soumis à leurs statuts de 1585 et les drapiers de soie à ceux de 1615.

La manufacture de la place Royale avait décliné peu à. peu, ainsi que bien d’autres, après la mort de Henri IV ; il n’en resta bientôt plus, dit très bien M. Francisque Michel, que la leçon d’une expérience chèrement acquise et un exemple à suivre.

Heureusement Colbert arriva. Il reprit la grande œuvre due à l’initiative de Henri IV, et rétablit l’ancienne manufacture. En même temps, il sépara les deux corporations rivales, et leur donna de nouveaux statuts (avril 1664 et juillet 1667). Les tissutiers-rubaniers furent désignés sous le nom d’ouvriers de la petite navette et ne durent pas fabriquer d’étoffe dépassant en largeur un tiers d’aune. Les drapiers de soie, dits ouvriers de la grande navette, pour les distinguer. des précédents, eurent le droit de faire des tissus aussi larges qu’ils voulaient, et les statuts de 1667 leur donnent officiellement le titre de maistres et marchands ouvriers en draps d’or, d’argent et de soye et autres étoffes meslangées. Chaque maître ne put avoir à la fois qu’un seul apprenti. L’apprentissage fut fixé à cinq ans et le compagnonnage à trois ans. Le chef-d’œuvre dut être « fait sur l’un des quatre draps cy-après nommez, sçavoir : sur le velours plein, le satin plein, le damas et le brocard d’or et d’argent ». Six jurés administrèrent la corporation, et deux autres, choisis parmi les anciens jurés, surveillèrent les jurés en charge, La communauté était placée sous le patronage de saint Louis.

Le nombre des maîtres, qui était de 318 en 1725 paraît avoir peu varié jusqu’à la Révolution.


Le commerce de la soie


L’extrême Orient et l’Égypte, l’Italie, surtout Lucques, Venise, Florence, Bologne, Gênes fournirent pendant longtemps à la France les étoffes de soie que les classes riches recherchaient avidement. L’importation devait en être considérable, puisque, dès le treizième siècle, la vente et l’emploi de la soie occupaient à Paris plusieurs corps d’état, dont les plus importants étaient :

  • I. Les fileuses de soie. Elles dévidaient, filaient, doublaient et retordaient la soie.
  • II. Les laceurs de soie. Ils faisaient des lacets, des cordons, des rubans destinés à flotter sur les harnais, à fixer les sceaux de cire sur les chartes. Dès la fin du siècle, ils changent de nom et deviennent dorelotiers.
  • III. Les crépiniers. Ils faisaient, à l’aiguille et au métier, des passementeries, des franges, des baldaquins.
  • IV. Les tisserandes de soie. Elles tissaient, avec la soie et l’or, des ceintures, des étoles, etc.
  • V. Les chapelières de soie, alors appelées tesserandes de queuvrechiers, qui confectionnaient surtout des voiles pour les daines.
  • VI. Les drapiers de soie. Ils s’efforçaient d’imiter les précieux tissus que nous envoyait l’Orient.
  • VIL Les merciers, vendeurs de soie.

A travers mille dangers, ils allaient chercher au loin les drogues rares, les métaux, les parfums, les riches étoffes. Les merciers sont, à cette époque, les vrais marchands de soie.

La première manufacture royale de soieries qu’ait eue la France fut créée à Lyon par Louis XI, le 23 novembre 1466. Il en fonda une seconde à Tours en 1470. Mais les guerres civiles, les édits somptuaires entravèrent l’essor de ces établissements ; et, en 1582, quand Catherine de Médicis voulut ouvrir à Orléans de nouveaux ateliers, l’achat des soies qui devaient suppléer à l’insuffisance de la production française faisait sortir chaque année du royaume près de quatre millions.

Henri IV résolut d’arrêter, de diminuer tout au moins, cette exportation de numéraire. Malgré l’opposition du clergé, celle même de l’austère Sully, il fit, en 1596, border de mûriers quelques allées du jardin des Tuileries. Sully nous a conservé le souvenir de la très curieuse conversation qu’un peu plus tard il eut à ce sujet avec le roi. Celui-ci va, un jour, le trouver à l’Arsenal et lui reproche d’entraver ses desseins. Sully lui objecte que « chaque pays a été doué par Dieu pour certaines industries. La France n’a pointe le climat, la situation, l’eslévation, le soleil, la température, la qualité de terroir favorables aux vers à soie ». Et puis, il faut repousser tout ce qui peut contribuer à « jeter les peuples dans la luxe, la volupté, la fainéantise et l’excessive despence, qui ont toujours esté les principales causes de la ruyne des royaumes ». Il est facile d’éviter ce danger. Et cela, « sans aucun détriment pour qui que ce puisse entre, en défendant toutes somptuositez et superfluitez, en réduisant toutes personnes de toutes qualitez, tant hommes que femmes et enfans, pour ce qui regarde les vestemens, ameublernens, bastimens, etc. » Les bourgeois, les gens de justice, police, finances, escritoire, etc. qui aujourd’hui font assaut de somptuosité avec la noblesse, n’avaient jadis « que de fort médiocres logis sans ardoises, briques, lambris, dorures ny paintures, ne portaient point de plus riches estoffes de soye que du taffetas ; n’avaient ny tapisseries de prix, ny lits de soye, ny vaisselle d’argent, ny mesme d’assiettes ; ne donnaient que fort petit mariage à leurs enfans, et ne traitaient leurs parons et amis que chacun d’iceux n’apportast sa pièce sur table…. Par l’excez desquelles choses, il se consume maintenant dix fois plus d’or et d’argent que tout ce que l’on fait tant éclater du transport d’iceux pour les manufactures d’estranges pays ». Mais Henri, bien qu’il ne se montre guère ici meilleur économiste que son ministre, ne se laisse pas du tout convaincre : « Sont-ce là, répond-il à Sully, les bonnes raisons et beaux expédiens que vous me deviez alléguer? Ho ! que les miennes sont meilleures, qui sont, en effet, que je veux faire les expériences des propositions que l’on m’a faites. J’aimerais mieux combattre le roy d’Espagne en trois batailles rangées que tous ces gens de police, de justice, de finances, d’escritoire, et surtout leurs femmes et filles, que vous me jetteriez sur les bras par tant de bizarres reiglemens, que je suis d’avis de remettre à une autre saison ».

