PAUL-LOUIS SIMOND

 

Paul-Louis Simond (1858-1947)

 

 

Paul-Louis Simond est né le 30 juillet 1858 à Beaufort-sur-Gervanne, petit village de la Drôme aux confins du Vercors et mort le 18 mars 1947 à Valence, est un biologiste français, médecin de la Marine, spécialiste des épidémies. Il met en évidence le rôle de la puce du rat dans la transmission de la peste bubonique en 1898.

 

 

De 1890 à 1894, il est médecin de 2e classe de la Marine, et muté  il participe aux campagnes de vaccination contre la variole, tout en menant des recherches océanographiques dans le golfe du Tonkin. C’est en Chine, à Long-Tcheou, qu’il rédige ses Notes d’histoire naturelle et médicales.
Il entre en 1895 à l’Institut Pasteur, où il suit les cours de microbiologie et y mène des recherches sur les coccidies.

Après des études au lycée de Tournon en Ardèche, Simond commence ses études de médecine à l’École de Santé Navale de Bordeaux où résidaient des membres de sa famille. En 1882, il présente et réussit le concours d’admission dans le Corps de Santé de la Marine. En cours d’étude, il effectue, comme c’était alors l’usage, et commence sa carrière comme aide-médecin de la Marine en Guyane, où il dirige la léproserie de l’Acarouani en Guyane de 1882 à 1886, après lequel il soutient sa thèse de doctorat sur la lèpre en 1886 à Bordeaux et ses modes de propagation en Guyane française. Médecin de deuxième classe de la Marine (lieutenant), il est désigné pour servir en Indochine et en Chine de 1890 à 1894 où il participe aux campagnes de vaccination contre la variole, tout en menant des recherches océanographiques dans le golfe du Tonkin. C’est en Chine, à Long-Tcheou, qu’il rédige ses Notes d’histoire naturelle et médicales.

Il entre en 1895 à l’Institut Pasteur, où il suit les cours de microbiologie et y mène des recherches sur les coccidies. Il séjourne dans le nord-Tonkin et en Chine où se révèle son goût prononcé pour la botanique et où il est en contact pour la première fois avec la peste.

L’année 1895 voit Paul-Louis Simond à l’Institut Pasteur de Paris où il va connaître Metchnikoff, Calmette, Laveran, Yersin et Roux. Il y réalise des travaux importants sur les coccidies, voisines des hématozoaires du paludisme.

Proche des pasteuriens les plus éminents, il est envoyé en mission aux Indes anglaises où il prend le relais d’Alexandre Yersin pour étudier plus avant la peste et réaliser des tests de vaccins : il s’agit de mener une campagne de sérothérapie contre la peste bubonique dans la région de Bombay où sévit une grave épidémie.

Laveran reconnaîtra qu’il fut le premier à émettre l’opinion que les flagellés de leur cycle étaient des éléments mêles destinés à féconder des éléments femelles. Cette hypothèse sera confirmée par Grassi et ses collaborateurs qui définirent le cycle de l’hématozoaire. La qualité des recherches de Simond au laboratoire de Metchnikoff suffirait à consacrer la notoriété de son auteur.

En 1896, une très grave épidémie de peste se développe à Bombay. Yersin s’y rend pour expérimenter le sérum préparé à partir du bacille qu’il avait découvert deux ans auparavant. En 1897, Simond est appelé par Roux à succéder à Yersin : il va désormais opérer dans les foyers les plus actifs de peste aux Indes. Seul, avec peu de moyens, dans un pays livré à la misère et à la peur, par ses dons d’observateur, son intuition, ses talents d’expérimentateur, il va démontrer, le 2 juin 1898, le mécanisme de transmission de la peste du rat à l’homme et la nature du vecteur spécifique de la maladie, la puce.

