LA GERVANNE ET LA SYE

La Gervanne et la Sye



  



Au cœur de la Drôme, deux petites rivières qui ont fait le bonheur et la richesse d’une vallée; elles accueillent une biodiversité remarquable qui mérite toute notre attention. Longtemps utilisée par les activités industrielles installées le long de ses rives (moulinages, moulins, papeteries…), elles regorgent de lieux insolites et détiennent un riche patrimoine en partie au grand jour et de l’autre plus subtil et secret.

 

I – La Gervanne

 

Le nom de la Gervanne, affluent de la Drôme, qui brise ses eaux contre des rochers, et coule dans un étroit vallon profondément encaissé, qu’on appelle les Gorges d’Omblèze, veut dire rivière des rochers.

La Gervanne prend naissance à 1158 mètres d’altitude, au pied du Roc de Toulaud, sous le col de la Bataille. Le ruisseau s’écoule d’abord paisiblement dans ce splendide cadre montagnard, avant de s’engouffrer entre les grandes falaises des Gorges d’Omblèze. Dans ce défilé quantité de sources et ruisselets issus des entrailles calcaires du massif viennent grossir la rivière qui parfois devient torrent.

 

La Gervanne et le Pont Bossu à Beaufort

Sur ses 30 km, elle traverse six communes et va se grossir de huit affluents contributeurs référencés :

  • le ruisseau Corbière ou ruisseau de Comberoufle, 7,2 km sur les communes d’Omblèze Le Chaffal (source), Léoncel.

  • la Sépie, 8,6 km sur les communes de Plan-de-Baix , Eygluy-Escoulin (source).

  • le ruisseau de Fonteuse, 4,9 km sur les communes de Beaufort-sur-Gervanne, Eygluy-Escoulin (source).

  • le ruisseau des Baches , 2,3 km sur la commune de Beaufort-sur-Gervanne.

  • le Rieu Sec ou ruisseau de Combe Large, 4,8 km sur les communes de Gigors-et-Lozeron, Beaufort-sur-Gervanne , Plan-de-Baix (source) avec un affluent, le ruisseau de Combe Noir , 3,5 km sur les communes de Gigors-et-Lozeron (source), Beaufort-sur-Gervanne

  • la Vaugelette ou ruisseau de Daillon, 7,3 km sur les communes de Montclar-sur-Gervanne et Eygluy-Escoulin (source) avec deux affluents, le ruisseau de Clabousac 3,2 km sur la commune de Montclar-sur-Gervanne avec lui aussi, un affluent, le ruisseau de la Morouse , 3 km sur les communes de Montclar-sur-Gervanne et Eygluy-Escoulin (source) et le torrent des Novines, 2,3 km sur la seule commune de Montclar-sur-Gervanne.

  • le ruisseau de Chantemerle, 5,4 km sur les communes de Gigors-et-Lozeron (source), Suze, Montclar-sur-Gervanne .

  • la Romane, 7,1 km sur les communes de Suze (source), Montclar-sur-Gervanne, Mirabel-et-Blacons avec un affluent, le ruisseau de Barry (rd), 4,9 km sur les communes de Suze (source), Mirabel-et-Blacons .

 

Une curiosité se présente, en période de sécheresse, lorsque le karst n’est plus saturé d’eau,  il arrive que la Gervanne elle-même se perde dans les profondeurs de la roche, un peu en amont de Beaufort. Totalement asséchée en surface, il faut alors attendre que les prochaines pluies rétablissent les niveaux souterrains pour voir renaître miraculeusement la rivière.

Tout au long de son parcours , elle aura alimenté de nombreux canaux dont, entre autres, les canaux du Moulin de la Pipe, de Montclar, du Dérot, des Berthalais, de Blacons, des moulins d’Aouste (ou Gervanne)…

A Mirabel et Blacons, à 198 m d’altitude, elle mêle ses eaux à la Drôme.

 

         La chute de la Druise

       La  » Pissoire « 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Voici ce qu’en dit Félix Grégoire en 1901 dans son article  » Un torrent, la Drôme  » extrait du Bulletin de la Société d’archéologie, d’histoire et de géographie de la Drôme.

