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ToggleNotices sur quelques capitaines châtelains et vi-châtelains de Crest
M. Brun-Durand, dans ses savantes Annotations au Mémoire de l’intendant Bouchu sur la généralité de Grenoble (1), donne la liste de vingt-sept châtelains ou gouverneurs de Crest de l’an 1217 à la Révolution. Des documents mis obligeamment à notre disposition par M. Courtaux, archiviste à Paris, nous ont permis de rectifier et de compléter ladite liste et de fournir des renseignements inédits sur plusieurs des personnages qui commandèrent à Crest.
Voici d’abord les rectifications et additions :
Noble Antoine d’Hostun, chevalier de Malte, châtelain de 1435 à 1437, Ses armes étaient : De gueules à la croix engrêlée d’or.
Noble Aymar de Poisieu, dit Capdorat, châtelain de 1436 à 1447.
Noble et puissant homme Jacques de Taix, châtelain de 1448 à 1453. Armes : D’argent à deux fasces d’azur.
Noble Robert de Gramont, dit le Gros, châtelain de 1463 à 1467.
Aymar Chapeys, vi-châtelain de 1486 à 1487.
Noble Claude Fayolle, vi-châtelain de 1488 à 1489. Armes : D’argent au lion de gueules au chef d’azur, chargé de deux palmes au naturel, passées en sautoir et liées de gueules.
Pierre Colombier, vi-châtelain en 1504 (2).
Aymar Giraud, vi-châtelain en 1505.
Noble Pierre Dupont, vi-châtelain de 1514 à 1524.
Noble Nicolas Fayolle, châtelain de 1525 à I56I.
Louis d’Urre de Cornillan d’Oncieu, seigneur du Puy-St-Martin, Marsanne, Bonlieu, St-Maurice-d’Allex, La Motte-Chalancon, Portes et le Pont-de-Barret, chevalier de l’ordre du Roi et châtelain en 1563. Il était fils de Claude d’Urre et de Gabrielle Adhémar de Grignan. Armes : D’argent à la bande de gueules, chargée en chef d’une étoile de champ. Cri : Urre. Devise : En tous lieux, à toute heure. — Commandant de la Tour en 1589.
Claude de Clermont, seigneur de Montoison, gouverneur de Crest en 1589.
Mutio Gentille (3), gouverneur en 1596. Ses états et émoluments, par ordonnance de Henri IV datée du camp de Servaiz, 28 février 1596, furent fixés à 33 écus 1/3 (4).
Philippe-Guillaume de Gramont, gouverneur des ville et château de Crest de 1698 à 1703.
François-Paul de Gramont, son fils, de même, de 1703 à 1752.
Marie-Philippe de Gramont, son fils, de même, de 1752 à 1790.
Suivent quelques détails biographiques sur plusieurs de ces personnages :
Aymar de Poisieu, surnommé Capdorat (tête dorée), à cause de sa chevelure blonde, écuyer et maître d’hôtel du dauphin Louis XI, était fils de Pierre de Poisieu, seigneur de Meyrieu, et frère d’Antoine de Poisieu, archevêque de Vienne, et de Jacques de Poisieu, capitaine des archers de la garde de Charles VIL Ce fut l’un des plus vaillants compagnons d’armes de Jeanne d’Arc. Il s’illustra en 1429 au siège d’Orléans et contribua pour une large part à l’expulsion des Anglais. Le 20 août 1444, le dauphin lui fit don de 1000 écus d’or (5). En septembre 1444, il fit partie de l’ambassade du dauphin au roi des Romains (6). Le 14 février 1447, le même dauphin lui octroya la châtellenie de Varmon (?) en Gapençais (7), et, le 15 octobre 1447, lui confia la mission de faire rendre des comptes à tous ceux qui avaient manié les finances en Dauphiné depuis cinquante ans (8). Le 13 des calendes de septembre (19 août) 1448, le pape Eugène IV lui concéda le droit de transporter un autel avec lui (9). En septembre 1450, il fut l’un des commissaires désignés par lé dauphin pour régler l’arrangement intervenu entre ce prince et l’archevêque de Vienne (10). Le même dauphin le chargea, le 9 décembre 1450, de négocier son mariage avec Charlottede Savoie (11), et, le 29 décembre suivant, lui fit don de 1000 écus d’or pour reconnaître ses services (12). A son avènement au trône, Louis XI le nomma bailli de Mantes, capitaine de Montereau et l’un des quatre capitaines généraux des francs-archers du royaume (13). Il l’était encore en mai [473, date à laquelle, par lettres royales données à Amboise, il reçut en don de Louis XI le droit de justice des terres de Sainte-Mesmes (14). — Il existe à la Bibliothèque nationale (15) trois lettres qui lui sont adressées par Louis XI, de 1462 et 1463. Elles ont été publiées à Paris par Vaesen et Etienne Charavay. Le roy l’y appelle familièrement Capdorat. Lui-même signait ainsi (16). Enfin, la même Bibliothèque possède une lettre de Capdorat à Louis XI (17). — Armes : De gueules à deux chevrons d’argent, surmontées d’un triangle à fasce en devise de même (18).
