LE FACTEUR RURAL

Le facteur rural






Marcheur infatigable, le facteur de campagne n’apparut qu’à la Révolution, rendant divers services aux populations rurales, en échange d’un salaire longtemps bien maigre.

 

 

Jusqu’au cœur du village

 

Longtemps oubliées les zones rurales virent enfin apparaître des facteur à la Révolution.

Le 22 décembre 1789, en pleine Révolution française, l’Assemblée constituante décida de scinder la France en 83 départements, 4732 cantons et 43360 communes. Autant de subdivisions dans lesquelles il fallut diffuser les journaux et la multitude de textes officiels de l’époque. Toutes les municipalités durent rémunérer un piéton, ou un messager de correspondance, pour se rendre au bureau de poste de la grande ville proche afin de chercher leur courrier. Elles pouvaient se regrouper pour limiter les frais. Mais on eut rapidement l’idée de mettre en place des facteurs ruraux, en 1796, pour mieux diffuser le courrier dans les campagnes.

Une enquête permit ce connaître le nombre de facteurs nécessaires à la distribution du courrier dans toute les communes dépendant d’un bureau. Il fut décidé le 1° avril 1830 que « 5000 facteurs devraient recueillir et distribuer les lettres dans toutes les communes du Royaume » Puis face à l’augmentation de la demande , leur nombre ne cessa de croître, allant jusqu’à 19000 en 1876.

 

Mise en boîtes

 

Le facteur rural ne se contentait pas de distribuer le courrier. Il devait également rassembler et transmettre les missives des expéditeurs. Dès 1829, des boîtes aux lettres furent installées en zones rurales, à raison d’une boîte dans chaque commune. Autant de réceptacles placés sur l’itinéraire de facteurs ruraux qui avaient aussi la charge de les relever.

Initialement les boîtes aux lettres devaient être en fonte, afin de résister aux intempéries et aux effractions. Mais le coût d’une telle initiative contraignit l’Administration postale à envisager des coffres en chêne, d’un prix de revient inférieur, fermés par d’importantes serrures. Ce système de boîtes fut remplacé vers le milieu du 19° siècle par le modèle « Thiery » qui indiquait les heures t le nombre de levées quotidiennes.

 

boîte aux lettres modèle Thiery, créé en 1868, modifié en 1882

 

Concurrence entre facteurs

 

Des villes ou des champs, la condition de facteur changeait tout autant.

Jusqu’au milieu du 19° siècle , le facteur de ville récoltait bien des honneurs, ce qui n’était pas le cas de son homologue des campagnes. « A coté du facteur de ville à l’uniforme soigné, assuré d’un salaire convenable, se développe le facteur rural mal payé et corvéable à merci » , comme le soulignent Jacques Daucet, Pierre Nogaret et Paul Charbois dans le Facteur et ses métamorphoses. Les agents des villes été très privilégiés par rapport à leurs homologues ruraux, une distinction notable jusque dans les détails les plus insignifiants. Non seulement les facteurs citadins bénéficiaient d’uniformes officiels et de meilleurs salaires, mais ils avaient une pension de retraite à partir de 60 ans, après avoir effectué 25 ans de service. Aucun uniforme n’était fourni aux facteurs ruraux !Pour des questions budgétaires le règlement ne prévoyait pas de tenue spécifique, çà l’exception d’un insigne distinctif « une plaque aux armes de France avec ces mots en exergue : Direction Générale des Postes » Elle sera ensuite remplacée par une plaque en métal blanc portant l’inscription « service rural » suivi d’ « Administration des Postes ».

 

 

Les facteurs ruraux durent attendre 1854 pour obtenir les mêmes privilèges que leurs homologues des villes, parfois davantage. L’âge de la retraite fut par exemple avancé pour eux à 55 ans, au bout de 25 ans de service. C’était là une juste compensation au regard d’une longue carrière à parcourir les routes de campagne, par tous les temps.