Le roi réussit au delà de toutes les espérances. Il interdit alors l’entrée en France des étoffes de soie fabriquées à l’étranger. Puis il ordonne de planter dans les Tuileries (sur la terrasse actuelle des Feuillants), dans le parc de Madrid, dans celui de Fontainebleau, vingt mille pieds de mûriers. L’année suivante, soixante mille autres pieds sont tirés du Languedoc ; treize commissaires parcourent le royaume, propageant la culture de l’arbre à soie, répandant à profusion les graines, fournissant même des œufs recueillis dans l’orangerie des Tuileries, transformée en magnanerie. En même temps, des ouvriers appelés d’Italie et une manufacture établie dans l’ancien palais des Tournelles mettaient en œuvre la soie obtenue par les magnaneries royales.

L’impulsion était donnée et elle se soutint jusqu’à la mort de Henri ; mais Louis XIII laissa anéantir son œuvre et il fallut le génie de Colbert pour la reconstituer. Enfin au début du dix-huitième siècle, la France en vint à exporter un produit qu’elle avait si longtemps tiré du dehors.

En 1710, Bon de Saint-Hilaire, président de la Chambre des comptes de Montpellier, avait proposé de tisser la soie des araignées. « Cette nouvelle soye, écrivait-il, ne le cède en rien à la beauté de la soye ordinaire ; elle prend aisé-ment toutes sortes de couleurs, et l’on en peut faire des étoffes… L’on ne doit pas craindre qu’elle ne soutienne toutes les secousses dés métiers, ayant résisté à celles des faiseurs de bas ». Bon soumit sa découverte à l’examen de l’Académie des sciences, et lui envoya comme spécimens des bas et des mitaines tissés avec de la soie d’araignée. Réaumur, nommé rapporteur, rédigea sur ce sujet un curieux mémoire où il conclut ainsi : « Il faudroit donc environ 55.296 araignées des plus grosses pour avoir’ une livre de soye, lesquelles araignées il auroit été nécessaire de nourrir séparément pendant plusieurs mois. D’où on voit combien il est à craindre que la soye qu’on en retireroit n’engagent à des dépenses peu proportionnées à sa valeur, puisqu’elle coûteroit vingt-quatre fois autant que celle des vers. »

Les efforts faits par Henri IV pour assurer l’acclimatation du mûrier n’avaient pas trouvé les Parisiens indifférents ; car nous voyons, dans les premières années du dix-septième siècle, deux rues de Paris changer leur nom en celui de rue du Mûrier. Ce sont : la rue Neuve-Saint-Martin, aujourd’hui réunie à la rue Notre-Dame de Nazareth, et la rue des Poules, aujourd’hui rue Laromiguière. Une rue du mûrier, située dans le quartier Saint-Victor, a été supprimée en 1852.


Drapiers-drapans


Titre que prenaient les fabricants de draps pour se distinguer des marchands drapiers. Les cardeurs se disaient également drapiers-drapans. Leurs statuts leur reconnaissent, en effet, le droit de fabriquer du drap, de le teindre même en « noir, musc et brun », et de le vendre, mais en gros seulement.

Les foulons, avec moins de raison, s’attribuaient le même titre.


Foulons

 

 

 

Foulon à drap en 1617

 

 

Au treizième siècle, Jean de Garlande décrit les multiples opérations auxquelles se livraient les foulons. Il les représente, nus et haletants, foulant le drap dans de la glaise unie à de l’eau chaude : « Fullones, nudi et sufflantes, fullant pannos laneos et pilosos in alveo concavo, in quo est argilla et aqua calida. » Ils le tendaient ensuite, pour le faire sécher, sur des rames ou poulies, puis le frottaient avec des chardons pour en tirer le poil : « Post haec desiccant pannos lotos contra solem in aëre sereno, quos ipsi radunt cum carduis multis et asperis sive cardonibus, ut sint vendibiliores ».

Une ordonnance nous apprend que, dès 1257, les foulons étaient constitués en corporation et administrés par quatre jurés, dont deux choisis parmi les maîtres et deux parmi les ouvriers. Une dizaine d’années après, ils soumirent à l’homologation du prévôt Étienne Boileau de nouveaux statuts (Titre L III), et ceux-ci sont les plus instructifs de tous ceux que renferme le Livre des métiers, ceux qui peignent le mieux l’organisation du travail à cette époque.

