LE CORDIER





Le cordier

 

 

 

 

Le cordier est un ouvrier fabricant de la corde, des cordages ou même des câbles, outils indispensables aux activités quotidiennes, ils avaient de multiples usages.

Le métier de cordier était répandu dans les zones maritimes ou le long des fleuves navigables car les métiers de la mer nécessitent de nombreuses cordages mais autrefois, chaque village avait son cordier. Il travaillait aussi pour le milieu agricole – pour ficeler les bottes de paille, gros cordages, traits de charrettes, de charrue, licols, brides, ouvrages à eaux… – et pour des particuliers tels que vanniers, tisseurs, relieurs, bouchers, cuisiniers et autres professions… Toutefois les plus grands utilisateurs de corde étaient les pêcheurs pour la fabrication d’un filet de pêche et les marins lorsque l’on sait que pour un voilier, il fallait compter près de 30 km de cordage.

 

 

Histoire

 

L’usage du lien végétal remonte vraisemblablement à des temps très reculés, et les cordiers existaient bien avant que ne soit fondée, la corporation des cordiers-criniers, dont les statuts remonte au 17 janvier 1394. Les sièges des compagnons étaient établis près des ports maritimes. On relève en 1442 que les cordiers sont tenus « de bailler et livrer tous cordages gros et menus aux gens de justice… quand les cas adviennent pour lier, pendre et exécuter larrons, meurtriers et autres malfaiteurs. » (Lettre patentes données à Tours par Charles VII).

 

Présents dans le Livre des Métiers d’Etienne Boileau les cordiers étaient une corporation bien établie au Moyen Age

Comme tous les métiers jurés, les statuts des cordiers définissaient les conditions d’exercices : 

  • 4 années d’apprentissage, 
  • des droits d’entrée de 5 sols pour les apprentis, 20 sols pour les maîtres, et 30 sols pour les ouvriers étrangers (ne venant pas de Paris).
  • 2 jurés, intervenant chez les cordiers tout d’abord mais aussi chez tous les ouvriers utilisant des fils et des cordes : selliers, bourreliers, épiciers, cordonniers, savetiers, ferrons, lingères…

 

Au fil du temps, les cordiers avaient réussi le tour de passe d’être exempté d’impôt… à condition de fournir les brides pour les animaux de traits de la Cour, ainsi que celles utilisées pour la potence. Malgré tout, ils ne parvinrent pas à éviter le paiement des taxes des unions d’office du début du XVIIIe siècle : 1 500 livres pour l’union des offices des jurés et auditeurs de comptes. La profession dut alors se séparer de son argenterie et revoir à la hausse ses taxes de fonctionnement : 6 livres pour le brevet d’apprentissage, la maîtrise à 110 livres. 

Profession stable et discrète parmi les bourgeois, les cordiers traversèrent les siècles paisiblement sans avoir à revoir leurs modes de production et sans remise en cause de ses techniques. 

L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert de 1751 définit le métier comme celui d’un artisan qui a le droit de fabriquer et vendre des cordes et cordages de chanvre, d’écorce de tilleul, de lin, de crin, etc. en qualité de membre de la communauté de ce nom. Les statuts de cette communauté sont datés de 1394 ». Le métier de cordier est expliqué de façon détaillée

 

 

 

Fabrication des cordes

 

 

Le cordier savait fabriquer des corde en tout genre à partir de différents textiles ( lin, chanvre, soie), parfois en teil (écorce de tilleul) ou crin, de la longe qui permettait de tenir ou guider le cheval jusqu’aux cordages de gros diamètres et d’une résistance de longue durée. Le chanvre était le matériau le plus souvent utilisé, car il était solide et durable.

Ce métier de cordier s’effectuait en deux temps, une production intense à la saison estivale et en basse saison les tâches les plus minutieuses étaient réalisées à l’abri des intempéries comme des travaux de bourrellerie.

Le principe consiste à réunir plusieurs fils, par torsion (commettage), en tordant ses fibres ensemble, pour produire un toron, puis plusieurs torons pour obtenir une corde. Les torons lors du commettage sont entortillés une seconde fois dans le sens inverse pour former une corde.

Le premier travail du cordier consiste à préparer le chanvre qu’il a acheté roui et broyé. Le cordiers ne cultivait pas lui-même tout le chanvre dont il avait besoin. Il était plutôt prestataire de service : on lui apportait le matériau, il donnait la corde en retour, moyennant salaire. Le chanvre était d’abord macéré dans l’eau, puis décortiqué pour le débarrasser de ses parties ligneuses.

La technique de fabrication comporte trois étapes :

 

Le peignage

 

Le peignage des fibres à l’aide d’un séran, sorte de grande brosse avec des pics métalliques. Cela permet de nettoyer le chanvre et séparer les fibres.

 

le filage

 

C’est l’opération par laquelle on transforme en fil des fibres textiles. Le cordier dévide le fil de chanvre ; pour cela, il attachait de grandes poignées de filasse qu’il tient dans un tablier autour de la taille, fixant l’extrémité de ces fibres sur un crochet tournant .Après avoir fait une boucle qu’il accroche au rouet, il dévide le chanvre tout en reculant le long de l’aire qui peut mesurer jusqu’à cent mètres, tandis que le tourneur fait mouvoir la roue. Cela a pour effet de produire un fil tordu sur lui-même soutenu de près en près par des râteliers ou râteaux. Tout l’art du cordier consiste à dévider le chanvre le plus régulièrement possible. Le fil obtenu était ensuite renforcé par torsion ; il était peigné et finalement doublé en le pliant en deux.

