LES CANAUX ET DIGUES DE CREST
Extrait de « Histoire et description des antiquités civiles, ecclésiastiques et militaires de la ville de Crest en Dauphiné » par Eugène Arnaud, édité à Grenoble en 1903
NB : Ce texte datant de 1903, les propriétaires mentionnés dans le texte ne sont plus d’actualité.
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CANAUX D’ARROSAGE
L’irrigation du sol est d’un grand secours pour l’agriculture qui, par elle, voit ses produits s’accroître considérablement. Les habitants de Crest, dont le territoire est partagé en deux sections presque égales par la Drôme, n’eurent garde de négliger cet agent puissant de fertilisation et se servirent de leurs canaux industriels pour arroser leurs terres. Mais nous avons hâte de le dire, aussi longtemps que leurs digues ne furent pas construites, ils ne purent retirer des eaux de la Drôme un grand profit agricole. Ainsi, le canal Villette, qui subsista de 1392 à 1542, longeait presque la rivière; celui de la Ville, qui date de 1520, s’en écartait davantage, mais les prés qu’il arrosait étaient exposés à tout instant à être recouverts de graviers, dévastés ou complètement détruits. Au sortir de la porte Aiguière, au couchant, ce canal se jetait immédiatement dans la Drôme. Celui de Joubernon se trouvait dans une situation identique, de même que celui de Soubeyran. C’est encore celui de la Ville de 1520 qui pouvait être le mieux utilisé pour l’arrosage, parce qu’une vaste plaine s’ouvrait devant lui au couchant au sortir de la porte Aiguière. Aussi est-ce de ce côté que les riverains et la ville portèrent tous leurs efforts.
Canal de la Ville
Le canal fut continué un peu avant 1519 depuis la porte Aiguière jusqu’aux quartiers de Crévecol et des Tattées (1) sur une longueur de 300 toises (583 m. 20). La ville et les habitants y avaient été incités, non seulement pour y établir de nouvelles fabriques et arroser leurs terres, mais encore pour faire droit aux plaintes perpétuelles des propriétaires de la basse ville, dont les maisons et les rues étaient fréquemment inondées par les eaux du canal, qui, n’ayant pas une étendue et une pente suffisantes et arrêtées par les graviers qui empêchaient leur libre sortie dans la Drôme à la porte Aiguière à la suite des débordements de cette rivière, ne cessaient de refluer dans les rues de cette basse ville et de déborder.
Nonobstant ce prolongement du canal les mêmes inconvénients ayant subsisté, la ville décida d’augmenter le tirant d’eau de son canal en le continuant au delà des quartiers de Crévecol et des Tattées. Elle s’entendit pour cela avec Charles Bret, procureur du roi en la sénéchaussée, qui possédait, dans ces mêmes quartiers des prairies et un grand jardin qui lui venaient sans doute d’Hélène Chapais, et pour lesquels il payait au Prince de Monaco, subrogé du roi, depuis la cession de 1642, une cense de 3 civayers de blé, 1 sétier et 3 civayers d’orge, plus 36 pots de « vin pur et net. mesure de Crest », plus pour le droit d’arrosage 1 sol 9 deniers. Il fut convenu, par un acte du 9 juin 1657, que la ville ferait creuser à ses frais le nouveau canal, qui appartiendrait à Bret en toute propriété, moyennant une indemnité de 200 livres, payées par ce dernier; qu’elle y amènerait toute l’eau du moulin du Marché et tiendrait la partie du canal qui traversait la ville en bon état de repurgement. Bret ferait de même pour le canal extérieur à partir de la porte Aiguière. Ce projet n’eut pas de suite et les choses demeurèrent dans le même état jusqu’en 1730, alors que les habitants de la ville adressèrent une requête à l’intendant du Dauphiné, tendant à ce que le dit canal fût prolongé dans le territoire de la commune. La ville y consentit, mais, comme elle n’avait pas des ressources suffisantes pour faire le travail, elle pria l’intendant de se charger des frais. En 1733 rien encore n’avait été fait. Il est nécessaire de dire que le canal continuait d’être mal repurgé, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la ville. Aussi s’exhalait-il des « odeurs putrides » qui occasionnaient des fièvres pernicieuses. D’autre part, l’embouchure du canal dans la Drôme était souvent obstruée par la surélévation des graviers de cette rivière. Enfin, le canal était et est encore d’un repurgement très difficile, parce qu’il est recouvert presque partout de voûtes surbaissées qui affleurent presque l’eau.
François Pons Laurent, baron de Saint-Michel, co-seigneur, haut justicier de la vicomté de Valerne en Provence, qui avait acquis les terres de Charles Bret et était subrogé à ses droits, fut sommé de nettoyer la partie du canal qui traversait son domaine ; mais il accueillit mal la sommation et, dans un moment d’humeur, proféra ces paroles : « Le conseil de la ville est composé de ving-quatre faquins », et autres propos mal sonnants de ce genre (9 novembre 1734).
Les choses menaçant de s’aggraver de toutes façons, le conseil communal pria, le 27 février 1738, Jean-Louis Sibeud, subdélégué de l’intendant au département de Crest et de Die, de faire une enquête sur l’état des lieux, à la suite de laquelle ce dernier décida : 1er qu’un nouveau canal serait exécuté en droite ligne du chemin de La Roquette (peut-être rue actuelle du Ballon) jusqu’à la petite maison que de Saint-Michel possédait au nord-est de sa propriété au coin de la route de Valence et du chemin de Crévecol et à travers ses terres ; 2e que, sur la demande des propriétaires en aval, c’est-à-dire au couchant, le canal serait prolongé jusqu’à la sortie des terres de Gaillard, tout près du ruisseau de Saleine, et de là à la Drôme.
La ville fit les frais de la première partie du projet, c’est-à-dire creusa le canal jusqu’à la petite maison susdite de Saint-Michel. Les propriétaires qui étaient en amont des terres de ce dernier donnèrent le terrain nécessaire au nouveau tracé du canal en échange de l’ancien lit et Saint-Michel toucha 2000 L d’indemnité. Quand le travail fut terminé, ce dernier qui, on l’a vu, avait l’humeur difficile, trouva que le canal était trop large et trop profond et qu’il lui prenait plus de terrain qu’il n’avait été convenu. Aussi réclama-t-il une indemnité de 5215 L, que la ville lui refusa. De là, procès. C’était le troisième qu’il faisait à la communauté pour le même objet. Un quatrième pourtant, mit un terme aux différends. Il fut convenu, par une transaction importante du 10 novembre 1753, que tous les procès précédents demeureraient éteints, que, moyennant 350 L que lui compterait la ville, Saint-Michel jouirait, comme ses prédécesseurs, du droit de prendre toute l’eau du moulin du marché, y compris l’eau du canal de Joubernon, comme aussi celle qu’il jugerait nécessaire de dériver en plus sur la rive droite de la Drôme au dessus du pont pour faire mouvoir les artifices qu’il voudrait établir ; qu’il serait propriétaire du canal nouvellement creusé, ainsi que du terrain qui lui servait de lit, mais que la ville pourrait toujours y faire passer toute son eau ; qu’il serait tenu de faire repurger son canal une fois par an, pendant que la ville ferait repurger le sien depuis la porte Aiguière jusqu’à la petite maison susnommée ; que de plus Saint-Michel aurait le droit de faire creuser un petit canal de décharge au chemin du Ballon (2), près de la porte Aiguière, mais s’interdirait de faire des retenues d’eau. D’autre part, la ville se réservait de faire conduire les deux tiers de l’eau de son canal jusqu’à Saleine en suivant le chemin royal, c’est-à-dire la route de Valence, de changer le dit canal de place, mais en indemnisant Saint-Michel, et de faire passer l’eau du moulin du marché par le canal de Joubernon en cas de pluies torrentielles (3). Dès l’année qui suivit cet accord, en 1754, il fut question de la prolongation du canal, non plus seulement jusqu’à Saleine, comme le portait l’acte précédent, mais jusqu’aux limites de la commune d’Eurre au delà de ce ruisseau. Le prince de Monaco, qui, subrogé aux droits du roi par les traités de Perpignan et de Péronne, possédait comme suzerain toutes les eaux de la ville et de son mandement, consentit, le 28 octobre 1755 « à titre d’albergement et emphytéose perpétuelle la faculté de continuer le canal » pour l’arrosage des terres jusqu’à Eurre. Ses lettres patentes, datées de Paris, furent enregistrées par le parlement de Grenoble le 10 novembre suivant. Les plans et devis de la construction avaient été confiés au sous-ingénieur Cavillon, qui les avait terminés avant le 24 octobre de l’année précédente, car c’est à cette date que le conseil communal les approuva.
Ce n’est pourtant que quatre ans après, le 30 avril 1759, que la ville, dont le manque de ressources explique les retards, décida de faire venir un géomètre pour tracer sur le terrain le nouveau canal Cavillon. Trois ans se passèrent encore dans l’inaction, quand l’intendant du Dauphiné, s’étant offert d’accorder à la ville tous les dégrèvements possibles pour qu’elle pût mettre la main à l’œuvre, celle-ci décida le 30 septembre 1762 que le canal serait conduit depuis la limite occidentale des terres de Saint-Michel jusqu’au Saleine en suivant le grand chemin (ou chemin de Valence) ; qu’on lui ferait traverser le ruisseau par un aqueduc jusqu’aux limites d’Eurre, toujours en suivant la route, et que de là, on le jetterait dans les graviers de la Drôme. Pour lui fournir une plus grande quantité d’eau, la ville décida aussi d’y introduire toute celle qui sortait des moulins du vi-sénéchal Jean de Richard et de Mlle de Barral, sa fille, au marché. L’ingénieur des ponts et chaussées Cavillon dressa les plan et devis des nouveaux travaux. Ils étaient prêts le 2 octobre 1763 et la ville le pria de « venir au plustôt pour en finir. » L’affaire durait depuis 9 ans. Le tracé de ce nouveau canal avait le grand avantage d’arroser 300 setérées de terrain, tandis que celui que la ville avait adopté le 24 octobre 1754 n’en arrosait que 30 à 40. Nous ne savons exactement ce qui advint, mais ce projet grandiose, qui donnait au canal un cours de 950 toises (1846 m. 80), ne fut jamais exécuté, faute de fonds sans doute. Les propriétaires qui continuèrent le canal à leurs frais, notamment Gailhard, au lieu de lui faire suivre la route de Valence jusqu’à Saleine et au delà jusqu’aux limites d’Eurre, le firent obliquer dans la direction du sud-ouest et finalement le jetèrent dans la Drôme près de l’embouchure de Saleine dans cette rivière.