Le métier était libre : « Quiconque veut estre foulons à Paris, estre le puet franchement sanz achater le métier du Roy ».

En dehors de ses enfants et de ses frères, des enfants et des frères de sa femme, chaque maître ne pouvait avoir en même temps que deux apprentis.

On ne devait accepter pour apprenti ou pour ouvrier aucun « houlier ( débauché), ne larron, ne murtrier, ne bani de ville pour vilain cas ». L’ouvrier était tenu d’avoir un vêtement convenable, qui valût au moins douze deniers, « ne nul vallet s’il n’a douze denrées de robe au mains ».

Les heures de travail étaient scrupuleusement réglées. Les ouvriers gagnaient l’atelier au point du jour ; ils y déjeunaient « à l’heure de prime (six heures du matin)», et ils s’en allaient dîner où ils voulaient. Mais, sous peine d’une amende de douze deniers, ils devaient revenir le plus tôt possible, sans tumulte et sans s’attendre les uns les autres. Le travail cessait à six heures du soir en hiver, « au premier cop (coup) de vespres à Nostre-Dame, en charnage », et à neuf heures en été, « et en quaresme au premier cop de complie ». Le samedi, les ouvriers quittaient l’atelier à trois heures, « au premier cop de none à Nostre-Dame ». La veille des grandes fêtes, de la Saint-Pierre, de la Saint-Laurent, de la Pentecôte et de l’Assomption, ils étaient libres dès huit heures du matin.

Les ouvriers se louaient à la journée, au mois ou à l’année. Ceux qui voulaient se faire embaucher pour l’année se réunissaient au lever du soleil, à la maison de l’Aigle, près de la porte Baudoyer, où aboutissait la rue Saint-Antoine, alors rue de l’Aigle. Ceux qui préféraient être loués à la journée se rassemblaient à la maison de la Converse, située au chevet de l’église Saint-Gervais, et ils attendaient là les propositions des maîtres.

La corporation était dirigée et administrée par quatre jurés, deux pris parmi les maîtres et deux parmi les ouvriers. C’étaient les ouvriers qui choisissaient les deux maîtres et les maîtres qui choisissaient les deux ouvriers. Le prévôt de Paris les nommait sur ces présentations, et leur faisait prêter serment.

Les maîtres foulons déclarent en terminant que, dans l’origine, ils étaient dispensés de faire le service du guet ; mais que « madame la roine Blanche (Blanche de Castille, régente durant la minorité de saint Louis et durant la croisade) qui Dieu absoille (absolve), les fist gueitier par sa volenté ».

M. Fagniez a publié d’autres statuts, qui doivent être à peu près contemporains de ceux qu’on vient d’analyser, et qui s’appliquaient aux foulons du bourg Sainte-Geneviève. Chez ceux-ci, l’apprentissage durait trois ans. Ils ne pouvaient avoir, outre leur fils, qu’un seul apprenti. Le travail à la lumière était interdit. Les ouvriers devaient se rendre au travail dès le point du jour, « dès ce que l’en pourra homme congnoistre en une rue ». Deux jurés, un maître et un ouvrier, administraient la communauté. Lorsqu’un maître ou un ouvrier se mariaient, chaque juré recevait de l’époux une paire de gants neufs. Au décès d’un maître ou d’un ouvrier, la famille du défunt remettait aux jurés « les meilleures chausses et les meilleurs solliers (souliers) qu’il eust ». On ne comptait que 24 maîtres en 1292 et 83 en 1300 .

En 1277, les ouvriers obtinrent de ne plus travailler que « jusques à soleil couchant ». Ils avaient représenté au prévôt de Paris que « les maîtres les tenoient trop tard de leurs vesprées », et qu’ils risquaient d’être assassinés en rentrant chez eux.

Les foulons, qui paraissent avoir eu toujours un grand amour pour la réglementation, firent renouveler leurs statuts dès 1443.

On ne relèvera dans ceux-ci que les modifications apportées aux précédents. Tout ouvrier foulon qui voulait s’établir devait payer soixante sous à la confrérie, somme réduite à vingt sous pour les fils de maître. L’exception concernant les apprentis appartenant à la famille n’existe plus que pour le fils ou le frère du maître. Tout apprenti, avant d’être admis dans l’atelier, doit jurer « qu’il servira son maistre bien et loyalement, et gardera les ordonnances faictes sur ledit mestier ». La valeur du vêtement exigé de tout ouvrier est portée à quatre sous.

La journée de travail commence à cinq heures en été et à six heures en hiver, et finit à sept heures en été et à cinq heures en hiver.

Il n’est plus question, pour lieu d’embauchage, que de « la place des foulons devant Saint Gervais, comme accoustumé a esté et est de tous tems ».

Le travail à la lumière est interdit.

L’association de deux maîtres est formellement défendue.

Les foulons ont le droit de tisser toute espèce de drap.

Ces statuts furent souscrits le 18 mai 1443 par les 13 maîtres et les 14 ouvriers foulons exerçant à Paris.

Ils furent encore révisés le 24 juin 1467, puis confirmés sans changement en février 1606 et en mars 1730 : cette dernière confirmation coûta trois cents livres à la communauté. Le nombre des maîtres était alors de 18 environ et ne paraît pas avoir beaucoup varié depuis.