Le bacille de la peste Yersinia pestis a été identifié en 1894, ce qui a permis la réalisation de sérums contre cette maladie. Paul-Louis Simond sillonne la région, observant les malades qui affluent. En juin 1897, il remarque chez certains d’entre eux la présence d’une petite cloque ou phlyctène évoquant la piqûre d’un insecte : il a ainsi l’intuition que la transmission de la maladie à l’homme ne s’effectue pas directement par le rat, et se tourne rapidement vers la puce du rat (Xenopsylla cheopis).

Il se heurte à une nouvelle difficulté : capturer des puces sur des cadavres frais de rats n’est pas facile et très dangereux. Il se souvient alors que lorsqu’on lave un chien au savon, on trouve dans son pelage des puces engourdies et immobilisées. Il utilise des rats morts de peste expérimentale, se servant d’une pince pour mettre un cadavre dans un sac en papier, et le plonger dans l’eau savonneuse. Il récupère les puces engourdies pour les écraser entre deux lames. Il obtient ainsi une préparation du contenu intestinal, observable au microscope, qui confirme la présence de bacilles.

Il faut ensuite démontrer la transmission par la puce. Des expériences menées un an plus tard à Karachi, frappée par une nouvelle épidémie de peste, seront rapidement concluantes en juin 1898. Il met au point un système de deux boites grillagées rapprochées dans une même cage. Il place un rat malade de peste dans une boite, en y ajoutant les puces du chat de son hôtel. Quand le rat malade agonise, il place un rat sain dans l’autre boite. Au 5e jour, le rat sain tombe malade et meurt le 6e jour. A l’autopsie, ce rat fourmille de bacilles. Simon écrit :

« Ce jour-là, le 2 juin 1898, j’éprouvais une émotion inexprimable à la pensée que je venais de violer un secret qui angoissait l’humanité depuis l’apparition de la peste dans le monde »

Cette découverte permettra d’associer la dératisation et la désinsectisation, facteurs décisifs pour la diminution de la peste dans de nombreux pays. Les Annales de l’Institut Pasteur publient les travaux de Paul-Louis Simond sur la transmission de la peste.

Ces travaux se heurtent à beaucoup de scepticisme, voire aux sarcasmes « Simond le magicien, avec ses puces ». Il faudra plus d’une dizaine d’années pour convaincre la communauté scientifique internationale. En 1903, J.-C. Gauthier et A. Raybaud prouvent que la maladie ne se transmet pas, dans la grande majorité des cas, en l’absence de puce. En 1906, une commission anglaise confirme les travaux de Simond avec un système plus élaboré. Enfin, en 1914, Arthur William Bacot et Charles James Martin (du Lister Institute, en Angleterre) montrent que l’infection affecte la puce elle-même, engorge son système digestif et l’amène à régurgiter des bacilles à chaque nouveau repas, ce qui explique son rôle de vecteur principal.

De 1898 à 1901, Paul-Louis Simond dirige l’Institut Pasteur de Saïgon au Vietnam et reçoit la distinction de Chevalier de la Légion d’honneur.

Rapatrié en 1901, il revient à l’Institut Pasteur qui l’envoie en mission au Brésil où sévit la fièvre jaune. Il est accompagné par Marchoux et Salimbeni. Ces trois chercheurs vont d’abord confirmer les résultats obtenus à Cuba par la commission américaine depuis 1889 : le sang du jauneux n’est virulent que pendant les 3 premiers jours de la maladie ; le stegomyia n’est infectant que 12 jours après s’être nourri sur un malade ; le virus de la maladie est invisible et filtrable ; l’affection confère une immunité contre l’inoculation d’épreuve. La mission française va en outre montrer que la période d’incubation de la fièvre jaune peut se prolonger jusqu’à 13 jours et que, expérimentalement, il existe une possibilité de transmission héréditaire du virus chez le moustique, ce qu’avaient nié les auteurs américains.

En 1905, Simond, Médecin principal des Troupes Coloniales, rejoint Marseille où il va, pendant six ans, être associé de très près aux débuts de l’Ecole du Pharo. Il cumule les fonctions de sous-directeur et de professeur de bactériologie, hygiène et épidémiologie. Le 29 septembre 1907 a lieu l’inauguration officielle de l’Ecole d’Application du Service de Santé des Troupes Coloniales, en présence du Général Archinard, commandant le Corps d’Armée Colonial et du représentant du maire de Marseille, Monsieur Chanot.

