LE SAC « D’AOSTE »

Le sac d’Aoste, ou le « martyr de la tranquille petite cité d’Aouste »






Résumé et essai de reconstitution de la chronologie des événements.

« Négres mos rembres son » C. Marti.

Traduction : « Noirs sont mes souvenirs »

 

En 1622 décès de l’évêque de Die – et de Valence – Pierre André de Gelas de Leberon, son neveu lui succédera, il jouira d’un « des plus riches évêchés de France ». Die était aussi vainement convoitée, depuis 1617, par Marie Vignon, épouse de Lesdiguières, pour son propre frère Jean, abbé de Saint- Rambert-sur-Loire.

Le 20 mars 1623 : le très puissant duc de Lesdiguières et son allié Brémond autorisent les consuls « d’Ost en Valentinois » à maintenir les remparts et les exemptent du logement des troupes.

Louis XIII et Richelieu accentuent, en 1626, la lutte contre les seigneurs et les protestants du Midi. Le 9 janvier, le parlement de Grenoble publie un arrêté de démantèlement des fortifications de Crest, Aouste, Mirabel, Livron, Barbières, La Baume-Cornillane, Puygiron.

Le 23 janvier 1626 le comte de Sault, après avoir dévasté Saillans, se heurte au refus des « consuls d’Ost »: ceux-ci ne veulent pas loger 700 à 800 cavaliers ; prétextant la défense du pouvoir royal et de la religion catholique, le comte ordonne de raser les remparts et les maisons des particuliers à l’exception de celle du seigneur du Cheylar. A neuf heures du soir la troupe, aidée par 200 à 300 habitants de Crest, pénètre dans la ville gardée par 50 sentinelles ; « le martyr de la tranquille ville d’Aouste » (vols, viols, assassinats, incendies) durera trois journées entières ; les portes de Crest, elles, resteront ouvertes jours et nuits !

Le 24 janvier, le comte ordonne au sieur Antojean, d’une part la destruction des murs et portes d’Aouste et, d’autre part, la protection contre tous désordres envers la population !

Les consuls Antoine Lambert et Pierre Achard adressent, le 26 janvier, une requête au connétable Lesdiguières : ils le supplient pour que les Crestois « leurs ennemis de toujours » arrêtent les violences et ne se voient pas confier les travaux de démolition des murailles.

 

Bilan de l’ordonnance du Comte de Sault du 23 janvier 1626 :

 

Destruction des portes de la ville, des fortifications, des maisons particulières, des ponts sur la Drôme et la Sye, des arcades, pillages des coffres et meubles, viol des femmes et filles, orgies, assassinats, ordre d’abandonner les lieux, pillage de l’église. Les pillards ont trouvé refuge à Crest dont les portes sont restées, sur ordre du sieur Antojean, ouvertes trois jours et trois nuits.

L’évêque de Valence, Charles Jacques de Leberon supplie, le 4 février 1626, Louis XIII contre les « exès et les viollances comises au habitans du lieu d’Aoust » ainsi que du « manque d’égard » pour le château et la maison de l’évêque à l’ouest du village.

Le roi dessaisit le parlement de Grenoble le 13 mars 1626 puis il confie une enquête au parlement de Toulouse. L’affaire sera ensuite transférée au parlement de Paris, Fouquet étant alors « Maître des requêtes et conseiller du Roy ». Les capitaines et d’Antojean ainsi que leurs complices sont cités à comparaître à Paris, mais ces militaires guerroient en Italie au service du roi de France. Quelques semaines plus tard, le 20 mai, Lesdiguières, peu scrupuleux, désapprouve « Sault, d’Ornano et d’Antojean », confirme le bon droit des Aoustois, leur fidélité au roi et à la religion catholique et déplore « la mise à sac de l’un des principaux territoire de l’évêché de Valence ».

Le 22 février 1627 voit l’arrestation et l’incarcération à Valence de quatre capitaines de Crest et de Bertrand Gonin, boulanger à Crest, sergent royal et viguier de Crest. Ils seront ensuite transférés à Paris à la prison de la Conciergerie.

Le 10 mars, sur décision du Conseil d’État, Bertrand Gonin est emprisonné au Fort- Levesque, il est libéré fin juillet 1627 vu son grand âge (70 ans).

Le règlement de diverses plaintes contre les Crestois, pour vols a lieu en 1627.

 

 

Résumé d’après les « Pièces relatives à la démolition des murailles d’Aoste », archives de Vincent Béranger.

 

Gravure de Jacques Callot – Pillage et Incendie d’un Village, 1633

 

Notes complémentaires :

 

– 28 septembre 1626 : Décès à Valence du maréchal de Lesdiguières alors qu’il préparait une attaque contre Le Pouzin. Il était né à Saint-Bonnet en 1543, officier au service de Henri III, Henri IV, Louis XIII, il a échappé à la Saint-Barthélemy. Il fut chef des protestants du Champsaur en 1576, gouverneur de Grenoble, il se convertit au catholicisme en 1622. Henri IV avait dit de lui qu’il était « rusé comme un renard ». Son gendre Charles II de Créquy sera comte de Sault ;

– de retour d’Italie en 1629, Louis XIII rencontre à Die l’évêque Gelas de Léberon. Richelieu et le frère du roi font deux séjours à Aouste (après le siège de Privas) ; ils « veillent » à l’agrandissement de l’hôpital d’Aouste.

– en 1658, à propos du sac de 1625, on affirme que « ceux de Crest ont donné de l’argent à divers régiments pour les faire arrêter à Aouste voire qu’après les avoir logé au dit Crest, ils les ont fait sortir et envoyés sur ces pauvres gens notamment le régiment de Balthazar de cavalerie… on a vu un des plus qualifiés de Crest qui a offert 500 livres aux officiers de cavalerie qui voulaient faire piller Aouste », archives communales 138, DD 4/49 ;

– en 1689, « la plus grande part des murs ont été rompus par les guerres civiles ou sont démolis par l’usure du temps » ; des devis sont donc établis pour la reconstruction des remparts (parfois en reprenant les fondations) sur une longueur totale d’environ 100 mètres et un coût de 1 260 livres – archives communales : EE10/57.

 

A lire aussi :

– Léo Chaix « Quand Louis XIII et le parlement de Grenoble faisait en 1626 démanteler les places fortes du Valentinois et du Diois » Le Dauphiné Libéré, 24 octobre 1966;

– Mailhet : « Histoire de la ville de Crest », pages 239 à 250, il note à propos d’Antojean: « ce soldat brutal et borné avait la manie des grandeurs », Imprimerie Ducros,Valence, 1900. Voir l’extrait

– « Vie du duc de Lesdiguières. Mémoires du Champsaur » – www.glaizil over-blog.com/categories 11.66140.html.

René Descours

 


Info
: Voir aussi  le livre édité par Histoire et Patrimoine Aoustois – réédition     de 2019

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