L’édit de 1776 réunit les foulons aux tondeurs de draps et aux teinturiers.

On ne sait quel était le patron des foulons, hésitant entre saint Paul, puisqu’ils prétendaient avoir fait construire une église placée sous ce vocable, et le Saint-Sacrement qui parait indirectement désigné dans certains articles de leurs statuts.

Le nom de ruelle aux Foulons, a été porté par une petite rue située aux environs de la rue de la Mortellerie. Il faut évidemment voir dans ce nom un souvenir du lieu où se réunissaient jadis les foulons sans travail. L’église Saint-Servais communiquait par la petite rue de Longpont avec la rue de la Mortellerie, et la place Baudoyer n’était séparée de Saint-Gervais que par un cimetière.

Les foulons se qualifiaient officiellement de foulons-aplaigneurs-époutilleurs de drap-drapiers drapans-peigneurs-cardeurs-arçonneurs. On les trouve encore nommés fouleurs, foulonniers, mouliniers, etc.

Chez les bonnetiers, le mot foulon est donné aussi aux ouvriers qui foulaient et apprêtaient les bas, les bonnets, etc. On dit aussi rouleurs. L’ordonnance des Bannières (1461) réunit aux bonnetiers les foulons de bonnets.

On a aussi les foulons ou reniqueurs, corporation différente de celle des foulons de drap. Leur travail consistait à fouler avec les pieds les étoffes fines, pour obtenir le dégorgement de l’empois, de la colle et même parfois de la teinture.

 

Statuts des foulons vers 1268


I – Quiconques veut estre foulons à Paris, estre le guet franchement sanz achater le mestier du Roy.

II – Li mestres foulons ne puet avoir que deux aprantis, se ne sont leur filz et leur freres, nés de loial mariage.

III – Li aprantis, li uns ou li doi (deux), doivent faire et pueent (peuvent) toutes les choses du mestier que li mestres leur conmandera.

IV – Li mestres foulons pueent aprendre leur mestier aus enfans leur fames et a leur freres, nez de loial mariage, et avoir les avec leur aprentis, ausi bien corne leur propres enfans ou leur freres.

V – Se li mestre muert, sa fame puet tenir le mestier et les aprentis en la maniere desus devisée franchement ; et avec les ii aprentis, les enfans de son seigneur et ses freres, nés de loial mariage.

VI – Se fame veve (veuve) tenent le mestier des foulons devant dit se remarie a home qui ne soit du mestier devant dit, ele ne puet pas tenir le mestier ; et se ele se marie a home qui du mestier soit, soit a aprantis ou a vallet, tenir le puet franchement.

VII – Nus foulons ne puet ne ne doit metre en oevre nul vallet ne nul. aprentis houlier (débauché), ne larron, ne murtrier, ne bani de vile pour vilain cas, ne nul vallet s’il n’a xu denrées de robe au mains. Et se li vallet savaient que en leur conpaignie eust aucune des persanes devant dites, il le devraient faire savoir au mestre tantost que il le sauraient ; et se il ne le feisoient, chascun vallet qui le saurait l’amenderait de 10 sols de parisis au Roy ; et se il le fesoient savoir a leur mestre, et se le mestre le fesoit puis ouvrer, il amenderait de xr, sols au Roy, se li devant diz maufeiteur est pris ouvrant (travaillant) en l’ouvroir au mestre ; et s’il n’i estait prins ouvrant, mestres ne pairoit pas les 40 sols.

VIII – Li vallet commandé a année (engagé à l’année) sont tenu d’aler en I’oevre de leur mestres a l’eure et au point que li maçon et li charpantier vont en place pour eus alouer. Et se li vallès ne sont commandé, il doivent aler en la place jurée à l’Aigle ou quarrefour des Chans, pour eus alouer, se alouer se voelent, à l’eure et au point devant dite, se il n’i lessoient a aler par banie (Dès le treizième siècle, il y avait des endroits spéciaux où les ouvriers non engagés se rassemblaient pour attendre les propositions des patrons. Dans la suite, les ouvriers sans travail devaient s’adresser au bureau de leur corporation ; c’est là que siégeait le clerc chargé de tenir les écritures.).

IX – Li vallet doivent aler a la place devant dite sanz asamblée et sans banie, à l’eure devant dite.

X – Se aucun vallet fait contre cest establissement, il poiera 5 sols d’amende au Roy.

XI – Li vallet ont leurs vesprées : c’est a savoir, que cil qui sont loué a journée lessent oevre au premier cop de vespres Nostre-Dame, en charnage ; et en quaresme au premier cop de complie : et au samedi au premier cop de none de Nostre-Dame ; et à la nuit de l’Acension quant crieur portent vin ; et la veille de la Penthecoste, la veille S. Pierre après la S. Jehan, la veille de la S. Lorent et la veille de la mi aoust, si tost que li premier crieur de vin vont ; et la veille de Pasques si test come il oent (entendent) les sains soner.

XII – Se mestre a mestier de vallet a le vesprée devant dite, qui a cele journée ait ouvré a lui, aloer le puet sanz aler en place, se il se pueent concorder du pris ; et se il ne se pueent concorder, li vallès puet aler en la place au chevet S. Gervais, devant la meson la Converce. Et ileuc vont querre li mestre vallès quant il leur faillent a la vesprée ou aus autres eures du jour.

