LA LIGNE BOURG DE PEAGE – SAINTE EULALIE EN ROYANS

La Ligne Bourg de Péage – Sainte Eulalie en Royans






La ligne ouvre le  samedi 16 mars 1901 et ferme le 10 juillet 1931.

Arrêts : Romans – Bourg de Péage – L’Ecancière – La Baume d’Hostun – St Nazaire en Royans – St Jean en Royans – St Laurent en Royans – Ste Eulalie en Royans

D’une longueur de 40 kms, la ligne débutait par une forte boucle, elle quittait Bourg jusqu’à St Nazaire en Royans, elle suivait la route pour ensuite avoir son propre tracé.

Elle faisait un détour jusqu’à St Jean en Royans. Elle arrivait à la porte de Pont en Royans, cette dernière localité se situant en Isère. La ligne s’arrête à la juste limite du département.

 

Cette ligne a suscité beaucoup de réactions

 

Il faut remonter à 1866 pour trouver le souci d’un avant-projet d’étude concernant un chemin de fer d’intérêt local de la Drôme.

A cette époque, il est envisagé pour la région une ligne Valence – Bourg de Péage – Saint Hilaire du Rozier, puis cette perspective de Saint Hilaire a été vite abandonnée, en raison de la traversée de l’Isère, au profit de Saint Jean en Royans.

Dès 1867, on envisage une extension vers La Chapelle en Vercors.

Les communes du Vercors (La Chapelle et Vassieux) et du Royans votèrent d’ailleurs des subventions pour la création de cette ligne.

C’est par une délibération du 26 juillet 1887 que les Conseillers Généraux demandent l’étude du projet Chabeuil – Bourg de Péage – Sainte Eulalie en Royans.

 

Les premières réactions des Maires et Conseillers Municipaux

 

Dés 1891 une très grande activité se manifeste autour des projets des chemins de fers.

Les Maires et Conseillers Municipaux, mais également les populations souhaitent que le tramway passe vers leurs villages ou tout au moins le plus près possible.

C’est ainsi qu’abondent les tractations et les pétitions.

Parmi les pétitions les plus caractéristiques, on peut souligner les arguments convaincants de la commune de Charpey : « Charpey possède en effet quatre moulins, une manufacture de pelleterie et de tapis, des carrières de sable de kaolin, d’aluminium et de minerais de fer. Il s’y fait un grand commerce de bois de fusils et de chauffage, trois fabriques de galoches et de sabots, et enfin un bureau de postes et de télégraphes ».

Cependant, le tram ne passera jamais au village de Charpey mais seulement à Saint Didier de Charpey.

Les habitants de Barbières réagissent également et demandent le passage de la ligne plus près de chez eux en empruntant les chemins 25 et 49, cette modification de tracé « n’augmentant la longueur du tracé prévu que de 1800 mètres »

 

Compte-rendu du journal  » Le Petit Jacquemart « , article du journal, du jeudi 21 mars 1901

 

De Bourg de Péage à Sainte Eulalie

Depuis samedi dernier, la nouvelle ligne de tramways de la Drôme, de Bourg de Péage à Sainte Eulalie est ouverte au public.

Nombreux sont les voyageurs qui ont voulu « étrenner » la ligne ; dimanche, notamment, le mouvement a été considérable ; et cette hâte à profiter des facilités apportées par ce commode moyen de transport est d’un bon augure pour l’avenir.

Désireux de renseigner nos lecteurs, nous avons fait, nous aussi malgré le mauvais temps qui semble vouloir s’éterniser, le parcours de Bourg-de-Péage à la gare terminus.

Disons, tout d’abord, que le matériel affecté au nouveau tronçon par la compagnie de la Drôme, diffère sensiblement de celui que nous sommes habitués à voir rouler sur les autres lignes – celles de Tain et St Donat, par exemple.

Les wagons, beaucoup moins longs et plus hauts, sont montés directement sur quatre roues au lieu de l’être sur des chariots à deux paires de roues, chacun.

Leur couleur bois est agréable à l’œil ; et, ce qui est plus essentiel, ils sont d’une douceur et d’un confort véritablement exceptionnel dont il convient de louer sans réserves la Compagnie.

Enfin leur poids est beaucoup moins considérable ; il ne dépasse guère 5000 kilogs, alors que les autres wagons de la Drôme atteignent, en moyenne, 8000 kilogs.

Au départ

La plupart de nos concitoyens connaissent la rue ouverte spécialement pour le passage du tram qui, partant de la gare, au fond de la place de Dellay, vient rejoindre, aux Minimes, la route de Pizançon.