Selon les régions, les facteurs utilisaient divers moyens de locomotion, jugés plus adaptés à leur situation. Les facteurs du Marais Poitevin étaient réputés pour faire leur tournée en barque tandis que les Corses distribuaient le courrier à dos d’âne, d’après Pascal Roman, conseiller scientifique et culturel du Musée de la Poste. Sur de nombreuses illustrations les facteurs ruraux des Landes sont immortalisés sur des échasses ou bien chaussés de skis dans les Alpes. Le vélo n’arriva que progressivement à partir de 1902.

 

Une activité variée

 

Personnage sympathique, agent utile et efficace, le facteur rural jouait un véritable rôle social.

« Jovial, le visage brûlé par le soleil, couperosé par le gel, le vent, la pluie cinglante, cordial, sympathique voire pittoresque : tel est l’aspect que l’imagerie a retenu de ce personnage » (extrait du catalogue de l’exposition intitulée « Artisans d’hier des communications d’aujourd’hui, 1850-1950 », Archives Nationales, 9 avril-8 juin 1981). Dans les régions les plus reculées, le facteur rural jouait un rôle social de premier ordre en offrant de nombreux services qui dépassaient ses affectations d’origine, comme par exemple la livraison de médicaments. A partir de son étude ethnographique menée en Ariège, Elisabeth Massat (l’évolution de la distribution postale dans le Causerans de 1840 à nos jours) rappelle que le préposé des Postes était « un habitué des maisons qu’il dessert. Un des facteurs interrogé affirmait même qu’il faisait partie des meubles ! Ce contact si étroit amène forcément les facteurs de montagnes à rendre des services différents de celui de la simple distribution postale et de certains petits services financiers. »

 

« Tu gagneras ton pain à la sueur de tes pieds »

 

Sous ses airs affables, le facteur rural dissimulait son épuisement alors qu’il parcourait pour chaque tournée entre 30 et 40 kilomètres par jour à pied, en 1885. La journée habituelle commençait entre 4 ou 5 heures du matin pour s’achever vers 17 ou 18 heures, il fallait faire des kilomètres pour gagner sa vie !En effet le facteur rural était rémunérer au nombre de kilomètres parcourus. Le proverbe « Tu gagneras ton pain à la sueur de tes pieds » en dit long sur sa situation misérable.

Les salaires, déjà faibles au départ, évoluent très lentement si l’on se réfère à l’unique réévaluation intervenue entre 1854 et 1870 : de 5 centimes à 6 centimes par kilomètres ! En 1830, à 4 centimes le km, un facteur effectuant 30 km par jour gagnait en moyenne 1 franc 20. Pour la même distance, cinquante ans plus tard, il gagnait 2 francs 50. La comparaison avec d’autres corps de métiers à la même époque rend compte de la médiocrité de leurs salaires. En 1841 les gendarmes gagnaient 750 francs par an lorsqu’ils étaient à cheval et 500 francs lorsqu’ils étaient à pied, contre 300 francs par an pour un facteur de campagne. Mais à la différence du facteur, le gendarme était logé et nourri gracieusement. En 1877, le rapport Riant témoigna de cruelles insuffisances et mentionna un personnel surmené, mal rétribué. Devenu directeur puis ministre des Postes et Télégraphes en 1878, Adolphe Cochery, s’engagea à relever ces nombreux défis. Mais en 1900, le traitement du facteur était encore faible, peinant é dépasser les 650 francs.

Un facteur rural pouvait certes recevoir des augmentations exceptionnelles s’il se montrait particulièrement dévoué à sa tache et que ses efforts étaient remarqués par ses supérieurs. Dans ce cas, il recevait la « haute paye » !

Mais ce n’est qu’à partir de 1881 que les facteurs ruraux commencèrent à percevoir une indemnités pour leur souliers. Ceux qui se déplaçaient à vélo devaient prendre les frais afférents à leur charge. La première indemnité prévue à cette effet ne vit le jour qu’en 1909.

 

Un poste de père de famille

 

Pour faire oublier tous ces désagréments, le métier de facteur rural n’était malgré tout pas sans attraits : grâce au prestige de la fonction (puis de l’uniforme lorsque celui-ci fut mis en place) et à l’assurance d’un salaire fixe non soumis aux aléas climatiques, contrairement aux travaux des champs. Et même si les salaires étaient modestes, ils avaient aussi l’assurance de toucher une pension de retraite pour leurs vieux jours.