 

Le câblage

 

Cette dernière étape consiste à réunir les fils et à les tordre ensemble pour faire des cordes. Ce travail peut s’effectuer sur le rouet pour les petits diamètres ; pour les tailles plus importantes, on utilise un chariot.

Pour tordre la corde et en faire un câble, le cordier utilisait un rouet composé de deux chevalets, chacun avec une manivelle. A une extrémité, sont accrochés trois ou quatre brins de chanvre, préalablement transformés en fines ficelles. Sur l’autre pièce, éloignée de plusieurs mètres selon la longueur de la corde souhaitée sont fixées les extrémités des ficelles. L’un déplaçait trois ou quatre crochets qui tournaient sur eux-mêmes, tandis que l’autre n’avait qu’un seul crochet du même type. La distance entre les deux chevalets déterminait la longueur de la corde qui serait produite (10, 20 ou 30 mètres) .

Lorsque les fils qui devaient être torsadés ensemble étaient en place, une personne située derrière chacune des deux sections de la roue tournante tournait la manivelle dans le même sens. En même temps, une troisième personne ajustait le « toupin », une sorte de toupie rainurée en bois, utilisée pour retenir les trois cordes et servant de cran d’arrêt entre les fils pour s’assurer que la corde serait tordue uniformément et qu’elle ne se détordra pas. L’un des chevalets étant sur roues, il s’approchait lentement de l’autre tandis que la corde se tordait. Alors que les deux personnes actionnaient les manivelles en même temps, chacun des trois fils se tordait sur lui-même et les trois fils se tordaient ensemble. Chaque extrémité était achevée par la réalisation d’une épissure, savant enchevêtrement des différents brins, qui évitait le démontage de la corde.

La corde terminée est enduite d’une solution de colle et d’eau. Pour les cordages de marine, ils sont enduits de goudron.

En outre, le cordier savait aussi placer, enrouler, dérouler, entasser les cordages des navires.

 

 

Crédit photos – Par JYB Devot — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=78175810

 

 

Il est à noter que la ville de Rochefort sur Mer (17) était particulièrement spécialisée dans la fabrication de cordages pour la Marine nationale avec sa Corderie Royale.

 

 

La Corderie Royale de Rochefort – crédit photo Tux-Man

 

Ensemble de la machine à cordes de la Corderie Royale – crédit photo : https://www.justacote.com/rochefort-17300/musee/musee-de-la-corderie-royale-1200156.htm

 

crédit photo : https://www.justacote.com/rochefort-17300/musee/musee-de-la-corderie-royale-1200156.htm

 

 

La corde en tilleul

 

Autrefois, avec l’écorce de tilleul, on confectionnait des cordes fort appréciées, d’une solidité à toute épreuve, appelées « cordes de puits », de même pour la fabrication des paniers à champagne. Surtout utilisées par les vignerons car elles ont l’avantage de résister parfaitement à l’action de l’eau. En effet, une légère humidité les rendent plus souples, moins cassantes.

Des écorceurs lèvent l’écorce de tilleul et les lient en bottes d’écorce sèche, en septembre. Elles sont entassées chez le cordier pouvant être conservées durant deux années.

Un artisan parle :« Il faut tiller l’écorce brute. On la fait d’abord rouir 48 heures dans un trou d’eau alimenté par une source ou creusé spécialement ». Pour réaliser cette opération, on entasse les bottes 2 par 2 : 2 dans un sens, 2 autres posées à angle droit sur les premières, et ainsi de suite. Le cordier laisse égoutter et ressuer les écorces après les avoir sorties de l’eau, puis en « tire les fibres ». De chaque bande d’écorce, le cordier sort 5 à 6 fibres. Pour cela, il pratique une incision au couteau, à l’extrémité de chaque bande, à l’intérieur, avant d’en détacher une longue pellicule, puis 2, 3… selon l’épaisseur du matériau travaillé. »

 

Ses outils

 

Outre le dispositif mécanique, le cordier utilise des outils à main spécifiques, en particulier:

  • le croc : c’est un outil de bois dur (buis, cormier) en forme de crochet qui permet d’étendre le fil afin de former les torons ;
  • le cochoir (ou toupin) : en bois dur, en forme de cône tronqué comportant des encoches longitudinales, il permet au cordier de maîtriser la torsion des torons pour former la corde;
  • l’épissoir : permet de réaliser des épissures.

 

 

 

 

 

 

Autrefois les cordes, quelque soit leur taille, étaient confectionnées en chanvre. Au XIXe siècle, la grande corde de chanvre a été remplacée par la corde de Manille, puis par la chaîne et les câbles en acier. Les techniques d’aujourd’hui permettent la création de cordage en polymère « qui ont l’avantage de ne pas pourrir ». 

Mais bien souvent, jusqu’au début du XXe siècle, le cordier reste un artisan de village qui travaille à l’extérieur, par nécessité de place, mais à l’abri de la pluie qui influe sur la qualité des cordages. Certains qui habitaient près de la côte allaient ramasser, sur la grève, les débris de cordage rejetés par la mer. Ils les décordaient et en faisaient des cordes neuves.

Ce métier aujourd’hui disparus ne se voit plus guère que dans les écomusées, les fêtes d’antan et autres manifestations ayant trait au patrimoine.

 

 

Sources :

  • Lespinasse, René de. Les métiers et corporations de la ville de Paris : XIVe-XVIIIe siècles T3 – https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5541512j/f105.item Titre VI pages 81-86
  • https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Cordier
  • https://artflsrv04.uchicago.edu/philologic4.7/encyclopedie0922/navigate/20/16
  • https://fr.wikisource.org/wiki/L’Encyclopédie/1re_édition/CORDERIE
  • Sources diverses

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