Il effectue des missions pour l’Institut Pasteur en Martinique (1908-1909)

De ces premières promotions d’élèves firent partie Muraz (1907), Blanchard et Botreau-Roussel (1908), Jamot (1910).

Entre-temps, de 1906 à 1910, de retour en France, il devient professeur à l’École d’application du service de santé des troupes coloniales, à Marseille.

En 1911, Simond est remplacé par Bouffard à la chaire d’épidémiologie et par Lasnet comme sous-directeur.

Mis à la disposition des Affaires Etrangères, il prend la direction de l’Institut Impérial de Bactériologie de Constantinople de 1911 à 1913. Il y étudie le choléra qui sévissait dans les troupes turques avant d’atteindre cette dernière ville. Un jeune assistant travaille à son côté, Pasteur-Vallery Radot.

En 1913, il est nommé Médecin Inspecteur (Général) et franchit la dernière étape de sa carrière comme Directeur du Service de Santé de l’Indochine. Il occupera ces fonctions de 1914 à 1917. Ayant demandé sa mutation sur le front français et celle-ci lui ayant été refusée, il fait valoir ses droits à la retraite et quitte le service actif avant la limite d’âge, à soixante ans.

Pendant la Première Guerre mondiale, il dirige le service de santé des troupes du groupe d’Indochine. Passionné de botanique, il y mène une étude des orchidées, décrivant ces fleurs et passant une commande pour la représentation en aquarelle de 226 espèces locales.

Il quitte l’armée en 1917, et s’installe à Valence, dans sa Drôme natale, où il devient l’adjoint au maire de la ville. De 1919 à sa mort en 1947, il se consacre à la santé publique et à la lutte contre la tuberculose (dont le premier vaccin est mis au point en 1921) : il participe à la création de la pouponnière et du dispensaire antituberculeux de Valence.

Il y meurt le 18 mars 1947.

 

Hommage à Paul Louis Simond – Extrait de Médecine tropicale de l’ Institut de médecine tropicale du Service de santé des armées (Marseille)

 

« … On retiendra de sa biographie : – sa double orientation, militaire et pastorienne, qui fut celle de beaucoup de médecins biologistes du Service de Santé Outre-mer ; – sa longue carrière en Extrême-Orient : Chine, Indes, Indochine ; – les puissantes attaches « drômistes » : né et mort dans ce département, il fut adjoint au maire de Valence et est à l’origine d’une œuvre sociale importante. Il est l’auteur d’un recueil de fabliaux tout empreint du parfum de cette région déjà méridionale dont il aimait les choses et les gens.

Car la personnalité de Paul-Louis Simond présentait de multiples facettes. A côté du pastorien rigoureux, on aimera l’humaniste doué pour l’écriture, la peinture et la musique. Il fut un savant botaniste reconnu par le Muséum qui lui doit un atlas de 226 planches d’orchidées, dont plusieurs portent son nom.

Ses publications sont rares : 48 très exactement.

Mais leur richesse, leur valeur intrinsèque et fondamentale, leur lumineuse clarté les placent au rang des œuvres qui marquent et qui demeurent.

La médecine et la santé publique lui doivent d’abord son incomparable découverte du vecteur de la peste, victoire dont l’importance et le mérite ne peuvent s’apprécier que dans le contexte de l’époque. La transmission de la peste se concevait alors sur le mode fumeux des « miasmes », quelque peu amélioré par la notion de microbe dont Pasteur venait d’établir les bases fondamentales. Les agents infectieux éliminés par les excreta des organismes malades polluaient le milieu extérieur. C’est à partir du sol, des poussières, des aliments souillés, que l’infection pénétrait dans un organisme neuf par voie aérienne, digestive ou par le revêtement cutané excorié. Il fallut à Simond une prodigieuse ouverture d’esprit, une disponibilité totale, une soumission absolue aux données de l’observation et de l’expérience pour oser concevoir, puis démontrer, que la peste humaine, maladie mythique, peut dépendre d’un rat et d’une puce.