Un arrêt permet aux voyageurs de s’embarquer là, si la chose leur plait mieux ou s’ils y trouvent un avantage.

La voie, jusqu’à l’allée du château de Pizançon suit le côté gauche de la route ; elle longe, par conséquent, la rive de l’Isère ; et contemplé du wagon, le panorama de Romans, pour si connu qu’il soit, ne manque pas de charmes, en raison de la vitesse avec laquelle il se déroule à nos yeux.

Même, par cette après-midi pluvieuse, à demi enveloppé dans un léger brouillard qui estompe tout, à courte distance, en des teintes attristantes de grisaille, il est attrayant encore ; et le regard cherche à reconnaître le foyer familial, la promenade favorite, une maison amie…

De Pizançon à St Nazaire

Deuxième arrêt : Pizançon !… Le train s’arrête au centre du village ; une station qui sera joliment fréquentée par les beaux jours ensoleillés. Et les promeneurs, pour se tendre à leur restaurant préféré, n’auront pas grand chemin à suivre : le jardin très fréquenté du « père Brunat » est tout proche ; on l’aperçoit, au passage, avec ses tonnelles sous lesquelles, l’été, retentissent tant de rires, s’échangent tant de joyeuses plaisanteries.

Mais le tram déjà s’est remis en marche ; le voilà, maintenant, qui enfile la descente de Canard. Au bas, après le pont, troisième arrêt : le Papelissier.

Bien qu’obligé de repartir au pied d’une côte, le tram démarre sans effort. Il file, rapide, sur le Martinet, abandonnant, quelques cents mètres avant d’y arriver, la route, pour s’enfoncer dans une tranchée profonde qui semble le conduire tout droit, à l’Isère.

On stoppe ; c’est l’abri de Meymans. A partir de ce point, la ligne côtoie de si près la rivière que, par moment, on s’aperçoit, à pic, ses eaux rendues plus boueuses qu’à l’ordinaire par une semaine d’averses diluviennes. Cela ne manque, ni de pittoresque ni d’intérêt.

Aucun arrêt jusqu’à Lecancière. Pourtant, au lieu dit Les Combes, aboutit un chemin qui dessert le populeux quartier des Thiolets susceptible d’amener, à la nouvelle ligne les jours de marché, surtout, un nombre respectable voyageurs.

Signalé à la bienveillante attention de la Cie.

Le tracé de la voie pour éviter la côte éreintante de l’Ecancière, a été fait d’une manière intelligente ; le regret unanime est qu’il n’ait pas été suivi par les ponts et chaussées.

Deux ou trois cents mètres avant le détour qui précède le pont de Cernes, où commence la rude montée, la ligne oblique à droite et commence à gravir le côteau avec un pente relativement douce pour revenir à la route au sommet, près du pont existant sur le canal de la Bourne.

Un viaduc a été construit pour le passage de la combe de Cernes. Sa différence d’altitude avec la route en contre bas fait apprécier de visu l’avantage du tracé suivi par le tramway.

Celui-ci gravit aisément la pente qui a son maximum atteint trois centimètres par mètre.

Lecancière possède une gare dont M. Orard, cafetier, est le chef et qui, par sa situation est appelée à avoir un trafic important

Simples arrêts aux Fauries, à l’embranchement de la route de la Beaume-d’Hostun, à St-Hilaire-St-Nazaire, c’est-à-dire au débouché du pont qui conduit à la gare de la ligne Valence-Grenoble et que, pour éviter toute confusion, avec la station suivante, nous proposons d’appeler St-Hilaire-St-Nazaire P.L.M.

La voie, dès qu’elle arrive au détour où se montre, soudain – tableau peu banal, avec un fond de montagnes, digne d’une féerie – l’aqueduc aux arches gigantesques, enjambant l’agglomération principale de Saint-Nazaire, passe sur la gauche de la route, et longe la côte abrupte au bas de laquelle coule la Bourne.

A Saint-Nazaire

L’établissement du tramway a entraîné une transformation totale de ce village qu’on a littéralement éventré pour l’ouverture d’une splendide avenue qui s’ouvrant après le petit pont voisin de l’hôtel Poudret — bien connu des amateurs de bonne cuisine et des touristes — aboutit à l’ancienne route de la Motte.

On a remblayé et nivelé un espace immense. Un pont, de belle allure, a été jeté sur ce sui fut la grande rue — cette rue se termine en face de l’hôtel Clot — rendez-vous des gourmets — au pont de la Bourne, à la sortie de Saint-Nazaire — et sur le Ruisseau Rouge, ainsi nommé parce qu’il charrie de la terre de cette couleur, les jours d’orage, tel un ruisseau de sang.