Canal de Joubernon
Ce canal ne devait être qu’un déversoir de celui de la ville de 1520, dans le cas où des travaux de repurgement ou des réparations empêcheraient les eaux de ce dernier de passer par la ville. Mais ce qui n’était que provisoire, comme il arrive souvent, devint définitif et nous sommes porté à croire qu’une partie des eaux du moulin du Marché s’écoula toujours par le canal de décharge, malgré les conventions Bret de 1657 et de Saint-Michel de 1753, qui stipulaient le contraire. La cause en était à ce que toute l’eau du dit canal ne pouvait passer dans la partie qui’ traversait la ville à cause de son mauvais état de repurgement, lequel, du reste, était rendu bien difficile par la raison que nous avons indiquée plus haut.
Le canal de Joubernon, après avoir longé parallèlement les remparts pendant quelques mètres du levant au couchant, se rendait perpendiculairement à la Drôme dans la direction du midi. En 1682, le 12 avril, son cours fut modifié. On lui fit suivre complètement et parallèlement les remparts du levant au couchant, puis, à l’extrémité ouest du cours actuel de Joubernon, il longeait encore ces remparts qui faisaient là un coude, puis, arrivé à un second coude des mêmes, il se jetait perpendiculairement dans la Drôme, en longeant le chemin de hallage, qui desservait le port des radeaux de bois venant des montagnes de Die et qui allait directement de la porte de Joubernon à cette rivière. Les riverains s’étaient plaints, en effet, de ce que l’embouchure primitive du canal faisait hausser les graviers de la Drôme et provoquait l’inondation de leurs terres. Il est dit dans l’acte, passé à cette occasion, le 17 avril 1682, entre la ville et le sieur Pierre Richard, ancien capitaine au régiment d’Aiguebonne, « que pour mieux et plus promptement dégager dans la rivière les eaux sortant des moulins du Marché, il serait fait un nouveau canal bornant la prairie du dit sieur Richard pour lui servir de clôture du levant au couchant », puis du nord au midi. Le même acte cédait à ce dernier une partie de l’eau du canal, qui, par suite, soit de cette cession soit de la nouvelle direction de l’eau, devint un canal d’arrosage, qui permettait à Richard d’irriguer toute sa prairie, laquelle avait une grande étendue.
La ville profita de ce changement pour faire deux améliorations importantes au quartier. Elle acheta à Richard la langue de terre qui existait entre son canal et les remparts de Joubernon au midi pour en faire un chemin fort utile, qui mit en communication les portes du Marché et de Joubernon, et construisit un mur sur le bord du dit canal pour prévenir les accidents. D’autre part, grâce au terrain que lui vendit encore Richard, elle ouvrit ou élargit le chemin de hallage, dont nous avons parlé plus haut et auquel elle donna une largeur de 3 cannes (6 m. 69). Ce chemin est devenu la rue de Joubernon.
Le cours du canal de Joubernon de 1682 fut encore modifié au 18e siècle. Nous avons dit naguère qu’arrivé au second coude que faisait le rempart, et qui était à la hauteur du second portail en fer de l’école de filles, le canal se dirigeait perpendiculairement vers la Drôme. Pour gagner un terrain, qu’il pouvait arroser, on lui fit suivre les remparts sud de la ville jusqu’au pont devant la maison Labretonnière (aujourd’hui Bruyère). Tel était son cours (4) en 1790, c’est-à-dire au moment de la Révolution.
Canal du Mas des Cordeliers
Le droit de ces derniers de dériver une partie du canal purement industriel de Soubeyran en amont des moulins « pour la conduire dans le pré et verger de leur couvent « situé, comme on sait, sur la rive gauche de la Drôme, non loin de la tête du pont, remontait au 5 juillet 1402, alors que le dernier des Poitiers, Louis II, leur céda les revenus de ses moulins de Soubeyran. Le 11 août 1625, les Cordeliers se plaignirent de ce que le propriétaire de cette époque, Guy de Passis, les troublait dans la jouissance de leurs droits. Ce canal, qui existe encore et prend sa naissance au-dessus de la maison d’habitation primitive de la famille Borrel, tombée aujourd’hui en quenouille à Crest, arrose les terres qui restent encore de l’ancien mas des Cordeliers et une partie de celles du mas de Masse panier ; puis se jette perpendiculairement dans le canal du mas de Mazorel, creusé depuis la Révolution, en passant entre les propriétés des hoirs Borrel et d’Hector Ferotin, qui sont limitrophes.
CANAUX DE L’INDUSTRIE, MOULINS ET FABRIQUES. (5)
Les canaux et l’industrie mécanique sont dans un rapport de cause à effet, car les premiers, avant la découverte de la vapeur, de l’électricité et du gaz, étaient les moteurs les plus ordinaires de la seconde. On ne saurait donc s’étonner que ces canaux entrent dans l’histoire des choses anciennes d’une ville qui, comme Crest, avait l’avantage de posséder une rivière, dont les eaux pouvaient être canalisées sur ses deux rives.
CANAUX ET MOULINS DE LA RIVE DROITE
Le premier canal construit à Crest sur la rive droite de la Drôme, au levant de la ville, ne parait pas devoir remonter au delà du 14 décembre 1392, alors que Louis II de Poitiers. le dernier des comtes de Valentinois et Diois, concéda à titre de fief à noble Jacques de Villette, dit Arbelet, « bâtard du dit lieu », moyennant 600 florins d’or, le droit de prendre de l’eau à la Drôme, en aval du ruisseau de la Lauzière et de construire des moulins, des gauchoirs (ou foulons) et autres artifices qu’il jugerait bon, Le comte se réservait toutefois de racheter ce droit dans 6 ans pour 700 florins d’or, et il en compta 200 à Villette pour l’hommage que ce dernier lui rendit à cette occasion. Quand les comtés de Valentinois et Diois devinrent la propriété du roi de France en 1419, un autre Villette, nommé Guillaume, rendit hommage à celui-ci « pour tout ce qu’il possédait à Crest, Chabrillan et Anconne ». La prise d’eau du canal de 1392 était à 200 toises (388 m. 80) des remparts du quartier du marché. De là, il pénétrait en ville par une ouverture pratiquée dans le rempart, tout près de l’angle de la rue des Moulins et du cours de Joubernon, maison Sallier et, traversant la cité en biais, du levant au couchant, faisait marcher le moulin à blé de Courcommère (6), situé au pied de la ruelle de ce nom, au commencement de la rue des Cuiréteries, et allait se jeter dans la Drôme à proximité de la porte Aiguière.
Cent quinze ans après la construction du canal Villette, le 23 février 1507, la ville de Crest, qui, dit-elle dans un document postérieur du 28 novembre 1620 cité plus bas, jouissait depuis longtemps du droit d’aliéner les eaux de la Drôme, au levant de Crest, près et au dessous du pont d’Aouste, rive droite, sollicita et obtint de Gaspard de Tournon, évêque de Valence et de Die et co-seigneur d’Aouste, la confirmation de ce droit et l’autorisation de traverser ses terres jusqu’au ruisseau de La Lauzière, qui en formait la limite au couchant.
Quand elle voulut commencer les travaux, elle fut arrêté par le procureur fiscal (ou ministère public) de la sénéchaussée sur la demande des propriétaires des moulins qui existaient à Crest à cette époque, savoir par Charles de Villette co-seigneur d’Eurre, qui descendait du Villette de 1392, et par noble Jacques de Bouvier. Le premier possédait le moulin de Courre-commère, et le second celui de Soubeyran, rive gauche de la Drôme. Ils obtinrent gain de cause devant la Chambre des comptes de Grenoble, qui défendit à la ville de continuer ses travaux et de construire un moulin : ce qui était au fond son intention, comme le prouve un acte de reconnaissance de vassalité postérieure, du 1er avril 1535, où elle déclare que le canal d’Aouste était destiné à actionner un moulin, et par lequel la cour des comptes de Grenoble lui donne la permission « de prendre l’eau dans la rivière la Drôme et pour l’y conserver pour l’usage d’un moulin, » moyennant une cense (7) annuelle de 6 sols tournois (frappés à Tours) (8).
La ville ayant déclaré qu’elle désirait seulement se procurer un canal d’arrosage pour son mandement, la défense fut levée le 28 novembre 1520 et elle put se remettre à l’œuvre. Le canal, d’après l’acte passé à cette occasion, traversait une première fois la route de Crest à Aouste, s’engageait dans les terres un peu vers le nord, franchissait la Lauzière sur un aqueduc, près de la Maladrerie et de la chapelle de Saint-Vincent-de-Crescelon, redescendait vers le midi et, arrivé à la place du marché, située en dehors et près des murailles de la ville, traversait une seconde fois la route d’Aouste par un pont ou aqueduc jeté sur le canal Villette et allait tout près de là se perdre dans la Drôme en suivant une ligne perpendiculaire à cette rivière. La chute de l’eau au marché était de 15 à 18 pieds (4 m. 86 à 5 m. 83) de hauteur, et le parcours du canal de 2000 toises (3888 m.) de longueur. Une des clauses de cet albergement ou bail emphythéotique de 1520 portait que la prise d’eau de la ville serait à la même hauteur que celle du meunier Bouvier, de Soubeyran, rive gauche, laissant entre elles un espace suffisant pour le flottage des radeaux qui descendaient du Diois. Quant à la cense ou redevance à payer au roi, elle était de 6 livres tournois, et celle de l’évêque de Valence-et de Die, dont le canal traversait les terres, d’une émine de blé, c’est-à-dire d’un demi-sétier, en vertu d’une transaction du 12 avril 1540.