XIII – Nule fame ne puet ne ne doit metre main a drap, a chose qui apartiegne au mestier des foulons, devant que li dras soit tonduz.

XIV – Se li aprantis s’enfuit d’entour son mestre ains son terme, il ne puet ne ne doit metre la main au mestier, ne a son mestre ne a autre, devant qu’il li ait restoré le domage. Et se il i avait restoré le domage, ne pourrait il ouvrer come ouvrier devant qu’il aurait servi son mestre ou autrui xi ans au mains.

XV. Doi mestre du mestier ne pluseur ne pueent estre compaignon ensamble en un ostel (dans la même maison)

XVI – El mestier devant dit a 4 preudeshomes et loiaz, establi de par lou Roy, c’est a savoir 2 mestres et 2 vallès ;li quel 4 preud’ome doivent jurer seur sains par devant le prevost de Paris, que il le mestier devant dit garderont bien et loiaument ; et doivent jurer que, se aucun mesprant et mestier devant dit, qu’il le feront savoir au prevost de Paris.

XVII – Ces 4 mestres du mestier devant dit jurez doit on changier chascun an par 2 fois : c’est a savoir a la S. Jehan et au Noël.

XVIII – Quant li 4 juré du mestier devant dit, c’est a savoir li doi mestre et li doi vallès, ont parfait leur termine, il doivent venir au prevost de Paris et requerre que il mete 4 autres preudeshomes et loiaz en leur leu. Et li prevoz doit par le conseil des 2 mestres eslire 2 vallès, et par le conseil des 2 vallès eslire 2 mestres, se il samble au prevost de Paris que il le conseillent bien ; et lors faire jurer aus 4 preud’omes noveaus esleus les sermens devant diz, et lors doit il les quatre premiers esleus deporter de leur services.

XIX – Li vallet foulon se doivent desjeuner en charnage ciez leur mestres a l’eure de prime, s’il desjeuner se voelent ; et il pueent aler disner hors de l’ostel a leur mestres, ou il leur plaist, dedenz la vile de Paris ; et doivent venir après disner a l’oevre au plus tost, que il porront par reison, sanz banie es et sans attendre li uns l’autre a desmesure. Et quiconques fera encontre, il amendera au Roy en 12 den. toutes les fois que il en serra repris : des quex 12 den. li 4 juré qui le mestier gardent de par lou Roy aront 4 den. par la main du prevost de Paris, pour les couz et pour les mises (dépenses) que il font au mestier garder.

XX – Nus foulons ne puet ne ne doit parer drap qui ne soit parés bien et loiaument. Et se aucuns en estoit plaintif que son drap ne fust bien parez, li 4 juré doivent le drap regarder.; et se il treuvent que le dras soit mauparez, cil qui l’aura paré restorra le domage a celui qui le drap ert (sera) par le jugement aus 4 jurez, et si l’amendera de 5 sols de parisis : des quex 5 sols li mestre auront 12 den. pour les couz et pour les despens qu’il metent pour pourchacier les amendes.

XXI – Des amendes de 20 sols, li juré qui gardent le mestier auront 4 sols et de celes de 10 sols, 2 s., et de celes de 5 sols, 12 den., et de celes de 12 den. , 4 den. par 1a main du prevost de Paris, pour les mises et pour les despens qu’il font es amendes pourchacier.

XXII – Li preud’ome du mestier devant dit, dient qu’ils n’avoient onques guaitié (N’avaient été astreints au service du guet) fors puisque li Rois ala outre mer. ; mes madame la reine Blanche, qui Diex (Dieu) absoille, les fist gueitier par sa volenté (Livre des métiers, titre LM).







Les diverses formes de drap autrefois

 

Dans les textes d’ancien français consacrés à la draperie, soit dans les mémoires historiques relatifs à l’histoire de France, soit dans des documents techniques, on le désigne sous diverses formes. Qu’en était-il ?

Ci-dessous quelques notions de ces termes.


Termes antérieurs au dix-septième siècle


Draps adversins ou aversins : Ceux qui étaient à double face, sans envers

Draps camelins : Le camelin était une étoffe commune, sans envers, et dans laquelle il entrait beaucoup de poil de chèvre; mais on appliquait aussi ce nom aux draps de laine fauve sans teinture. Un des anciens commentateurs de Jean de Garlande dit qu’ils sont appelés « camelinos, a camelo, quia habent similem colorem camelo ». Il y avait cependant du camelin blanc et du camelin noir, comme le prouvent deux passages des « Comptes de l’argenterie » . On lit dans Joinville que saint Louis portait souvent un manteau de camelin, et dès le quatorzième siècle on en confectionna des chapeaux. L’expression camelin de bois, qui se rencontre assez fréquemment, indique du camelin destiné à faire des habits de chasse. Les camelins les plus estimés étaient ceux d’Amiens, de Cambrai et de Château-Landon.

Draps de cap et queue : ceux dont la pièce n’avait pas été entamée, qui possédaient encore leurs deux lisières.

Draps bien coiffés : ceux dont les lisières étaient très soignées, unies, de bonne largeur et de couleur agréable.

Draps diffamés : ceux qui avaient des défauts. L’on disait, par opposition, draps entiers ou marchands

Draps effondrés : ceux qui avaient été lainés trop à sec.