D’après Marguerite et Carlos Da Fonseca, dans Être facteur dans le Nord (1830-1940), les candidats aux postes de facteur de campagne étaient majoritairement des pères de famille âgés entre 25 et 35 ans. Le métier était toujours plus lucratif que ce que proposaient les filières du textile ou de l’industrie.

Les faibles rétributions des facteurs ruraux en poussaient certains à demande du secours auprès de la population ou se livrer à une activité secondaire pour arrondir leurs fins de mois (réparation de montres, chaussures…). Inutile de préciser que tout cela retardait considérablement la distribution.

Si de nombreux candidats prétendaient au statut de facteur des ville, la plupart se voyaient contraints d’accepter le poste de facteur rural, faute de mieux. Ainsi le sieur Delanghe à Tourcoing dut mettre de côté ses ambitions professionnelles pour un temps, l’Administration lui laissait pourtant entrevoir la possibilité de devenir facteur de ville en affirmant au sujet de son poste rural que ce n’était « qu’à titre de début ».

 

Congés et caisse de secours

 

Des villes ou des champs, la condition changeait tout autant.

Jusqu’en 1889, les facteurs de campagne travaillaient tous les jours de la semaine , y compris le dimanche, contrairement aux autres communautés de métiers qui toléraient le repos dominical. Une loi du 13 juillet 1906 tenta d’imposer un repos hebdomadaire obligatoire aux facteurs, en vain. Les budgets étaient bien trop limité pour appliquer une telle réglementation. Celui qui souhaitait prendre des congés annuels devait pouvoir se les offrir, c’est à dire ne pas être payé ces jours-là.

Jusqu’en 1893, les facteurs qui désirait s’absenter devaient rétribuer eux-mêmes leur remplaçant. Mais à partir du 1° avril 1893, les facteurs ruraux furent autorisés « dans la mesure compatible avec les exigences du service, à se faire remplacer aux frais du Trésor, à raison d’un jour par mois ». Les facteurs des villes n’avaient droit qu’à 6 jours par an, jusqu’en 1900 où ils eurent les mêmes avantages que leurs homologues provinciaux.

En 1883, les facteurs créèrent une société de secours mutuel et de retraite , le « soutien fraternel », afin de reverser des aides aux malades, aux veuves et assurer l’assistance aux orphelins. Un orphelinat vit ainsi le jour en 1902 à Cachan (Va de Marne), pour accueillir les enfants nécessiteux d’agents décédés.

 

Des tournées sans fin

 

Le métier de facteur rural était particulièrement physique.

Certaines tournées des facteurs de campagne étaient parfois si longues qu’ils n’avaient parfois pas d’autre choix que de confier certains plis à une tierce personne allant dans la direction du destinataire. Cette pratique était monnaie courante dans les départements où tout le monde se connaissait . A croire les archives, l’administration postale, consciente de l’ampleur du territoire à quadriller par ses agent, se montrait généralement tolérante avec cette pratique.

Dans le Morbihan , l’un des derniers départements à avoir été doté d’un service postal quotidien en 1863, la distance entre les hameaux obligeait les facteurs à faire des tournées extrêmement longues. : « le facteur se devait en effet de desservir tous les multiples villages et hameaux très éloignés du bourg. Son parcours dépassait ainsi fréquemment la norme établie par les autorités postales . Il n’était pas rare en Morbihan de voir un facteur effectuer une marche journalière de plus d’une dizaine d’heures et de parcourir de ce fait des distanceséquivalente à quarante ou cinquante kilomètres » raconte Cyril David (Le service postal e Morbihan : du désenclavement des campagnes à la modernisation du réseau de 1830 à la fin du 19° siècle).