Avant 1517, le canal Villette, qui est le canal primitif et qui se jetait dans la Drôme à sa sortie de la ville, au couchant, près la porte Aiguière, fut continué sur une longueur de 300 toises (583 m. 20) jusqu’aux quartiers contigus de Crévecol et des Tattées (ou Tatteaux) pour faire mouvoir les artifices que Louis Chapais y avait fait construire à la place d’autres qui menaçaient ruine, et les foulons à drap d’Antoine Boudra et de ses frères qui payaient une censé annuelle de 40 sols tournois. Or, comme les premiers artifices comprenaient, non seulement un moulin à blé à trois tournants, mais encore un moulin à huile, un battoir à chanvre, deux foulons à drap et une scie à planches, Louis Chapais, qui ne disposait pas d’une force suffisante pour les faire mouvoir régulièrement et avec la vitesse voulue, obtint de la Cour des Comptes de Grenoble, le 6 avril 1519, l’autorisation de prendre des eaux à la Drôme au-dessus de la première arche du pont, rive droite, à son point d’intersection avec les remparts de la ville. Ce nouveau canal longerait les dits remparts en aval du pont et jetterait ses eaux dans le canal déjà existant, non loin de la porte Aiguière. Louis Chapais devrait payer une cense annuelle au roi de 3 sétiers de froment (9). Nous ne savons s’il fut exécuté.
Vingt-un ans plus tard, le 15 mars 1542, il fut passé un acte d’association entre la ville de Crest, Charles de Villette et Lucrèce sa sœur, veuve de Jean Chapais (10), et Jacques Chapais, fils de Lucrèce. Les parties contractantes mirent en commun le nouveau canal creusé par la ville en 1520, l’ancien canal de Jacques de Villette, datant de 1392, et les moulins de Courre-commère et de Crévecol, qui, par suite d’alliances de famille, appartenaient aux Villette-Chapais. La Cour des Comptes autorisa l’acte d’association le 14 août 1543 et permit aux parties contractantes d’introduire l’eau du canal Villette dans le nouveau canal avant l’entrée en ville du premier, près de la porte du Marché ; mais comme le nouveau canal avait naturellement un niveau d’eau supérieur à celui de 1392 parce qu’il venait de plus haut et de plus loin, l’ancien fut abandonné et comblé. Il n’avait subsisté que 128 ans.
La cense nouvelle due au roi fut fixée à 5 sétiers de froment, 2 sétiers de gros blé (ou maïs) et 10 livres d’argent pour l’amortissement (11), payables tous les dix ans, sans compter l’émine de blé due à l’évêque de Die, et une autre cense de 2 sétiers et demi de froment et 1 sétier de gros blé, due pour l’association antérieure et particulière Villette-Chapais; enfin, 234 L. 7 s. tournois, 6 deniers pour les lods (12) et investiture.
Un quart de siècle après environ, le 23 mai (ou mars) 1566, la société prit fin, nous ne savons pour quel motif. La ville acheta 1800 L. la part de propriété des Villette-Chapais, représentés à ce moment par Charles de Villette et ses deux neveux Pierre et Jacques Chapais (leur mère Lucrèce Villette était morte), mais autorisa ces derniers à prendre l’eau du canal au sortir du moulin de Crévecol pour arroser un pré et jardin, d’une contenance de 8 sétérées, qu’ils tenaient sans doute du Louis Chapais de 1519, cité plus haut. La cense, revenant au roi, fut portée au double, parce qu’on y joignit celle de l’acte d’association du 15 mars 1542.
D’autre part, la ville vendit conditionnellement, le 29 juin 1581, pour huit années et le prix de 4000 écus d’or, à Gabriel Boudra, marchand de Crest, des gauchoirs (foulons), un treuil ou pressoir à huile et à ruche (écorche de chêne) et un tournant (13) à teinture, avec l’eau, prise d’eau, canaux, exercice d’action, droits directs et utiles, et le droit de construire en amont tous les autres artifices qu’il jugerait à propos. Ces divers appareils étaient situés au nord-est de la petite place actuelle des Moulins, au lieu occupé maintenant par le moulin et les fabriques Barrai.
Depuis cette époque et jusqu’en 1585, les graviers de la Drôme ne cessant de s’élever au couchant de la ville, l’eau du canal de Crévecol-Tattées avait beaucoup de peine à s’écouler dans la rivière. De plus une forte crue de cette dernière détruisit ou endommagea fortement les moulins de ce quartier et ceux de Courre-commère, situés en ville. Les artifices de Louis Chapais et les foulons d’Antoine Boudra, construits, comme on l’a dit, en 1519, à Crévecol et aux Tattées, après Crévecol, subirent le même sort. Les premiers (nous ignorons ce que devinrent les seconds), furent transférés un peu plus au nord, comme on va le voir.
La ville, découragée, vendit, le 13 mai 1585, à Hélène Chapais, veuve et héritière de Me Pierre de Reclus, procureur du roi à la sénéchaussée de Crest, le bâtiment et plassage (emplacement) de son moulin de Crévecol, mais se réserva le droit de prendre de l’eau au canal « pour l’arrosage et autres commodités » pendant les mois de mai à août. Quant à celui de Courre commère, qui avait été aussi fortement endommagé, elle le convertit en moulin à « gruer les épeautres, orges et millets », c’est-à-dire des grains de moindre valeur que le blé, et elle y adjoignit un treuil ou pressoir à huile et un moulin à ruche ou écorce de chêne. Mais comme, d’autre part, elle restait sans moulin à blé, elle en construisit un plus plus important et plus à l’abri des irruptions de la Drôme sur la place du Marché, au levant de la porte de ce nom. Quant à son moulin de Courre commère, elle le vendit entre 1651 et 1693 à Antoine de La Baume-Pluvinel, châtelain de Crest à cette époque, qui avait une belle maison d’habitation dans le même quartier, c’est-à-dire aux Cuiréteries. La famille le possédait encore en 1741.
Hélène Chapais, qui avait acquis de la ville en 1585, comme nous l’avons dit plus haut, le moulin ruiné de Crévecol, le fit démolir et le transporta le 7 février 1636 un peu plus au nord au quartier de Prarond (Prérond). Ce quartier était borné au levant par le chemin de Crévecol et au nord par le grand chemin ou route de Valence. Elle le transforma en moulin à papier avec ses artifices à masses ou massoirs, c’est-à-dire à pilons, destinés à broyer les chiffons, et obtint l’autorisation de la Cour des Comptes, pour augmenter sa force motrice, de prendre l’eau de la Drôme, rive droite, au coin et au devant de la maison d’Iaac Pagnon, possédée par Mre Jean Pétrement, son gendre, et en amont du pont de la Drôme ; de la faire passer sous la première arche du dit pont (côte nord), de la conduire par un canal le long des remparts sud de la ville jusqu’au colombier des hoirs Guillaume Chapais et finalement de la jeter dans le canal existant. La cense à payer au roi pour cette concession fut fixée à 3 sétiers de blé froment, mesure de Crest. Nous croyons que ce nouvel établissement ne prospéra pas ou fut détruit, car il n’en est plus question. D’autre part, il paraît que le moulin à blé ruiné de Crévecol fut vendu par Hélène Chapais, car des titres de 1652 et du 10 novembre 1693 lui donnent Pierre Bret, chanoine, et Louis Allian pour propriétaires. Nous croyons que le moulin à papier d’Hélène Chapais, qu’elle avait rapproché de la route de Valence, au nord, pour être plus à l’abri des irruptions de la Drôme, fut: aussi détruit, et qu’à dater de la première moitié du dix-septième siècle, la partie du canal de la ville, comprise entre la porte Aiguière et les quartiers de Crévecol, Tattées et Prérond, au couchant de Crest, cessa d’être un canal industriel pour devenir un simple canal d’arrosage. ( Voir chapitre : canaux d’arrosage – canal de la ville).
La ville ne conserva son moulin du Marché que 65 ans, car, le 2 août 1650, elle le vendit à Antoine de la Baume-Pluvinel, châtelain de Crest, avec les écluses, canaux et prises d’eau servant à le faire mouvoir, mais elle se réserva la propriété de l’eau au sortir du moulin, et l’acquéreur s’engagea à la faire passer tout entière par le canal de la ville. Celle-ci s’engagea de son côté à tenir son canal repurgé, à ne pas construire d’autres moulins et à ne jamais acheter celui de Soubeyran, ni directement ni par parties intéressées, comme aussi La Baume-Pluvinel ne pouvait acquérir ce dernier, non plus que le propriétaire du moulin de Soubeyran acheter celui du Marché. Ce dernier avait à cette époque trois tournants ou meules, un bâtiment pour les abriter et une petite écurie à porc. Le prix de vente fut de 10.000 L., et les censes ou redevances annuelles à payer au Prince de Monaco, subrogé du roi, étaient de 1 sétier et 1 émine de froment, 3 sétiers de maïs (gros blé ou transaille); au même, 6 sols pour la prise d’eau, et à l’évêque de Valence-Die, 1 émine de blé froment pour le passage du canal sur ses terres. Les droits d’arrosage des riverains du canal, en amont du moulin et jusqu’à Aouste au levant, étaient réservés et s’exerçaient du samedi après-midi jusqu’au lundi à 6 heures du matin. Enfin, une clause importante du contrat portait que les moulins ne seraient jamais banaux et que les habitants de Crest et d’ailleurs pourraient toujours faire moudre leur blé où bon leur semblerait. Comme ce moulin rapportait beaucoup, il fut question un moment au conseil communal de le racheter (1682).