Draps épaulés : ceux qui avaient été tissés avec plus de soin aux lisières qu’au milieu de la pièce. Dans le Livre des métiers, titre L, art. 33 et 34, il est dit :« Draps espaulés, c’est à. savoir draps desquels la chayne ne fust aussi bonne en, milieu comme aux lisières ». Le drap épaulé, saisi par les jurés, était porté au Châtelet où on le coupait en morceaux de cinq aunes chacun. Après que le tisserand coupable avait payé vingt sous d’amende, on lui rendait les morceaux, en lui faisant prêter serment de ne les pas réunir et de ne les vendre qu’après avoir prévenu l’acheteur.

Draps essellés ou esselletés : ceux qui avaient été catis au moyen de planchettes de bois. (catir = Donner du lustre et du corps à une étoffe en la soumettant à l’action d’une presse).

Draps essorillés : draps défectueux auxquels, pour les distinguer des autres, on avait enlevé les lisières.

Draps dits estanforts : Leur nom venait-il, comme le dit M. Scheler, « de là ville de Stanford, dans le Linconshire, qui jouissait déjà d’une grande réputation pour ses manufactures de drap ? » J’en doute, et je pense qu’il vaut mieux chercher l’étymologie de ce terme (estame fort) dans le mot estame ou estain ( du latin stamen), qui désignait la laine peignée et tordue dont était formée la chaîne du drap.

Draps évidés : draps de mauvaise qualité, « creux et lâches ».

Draps faux ou faux draps : ceux qui dépassaient la lisière.

Draps gachiers ou gachets : draps communs dans lesquels entraient toutes sortes de laines.

Draps de graine : draps teints avec la graine d’écarlate ou kermés.

Draps d’iraingne ou d’iraigne : draps très légers comme l’indique ce nom d’iraigne; par lequel on les comparait à une toile d’araignée. Dès le quatorzième siècle, on trouve des iraignes de Rouen, de Neufchâtel, etc.

Draps jaglolès , sans doute draps irisés : mot jagliaus qui signifiait fleurs de glaïeul, d’iris.

Draps maufumiers ou manfroniers : draps de qualité inférieure, dont Louviers et Tours avaient la spécialité.

Draps nays, nayfs ou naifs : draps ordinairement rayés, dont la chaîne et la trame étaient de même qualité. « L’en apele drap nayf, à Paris, le drap duquel la chaane et tisture est tout d’un : ». dit le Livre des métiers titre L art. 25.

Draps plains : les draps unis, par opposition aux draps rayés.

Draps seizains : ceux de seize cents fils de chaîne. Les tisseurs allaient jusqu’à quatre mille fils

par gradation de deux cents fils, et les draps étaient dits :

  • Dix-huitains.
  • Vingtains.
  • Vingt-deuxains
  • Vingt-quatrains
  • Vingt-sixains
  • Vingt-huitains
  • Trentains.
  • Trente-deuxains.
  • Trente- quatrains
  • Trente-sixains
  • Trente-huitains
  • Quarantain
  • etc., etc., etc …

Draps tribolés ou triblés : draps de couleurs. Peut-être aussi draps brouillés mélangées. Du latin tribulare.

Mais, durant cette période, les drapiers fabriquaient, outre les draps, une foule d’étoffes, de laine dont les noms figurent sans cesse dans récits de nos chroniqueurs. Je citerai parmi eux:

La biffe, drap léger souvent rayé en travers. On trouve déjà mentionnées en 1293 des .« biffes royées de Prouvins »

Le bouracan, c’est une étoffe velue, dont les plus grossières qualités servaient à faire des couvertures pour les lits. Il se fabriquait à Paris peu de bouracan ; Lille, Rouen, Abbeville et Amiens en eurent pendant longtemps le monopole. — On trouve aussi barraccan.

La brunette, tissu très fin et de sombre. Le roi Jean II, aux obsèques de son père, était vêtu de brunette. On citait les brunettes de Douai, de Commercy, de Malines, de Bruxelles, etc. «  Et pour un blanchet (Camisole fort en vogue au quatorzième siècle), Guillemette,. Me fault trois quartiers de brunette, dit Patelin .

Le brussequin, drap de qualité inférieure et presque toujours de couleur brun foncé. On a cependant rencontré des brussequins roses.

Le bureau ou burel, tissu de laine très grossière, dont Villon a dit : « Mieulx vault vivre soubz gros bureaux pauvre, qu’avoir esté seigneur et pourrir soubz riches tumbeaux » . Le bureau n’avait pas pour seul usage de vêtir les pauvres. On l’employait aussi pour recouvrir les tables, et c’est de là qu’est venu notre mot bureau, qui désigna tout à la fois le tissu servant le plus souvent à couvrir un bureau et le meuble lui-même. On lit dans un compte de 1464: « Trois aulnes de drap vert, pour faire ung bureau à mettre sur la table en la chambre du Roy ». Rabelais cite le « gros bureau d’Auvergne » mais au dix huitième siècle, cette étoffe se fabriquait presque exclusivement en Normandie.

Les cadis, gros draps en laine non peignée. Les plus estimés étaient fabriqués dans le Languedoc.