 

Pénibilité

 

Même les facteurs les plus endurants souffraient de leurs longues journées de marche. Pour obtenir une pension, un facteur rural à Templeuve (Nord) depuis quinze ans , âgé de 55 ans , adressa à son administration une lettre de son médecin. Il y était fait mention de son état de santé particulièrement inquiétant : « une myélite occasionnée par les marches forcées et les variations de températures auxquelles il a été exposé pendant le temps qu’il a rempli ses pénibles fonctions ». Il obtint finalement une indemnité de 30 francs… mais son trajet ne fut pas diminué pour autant. Le facteur de campagne devait absolument compter sur une bonne santé physique.

 

Une certaine probité

 

Métier sous contrôle, le facteur rural se devait d’être consciencieux.

Sous l’Ancien Régime, qu’il appartienne à la « Petite Poste » (chargée du service à l’intérieur de la ville) ou à la « Grande Poste » (gérant bureaux et relais), le facteur devait prêter serment : «  Je jure de remplir fidèlement mes fonctions, de garder , d’observer exactement la foi due au secret des lettres et de dénoncer aux tribunaux toutes les contraventions qui viendront à ma connaissance »

A partir de 1796, ce serment devint un engagement politique par écrit puisque le facteur affirmait son attachement à la République, et sa haine de la Royauté et de l’anarchie. La formule fut ainsi modifiée : « Je jure d’être fidèle à la République une et indivisible fondée sur l’égalité, la liberté et le système représentatif. »

Le nombre des facteurs ruraux explosa en 1843. Une loi du 25 mars 1852 encadrant le recrutement des facteurs stipula que ce métier soit réservé aux anciens militaires, réputés pour leur fidélité et leur obéissance, leur moralité et leur probité envers l’Etat. L’autre qualité des anciens soldats de l’Empire résidait dans leur endurance. Pour toutes ces raisons, ils étaient des candidats privilégiés aux postes de préposés. Au tournant du 20° siècle les anciens militaires comptant 5 ans d’ancienneté restaient prioritaires sur les autres candidats. En 1905, les emplois de facteurs des villes étaient attribués aux militaires gradé (sous-officiers, caporaux…, brigadiers) et les ruraux aux non gradés. A la Belle Epoque, certaines conditions s’imposaient encore, il fallait « avoir satisfait aux obligations de la loi sur le recrutement de l’armée , être valide, savoir lire, écrire et compter, être âgé de plus de 30 ans au plus » pour devenir facteur rural.

 

Sous l’œil vigilant des brigadiers

 

Le contrôle des facteurs devint plus étroit dès 1829. A partie de 1842, les départements aux villes les plus importantes se dotèrent de « brigadiers et sous-brigadiers facteurs ruraux », payés entre 600 et 1200 francs. Chargés de débusquer les retardataires, les ivrognes ou les fraudeurs parmi les postiers, ils s’en prenaient également à tous ceux qui transportaient des denrées clandestinement. Pour ces coupables, de graves sanctions disciplinaires étaient envisagées allant de la simple réprimande à la retenue sur salaire ou la complète radiation.

En juin 1895, les brigadiers étaient 200 à accéder à ce poste sur concours. Ils étaient à dresser les procès-verbaux suivis d’une sanction disciplinaire dès lors qu’ils remarquaient la moindre irrégularité durant le service. Inutile de préciser qu’ils devinrent très vite la « bête noire » des facteurs, comme le soulignent Pierre Nogaret et Paul Charbon dans le Facteur.

 

Délits commis par les facteurs ruraux

 

De tous temps, les erreurs de distribution furent reprochées à l’administration postale. Une étude révéla que 42% des erreurs étaient commises par des facteurs en service. Les diverses pertes (pour le guichetier perte de caisses, pour les services de tri pertes de chargements , pour le guichet dédié perte d’argent) et les retards étaient le lot commun des réclamations des bureaux de poste.

D’après l’Instruction sur le service rural en date du 1° avril 1830, tout facteur rural convaincu d’avoir supprimé ou détruit une lettre qui lui aurait été confiée, d’avoir exigé ou reçu une taxe excédante à celle qu’il savait lui être due ou encore d’avoir détourné tout ou une partie de la recette résultant des taxes de l’arrondissement encourait la révocation.