Néanmoins Antoine de la Baume-Pluvinel ne le garda pas longtemps. Il le vendit 10.000 L. avant 1669, à Jacques Gounon, contrôleur des gabelles du Dauphiné, et celui-ci à Jean Richard, avocat, en 1669. En 1676, il était la propriété de Pierre de Richard, vi-sénéchal de Crest, qui parait avoir été le fils du précédent, et, avant 1725, celle de son fils Jean de Richard, également vi-sénéchal de Crest. A cette date, les moulins du Marché, à la suite d’une grosse crue de la Drôme, ne purent plus fonctionner et la prise d’eau d’Aouste dut même être déplacée : ce qui causa un grand préjudice à la ville, qui était pour lors très peuplée. Aussi appuya-t-elle fortement, le 3 décembre 1725, la demande que Richard et Mlle Boudra (14), vraisemblablement sa femme, adressèrent à la Cour des comptes de Grenoble pour obtenir l’autorisation de changer leur prise d’eau et de creuser un nouveau canal. Elle fut accordée le 7 décembre suivant.
Une quinzaine d’années plus tard, Richard eut de nouveaux et grands ennuis au sujet de son moulin. La ville avait vendu en 1581, comme on l’a dit plus haut, des foulons et autres artifices à Gabriel Boudra, marchand de Crest. Ces usines demeurèrent dans la famille pendant 159 ans, c’est-à-dire jusqu’en 1740. Le 31 décembre de cette même année, Marie Merlin de Barberon, veuve de Gabriel Boudra, les vendit (un moulin à papier y avait été adjoint), à Jean-Pierre Gailhard, notaire à Crest, ainsi qu’un grenier à foin et des jardins qui y étaient contigus. Gailhard fit immédiatement construire un moulin neuf à la place ou à côté de ces usines, et vit aussitôt une grande quantité d’habitants de Crest et de sa banlieue lui apporter leurs grains pour être convertis en farine. Richard, lésé dans ses intérêts, lui intenta un procès devant le sénéchal de Valence et, l’ayant perdu, en rappela au parlement de Grenoble. Croyant établir son droit, il assigna la ville le 5 février 1752 en participation au procès, lui demandant de contraindre Gailhard de démolir son moulin ou de lui allouer, à lui Richard, des dommages et intérêts. La ville répondit le 16 mars suivant qu’il s’agissait d’une affaire particulière, dans laquelle « elle ne pouvait ni ne devait être appelée, » et que, dans l’espèce, elle n’avait à payer aucune indemnité au sénéchal, parce que ce n’était pas elle qui avait fait construire le moulin de Gailhard. Elle fit remarquer, de plus, que ce dernier avait fait des frais considérables ; que son moulin était fort utile à la ville, attendu que les anciens moulins n’étaient pas suffisants et que les habitants se voyaient obligés de faire moudre jour et nuit ; que les meules du moulin du vi-sénéchal étaient hors d’usage ; que l’élévation des graviers de la Drôme avait diminué la hauteur de sa chute d’eau ; qu’en l’année 1747, alors que les artifices de Richard et de Soubeyran ne pouvaient plus marcher par suite d’une inondation de la Drôme, celui seul de Gailhard marchait et que sa position sur un point un peu plus élevé de la colline, qui dominait le Marché, le mettait à l’abri des irruptions de la rivière. Il est vraisemblable que le vi-sénéchal ne donna pas suite à son rappel au parlement pour ces raisons et parce que la vente, consentie par la ville en 1581 à Gabriel Boudra, ne renfermait de restriction d’aucune espèce.
Chose assez étrange ! Louis-Charles de Barral, gendre de Richard, qui avait hérité sans doute du moulin du Marché, le vendit, le 25 juillet 1764, 3.400 L., à Jean-Antoine Gailhard, écuyer et conseiller du roi en la sénéchaussée de Crest et le propre neveu du précédent, qui avait été en procès avec son beau-père, de telle sorte que les deux moulins du Marché passèrent dans la famille Gailhard, qui les garda jusqu’en 1780, alors qu’elle les vendit à Etienne-Jean-Louis Meynier, fermier du moulin qu’elle possédait à Allex. Il paya le moulin supérieur, le dernier construit, le plus élevé et le meilleur, 10.400 L., et le moulin inférieur 5.200 L. (c’est ainsi qu’ils sont désignés dans les actes du temps). Enfin Meynier revendit le 10 germinal an X (30 mars 1795) son moulin inférieur à Jean-Antoine Bouvet. Il est aujourd’hui (en 1903) la propriété des hoirs Garnier, tandis que le moulin supérieur appartient à M. Maurice Barral.
CANAL ET MOULINS DE LA RIVE GAUCHE DE LA DRÔME (15)
On a peu de renseignements historiques sur ce canal, dit de Soubeyran (au treizième siècle Sobeyra). Il est parlé de lui pour la première fois en 1372, mais il existait depuis plus de cent ans au moins, puisqu’une pièce de 1278 signale dans le quartier de Soubeyran, l’existence des moulins à blé d’Arnaud Guillen et de Bérant, qui étaient actionnés évidemment par un canal.
A peu près dans le même temps un nommé Jourdan Guillaume aurait aussi possédé un moulin dans le même quartier.
Louis II de Poitiers, le dernier des comtes de Valentinois et Diois, albergea le 10 août 1380 son moulin de Soubeyran à Berthon et Pierre Laurens frères, de Crest, moyennant une cense ou redevance annuelle de 4 deniers. Nous ignorons s’il s’agit ici du même moulin.
Le 5 juillet 1402, en échange d’une messe perpétuelle, qu’ il fonda, pour le repos de son âme, dans la chapelle de Notre-Dame au couvent des Frères Mineurs ou Cordeliers, le même comte leur céda la moitié des revenus de deux moulins qu’il possédait à Soubeyran ; l’un appelé le moulin d’en haut (superius), l’autre le moulin du milieu (medium), avec des gauchoirs (foulons), des massoirs (pilons à broyer les chiffons) et autres artifices en dépendant, à condition qu’ils les entretiendraient en bon état, ainsi que le canal. Il suit de là qu’il y avait à Soubeyran trois moulins construits à la suite l’ un de l’ autre dans la direction du levant au couchant, qui est du reste celle du canal et de la Drôme. Il est vrai que le moulin inférieur, c’est-à-dire le troisième, n’est pas nommé, mais l’existence des deux autres suppose la sienne. C est ce qui rend difficile, du reste, l’attribution postérieure de ces moulins, car on ne peut déterminer celui dont il est question dans les actes passés à leur occasion.
Pour ce qui est du prix de la mouture à cette époque, il est fixé par la charte des libertés octroyées par le roi Charles VII en 1425 aux habitants de la ville de Crest. Elle stipule que les meuniers ne pouvaient exiger de leurs clients plus de la soixantième partie de la mouture. Il est vraisemblable qu’il en était de même sous les Poitiers.
En 1462, un sieur François Marchand se plaignit au parlement de ce qu’on ne lui avait pas permis de construire des gauchoirs (foulons) et battoirs (à chanvre) sur la Drôme. Ce dernier l’y autorisa le 19 octobre 1468 et, après l’enquête commodo et incommodo d’usage, l’ albergement fut passé en sa faveur le 7 décembre suivant. Il est vraisemblable que le canal qui faisait mouvoir ces artifices, était sur la rive gauche de la Drôme, car on ne voit pas sur quel point de la rive droite il eût pu être établi.
En 1507, on trouve noble Jacques de Bouvier, propriétaire de moulins à Soubeyran. Le 15 janvier 1528, l’un d’eux appartenait à noble Antoine de Beaumont, seigneur de Barbières, Pellafol et Veynes, demeurant dans la seconde localité. Il en avait vendu la quatrième partie à noble Jean Joubert, chevalier du Saint-Sépulcre, pour la somme de 46 livres tournois.
Quelques années auparavant, en 1515, François de Passis, marchand de Crest et consul, était propriétaire d’un des moulins de Soubeyran, qui resta dans sa famille pendant cent cinquante ans environ. En 1611, il était loué 375 livres, plus une cense de 3 sétiers de blé à servir au roi. Un moulin à papier y avait été annexé, qui fut vendu le 31 août 1649 à Jacques Gounon, lequel le vendit à son tour à Jean Rigaud, son gendre, le fils du poète David Rigaud (24 février 1682) (16).
Au dix-septième siècle, les Gailhardon, papetiers des environs de Romans, affermèrent d’abord, puis achetèrent les moulins de Soubeyran, comprenant des foulons, un pressoir à huile et divers moulins à grains et à papier. Le canal existant; n’ayant pas une force motrice suffisante, ou ayant été détruit par la Drôme, Gailhardon dut creuser un nouveau canal, qui lui fut consenti en 1694 par le Prince de Monaco, avec l’autorisation de se servir de son eau pour ses établissements construits ou à construire. Les habitants du quartier ou mas des Plantas, situé en amont et au levant de celui de Soubeyran, se plaignaient de ce que ce nouveau canal rejetait l’eau de la Drôme sur leurs terrains et les couvrait de graviers. Gailhardon déclara à un représentant du prince de Monaco venu à Crest en 1717 pour faire diverses enquêtes, qu’il s’en rapporterait au jugement d’experts et se montra, du reste, disposé à céder son eau au sortir de ses usines, si l’on désirait s’en servir pour arroser les terres des mas de Massepanier et de Mazorel, jusqu’à Chabrillan au couchant (17). Ce projet ne fut mis à exécution qu’au dix-neuvième siècle.
