LE REPAS DU ROI HENRI III A ROMANS

 

Le repas du roi Henri III à Romans

 

 

A la nouvelle de la mort du roi Charles IX, son frère (30 mai 1574), Henri de Valois, duc d’Anjou, roi de Pologne, s’enfuit de son royaume et arriva le 15 septembre suivant à Lyon, où l’attendait sa mère, Catherine de Médicis. Il y tint un grand Conseil où fut décidée la continuation de la guerre contre les huguenots. Il descendit à Avignon pour contribuer par sa présence à la défaite des rebelles du Languedoc. Remontant bientôt le Rhône, il convoqua les Etats de Dauphiné à Romans, où ils se réunirent le 15 janvier 1575, sous la présidence du roi : « Ce qui ne s’était pas encore vu et ne se revit pas ». (Chorier). S. M. était accompagnée d’une nombreuse suite, en tête de laquelle on remarquait le duc d’Alençon, son frère, le roi de Navarre et le chancelier de Birague. Dans cette assemblée on arrêta que le Tiers-Etat de la province entretiendrait un corps de 2000 hommes d’infanterie, et la noblesse 50 hommes d’armes pour poursuivre la guerre, particulièrement contre Du Puy-Montbrun qui avait pillé les bagages du roi, près du Pont-de-Beauvoisin : audace qu’il paya de sa vie quelques mois après (13 août).

Le roi logea à Romans, dans la maison de M. Mulet (1), et repartit le lendemain pour Lyon, et de là, pour Reims où il fut sacré le 15 février suivant, par le cardinal de Guise, évêque de Metz.

 

Repas sous la Renaissance

 

La pièce originale, que nous possédons, contenant la note des dépenses faites à Romans, le 15 janvier 1575, consiste en une bande allongée de parchemin (65 cm sur 14), et signée de deux secrétaires du roi. C’était sans doute une pièce comptable qui servait à établir les dépenses générales de la maison du roi.

 

 

Extrait des Comptes de la Maison d’Henri III roi de France

Dépenses du 15 janvier 1575, à Romans

 

En voici l’exacte transcription.

Samedy quinziesme jour de janvier mil cinq cens soixante quinze, le roy tout le jour a Romans.

Panneterie, bouche et commun

 

Liv.

Sol

Den.

Au boulanger pour la bouche IIII xnes viij pains (2)

 

Lyj

 

A luy pour le

     

A luy pour le commun XLIII douzaines

troys pains

XXV

IV

 

S(omme) xxviij liv. xv s.

     

Eschan(sonnerie) : Bouche  :A la Pierre pour 1 bouche . . . . . LVJ sols

 

Commun

 

Liv.

Sol

Den.

Au sieur Colas, de Montelimard, pour iiij. charges de vin cl.

iiij

   

A Pierre Chan, de Romans, pour iiij ch. de vin

 

XLViij

 
A Imbert Dubois, de Romans, pour XL ch. de vin

xxxij

   

A sire Claude Manuel, dud. Romans, pour xxv ch. ij quartes, vin

xv

vj

 

Au charretier d’Eschan(sonnerie), pour son charroy ordinère

 

XLV

 

S(omme) LV 1. ix s

     

Cuisine, bouche et commun

 

Liv.

Sol

Den.

Au boucher, pour la bouche, 1 bouillon beuf et 11 gresse, vij sols et vj d.; une pièce beuf realte, xviij d. 11 de service, xvj s.;ung veau XL s.; 11 moutons une pièce, Lxiij s. ;x chapons L s.; xxxix poulets et pigeons, Lxiij s. vj d.; 11 chevreaux, XL s.; iiij perderix, xx s.; ij connils x s.; viij k. costelettes porc, xiij s. iiij d.; 11 langues beuf, v s. ;xxiij 1. lard, Lvij s. vj. d.; i qons oeufs i s.vij d.; cy bouche.

xxij

 

V

Et pour le commun: i bouillon et et vj 1.gresse, xvij s. vj d.; I-I pièces beuf réalles, xxxvj s.; viij et demye de service, Lxviij s.; ix moutons et vij pièces, xiiij 1. xj s.; xxxvj 1. port frais, Lx s.; xj cochons, ex s ; xxxvj chapons, ixl.; xiiij chevreaux et yssues, ixl. ij s.; xv connils, LXXV S.; xij beccassines ; xxx s.; vj ramiers, xv s.; xij perderix, LX S.; De oeuf, vj s. iij d.; 11k. beurre, vj s. ; Lxvij 1. lard, vj 1. ij s. vj d.; xxxj 1. chandelles, Lxxvij s. vj d.;.cy commun

Lxvij

xvj

ix

Cy bouche et commun iiijxx ix 1. vij s. ij d.

     

Au pasticier pour ouvrage de four

 

cv

viij

Au verdurier pour pots verdures, just et vinaigre

 

LiJ

vij

A l’escuier commun pour sel et oranges

 

xxxvj

 

S(omme) iiijxX xix 1. j s. iij d.

     

Fruicterie

 

Liv.

Sol

Den

Aux fruictiérs pour fruict ordre is. xi; extrare xxxvj s.; salades, xij s.; déchet du mortier, v s.; iiij 1. iij qteij on. cire blanche, LXX s.; xij 1. iij qte ij on. cire jaune, LXVJ s. vj d., cy –

Xij

Xj

iiij.

Fourrière

 

Liv.

Sol

Den

Au sieur du Sarlon, premier maistre d’Ostel

iiij

   

Aux sieurs de Mouceaux, Nyvellon et de Herbàult, maistres d’ostel

vij

   

Au maistre et controlleur de la Chambre aux deniers.

 

Lx

 

A Secousse, maistre de la Chambre aux deniers hors damier.