Simond a établi un pont, une liaison, entre pathologie animale et pathologie humaine, dans la transmission médiate, indirecte, d’une maladie animale à l’homme. Sa découverte est un pas considérable en avant sur le triple plan conceptuel, épidémiologique et prophylactique. Il marque

la fin du «splendide isolement » de maladies que l’on croyait strictement humaines. Il ouvre la voie aux notions si fécondes d’anthropozoonoses et de section arthropodique des maladies. Il fournira désormais aux responsables sanitaires un moyen prophylactique déterminant dans la lutte contre la maladie.

A tous ces titres, comme le dit Girard, créateur du vaccin avec Robic, Paul-Louis Simond eut mérité ce qu’obtint plus tard Charles Nicolle pour une découverte de même nature : le Prix Nobel.

Pourquoi les travaux de Simond ne connurent-ils pas la notoriété qu’ils méritaient ? On peut légitimement se poser la question. J’y vois trois raisons principales.

D’abord, la nouveauté même de la découverte.

L’opinion, on l’a vu, restait dominée par un anthropocentrisme qui pouvait difficilement admettre qu’une maladie humaine – et quelle maladie !- pût dépendre d’un aussi vil animal que le rat et pût être transmise à l’homme par la piqûre d’une puce. On traite Simond de « magicien » et ses travaux d’élucubrations sans fondement.

La deuxième raison de cette méconnaissance tient aux circonstance de la découverte : elle fut faite aux Indes, territoire dominé par les anglais, nos concurrents en matière de colonisation (Fachoda date également de 1898). Dans une lettre adressée à Roux le 31 août 1898, Simond s’exprime ainsi : « Depuis que je suis ici, j’ai rencontré dans le monde médical et administratif nombre de sympathies privées qui m’ont permis de marcher et m’ont ouvert tous les hôpitaux où j’ai désiré entrer. Mais l’obtention de malades a toujours eu la forme d’une tolérance et d’une faveur. La haute administration, tout en épiant mes actes et mes résultats, feint de nous ignorer. Son indifférence calculée et hostile reflète l’état d’esprit anglais dans l’Inde. Mes conversations m’ont confirmé dans cette opinion qu’un mot d’ordre de ne rien faire en faveur du sérum de l’Institut Pasteur, mais de favoriser contre lui tout ce qui vient d’autres pays, part des hautes sphères gouvernementales. Je suis écœuré de l’hypocrisie, de la morgue et de la crétinerie., fatigué par la lutte journalière contre un parti-pris chauvin et bête ».

Enfin, la modestie, la discrétion de Simond ne l’ont pas poussé à la renommée ni à revendiquer ce qui lui était dû. Simond était un sage, un humaniste. Si l’avenir de sa carrière ne lui était pas indifférent, il ne sollicita jamais récompenses et honneurs. Comme le dit Pasteur-Vallery Radot : « En 1912, j’eus le bonheur de travailler sous sa direction et d’apprécier autant ses qualités d’homme que ses mérites de savant. Il avait à la fois l’esprit d’observation, le jugement sain, la conception claire. Il était d’une humeur toujours égale et faisait preuve de cette large et humaine compréhension de la vie que possèdent les grands coloniaux. Retiré à Valence, il mena l’existence d’un sage, sans ambitions, indifférent aux choses dont il savait trop la vaine apparence, se dévouant à ses amis et se donnant tout entier aux œuvres sociales ».

Je terminerai en citant le président du syndicat des médecins de la Drôme lors de ses obsèques : « Cet homme de science était la modestie et le désintéressement mêmes. D’une courtoisie exquise, d’une affabilité peu commune, le Docteur Simond était vraiment une figure extraordinaire ment attachante du monde scientifique français ».

 

 

 

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