L’avocat Antoine-Joseph Richard hérita des moulins de Soubeyran par une sœur de sa mère, mariée à un Gailhardon, et se fit appeler depuis cette époque Richard de Soubeyran. N’ayant pas réussi dans ses affaires, il vendit ses usines 120.000 L. en 1790. Les Gailhardon y avaient adjoint des moulins à soie.
AUTRES USINES MUES PAR L’EAU
Outre les divers artifices énumérés précédemment, il y avait encore à Crest :
En 1731, une fabrique de soie au Marché, en dehors des remparts, près de l’endroit où a lieu la séparation du canal de la Ville et de celui de Joubernon. Elle appartenait au vi-sénéchal Pierre de Richard.
En 1747, une autre fabrique à soie, possédée par Bruyère de Saint-Michel et actionnée par un canal particulier, qui prenait ses eaux dans les graviers de la Drôme, rive droite, au-dessous du ruisseau de la Lauzière, et par des sources naturelles, qu’on voit couler encore de nos jours au-dessous du pont par le déversoir du canal actuel de Joubernon, lorsqu’on ôte l’eau de ce dernier aux époques du repurgement. Cette fabrique était construite dans le jardin qui est au levant de la maison Bruyère (autrefois Labretonnière), en dedans des anciens remparts, aujourd’hui détruits. Une partie de ses fondations et son canal de fuite, qui. se jetait dans celui de la ville aux Cuiréteries, ont été découverts l’année dernière par M. Filiat-Mathieu, acquéreur d’une portion du dit jardin.
En 1747, des foulons et une frise (machine à rendre le drap crépu, inégal), que les sieurs Auberts avaient fait construire dans leur jardin, situé, croyons-nous, dans le jardin du docteur Maurin ou dans celui de l’Asile maternel. Ils avaient pris leur eau au canal de la Ville, un peu au-dessus du moulin du Marché. Pierre de Richard, propriétaire de ce moulin, la leur avait vendue fort cher. Leur canal, traversait par un aqueduc le chemin qui allait de la place du Marché à Joubernon, suivait les terrains, dont on fit plus tard le Cours de ce nom, et pénétrait dans le jardin Aubert par une ouverture pratiquée dans la partie du rempart qui, à partir de la porte de Joubernon (contiguë à la maison Cordeil), se dirigeait presque perpendiculairement, puis obliquement, vers la Drôme.
En 1781, une autre fabrique de soie, appartenant à Jean-Antoine Gailhard, notaire, puis à Rouast, en amont et au levant des moulins du premier, au Marché.
Une autre, la même année et au même quartier, qui était la propriété de Chabert, puis fut vendue à Blache.
En 1784, une cinquième, située à Courre-commère et appartenant à de Portefais. Nous croyons qu’elle avait remplacé l’ancien moulin du rez-de-chaussée, abandonné définitivement après de nouvelles irruptions .de la Drôme. Elle existe encore et appartient à Mme Galibert-Breyton. Ces diverses usines étaient, soit des fabriques proprement dites, c’est-à-dire des moulins à soie, où l’on dévidait la soie de diverses façons, soit des filatures, où l’on dévidait le cocon. Nos sources ne font pas la distinction. Nous savons seulement, par une statistique de 1727, qu’il y avait à cette époque à Crest 2 moulinages et 2 filatures
Vers la fin du dix-huitième siècle, des foulons furent également installés aux Sétérées, au nord-est de Crest, quelque incroyable que la chose paraisse, car ce quartier est à près de 200 mètres au-dessus du niveau de la Drôme. Mais ceux qui connaissent les lieux, savent que, par des temps pluvieux, le plateau des Sétérées est sillonné de nombreuses sources d’eau, qui, bien aménagées, pouvaient aisément faire marcher une roue hydraulique, d’autant que la ferme des hoirs Coulon (autrefois Lafarge), où elle était établie, est passablement en contre bas du dit plateau.
Au quartier du Marché, sur la droite de la route d’Aouste (aujourd’hui rue des Alpes), on avait commencé en 1780 un bâtiment, appelé le Filage, qui, à cette date, était encore privé de son couvert et appartenait au même Gailhardon, mentionné plus haut. C’est là que Pierre-Laurent Daly, industriel de mérite, installa, vers 1785, sa grande manufacture de toile de coton, qu’on appelait pour ce motif le grand Filage. « C’est là, disait Caze, baron de la Bove, intendant du Dauphiné, aux États provinciaux de Romans de décembre 1788, c’est là où l’on trouve cette machine ingénieuse, inventée par un Anglais pour la filature du coton, et que je me suis empressé de procurer à M. d’Ally, qui mérite des égards particuliers par le bien qu’il répand autour de lui ». Cette fabrique existe encore, mais elle ne marche plus et a été divisée en divers lots, qui forment autant de maisons distinctes. Daly y imprimait aussi des étoffes, et l’on a longtemps vu à Joubernon deux gros blocs de pierre polie, sur lesquels on étendait les couleurs. On les a transportées au Champ de foire.
FABRIQUES ET MÉTIERS A BRAS
Une fabrique de coton fut installée en 1788 dans la « maison du Vieux Gouvernement ». Celle-ci a été démolie vers 1838 avec plusieurs autres, quand l’église de Saint-Sauveur fut reconstruite .
La rue des Cuiréteries renfermait des tanneries, qui rendent raison de son nom, et des ateliers de teinture, dont la rue actuelle des Teinturiers a conservé le souvenir. Ils n’existent plus.
La statistique de 1727, citée plus haut, dit qu’il y avait à Crest à cette date: 18 fabriques de draps, d’étamines (petites étoffes minces non croisées), et de toiles; 32 marchands drapiers, 4 tanneurs, 4 teinturiers, 4 cordiers, 2 chaudronniers, des papetiers, sans parler de beaucoup d autres industries, si bien qu’on peut dire que tous les corps de métiers étaient représentés à Crest. A la veille de la Révolution, cette situation n’avait pas sensiblement changé (18). Voici en effet ce qu’on lit dans l’Almanach général du Dauphiné de 1790 : « Il y a à Crest beaucoup de fabriques de draperies et d étoffes de coton. Il y a des teinturiers, des frises et des papeteries… Cette petite ville est très commerçante et l’industrie des habitants très animée. On y a introduit, depuis quatre ou cinq ans, avec beaucoup de succès, la filature du coton et une fabrique de mouchoirs en coton. La filature des cocons et le moulinage des soies donnent aussi du travail à un grand nombre de personnes ». Il se faisait également à Crest un grand commerce de quincaillerie.
De toutes ces industries, c’est celle de la draperie qui occupait le plus de bras. Existait aussi la fabrique de bas du sieur Fabre en 1729.
DIGUES DE LA DROME (19)
C’est un des travaux les plus grands et les plus utiles exécutés par les Crestois d’avant la Révolution. Ils les construisirent, non seulement pour arrêter les irruptions désastreuses de la Drôme, mais encore pour augmenter la superficie de leurs terres labourables. Avant de raconter leur histoire, nous dirons quelques mots de ces inondations.
La Drôme, qui baigne la ville de Crest et son territoire, est mentionnée pour la première fois au quatrième siècle après Jésus-Christ, sous le nom de Druna, par le Gallo-Romain Ausone, dans son poème de La Moselle, vers l’an 310. C’est une rivière torrentielle, qui coule de l’est à l’ouest et à 118 kilomètres de cours et 1171 mètres. d’altitude à sa source de La Bâtie des Fonts, près de Valdrôme, par rapport au niveau du Rhône, où elle se jette presque perpendiculairement. Les délibérations consulaires, qui ne sont pas parvenus jusqu’à nous, que depuis l’année 1676, nous apprennent qu’à dater de cette époque jusqu’en 1789 la Drôme déborda sur l’une ou l’autre de ses rives une vingtaine de fois environ et causa de grands ravages dans le territoire de Crest et même dans la basse ville, en amont et en aval du pont.
Ainsi en 1690, 1725 et 1776 les canaux des deux rives de la Drôme, qui faisaient mouvoir les moulins à blé du Marché et de Soubeyran, furent ensablés en partie et en partie détruits, si bien que les habitants furent contraints de faire moudre leurs grains à Allex et à Aouste. En 1684, tout le quartier de la plaine, sur la rive droite, fut dévasté par les eaux. En 1738, celles-ci envahirent la basse ville et s’élevèrent à une telle hauteur qu’elles étouffèrent un grand nombre de têtes de bétail dans les écuries. En 1747, le four du Marché, qui était situé près de la porte de ce nom, fut mis hors d’usage. En 1755, une forte muraille construite en 1687 pour arrêter l’irruption de l’eau, lut emportée, ainsi qu’un pilotage, long de 20 toises (38 m 88), haut de 3 (5 m 83) et large de 3 pieds et demi (1 m 30), entièrement bâti en pierres de taille. Il arriva même quelquefois que les eaux passèrent au-dessus du parapet du pont dans ses parties basses.
Pour remédier à ces maux, la ville faisait construire des murs fort épais comme on vient de le voir, jeter des paniers cylindriques (appelés aussi gabions et javars), formés de fortes pièces de bois de 19 à 20 pieds de long, entrelacées de branches de chêne et remplis de gros cailloux; bâtir de grandes arches ou coffres en bois maçonnées à l’intérieur; dresser des paniers sur chevalets (20), planter enfin des rangées de pilotis de chêne ou de sapin achetés et coupés dans les forêts épiscopales du haut Diois. Mais rien ne pouvait résister au courant impétueux des eaux, qui prenaient en flanc ces obstacles trop fragiles pour eux et les renversaient comme en se jouant. Ce n’est qu’en régularisant le cours de la rivière par de fortes digues longitudinales et parallèles en pierres d’appareil ou moellons qu’il était possible d’arrêter les débordements de la rivière. Malgré la grandeur de la dépense, les propriétaires riverains, aidés quelquefois par. la ville et par intendance du Dauphiné, décidèrent d’entreprendre cette construction, dont nous allons raconter l’histoire. Mais, pour que le lecteur puisse s’orienter, il est bon de dire que les terres qui longeaient la rivière portaient : sur la rive droite, du levant au couchant, les noms de la Maladrerie ou du Marché, mas du Bourg, mas du Piégay, mas de Malastre, et sur la rive gauche, également du levant au couchant, ceux de mas de Soubeyran, mas des Cordeliers et mas de Mazorel. Le mot mas est un vieux terme de coutumes qui a signifié d’abord le tènement et héritage des personnes de condition servile et de main morte, puis un tènement en général.