 

xxx

 

A deux clercs d’offices

 

xxx

 

A Me Miron, premier médecin

 

xL

 

A Me Mazille, médecin ordinaire

 

xL

 

A Fabry et Botal, médecins servants

 

xL

 

Au lieutenant de la porte

 

xv

 

A deux huissiers des salles.

 

xx

 

A deux pâtissiers

 

XV

 

A deux tapissiers et le victrier

 

xviij

 

Aux quatre lavandières.

 

c

 

Au cappitaine du charroy

viij

   

A Flachet pour charbon

 

xxv

 

Au falotier pour chandelles et lanternes

 

xx

 

Au chartier qui meyne la quesse ;(caisse)

 

xL

 
A Chambellan pour avoir fait apporter là vaisselle depuys Avignon jusques à Lion par les partyes, cy arrestées.

vij

x

 

Au menuzier du roi pour avoir faict ung plancher a la cuisine du festin en Avignon, ung aultre en la grand salle et faict quelques croisées par ses partyes

xx

x

 
A Bizolton pour estre venu devant d’Avignon à Valence; chercher du vin S(omme) LXXV L iij s

LXXV

iij

 

Somme du jour: Deux cent soixante quinze livres, cinq sols, neuf deniers

CCLXXV

V

ix

 

La circonstance exceptionnelle de la présence du roi à la tenue d’Etats généraux de la province, et là suite princière qui accompagnait S. M., expliquent la dépense relativement élevée, pour une seule journée, de 275 livres 5 sols 9 deniers, soit en valeur actuelle environ 2750 francs. En effet, on trouve la., justification de cette remarque en comparant cette note de dépenses avec trois autres pièces de même nature que nous avons entre les mains, et dont nous devons la possession à notre révéré compatriote M. P. E. Giraud. On y remarque, disons-nous, que la dépense pour la maison de Charles IX ne s’éleva, à Romans, le 17 août 1564, qu’à 158 livres 3 deniers, et le 25, qu’à 173 livres 18 sols 2 deniers, enfin à Valence, le surlendemain, qu’à la somme de 172 livres 13 sols 8 deniers.

Henri III était accompagné de quatre médecins dont un premier, un ordinaire et deux servants. Outre la nourriture et le logement, les deux premiers avaient un égal traitement de 40 sols par jour (environ 20 fr.). Les deux autres ne touchaient que moitié de cette solde. Ce nombre exagéré de médecins est du reste le même que celui qu’avait Charles dans son voyage, en 1564, seulement il contraste avec l’absence de chirurgiens et d’apothicaires

Le premier médecin, Marc Miron, fils et petit-fils de médecins, avait été attaché au duc d’Anjou. Il le suivit en Pologne, et favorisa son évasion. Aussi, Henri III, dès qu’il fut roi de France, nomma Miron son premier médecin, et le revêtit du titre exceptionnel de  » comes archiatrorum « . Il fut député aux Etats de Blois, et sa postérité a fourni à la ville de Paris deux prévôts des marchands.

En résumé, voici la valeur des principales denrées et de divers objets de consommation, en faisant observer qu’il faut décupler le prix pour représenter celui de nos jours.

Le pain, dont le poids n’est pas indiqué, valait 1 sol, le vin du roi, 2 livres 16 sols, la charge de 66 pots (84 litres), celui du commun variait de 12 sols à 20 s., un veau 2 liv.; un mouton 1 liv. 10 s.; un chapon ordinaire, 5 s.; un chapon gras, le double; un poulet, un pigeon, 1 s. 6 den.; un chevreau, 20 s.; une perdrix, 5 s.; un lapin, 5 s.; une grive, 2 s. 6 den.; la livre de porc frais, 1 s. 9 den.; une langue de bœuf, -2 s. 6 den.; la livre de lard, 2 s.; le quarteron d’œufs, 1 s. 6 den.; une bécassine, 2 s. 6 den.; la livre de beurre, 3 s.; la livre de chandelle, 2 s.; la livre de cire jaune, 5 s. 6 den.; la livre de cire blanche, 14 s.

En comparant le prix des denrées aux deux époques, en 1564 et 1575, on trouve qu’il est sensiblement plus élevé dans la note pour cette dernière année, où par parenthèse on ne trouve pas le dindonneau qui est mentionné dans les dépenses du mois d’août 1564. Ce volatile, très-rare alors, qui venait depuis peu d’être apporté en France, est noté à un prix assez élevé, à 25 s. la pièce, c’est-à-dire autant que cinq chapons, que seize poulets, que cinq perdrix, que dix cailles. L’absence au mois de janvier de dindonneau sur la table d’Henri III, ne peut s’expliquer que par l’usage de manger ces oiseaux lorsqu’ils étaient jeunes et tendres, comme ils le sont en effet au mois d’août. Enfin, dans les notes de 1564 et 1575, ne figure ni marée, ni poissons de rivière.

 

Dr Ulysse CHEVALIER.

 

(1) Antoine Mulet, Je père de ce dernier, avait reçu dans sa maison, Louis XII, lors de son passage à Romans, le 27 juin 1511. Le roi le lit .président du Parlement de Provence.

(2) Le marc d’argent était alors à 19 livres, c’est-à-dire que la livre valait en monnaie actuelle 2 fr. 50, le sol I2 centimes et 1/2. et le denier 1 cent. Pour avoir la valeur relative en 1879, il faudrait quadrupler ces chiffres. Un franc de 1870 était égale à environ 3 euros d’aujourd’hui.

 

Sources

Revue du Dauphiné et du Vivarais (Isère, Drôme, Hautes-Alpes, Ardèche) : recueil mensuel historique, archéologique et littéraire – Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées – mai 1879

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