Le comportement militaire au XVIIe siècle
À la Renaissance, la guerre connaît des évolutions qui la rendent plus meurtrière. Les troupes se professionnalisent, quoique très indisciplinées, sont plus nombreuses et mieux équipées.
Une armée ne dépasse pas 10 000 hommes avant 1500, elle atteint 85 000 hommes dans les années 1570, 100 000 vers 1620. Les principaux affrontements consistent en des sièges de cité. Lorsqu’il y a reddition honorable, les vaincus quittent la place en bon ordre, les civils sont protégés du pillage et la cité conserve ses privilèges. En revanche, lorsqu’il n’y a pas de capitulation ou que les clauses de reddition ne sont pas respectées, la prise d’une place équivaut à l’exécution de la garnison, à des meurtres de masse pour les non combattants, au pillage de la ville et au viol des femmes. Pour le XVIe siècle, sur 245 capitulations recensées en Europe occidentale, essentiellement en France, 110 sont marquées par des exactions (45 %).
Malgré tout, jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, de façon générale, le soldat demeurait redouté et souvent redoutable, fréquemment enclin aux vols et à la violence. Il demeura quelqu’un de peu fréquentable. Il participait indéniablement à la délinquance et à la criminalité ordinaires. Les désordres engendrés par une soldatesque redoutée non seulement restent systématiquement évoquées dans les ordonnances. Toutefois, les exactions de la soldatesque furent de moins en moins supportées au cours du xviiie siècle.
Pour avoir une armée, il faut de l’argent. L’absence de solde risque à la fois d’entraîner une débandade des troupes et de favoriser le pillage, les hommes étant contraints de se nourrir sur le terrain. Mal ou pas ravitaillées, irrégulièrement soldées, les troupes vivent en effet sur le pays : céréales pour les hommes, foin que l’on va « fourrager » pour les chevaux lorsque l’on ne s’attaque pas directement au blé en herbe, compromettant ainsi les futures récoltes. Le bétail est lui aussi visé, avec des conséquences tout aussi désastreuses . La terre ne se laboure plus de crainte que les chevaux soient volés, et sans labours, il n’y aura pas de semailles. En conséquence, reste les effets de l’indéniable déstabilisation des économies locales résultant de la guerre,
L’espérance du butin demeure l’une des premières forces motrices des hommes qui se préparent pour l’assaut d’une ville. Les règles du pillage étaient souvent énoncées, avant et même après l’assaut, afin que les hommes de guerre ne cessent d’y obéir. Pour un habitant se retrouvant pris au piège dans la ville, l’impossibilité de payer une rançon, quelle que soit sa nature, signifiait la mort ou l’emprisonnement ; le paiement de celle-ci, en revanche, signifiait la liberté, accompagné le plus souvent d’un départ, définitif ou non, afin d’éviter d’être repris.
Le logement des gens de guerre demeure un problème majeur lorsqu’il s’agit d’occuper un territoire ou une ville. Il n’est pas rare de retrouver cet élément logistique lié à l’apparition de comportements violents chez les hommes de guerre au contact d’habitants, hostiles ou non. Des quartiers entiers sont alors attribués à une compagnie ou à un seigneur. Les hommes de guerre chassaient les habitants de leurs maisons, en même temps qu’ils mettaient la main sur les biens qu’ils pouvaient trouver et emporter. Des querelles éclataient régulièrement lors de la distribution des logis, entraînant également des violences entre hommes de guerre. Certains refusaient de se soumettre à l’autorité du maréchal des logis.
La promiscuité des hommes de guerre avec la population, conséquence de la réquisition des logements, facilitait les abus de toutes sortes. C’est ainsi que l’on voit les troupes obtenant un logement pour la nuit, commettre la majeure partie de leurs crimes « accoutumés ». Les habitants des villes comme des plus petites bourgades avaient pris l’habitude de voir quelques pièces de bétail, des volailles, des ustensiles de cuisine ou du linge, partir avec les hommes qu’ils avaient hébergés, quand ce n’était pas de subir des menaces ou des violences corporelles infligés par des gens de guerre décidés à leur arracher des biens plus précieux. Ces vols, considérés comme des dommages de guerre, pouvaient faire l’objet de réclamation auprès du duc ou, dans certains cas, auprès du roi de France.
Le logement des soldats est en effet une lourde charge, pour les individus comme pour les communautés : « Trois jours de logement des gens de guerre incommodent plus un homme que la taille » écrit ainsi Mazarin, d’autant que l’insuffisance de la solde conduit facilement de la contribution au pillage. La recension des dommages causés par les troupes en 1648 est éloquente : « bled robbé », meubles « pillés », « armoires, fenêtres et vittres rompus et cassés », habitants « rançonnés », « frappés et excédez », servante « jetté à la rivière », les dégâts sont estimés à plus de 5 200 livres, bien plus que le seul ustensile que les habitants sont censés fournir en plus d’un lit. L’endettement des communautés rurales qui en résulte conduit alors souvent celles-ci à vendre les terres communes dont tiraient parti les plus pauvres, alors qu’en ville, les destructions parfois considérables obèrent durablement les finances locales et compromettent durablement un retour à la normale
Les violences sexuelles faisaient partie des violences perpétrées en campagne et particulièrement lors des sièges, soit sur la population alentour, soit dans la ville même en cas de pillage. Les femmes prises à l’ennemi avaient une valeur marchande presque nulle dans le cadre de l’économie des rançons, à quelques exceptions près . Considérées comme appartenant à l’ennemi, elles sont livrées à la soldatesque, séparées de leurs enfants, et bien souvent violées . Les scènes de viols collectifs étaient courantes lors de la prise de villes, et là encore, il semblait difficile de s’opposer à la violence des gens de guerre.
Aouste sur Sye ne sera pas épargné par les exactions de la soldatesque. Le 23 janvier 1626, le comte de Sault, Charles II de Créquy de Blanquefort, ordonne de raser les remparts et les maisons des particuliers https://aouste-a-coeur.com/demolition-des-remparts-daouste-en-1626/
En 1629, lors d’un séjour de Richelieu à Aouste, les consuls se plaignent du passage de 7 à 8000 soldats et des « charges et surcharges » causées par le logement des militaires ainsi que des « blessures dans les vignes faites par les soldats ».
L’Intendant du Dauphiné adresse en 1640 une lettre d’excuses pour les exactions commises par les soldats et officiers de passage dans la communauté.
En 1644, une commission est ordonnée par l’Intendant suite à l’information par les consuls d’Aouste qui faisait état d’actes administratifs abusifs, extorsions d’argent, denrées mal payées, mauvais traitements par les soldats sur la communauté pouvant entraîner le mécontentement et des désordres. La responsabilité des officiers sur les soldats et un recours éventuel à la justice sont envisagés (AM Aouste EE 1/6).
Les conséquences tactiques parfois désastreuses des pillages conduisent en effet à la prise de conscience, par les gouvernants et les chefs militaires, de la nécessité de contrôler la mise à contribution des contrées traversées ; Richelieu constatait dans son Testament politique, « qu’il se trouve en l’histoire beaucoup plus d’armées péries faute de pain et de police que par l’effet des armées ennemies ».
La mise en place du système des étapes en France, à compter de 1623, doit ainsi faciliter la régularité du ravitaillement. Reposant à la fois sur les « étapiers » – des entrepreneurs privés –, sur les autorités municipales et sur les munitionnaires, ce système ne se développe avec une certaine efficacité qu’après l’ordonnance d’avril 1665 due à Louvois.