Les dispositions n’étaient guère plus favorables envers le facteur rural convaincu de distribuer sans taxe les lettres qui devaient y être soumises ou bien de distribuer des lettres dans la commune où se trouvait un bureau de poste. Il lui était également interdit de reprendre une lettre qu’il savait ouverte par le destinataire. Et plus encore, de ne pas se rendre au bureau immédiatement après sa tournée. D’après l’article 46 de ce règlement, « les facteurs convaincus de négligence dans la levée des boites, dans la remise des lettres à domicile, de mauvaise conduite ou d’insubordination seront suspendus de leurs fonctions. »

En seconde position, l’ivrognerie recouvrait 24% des plaintes des usagers des postes en milieu rural. La liste des délits retient plusieurs types de comportements irrespectueux. Il était interdit de fumer au cours de la distribution, d’interrompre sa tournée, de changer d’itinéraire. Mais violer le secret des correspondances restait la faute la plus grave. Cet acte était puni d’une amende de 16 à 500F et d’un emprisonnement de 3 mois à 5 ans. Le coupable était interdit de toute fonction ou emploi public pendant 5 ans au moins. Dans les faits, ceux qui avait commis de tels délits étaient soit mutés soit suspendus. Pas facile d’être facteur rural !

( D’après l’article d’Alexandra Fau paru dans : Nos Ancêtres – Vie des Métiers N°48 mars-avril 2011)

 

Le facteur Cheval

 

 

Pour terminer cet article une figure locale et très célèbre de facteur rural : le facteur Cheval

Joseph Ferdinand Cheval, plus connu sous le nom de facteur Cheval, né le 19 avril 1836 à Charmes-sur-l’Herbasse, Drôme, mort le 19 août 1924 à Hauterives (à 88 ans), Drôme, est un facteur français célèbre pour avoir passé 33 ans de sa vie à édifier un palais qui se nomme « Palais idéal » et huit années supplémentaires à bâtir son propre tombeau tous deux considérés comme des chefs-d’œuvre d’architecture naïve.

Ferdinand Cheval naît dans une Drôme terrienne et rurale : « L’époque est rude. Les disettes et épidémies sont fréquentes. Beaucoup de paysans ne portent pas de souliers, ne mangent presque jamais de viande et n’ont pas de draps. Ils dorment le plus souvent dans des lits de feuilles, volées à leur chute dans les forêts communales» (Pierre Chazaud),. Ferdinand Cheval est peu scolarisé, maîtrise mal sa langue maternelle qu’il écrit phonétiquement. Après l’obtention de son certificat d’études primaires, il devient à l’âge de treize ans apprenti boulanger. Au décès de son père, il laisse à son frère la ferme familiale pour devenir en 1856 boulanger à Valence puis à Chasselay (proximité de Lyon) en 1859.

Entre-temps, il s’est marié (en 1858) avec Rosalie Revol. La mort de son premier fils le fait abandonner la boulangerie, activité qu’il a pratiquée durant presque une douzaine d’années et dont on pense que l’expérience du pétrissage a certainement influencé son savoir-faire de sculpteur et de créateur.

Il s’engage comme ouvrier agricole, métier qu’il abandonne à la naissance de son second fils. Le 12 juillet 1867, il est officiellement nommé facteur. Il est successivement facteur à Anneyron, puis à Peyrins, puis à Bourg-de-Péage. À sa demande, en 1869, il est affecté à Hauterives, à une douzaine de kilomètres de son village natal, ayant en charge la « tournée de Tersanne », une tournée pédestre quotidienne de 33 km.

Après le décès de sa première épouse, il se remarie en 1878 avec Claire-Philomène Richaud qui apporte en dot l’équivalent de deux années de traitement de facteur et une petite propriété qui lui permettra d’acquérir un lopin de terre à Hauterives.