Digue du Mas de la Maladrerie ou du Marché
Elle fut commencée en 1770 et terminée en 1778, sur l’alignement dressé par les ingénieurs de l’État. Elle part du ruisseau de la Lauzière, qui limite la commune d’Aouste au couchant, et s’arrête à celui de Saint-Antoine, qui s’appelle la Calade (pavé) dans sa partie inférieure. Elle mesure 428 toises (832 m 03) de longueur et fit gagner sur le lit de la Drôme 15410 toises carrées (58.236 m2 48).
Digue de Bérangier-La Blache
Elle fait suite à celle de la Maladrerie au couchant. Le sieur Bérangier-La Blache la construisit entièrement à ses frais de 1786 à 1790, pour protéger la grande prairie qu’il avait acquise de Boudra et qui s’étendait du canal de Joubernon à la Drôme, du nord au midi, et du ruisseau de Saint-Antoine au chemin de hallage, du levant au couchant. Lorsqu’elle eut atteint la longueur de 30 toises (58 m 32) et parce qu’elle avançait dans la rivière beaucoup plus que celle du Marché, la ville, craignant qu’elle ne rejetât l’eau de la Drôme du côté de Soubeyran, dont la digue ne rejoignait pas encore le pont, décida de prendre l’avis de l’ingénieur Montluisant des Ponts et Chaussées, qui avait annoncé sa prochaine visite (26 septembre 1786), et, en attendant, elle requit tous les voituriers de Bérangier, pour mener plus rapidement les travaux de la digue de Soubeyran.
Digue du Cours des Maronniers
Elle suit celle de Bérangier et nous ne la citons que pour mémoire, parce qu’elle fut construite longtemps après la Révolution, de 1832 à 1834 Elle avait 300 mètres de long et, dépassant beaucoup l’ancien pont au couchant, allait jusqu’à la rue des Colonnes. Le nouveau pont de 1842 ayant rétréci le cours de la Drôme de plusieurs mètres, la partie de la digue en amont dut être raccordée à sa culée nord par une courbe peu gracieuse. Quant à la partie en aval, elle ne put être utilisée et il fallut construire une nouvelle digue en avancement sur la précédente.
Digue du Mas du Bourg et de Piégay
Le premier mas allait de la porte Aiguière au quartier de Crévecol (aujourd’hui quartier de la Gare), et, le second, de Crévecol au ruisseau de Saleine ; mais la digue avait une plus grande longueur, car elle commençait, d’après un ancien plan, à quelques mètres en amont du pont, au pied du mur du petit jardin, qui est au couchant de l’ancienne maison Labretonnière (aujourd’hui Bruyère), et continuait jusqu’à la rue des Colonnes, où commençait proprement le mas du Bourg. Cette digue fit gagner aux riverains 53.600 toises carrées de terrain (210.119m296).
Digue du Mas de Malastre
Ce mas commence au ruisseau de Saleine et se continue jusqu’aux limites de la commune d’Eurre au couchant. La digue avait sur ce point 50 toises de long (97,20 mètres) et les riverains y bénéficièrent d’un accroissement de terrain de 2.500 toises carrées (9.447m2 84) Elle fut construite à la sollicitation de Michel Martin Rigaud de Lisle, agronome distingué, qui fit dresser à ses frais tous les plans, devis et mémoires nécessaires que l’ingénieur de La Tour se borna à approuver, et les travaux commencèrent en 1774 (21) aux frais des propriétaires de la rive droite de la Drôme.
La pierre utilisée pour la construction de ces diverses digues fut extraite sans doute, sauf pour celle du quai des Marronniers, de la carrière dite des Mines, complètement épuisée aujourd’hui, qui servait de remparts naturels à la ville au couchant, depuis la porte de Rochefort jusqu’à la porte du faubourg de Porte-Neuve. Une ordonnance de l’intendant du Dauphiné du 25 août 1782 alloua une somme de 2.000 livres au « syndicat des intéressés à la construction des digues en aval du pont ». Nous ajouterons que François-Emmanuel de Bonne de Créquy, duc de Lesdiguières, gouverneur du Dauphiné, avait déjà conçu, avant 1681, le dessein d’endiguer la Drôme et fait quelques préparatifs; mais il n’avait pu le mettre à exécution pour des raisons à nous inconnues.
Digue du Mas de Soubeyran
En 1774, deux crues considérables de la Drôme, rapprochées l’une de l’autre, ayant fait une brèche si considérable aux terres du mas de Soubeyran que les eaux menaçaient de tourner le pont et de couper la route de Provence, au midi, le conseil communal décida le 6 juin 1774 de construire en amont du pont une digue, qui mesurerait 250 toises de long (486 m), 27 pieds de large à la base (8 m 74), y compris le perret, 9 pieds de couronnement (2 m 91) et 8 pieds 2 pouces de haut (2 m 646). Le devis, dressé par l’ingénieur de La Tour le 15 septembre suivant, portait la dépense à 12.750 L, dont les 4 douzièmes devaient être supportés par la ville, 6 douzièmes par Antoine Joseph Richard de Soubeyran, propriétaire des moulins de ce nom, 1 douzième par le marchand Tourte, qui possédait trois maisons et un jardin près du pont, 1 douzième par les Cordeliers, qui avaient une belle et vaste terre dans le même quartier. Antoine Bouillanne, maître maçon de Crest, prit l’adjudication des travaux au rabais le 13 mars 1775 et s’engagea à les terminer dans l’espace d’une année pour la somme de 12.375 L. Il devait prendre ses pierres dans une carrière qui était située à 500 toises (972 m) de là et qui ne peut être que celle de La Baumette, appartenant aujourd’hui à Mme Mettetal Barral. Avant de commencer la digue, la ville fit exécuter quelques travaux défensifs provisoires pour empêcher que, pendant les travaux, la Drôme ne fit irruption plus avant dans les terres : ce qui ne l’empêcha pas de causer 7.533 L. 5 s. d’avaries à l’entrepreneur et d’amener ce résultat que, près de cinq ans après le commencement des travaux, 197 toises 3 pieds (383 m 94) restaient encore à construire et qu’on avait dépensé 19.218 L. 9 s. 2 d., c’est-à-dire dépassé de beaucoup la somme prévue. On pressent ce qui arriva. La ville accusa Bouillanne de négligence, Bouillane invoqua la force majeure. Les esprits s’aigrirent et un procès par devant le parlement de Grenoble était imminent, quand tout put heureusement s’arranger Bouillanne, qui avait touché 15.840 L. au 16 novembre 1779, en toucha encore 462 le 1er décembre suivant, mais il fut déchu de son bail.
Il était nécessaire pourtant de terminer la digue. On calcula que les 197 toises 3 pieds (383 m 94), qui restaient encore à construire, coûteraient 7.434 L. 13 s. 1 d., auxquels il fallait ajouter 3.766 L. pour travaux imprévus, de sorte que cette digue qui primitivement ne devait entraîner qu’une dépense de 12.375 L., allait revenir à 30.419 L. 1 s. 9 d. Il fallait néanmoins se hâter, car la Drôme causait toujours des ravages. C’est ainsi que, vers le même temps, elle emporta les pilotis de sûreté, qu’on avait plantés le long du mur du pont, vis-à-vis la maison Tourte (22). Les fondations du mur et celles de la maison furent presque mises à nu, et les 1.200 toises environ (2.332 m 8) de la digue du mas de Mazorel, déjà construites, risquaient d’être prises à revers et emportées.
L’intendance du Dauphiné, comme le prescrivaient les lettres patentes du roi du 8 juillet 1765, se chargea des deux tiers de la dépense, mais à la condition que la ville, Richard de Soubeyran, Tourte et les Cordeliers payeraient leur cote-part primitive convenue le 6 juin 1774. Le « bail à prix fait », fut adjugé au marchand Matthieu Chabrières, gendre de Tourte. Le 17 avril 1787, la digue rejoignit le pont. Il avait fallu 13 ans pour mener ce travail à bonne fin.
Digue du Mas de Mazorel
Sa construction fut décidée dans une assemblée qui eut lieu à l’hôtel de ville le 13 avril 1777 et où assistèrent les quarante propriétaires, dont les terres étaient baignées par la Drôme depuis le pont jusqu’au point où le ruisseau de Lambres se jette dans cette rivière. Leur résolution fut approuvée par le parlement de Grenoble le 30 juin 1777. La digue devait avoir 1.450 toises de long (2.818 m 80). Au 27 juin 1783, 1.208 toises (2.332 m 80) étaient faites. Un canal, longeant la digue à l’intérieur, partait du pont et amenait les eaux troubles de la Drôme destinées à l’atterrissement. En 1784, la dépense s’élevait à 85.000 livres. 143.000 toises carrées de terrain (542.416 m² 448) furent conquises de ce chef sur la Drôme.
Les pierres qui servirent à la construction de cette digue furent extraites d’une carrière située au quartier de Chantre, grange Boutaud, près du ruisseau de Lambres, rive gauche de la Drôme.
Les digues de la Maladrerie, du Bourg, de Piégay, de Malastre et de Mazorel, sans compter celles de Bérangier-La Blache et de Soubeyran pour lesquelles nous n’avons pas d’indications, firent gagner à la commune de Crest en nombre rond : 82 hectares, 72 ares, 20 centiares de terrain.