Le service vicinal a contribué largement à cette grosse amélioration qui donne une activité profitable à la route de la Motte, délaissée naguère, en raison de son étroitesse invraisemblable dans la traversée de Saint-Nazaire.

Les habitants, sur le pas de leur porte ou sur la place, examinant curieusement le tramway auquel ils ne sont point accoutumés encore. Les gracieuses et accortes « fabricantes », à l’air provoquant, sont au premier rang.

Les braves gendarmes, eux-mêmes, de la cour de leur caserne, regardent ce spectacle nouveau pour tous — ce qui ne les empêche pas, du reste, d’exécuter entre temps, avec l’ensemble, des exercices de maniement d’armes.

De la gare à l’extrémité de l’avenue, on a vu sur le derrière des maisons très vieilles et très bizarrement construites, qui s’échelonnent contre la montagne et qui présentent un aspect si baroque qu’aucune description ne saurent en donner une idée.

C’est là que s’opère le croisement des trains circulant ensemble, sur la ligne.

Bientôt, le tram de St-Eulalie arrive et nous repartons à nouveau.

Dans les côteaux

Quiconque a connu la route de la Motte-Fanjas, ses coudes brusques, ses rampes incessantes et rapides, peut se rendre compte des difficultés que la Cie de la Drôme a rencontrées pour la construction de la ligne, entre St-Nazaire et Saint-Thomas.

Non seulement elle a triomphé de ces difficultés, la Cie de concert, en maints endroits, avec le service vicinal, mais elle a fait œuvre d’art.

La voie serpente pratiquement et agréablement le long des côteaux pittoresques et boisés, dont l’aspect sera magnifique quand des branches, qui de multiples façons s’entrecroisent, auront reçu leur verte parure du printemps.

Des vallons sont franchis au viaduc de Jalavel, au pont de Malleval.

On se croirait positivement dans un des coins les plus poétiques de la Suisse et, en dépit du ciel sombre et monotone, nous admirons des sites qui, l’été, doivent être ravissants.

Un arrêt bref à la Motte-Fanjas, un autre arrêt à St Thomas ; puis, le tram continue sa course vers St-Jean-en-Royans, tandis que le regard s’attarde sur le panorama qui s’offre à lui de St-Nazaire à l’entrée du Vercors, s’effaçant par degrés dans la brume, confus, presque mystérieux…

La gare de Saint-Jean

Cette gare a été construite, vers le milieu de la montée que bordent les premières maisons de St-Jean, à quelques cent mètres de la route, sur un vaste emplacement qui finit perpendiculairement à cette montée.

Pour y accéder le tram faisant un assez long détour va passer devant les anciennes usines de velours qu’il contourne.

Dix minutes d’arrêt. Pas de buffet. Cela viendra sans doute.

Puis en est-il besoin ? les hôtels sont si réputés à Saint-Jean ! les touristes ne manqueront pas d’y accourir en foule et, à l’hôtel d’Europe notamment, légion seront les visiteurs qui viendront se délecter en d’exquis et succulents repas ou demander à M. Abisset de les conduire à la nouvelle route, à la forêt de Lente, ces véritables merveilles du Royans.

Vers le pont terminus

Nous nous sommes remis en marche. On rejoint, à la sortie de la ville, la route de St Laurent qu’on quitte au commencement de la grande descente pour obliquer à droite, dans la direction des Forges, et faire à travers la combe de Laval, au pied de la montagne, un crochet de plusieurs kilomètres. C’est un des passages les plus intéressants de la ligne.

Le Cholet est franchi qui un pont dont le tablier métallique, porté par les culées seulement, c’est-à-dire non soutenu par des piles, ne mesure pas moins de 55 mètres de longueur. Le torrent écume, semblable à un ruisseau de lait, à une profondeur de 34 mètres — la hauteur approximative de Jacquemart…

Une longue rampe conduit à St-Laurent, but de promenade et de pantagruéliques agapes, car les amis de la bonne chère, enchantés de l’accueil cordial qu’ils y reçoivent aiment à se réunir à l’hôtel Ferouillet.

En quelques minutes, on est rendu à la station terminus : Saint-Eulalie.

Les Petits-Goulets sont proches ; c’est la porte du Vercors.

La gare de saint Laurent en Royans

Modifications à l’horaire

Aux premiers beaux jours, les touristes amenés par le tram, vont affluer dans nos montagnes. Toutefois, il importe que la Compagnie de la Drôme, et c’est dans son propre intérêt comme dans l’intérêt général, modifie son horaire.