Ses longues tournées (environ 32 kilomètres) n’ont pas le même rythme que les tournées cyclistes ou motorisées d’un « préposé » rural du XXIe siècle :

« Le courrier n’arrive à Hauterives qu’à 11 heures du matin. Le facteur qui nous dessert est obligé avant de partir de desservir le village d’Hauterives et ensuite de desservir les quartiers de cette commune qui se trouvent sur son parcours. Malgré sa bonne volonté il ne peut arriver à notre village qu’à une heure souvent deux de l’après-midi. Pour aller de la boite aux quartiers des Débris et des Nivons, ce qui lui arrive souvent, il a encore une distance de 5 à 6 kilomètres. Il a ensuite à desservir la section de Treigneux et la partie de la commune d’Hauterives depuis Treigneux jusqu’à la route départementale n°6, et ce n’est qu’après ce trajet qu’il se rend au bureau, mais presque toujours après le départ du courrier qui se fait vers 5 heures, si bien que Tersanne éprouve chaque jour des retards sous le rapport des départs des dépêches » (Registre des délibérations du Conseil municipal de Tersanne , 17 mai 1882)

Il occupe ses heures de randonnée à de longues rêveries au cours desquelles il imagine un « palais féerique », rêveries qui ne commenceront à être concrétisées qu’une dizaine d’années plus tard, après maints voyages avec sa fidèle brouette qu’il appelle sa « fidèle compagne de peine ».

En 1879, une pierre le fait chuter sur le chemin de sa tournée et le fait transposer son rêve dans la réalité. Il rapporte dans ses cahiers l’importance de cet événement :

« Un jour du mois d’avril en 1879, en faisant ma tournée de facteur rural, à un quart de lieue avant d’arriver à Tersanne, je marchais très vite lorsque mon pied accrocha quelque chose qui m’envoya rouler quelques mètres plus loin, je voulus en connaitre la cause. J’avais bâti dans un rêve un palais, un château ou des grottes, je ne peux pas bien vous l’exprimer… Je ne le disais à personne par crainte d’être tourné en ridicule et je me trouvais ridicule moi-même. Voilà qu’au bout de quinze ans, au moment où j’avais à peu près oublié mon rêve, que je n’y pensais le moins du monde, c’est mon pied qui me le fait rappeler. Mon pied avait accroché une pierre qui faillit me faire tomber. J’ai voulu savoir ce que c’était… C’était une pierre de forme si bizarre que je l’ai mise dans ma poche pour l’admirer à mon aise. Le lendemain, je suis repassé au même endroit . J’en ai encore trouvé de plus belles, je les ai rassemblées sur place et j’en suis resté ravi… C’est une pierre molasse travaillée par les eaux et endurcie par la force des temps. Elle devient aussi dure que les cailloux. Elle représente une sculpture aussi bizarre qu’il est impossible à l’homme de l’imiter, elle représente toute espèce d’animaux, toute espèce de caricatures ».

«Je me suis dit : puisque la Nature veut faire la sculpture, moi je ferai la maçonnerie et l’architecture»

Pour son voisinage, le Facteur Cheval devient alors un être étrange, un «pauvre fou» qui durant sa tournée met des pierres en tas, revient le soir les chercher en s’aidant de sa brouette, pour en remplir son jardin. Il commence la construction de son monument qu’il n’appelle pas encore Palais Idéal en 1879.

 

Le « Palais Idéal »

 

En 1894, le décès de sa fille de 15 ans l’affecte profondément. En 1896, il prend sa retraite et habite une villa (la villa Alicius) qu’il fait construire à proximité du Palais Idéal pour le valoriser. Cheval achève la construction de son palais en 1912. Ne pouvant être inhumé dans ce palais selon son souhait, il construit de 1914 à 1922 son tombeau au cimetière municipal. Il meurt le 19 août 1924.

 

Des photos …..

 

 

En barque et à ski

 

 

 

       Tournée à cheval

Les pieds dans l’eau…

 

 

 

 

 

Facteur rural à Montoison (26)

 

 

Facteur rural dans les gorges d’Ombéze (26) vers 1910-1920 en 1927-1930

 

 

 

Sources :

  • https://fr.wikipedia.org
  • Nos Ancêtres – Vie des Métiers  N°48 mars-avril 2011

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