FIÈVRES PALUDÉENNES
En 1710 sévirent à Crest des « fièvres malignes » ou « pernicieuses » sur lesquelles nous n’avons pas trouvé de renseignements, d’où l’on peut conclure qu’elles n’eurent pas une gravité exceptionnelle et n’alarmèrent pas la cité.
En 1733, il n’en fut pas de même. Le conseil communal constata le 6 août que, depuis quelques années, les habitants de Porte-Neuve et de son faubourg étaient particulièrement atteints de ces fièvres depuis le mois de mai jusqu’à l’hiver. Le médecin Ruel, consulté, déclara que ces dernières provenaient des « retenues d’eau » pratiquées dans les terres de M. Bruyère de Saint-Michel et d’autres, non loin du faubourg. Les Capucins eux mêmes étaient frappés. Le conseil ayant ordonné aussitôt que ces eaux stagnantes seraient conduites à la Drôme et que les propriétaires ne pourraient les retenir pour arroser leur sol que du 1er novembre au 1er avril, l’épidémie cessa.
En 1739 et 1747, celle-ci, à laquelle on donna cette fois le nom de « fièvres rémittentes et intermittentes », se déclara dans la partie occidentale de la ville, vers la Drôme, et fit périr la plupart des habitants de ce quartier.
Trente-cinq ans après, de 1782-1784, les mêmes fièvres, que les médecins de l’époque appelèrent du nouveau nom de « fièvres d’accès et fièvres continues, » firent leur apparition, mais un peu dans tous les quartiers de la ville. A la dernière date (1784), 2000 habitants furent atteints. Plusieurs avaient déjà succombé et on attendait la mort d’un certain nombre d’autres. Les champs restaient incultes et les gens des environs, regardant la ville comme un lieu infecté, désertaient ses marchés et ses foires. Consultés, les deux médecins de Crest, Janson le père et Rouveyre d’Ozon, déclarèrent dans des mémoires qu’il fallait chercher la cause du fléau dans la malpropreté de la ville, les fumiers qu’un grand nombre d’habitants faisaient devant leurs maisons, les cloaques où l’on recueillait une partie des immondices charriés dans les rues par l’es eaux de la pluie, et l’écoulement des autres dans le canal de la ville, où elles séjournaient faute d’un repurgernent suffisant. Il fut constaté, d’autre part : 1er que les atterrissements entrepris depuis la construction des digues se pratiquaient très mal, surtout sur la rive droite de la Drôme, car les propriétaires riverains, au lieu de reconduire les eaux troubles dans la Drôme, après les avoir utilisées, par des canaux, creusés le long et à l’intérieur des digues, les retenaient sur divers points : ce qui produisait des amas d’eau stagnantes, qui, en croupissant donnaient naissance, dans les mois chauds de l’année, à des exhalaisons putrides; 2e que les terres du Mas du Bourg, étant plus élevées que les rues de la basse ville, y faisaient refluer les eaux du canal et provoquaient de perpétuelles inondations ; 3e enfin que le cimetière de la ville, situé au Marché, étant fort exigu, le fossoyeur était obligé de mettre les corps les uns sur les autres dans un terrain, qui, d’autre part, recevait l’infiltration, des eaux d’arrosage de la partie du canal situés au levant de la ville (voir cimetières).
Dès 1782, le conseil communal avait bien défendu aux propriétaires de retenir les eaux du 1er avril au 1er octobre, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la ville ; ordonné d’enterrer, dans les 24 heures, tous les fumiers qui étaient dans les rues et les carrefours, et décidé de donner « le bail à la plus haute enchère » dans la huitaine des fumiers, balayures et boues de la ville ; mais, comme on vient de le voir, il avait été imparfaitement obéi et la police, tout autant que la médecine, se déclarait impuissante à réagir.
C’est pourquoi, il fallut recourir à des mesures énergiques. Sur les instances des habitants de tous les ordres de la ville, notamment du Chapitre des chanoines, les échevins et notables de la cité, qui composaient le conseil communal, adressèrent requêtes sur requêtes au parlement de Grenoble pour qu’il fit cesser ces abus. Ce dernier publia des ordonnances répressives. Le 23 février 1785, il interdit les retenues d’eau du Ier mars au Ier octobre ; le 26, il décréta que les atterrissements se feraient par des transports de terrains ; que le niveau des eaux d’arrosage des mas du Bourg et de Piégay ne devrait pas dépasser celui de la basse ville, à moins qu’on en n’abaissât les terres. Malgré ces ordonnances, on constata, le 17 avril suivant, qu’il se faisait encore des retenues d’eau troubles dans plusieurs fonds autour de la ville, et il fut décidé qu’on informerait contre les délinquants. Deux ans après, en 1787, quelques propriétaires ayant recommencé leurs errements, le vi-sénéchal dut intervenir pour les rappeler au respect des ordonnances de la justice.
C’était d’autant plus nécessaire qu’en cette même année 1787 les fièvres reparurent. Le conseil communal ayant ordonné une enquête, on découvrit qu’un moulinier en soie de la rue Courre-commère, pour élever sa chute d’eau, avait barré le canal : ce qui faisait refluer les eaux de plus de 6 pieds en amont, de sorte que les immondices que les eaux pluviales charriaient dans le canal ne pouvait plus s’écouler dans la Drôme. Les commissaires enquêteurs découvrirent même dans ce dernier le corps d’un animal en putréfaction.
L’année suivante (1788), malgré les lettres écrites par le maire de la ville aux syndics des digues des mas de Mazorel, de Piégay et à d’autres riverains, on continuait, à cause de la suspension de la justice (la sénéchaussée venait d’être supprimée), de faire journellement des retenues d’eau pour atterrir le sol. Le conseil communal décida une nouvelle fois qu’on poursuivrait les délinquants par les voies ordinaires, et que la ville (c’est par là évidemment qu’elle eût dû commencer), ferait creuser des canaux intérieurs le long des digues pour donner un libre cours aux eaux destinées à atterrissement et éviter les stagnations, et que, si des riverains refusaient de rembourser les frais qu’elle aurait avancés pour cela, elle les poursuivrait par toutes les voies de droit. On voit combien les abus, même les plus criants, sont difficiles à déraciner quand l’intérêt est en jeu.
CIMETIÈRES
Nous ne venons pas raconter l’histoire des divers cimetières attenant aux nombreuses églises et chapelles de Crest et de son mandement, car les documents font absolument défaut, sauf pour celui de l’église de Saint-Sauveur, laquelle de bonne heure devint la seule église paroissiale de la ville. Ce cimetière, que nous appellerons le premier, n’était autre que la place de l’église de ce nom (aujourd’hui place de l’Hôtel-de-ville), située au midi de l’édifice. Or, comme c’était le lieu même où se tenait le marché, l’évêque de Valence et de Die, Antoine II de Balzac, jugeant qu’il pourrait s’y produire des scandales, qui entraîneraient « des censures ecclésiastiques », qu’il voulait éviter, défendit en 1490 aux habitants de continuer d’y tenir leur marché. Le conseil communal, déférant à ses ordres, décida d’acheter la maison et le petit jardin de Jean de Maxilles qui était près et derrière l’église au nord et séparé d’elle par un chemin ; mais comme elle était de la directe du roi, c’est-à dire de sa seigneurie immédiate, il dut demander l’autorisation nécessaire à la Cour des comptes de Grenoble, qui, après une enquête favorable de la sénéchaussée de Crest, demandée par les consuls eux-mêmes et faite le 7 février 1491, permit, le 30 avril 1491, à la ville d’acheter la dite maison, qu’elle paya 320 florins d’or, à charge par elle de verser au fisc 20 sols tournois de dix ans en dix ans pour l’amortissement. Pierre de Chabeuil, notaire et secrétaire de la sénéchaussée, avait dit. dans son rapport : « La place où se trouve le cimetière (actuel) est le meilleur endroit du lieu de Crest, et le plus commode et le plus ample qui soit dans tout le lieu pour tenir le marché. Le fait de l’existence de cette place et du marché qui s’y tient fait affluer beaucoup de marchands, sur lesquels le prince perçoit les leydes, péages et autres impôts : ce qui augmente la richesse publique. Quant au lieu, où est située la maison que les consuls désirent transformer en cimetière, il est presque inhabitable et placé derrière l’église même. La circulation publique y est nulle, et il est entouré de jardins et de rocher » (Arch. de l’Isère, B, 3510 ). Nous savons, d’ailleurs, que le nouveau cimetière se trouvait suspendu sur des voûtes en maçonnerie, dont il est souvent parlé dans les délibérations consulaires et qu’on dut fermer en 1705 par « un cladas de bois de chêne » ou portail, parce qu’on ne cessait d’y déposer des ordures. Quand les Pénitents blancs eurent fait bâtir leur chapelle, qui était adossée à l’église de Saint-Sauveur, au nord, on l’appela le « cimetière contre la chapelle des Pénitents », ou « le cimetière joignant l’église », ou encore « le cimetière de Saint-Sauveur ». C’était le deuxième.
En 1710, ce cimetière étant comble, la ville dut s’enquérir de l’emplacement d’un troisième cimetière ; mais elle laissa traîner les choses en longueur jusqu’en 1727, alors qu’il arrivait au fossoyer de rencontrer deux corps, quelquefois plus, en creusant ses fosses. L’évêque de Die, Gabriel de Cosnac, s’en émut et somma la ville, le 4 mars de cette même année, de fournir dans trois mois un lieu clos de murailles pour servir de cimetière, à défaut de quoi le cimetière actuel serait interdit. C’est ce que dut faire, le 7 mai 1731, François Wemberkel, grand vicaire de l’évêque de Die, à cause des lenteurs du conseil communal à s’exécuter. Ce dernier, croyant que cette interdiction était due surtout aux scandales qui provenaient de ce que les voûtes, qui étaient sous le cimetière, étaient ouvertes à tout venant, fit clore par deux portes les deux passages qui donnaient accès au cimetière et décida qu’on pourrait continuer d’y déposer les corps. Les choses durèrent ainsi 18 ans. A cette époque, le cimetière était si plein qu’on ne pouvait plus y creuser de fosse « convenable ».