Robert de Gramont (19), dit le Gros, né en 1399 et originaire de Navarre, prit le parti de la France en 1441 et 1442, lorsque Charles VII, accompagné du dauphin, fit les sièges de Dax et de Tartas. En 1463, il était panetier du roi. Après cela, s’étant établi en Dauphiné, le dauphin le fit écuyer et capitaine-châtelain de Gigors, par brevet du 4 mars 1446, puis de Montmeyran, Crest et Charpey. Il était également seigneur de Vachères et co-seigneur de Montclar. Louis XI, à son avènement au trône, en 1461, lui conserva tous ses titres et emplois et le nomma de plus gouverneur de Sauveterre, en Béarn, bailli du Gévaudan et son maître d’hôtel. Il mourut en 1482, à l’âge de 83 ans. Il avait épousé, en 1453, Claude de Chastelard, fille de noble Pierre de Chastelard. Il en eut cinq fils. Il portait : Parti : au Ier, d’or au lion d’azur, qui est Gramont ; au 2e, d’or à trois chevrons d’ argent, qui est Chastelard (20).
Philippe-Guillaume de Gramont, marquis de Vachères, le sixième descendant mâle de Robert, fut élevé à la dignité de page sous Louis XIV et suivit ce prince aux campagnes de 1673, 1674 et 1675. Il eut un cheval tué sous lui au siège de Maëstricht, servit en qualité d’aide de camp du marquis de Montauban, prit part aux batailles de Senef et Altenheim et quitta l’armée en 1678. En récompense de ses services et de ceux de ses ancêtres, Louis XIV érigea sa terre de Vachères en marquisat par lettres patentes de 1688, enregistrées à la Chambre des Comptes de Grenoble l’année suivante. Il lui donna aussi le gouvernement des ville et château de Crest, où il mourut. Il avait épousé en 1678 Anne de Covet, fille de Jean-Baptiste de Covet de Marignane, chevalier, marquis de Marignane et des Iles d’Or, baron de Bonnes et de Tresse, et gouverneur pour le roi des île et forteresse de Pontecros. La mère d’Anne de Covet s’appelait Blanche-Madeleine de Seytres de Caumont.
François-Paul de Gramont, son fils, marquis de Vachères, servit d’abord dans le régiment de Tournon (infanterie), puis entra dans celui des gardes françaises, où il fut enseigne et sous-lieutenant ; quitta ce corps en 1706, pour commander comme colonel un régiment qui prit son nom ; fut fait guidon des gendarmes de Flandre, en 1709, avec un brevet de mestre de camp, se trouva, cette même année, à la bataille de Malplaquet, où il reçut un coup de feu qui lui traversa l’épaule gauche et plusieurs coups de sabre sur la tête ; fut pourvu, sur la démission de son père, du gouvernement des ville et tour de Crest ; nommé guidon de la compagnie des Ecossais, en 1719 ; enseigne de la compagnie de la Reine, en 1720, et mourut en 1754. Il avait épousé, en 1719, Marianne Gonthier, fille de Louis Gonthier, comte de Péroux, baron d’Auvillars, conseiller au parlement de Dijon.
Marie-Philippe de Gramont, marquis de Vachères, fils du précédent, fut mousquetaire du roi de la première compagnie, en 1736, et aide de camp du maréchal de Maillebois pendant la campagne de Corse, en 1739. Quelques années après, en 1742, il leva une compagnie de cavalerie au régiment de la Colonelle générale et se trouva à la bataille de Fontenay, où il reçut une blessure à l’épaule. Au mois de juillet 1752, le roi lui octroya le gouvernement des ville et tour de Crest à la place de son père, qui donna sa démission en sa faveur (21). Le 12 octobre 1767, il hérita, par testament d’André-Joseph d’Ancezune, duc de Caderousse, son parent paternel, de tous les biens de la maison d’Ancezune, notamment du duché de Caderousse. De son mariage avec Louise-Marie Gonthier, fille d’Anne Gonthier, baron d’Auvillars, premier lieutenant du roi dé la province de Bourgogne, il laissa plusieurs enfants, dont la postérité mâle s’est éteinte en ce siècle.
E. ARNAUD.
Notes
1 – Le Dauphiné en 1598, etc.; Lyon el Grenoble, 1874, in-8°. Voir aussi la Tour de Crest, par M. Lacroix, dans le Bulletin, t. XVI, p. 276 et suiv.
2 – En 1497 et 1498, on trouve un Pierre Colombier, exacteur à Crest. (Bibl. nat. Fonds franc.,22,365, p. 43.)
3 – Un Corse, vraisemblablement.
4 – Bibl. nat. Fonds franc., 3564, fol. 115 à 119.
5 – Bibl. nat. Pièces orig. Reg. 2 – 3111.
6 – Escouty, t. I, p. 34, note.
7 – Arch. de l’Isère, B 3223, fol. 348.
9 – Arch. du Vatican, Reg. d’Eugène IV, n° 387, fol: 158, verso.
10 – Charvet, Hist. de la Sainte Eglise de Vienne, p. 511; Mermet aîné, Hist. de Vienne, p. 211.
11 – Arch. de l’Isère, B, 3181.
12 – Arch. de l’Isère, B, 2965.
13 – Bibli. nat. Pièces orig., Reg. 2311.
15 – Fonds franc., 20489, fol. 69 : 20427, fol. 29; 20489, fol. 121.
16 – Cabin. des titres. Pièces orig., Reg. 2131.
18 – M. Rochas, dans sa Biogr. du Dauph. (t. II, p. 258), a consacré une courte Notice à ce personnage.
19 – On trouve cette orthographe dans les plus anciens documents.
20 – Bibl. nat. Pièces origin, du Cabinet des titres, Reg. 1388, titre 23, scellé.
21 – Gazette de France du 29 juillet 1752.
Article d’E Arnaud paru en 1890 dans le Bulletin de la Société d’archéologie et de statistique de la Drôme