Actuellement, le premier train quitte Bourg de Péage pour Sainte-Eulalie, le matin, à 9h. 17. Cette heure est beaucoup trop tardive. Il faudrait un départ vers 6 heures et demie ou sept heures du matin. On arriverait, ainsi, à Ste-Eulalie vers 9 heures. D’autre part, le dernier départ de Ste-Eulalie pour Bourg-de-Péage se trouve en plein après midi, à 2 h.54. Il conviendrait qu’il soit retardé au moins jusqu’à 7 h.

Ces modifications qui s’imposent permettront de faire l’excursion du Vercors en une journée ; les voyageurs débarquant à St-Hilaire-St-Nazaire, gare du P.L.M. auront à l’aller et au retour, la correspondance avec les trains de la grande ligne ; les déplacements, étant rendus faciles, deviendront plus fréquents et chacun y trouvera son avantage.

On demande, en outre, la création de trains directs entre St-Jean et Valence, avec un prix de transport sensiblement égal à celui du P.L.M. pour le même parcours. Mais tout ne peut s’obtenir à la fois. Cette question viendra plus tard.

La Cie, nous en sommes certain, donnera sous peu aux populations intéressées une première et importante satisfaction par la modification de son horaire ; c’est la réclamation la plus justifiée, la plus pressante ; nous ne doutons pas, qu’à bref, il y sera fait droit.

Nos compliments, en terminant, à la Compagnie des chemins de fer de la Drôme, pour les soins apportés dans la construction de la ligne — et à son personnel qui s’attache à mériter toutes les sympathies par sa complaisance exceptionnelle et par sa courtoisie.

 

Deux témoignages de l’époque, recueillis par les élèves de l’école de Saint Thomas en Royans en mai 1991 :

 

  • Le témoignage de Monsieur Surlin, né en 1910

Je crois que le petit tram existait vers la fin du siècle (ce témoignage date de 1991 !). Il marchait à la vapeur, c’était rigolo car parfois, il y avait des pannes.

Il partait de Romans, Bourg de péage, Pizançon, l’Ecancière; Il traversait la route avant Saint Nazaire puis il continuait dans Saint Nazaire qu’il traversait entièrement. Il n’y avait pas de passage à niveau. Quand il allait traverser une route, il sifflait et les gens qui avaient des chevaux, des bœufs ou en vélo se garaient et attendaient que le train passe. Il montait sur La Motte et Saint Thomas en Royans où il y a encore la gare (le restaurant Blandin) puis il allait à St Jean où il prenait le plus de marchandises et de voyageurs. Il traversait le pont à Champlong, montait à Saint Laurent, Ste Eulalie et descendait au Foulon où il y a encore la gare et les entrepôts. Il ne pouvait pas aller à Pont en Royans.

Il servait surtout pour transporter des voyageurs. Le vendredi, à St Jean ou à St Thomas, on voyait des paysannes avec leurs paniers qui allaient au marché de Romans pour vendre des œufs, des poulets, des lapins et des tommes.

Le tram servait au transport des bois qui venaient des scieries de St Jean : des plateaux de noyer, de hêtre… C’était le petit tram qui transportait tout. Il y avait 5 ou 6 wagons, souvent 3 wagons de voyageurs, 2 de marchandises plus un wagon découvert.

L’hiver c’était drôle, les rails étaient gelés, le tram patinait et le mécanicien descendait de la machine pour mettre du sable sous les rails. Du Pont du Cholet jusqu’à St Laurent, c’était tout une histoire car les voyageurs devaient descendre. Quand on allait à Romans en vélo, on s’amusait à faire la course avec lui. Il y avait des arrêts dans chaque « pays ». Entre les villages, il y avait des arrêts facultatifs. Quand quelqu’un attendait, le tram s’arrêtait, c’était parfois une erreur. On faisait ce qu’on voulait du petit tram !

J’avais un conscrit dont la mère tenait la gare de St Jean. Elle était veuve de guerre.

Le samedi et le dimanche matin, le café Bodin recevait 30 à 40 pêcheurs qui venaient avec le tram. Ils cassaient la croûte puis ils descendaient à la Lyonne ou à la Bourne et reprenaient le tram le soir pour repartir sur Romans.

Derrière le chauffeur, il y avait des piles de briques de charbon que le chauffeur cassait pour alimenter le foyer dès que la pression baissait. A Pont, St Jean et Bourg de péage, il y avit une réserve d’eau. A Pont en Royans et Saint Jean, il y avait des plaques tournantes pour faire pivoter la machine à l’aide de barres.