Il n’avait pas, en effet, une contenance de plus de 200 toises carrées. La ville jeta alors les yeux sur l’emplacement de l’ancien temple protestant, qui était situé vis-à-vis la chapelle de Saint Barthélémy,faubourg de Porte-Neuve (rue de la République, n° 77, maison Liotard), et dont lui fit gracieusement cadeau son propriétaire, Mtre Joseph Séraphin de Tertule de La Baume de Pluvinel, marquis d’Egluy (18 février 1745). La ville le fit clore d’« un mur le long du chemin vicinal vis-à-vis le fonds de J.-J. Vertupier ». Le bail des travaux fut adjugé au prix de 193 livres (1er mars 1745).
Nonobstant ce changement, on continuait d’ensevelir les morts dans l’ancien cimetière « les jours de pluie ou de froid », parce qu’on trouvait qu’avec le mauvais temps on ne pouvait aller, d’un bout de la ville à l’autre, au cimetière nouveau de Porte-Neuve.
Dix-sept ans après, en 1766, le chapitre des chanoines ayant recommencé de se servir exclusivement du cimetière « joignant l’église », parce qu’il jugeait, sans doute, que les corps étaient suffisamment consumés, le conseil communal, considérant qu’on pouvait dire, sans nuire à la vérité, que le cimetière du faubourg de Porte-Neuve était peu éloigné de l’église de Saint-Sauveur, et que « l’infection des cadavres nuisait à la santé des habitants », représenta au Chapitre, le 26 décembre de la même année, la nécessité de porter tous les morts à ce dernier cimetière et renouvela sa requête le 23 juin de l’année suivante.
En 1776, c’est-à dire dix ans après, le cimetière du faubourg de Porte-Neuve, qui n’avait pas plus de 200 toises carrées, était déjà « entièrement plein ». Il fallait « jeter de la chaux sur les corps » et, au moment où l’on dérangeait de place les anciens, il s’en exhalait « une odeur très dangereuse ». Le roi Louis XV, du reste, venait de défendre, par son édit du 10 mars 1776, d’enterrer les morts dans les églises ou trop près des habitations. Le conseil communal se mit donc en devoir de chercher l’emplacement d’un nouveau cimetière. C’était le quatrième. Il examina successivement six terrains et s’arrêta, après trois ans de recherches infructueuses, sur un fonds, qui était situé au quartier du Marché, près de La Calade ou ruisseau de Saint-Antoine, et appartenant à Rouast et à sa femme, née Vallon. Il correspondait aux maisons Maillet et Lombard (rue des Alpes) et à la partie nord de la cour de l’orphelinat protestant de filles. La ville le paya 4.500 livres et, pour rentrer dans une partie d’u prix d’achat et des réparations réclamées par l’immeuble, de vendre les cimetières de l’Église et du faubourg de Porte-Neuve.
Dès 1784, c’est-à-dire huit années seulement après, on s’aperçut qu’on avait fait un mauvais choix. Le nouveau cimetière était trop rapproché de la ville et son terrain « aquatique », si bien qu’on y rencontrait l’eau à deux pieds et demi de profondeur ; et, comme il régnait à ce moment dans la ville des « fièvres d’accès » et des « fièvres continues », les habitants crurent que le nouveau cimetière en était cause en partie, de sorte que le conseil communal se vit contraint par l’opinion publique d’en chercher un autre. Ce fut le cinquième et dernier. Il acheta un terrain situé au couchant de Crest, vis-à-vis h croix du Peyron, à l’embranchement du chemin de ce nom avec la grande route de Valence (23), et qui appartenait à la veuve de René-Etienne Reynaud, ancien traiteur, et à ses fils. La ville le paya 2.496 livres par acte de vente du 21 mai 1784. Cette somme fut imposée sur les trois ordres (clergé, noblesse et tiers-état) ; et comme le curé et le chapitre trouvaient avec raison que le nouveau cimetière, très éloigné de l’église, leur occasionnait un surcroît de peine et une grande perte de temps, l’évêque de Die, Du Plan des Augiers, ordonna le 9 octobre 1784 qu’on donnerait désormais aux prêtres, qui présideraient les ensevelissements, un supplément de 5 sols pour les enfants au-dessous de dix ans et de 10 sols pour les personnes au-dessus.
Ce cimetière, qui a 119 ans d’existence, sert encore au public, mais il a été agrandi de moitié au levant.
Notes
(1) Crèvecol : Plus anciennement Crebacol, qui signifie peut-être en langue romane Crève-cou ; nom qui aurait été donné à ce quartier à cause des fondrières qu’il pouvait renfermer. Forme plus moderne Crèvecœur. Il y avait aussi un Chemin de Crévecol qui allait du grand chemin (ou chemin de Valence) à la Drôme. Aujourd’hui Avenue de la gare. Quant à la rivière des Seystres, qui était dans le même quartier, il correspond peut-être au chemin vicinal actuel du Cimetière à la Drôme, n° 11, qui longe au couchant les scieries hydrauliques Lambert.
(2) Chemin du Ballon : Il semblerait donc que la rue du Ballon actuelle est mal nommée, puisque le chemin du Ballon, d’après l’acte de 1753, parait correspondre à la rue des Colonnes
(3) Pluies torrentielles : Quelques jours auparavant, le 4 novembre, Saint-Michel dans une reconnaissance qu’il fit au Prince de Monaco de sa suzeraineté sur lui, avait eu le soin de se faire concéder, moyennant une cense de trois sétiers de blé-froment, les divers droits mentionnés dans la transaction du 10.
(4) Cours : Plan des graviers de la Drôme ; – Terras, géomètre attaché au gouvernement, Plans de Crest
(5) Canaux de l’industrie : Délibérations consulaires ad dies ; — Arch. municip. DD, 1,2; — Actes divers communiqués par MM. G. Bovet, notaire, M. Barrai, Galibert-Breyton, Fayolle, Lambert; — Inventaire de la Cour des comptes de Grenoble ; Archives départementales non inventoriées.
(6) Courcommère : Antérieurement Corromaire et Corcomeyre. Ce nom parait taire allusion aux commérages dont le moulin était le foyer.
(7) Cense ou redevance. — Le vrai nom est masculin, cens, mais le féminin se lit dans tous les actes qui ont passé par nos mains.— Rente foncière en argent, en grains, ou en quelque autre produit, dont un bien-fonds roturier (terre, maison, canal, moulin, four, etc.) était chargé envers le seigneur du fief dont il relevait. C’était la marque de la seigneurie ou suzeraineté, que le seigneur gardait par devers lui quand il donnait à cens ou rente tout ou partie de son héritage. Le vassal ne possédait que la partie utile. La cense en grains se payait le 28 août ou fête de saint Julien, et les poules, l’argent et autres choses le 25 décembre.
(8) Cette reconnaissance fut renouvelée le 22 juillet 1634 (Biblioth publiq. de Grenoble, Man. n° 1643).
(9) Bibliothèque publique de Grenoble, Man. n° 1643.
(10) Jean Chapais parait avoir été le fils du Louis Chapais de 1519.
(11) Amortissement : Concession que le roi faisait aux églises et communautés (appelées gens de main-morte), de tenir des fiefs et héritages roturiers à perpétuité sans être jamais contraints de s’en dessaisir.
(12) Lods ou ventes.— Somme d’argent que le vassal, tenancier d’un bien-fonds, devait payer au seigneur ou suzerain dont il relevait immédiatement, en considération de la permission que celui ci accordait d’aliéner ce bien-fonds ou héritage. En 1535, le lods se payait à raison de 9 liards tournois pour chaque 12 sous tournois du prix de la vente ou de la valeur de la pension imposée sur la chose aliénée. Les savants ne sont pas d’accord sur l’étymologie de ce nom, qui est toujours au féminin pluriel.
(13) Tournant, appelé tour aujourd’hui, était fixé horizontalement par deux supports sur la cuve à teinture et servait à plonger d’une façon aisée et uniforme dans le bain de couleur la pièce d’étoffe qu’on voulait teindre
(14) On donnait anciennement le nom de demoiselle à toutes les femmes de qualité.
(15) Jules Chevalier, Mémoires, etc., t. I p. 416.
(16) G. Latune, Notes sur la famille de Passis, dans L’eau merveilleuse de Bourdeaux, p. XIV, XV, XIX.
(17) Mémoire pour le Prince de Monaco (Arch départementales., non inventoriées).
(18) Brun-Durand, Dictionnaire topographique du département de la Drôme, p. 118.
(19) Délib. consulaires ad dies ; — Arch. communal. DD, 3; — Mémoire pour MM. Archinard, Chion et Armand, etc. Grenoble, août 1828, in-4* ; — Mémoire pour la ville de Crest appelante contre M. Philippe Labretonnière, intimé, Grenoble (1835) in-40.
(20) Paniers sur chevalets : Ce système de défense contre les eaux paraît avoir consisté en un encaissement formé de fortes planches, clouées sur la partie inférieure des trois grandes pièces de bois qui constituent la chevalet usuel, et qu’on remplissait de gros cailloux ou de maçonnerie.
(21) Gabriel Martin, Hist. chronologique de Crest (Mns.).
(22) C’est cette maison qui, sous le second empire, fut transportée pierre par pierre sur le quai Henry Latune et reconstruite par M. Moutier l ‘aîné. Elle appartient aujourd’hui à M. Armorin, entrepreneur de voitures.
(23) Aujourd’hui, portion du chemin vicinal ordinaire, N° 9, de Vaunaveys à Allex, qui longe le cimetière actuel au couchant, avant de traverser la route de Valence et de s’engager dans la plaine.