Les droguets : étoffe de laine, originaire de Drogheda Irlande), et qui fut surtout en vogue sous le règne de Louis XIV . La Normandie, la Champagne, le Languedoc en produisaient beaucoup et de qualités très variées, tout laine, demi-fil, demi-laine, croisé, etc. On faisait aussi des droguets de soie, et même mélangés d’or et d’argent.

L’étamine: C’était une étoffe de laine ou de soie, très légère et non croisée. Elle était connue dès le onzième siècle, et l’on sait qu’au quatorzième on s’en servait pour passer des liqueurs, pour essuyer les à boire, et aussi pour faire des chemises. On l’employa beaucoup plus tard à confectionner les robes des avocats, les voiles des religieuses et des vêtements de deuil. Il s’en fabriquait dans toute la France.

Le galabrun, galebrun ou isembrun : variété de tiretaines ; les religieuses de l’Hôtel-Dieu en portaient ; mais saint Bernard, plus austère, en défendit l’usage à ses moines : « Nullus fratrum nostrorum pannis qui dicuntur galabruni vel isembruni vestiatur (Aucun de nos frères ne devrait porter des vêtements appelés chamois ou marron).». Le galabrun est mentionné dans le Livre des métiers, qui le qualifie de « drap ourdi ».

La limestre : était une sorte de serge, qui se fabriquait surtout à Rouen et à Darnetal. « De la toyson de ces moutons, dit Dindenault à Panurge, seront faictz les fins draps de Rouen ; les louschets des balles de limestre, au prix d’elle, ne sont que bourre ». Il semble que ce tissu ne fut pas moins estimé au siècle suivant, car Mathurin Régnier écrit dans sa treizième satire : « Combien de femmes, pour avoir mis leur honneur en séquestre, ont-elles en velours eschangé leur limestre : »

Drap de seigneur ou de sire : étoffe très fine, employée principalement pour les vêtements des ecclésiastiques et des gens de robe. Elle se fabriquait surtout à Reims.

La serge : Tissu d’armure sergé généralement en laine, sec et serré en fonction du fil et étoffe présentant de fines côtes obliques. Au moyen âge, les serges étaient, en général vertes ou rouges. On en faisait surtout des rideaux, des portières, des couvertures de lit. Paris produisait très peu de ces étoffes, dont la fabrication occupait, dans toute la France, une multitude d’ouvriers. Dieppe, Fécamp et Rouen au seizième siècle, puis Saint-Lô, Falaise, Vendôme, Dreux, Orléans, Troyes, Caen, Condé, Abbeville, Gournay, Reims, Sedan, Mézières, Nantes, Amiens, Chartres, Ypres, Aumale, Crevecoeur, Nîmes, Uzès, etc. possédaient des manufactures de serges, dont la qualité et la dimension étaient fixées par des arrêts et des règlements particuliers. On nommait serge de seigneur ou de sire une serge très fine, souvent employée pour les vêtements des ecclésiastiques et des gens de robe.Beaucoup de sergiers étaient en même temps tiretainiers. Ils ont été nommés aussi sargiers et sergetiers, la fabrique était dite sergerie.

La tiretaine : étoffe grossière d’autrefois faite de laine mélangée de lin, de coton. Étoffe très répandue au treizième siècle,et qui venait surtout de Douai. On en fabriquait aussi à Paris, car la taille de 1292 fournit les noms de quatre tiretainiers. Joinville nous apprend que saint Louis porta un habit de tiretaine. Suivant M. Francisque Michel, la tiretaine était alors classée parmi les étoffes les plus précieuses. Son assertion est démentie par ces deux vers du Dit du Lendit: « La tiretaine dont simple gent sont revestus, de pou d’argent. » Mais, comme d’un autre côté, on trouve que les reines Clémence de Hongrie (Femme de Louis le Hutin) et Jeanne de Bourgogne (Femme de Philippe de Valois) portaient des robes de tiretaine, il faut bien admettre qu’il existait plusieurs variétés de ce tissu. « Nos tiretaines d’aujourd’hui, écrit Savary, ne passent guères le prix de 45 sols l’aune, et encore faut-il qu’elles soient toutes de laine et des plus fines ». Les fabricants étaient dits aussi tiretiers.

La tripe ou trippe : sorte de velours de laine, qui se fabriquait au métier, comme le velours et la pluche ; à l’endroit, le poil était tout de laine , la tissure à l’envers était entièrement de fils de chanvre. Il est probable que cette étoffe, très employée au quinzième siècle, était originaire de Tripoli ; au dix-huitième siècle, elle se fabriquait surtout en Flandre, à Lille, à Orchies, à Tournai. Il y en avait de rayée, même de gaufrée, et on la teignait en toute couleur.


Termes aux dix-septième et dix-huitième siècles


Draps abouchouchous : Draps destinés à l’exportation, et qui étaient fabriqués surtout dans le Languedoc. Plusieurs des manufactures créées dans cette province eurent pour origine l’expulsion des Maures d’Espagne au dix-septième siècle. L’édit rendu par Philippe III est de janvier 1610. Près d’un million d’hommes, une élite de travailleurs, abandonnèrent la péninsule, et ils y laissèrent un vide que les siècles n’ont pu combler. L’édit de 1610 fut aussi funeste à l’Espagne que le fut, soixante-quinze ans plus tard à la France, la révocation de l’édit de Nantes.