Un dimanche, on sortait de la messe et on entendit un bruit terrible. Au pont sur la Lyonne, trois wagons, chargés de bidons de lait qui venaient de la laiterie de St Jean, avaient déraillé et basculé en contrebas dans la prairie. Les wagons de voyageurs n’avaient par déraillé.

A la Motte-Fanjas, au café, dans le virage, il y avait une écurie de cochon. La locomotive a tiré droit et a démoli le mur de l’écurie.

Le confort ? En 3ième classe, au début, les banquettes étaient dans le long du wagon. Ils ont étés modifiés par la suite. Dans les « premières », il y avait des sièges en cuir.

Quand il y avait une vogue (fête locale) à Pont ou à Ste Eulalie, en partant de St Jean, il refusait du monde;

A St Jean, il laissait des wagons plusieurs jours et avec des chars et des chevaux, on apportait les marchandises dont beaucoup de bois, des matériaux de construction, des bottes de foin. Il y avait même des wagons pour transporter les chevaux.

J’étais à la musique et quand on allait jouer à Pont ou Romans, on prenait nos instruments et nous voilà partis avec le petit tram.

Avant le petit tram, pour aller à Romans, on prenait le patache (calèche tirée par des chevaux) à St Jean et on allait à Saint Hilaire du Rosier prendre le train du P.L.M.

 

  • Le témoignage de Madame Eva Allard, née en 1913

J’ai pris le tram appelé « tacot » à l’age de 3 ans pendant deux ans, régulièrement, pour me rendre le dimanche de Romans, où j’habitais avec ma mère, à St Jean en Royans où vivaient mes tantes. Ensuite à l’age de 10 ans, je le prenais souvent seule, en sens inverse, lorsque j’habitais Oriol en Royans et que je me rendais « en ville » chez mon oncle de Romans pour les fêtes foraines.

Nous prenions notre billet en carton que le contrôleur poinçonnait avec sa pince mais, lorsque j’avais 5 ans, je voyageais gratuitement. Le contrôleur fermait les yeux peut-être parce que ma mère était veuve de guerre et puis j’étais si minuscule que je pouvais passer pour une enfant de 3 ans au tarif réduit.

L’hiver, dans les compartiments, se trouvaient au sol, de trés longues bouillottes de métal remplis avec de l’eau de la chaudière de la locomotive, c’était l’unique moyen de chauffage. Parfois, le personnel n’avait pas le temps de garnir les bouillottes et nous gardions les pieds froids. Il y avait deux employés, le chauffeur et le mécanicien. Le charbon était stocké dans un wagon spécial.

Il y avait un wagon de première classe avec des fauteuils garnis de repose-tête en dentelle souvent ternie. Les fauteuils étaient orientés dans le sens de la marche tandis que les banquettes de bois des wagons de seconde classe étaient latérales et en vis-à-vis. Les filets contenaient les emplettes faites à Romans ou les denrées à vendre car ma mère allait vendre ses tomes de chèvres le vendredi au marché du vendredi.

A St Jean, Monsieur Format, l’épicier, était « commissionnaire », c’est à dire que les gens lui commandaient des marchandises. Il les ramenait par le « tacot » dans le wagon qu’il avait louer. Ma mère lui avait commandé du grillage.

A l’Ecancière, le « tacot » s’arrêtait pour s’approvisionner en eau au grand bassin réservoir de la Bourne puis, nous attendions que les chauffeurs se soient désaltérés au café. Il ne fallait pas être pressé ! Je crois que nous mettions deux heures (2h40 sur les horaires de tram et 1h40 en bus. NDLR) pour faire St Jean – Romans en raison des nombreux arrêts dans chaque village. L’été, les arrêts au café étaient encore plus fréquents et il fallait encore réélancer la locomotive après chaque arrêt et puis, dans les montées, la machine ralentissait beaucoup. Mon mari, enfant, habitait à St Thomas et avait la possibilité de s’accrocher facilement au « tacot » en montée pour se faire transporter à St Jean.

Je pense qu’il y avait trois services par jour dans les deux sens, le matin, à midi et le soir.

Dans le tunnel construit après le Pont Neuf de Romans (coté Bourg de Péage), si nous négligions de remonter les glaces, nous étions couverts de poussière noire.

Lorsque j’ai eu 16 ans (donc en 1929), le car a supplanté le « tacot de Romans au Royans et j’ai toujours pensé qu’on avait réalisé de gros investissement pour une courte durée.

 

Sources

www.rvd.free.fr/lechemindeferdepartementaldeladrome_leslignes.htm

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