Draps billards : Draps très larges, employés presque exclusivement pour recouvrir les billards. Ils provenaient surtout d’Elbeuf, de Châteauroux, de Romorantin, etc.

Calamande : étoffe très lustrée dont on faisait surtout des jupons et des robes de chambre. On en consommait beaucoup en Flandre, et les centres de fabrication étaient Lille, Tourcoing, Roubaix, etc.

Cariset, creseau ou carisi : étoffe de laine croisée, qui ne se fabriquait guère qu’en Angleterre, mais dont d’immenses quantités entraient en France. Dans L’avocat Patelin de Brueys, c’est à ce tissu que Guillaume fait allusion quand il reproche à Agnelet de lui avoir tué un mouton dont la laine produisait « des draps d’Angleterre ». La drapière du Bourgeois poli offre aussi à une cliente « de beau carizi d’Angleterre ».

Draps chats : draps « fabriquez avec les restes des chaînes et des trames des draps de couleur ». Ordinairement la chaîne était blanche.

Corda : sorte de grosse serge dont on ne faisait que des vêtements communs. On l’a souvent confondu avec le pinchina.

Dauphine : sorte de droguet, non croisé et très léger, qui servait à faire des habits d’été. Savary écrivait en 1723 : « Plusieurs prétendent que cette étoffe a pris le nom de dauphine, de ce qu’un Dauphin de France en a porté des premiers. Quelques autres veulent que ce soit parce que l’origine de sa fabrique vient de quelque endroit de la province de Dauphiné ; et d’autres disent que c’est à cause d’un ouvrier dauphinois qui le premier en a trouvé l’invention à Reims. Quoi qu’il en soit, il est certain que cette étoffe n’est pas d’une ancienne fabrique et que la mode en est assez moderne ».

Espagnolette : espèce de droguet, dont l’Espagne eut pendant longtemps la spécialité. Au dix-huitième siècle, on en fabriquait à Rouen, à Darnetal, à Châlons-sur-Marne, à Beauvais, etc.

Flanelle : étoffe douce et légère, de laine peignée ou cardée, à tissage assez lâche. Les villes qui en produisaient le plus étaient Reims, Castres et Rouen. Mais, jusqu’à la fin du dix-septième siècle, on rechercha surtout les flanelles anglaises. Racine écrivait à son fils le 17 novembre 1698 : « J’ai dit à M. de Bonac que vous me ferez plaisir de m’apporter de bonne flanelle, vraie Angleterre, de quoi me faire deux camisoles ».

Londres et londrins : Draps imités de tissus anglais, et qui étaient destinés à l’exportation. « Il y a toute apparence que ces sortes de draps ont pris leur nom de la ville de Londres, les Anglois ayant été longtemps avant les François en possession de faire le négoce de draperie en Levant ». Ces tissus ne se fabriquaient guère que dans le Languedoc, la Provence et le Dauphiné. Une qualité inférieure était dite londrins seconds ou demi-londrins.

Mahous : variétés des précédents. Ils avaient la même destination et venaient des mêmes provinces.

Molleton : étoffe de laine ou de coton gratté, chaud, doux et moelleux, ressemblant à une flanelle épaisse et que l’on utilise notamment pour doubler les vêtements.Étoffe très chaude et très molette, d’où il y a de l’apparence qu’elle a pris son nom. Presque exclusivement produits d’abord en Angleterre, le midi de la France finit par fabriquer de fort bons molletons ; on estimait surtout ceux de Sommières dans le Gard.

Pinchina : tissu non croisé, originaire d’Espagne. La première fabrique française fut fondée à Toulon, qui en conserva longtemps le monopole.

Ras : sorte de serge, croisée, unie et à poil ras. La plus ancienne manufacture de ras qu’ait eue la France fut créée en 1677, par un sieur Marcelin Charier, à Saint-Maur près de Paris. Cette industrie se vit ensuite représentée à Lyon et à Tours.

Ratine : drap dont les poils, tirés en dehors, étaient frisés de manière à former de petits grains. Dieppe, Beauvais, Caen, Sommières, Elbeuf en produisaient d’excellentes.

Revêche : variété de ratine, mais dans laquelle n’entrait que de la laine grossière. Amiens et Beauvais en conservèrent pendant longtemps la. spécialité. « Les revêches servent à doubler des habits, particulièrement ceux pour les troupes de S. M. très chrétienne. Les femmes en doublent des jupons pour l’hyver ; les miroitiers en mettent derrière leurs glaces pour en conserver l’étain ; les coffretiers-malletiers en garnissent le dedans des coffres propres pour la vaisselle d’argent, et les gainiers s’en sentent à doubler certains étuis »

Sommière : serge croisée et très chaude. Elle avait pris son nom de la ville de Sommières, dans le Gard, mais Beauvais en produisait aussi beaucoup.

Draps dusseau, d’usseau, du seau ou du sceau : laquelle de ces quatre formes doit prévaloir, chacune d’elles a eu ses partisans, mais il semble établi aujourd’hui qu’il faut écrire drap du sceau, et que cette expression désignait un drap spécial, fabriqué à Rouen, et le plus beau que produisissent les manufactures de cette ville.


Sources :Dictionnaire historique des arts, métiers et professions exercés dans Paris depuis le treizième siècle par Alfred Franklin 1906.

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