 

…  » La Gervanne, il faudrait raconter sa vie, ses vertus, ses folies. Il faudrait la prendre depuis sa première fontaine sous ce fameux mur entre deux précipices qu’on appelle je ne sais trop pourquoi, le col de la Bataille, et ne la quitter qu’à son embouchure. Dans les gorges d’Omblèze; on rêve des crispations effroyables de la matière quand l’Alpe se débrouilla, et la catastrophe, quand parfois le vent sournois de la montagne s’en mêle, ne semble qu’en suspens. Des blocs prodigieux çà et là menacent, et il semble qu’il ne faut plus qu’un coup de pouce pour les faire choir, pour abolir ce qui est. Mais quelle gaîté à côté de cet effroi ! C’est la grande avec la petite Pissoire, avec d’autres Pissou. — C’est-à-dire l’eau qui jase à voue doucher sur le chemin même, sinon à vous rendre sourd. Puis c’est le cirque d’Ansage, et puis l’épouvante. Un peu ce que vous éprouveriez à la vue d’un enfant précipité dans le vide. Il n’y a qu’un instant, la Gervanne gamine avec un moulin pour jouet, le moulin de la Pipe — savourez ce nom — glissait de toute son innocence sous les saules. Tout à coup le sol lui manque. Elle tombe de plus de quarante mètres. Un saut et un trou si impressionnants cette Druise (1) que des fillettes, conduites à ce spectacle et au préalable averties, se mirent à fondre en larmes. Des truites de race, reconnaissables à leurs disques roses, remontent l’effroyable chute au dire des pêcheurs. La rivière est lente à se ramasser. Elle ne sait plus comment sortir du gour ténébreux. Elle se sauve enfin, mais l’abîme continue. Le pays en demeure fêlé tout au long. Les hameaux de Plan-de-Baix et surtout cet intrépide château de Montrond assis sur le bord de l’horrible lèvre, font frissonner. Une entaille à gauche, c’est le Sépie qui presse deux petits troupeaux de granges (2) visiblement tombés du ciel. Une entaille à droite, c’est la Blache qui isole le Velan de la Raye et possède un Trou de l’Enfer. Toute contrée qui se respecte a des Ponts du Diable ou des Trous de l’Enfer. Beaufort, vieille aire féodale, est au centre de la vallée de la Gervanne, ce qui lui donne pour les foires, le commerce, le passage, le pas sur Montclar, Gigors et Suze, Comme nous l’avons vu, le torrent tombe à Blacons dans la Drôme par deux cents vingt-deux mètres d’altitude, après avoir réfléchi un instant les ombrages du château de Vachères (3) et trimardé sans vergogne pour les gens de Bertalats (4), un hameau industrieux que Mirabel regarde de toute sa hauteur moyenâgeuse.

 

Notes

1 C’est le nom de la cascade

2Eygluy et le Chevlard, deux communes de l’arrondissement de Die

3Commune de Montclar sur Gervanne

4Les Berthalais

 

 

II – La rivière Sye

 

La Sye prend sa source au plateau de Savel, sur la commune de Gigors et Lozeron à une altitude de 706 m. Le captage conséquent, au dessus du hameau de la Charousse, permet d’alimenter en eau potable les trois hameaux de la commune de Gigors et Lozeron: La Rivière, Les Gauthiers, les Michauds et dont le trop plein constitue la Sye. Le dénivelé est de 0,004 m tous les kilomètres, soit un pourcentage moyen de 4,17%.

Elle est un affluent de la Drôme qu’elle rejoint à Aouste sur Sye, (auquel elle a donné son nom en 1918) en amont du pont du 8 mai 1945. L’altitude de confluence est de 185 m. Elle reçoit de nombreux petits ruisseaux, souvent à sec en été, dont le plus important est le ruisseau de Corneret. D’une longueur de 12,5 km, elle longe la D 731 par les hameaux de la Rivière (sur la commune de Gigors et Lozeron ), Cobonne et Aouste sur Sye. Enfin, la Sye est aussi prisée des pêcheurs pour ses truites.

Comme variantes orthographiques de son nom, les documents du Moyen Age nous fournissent seulement : Sia (1240), Sya (1383), Sirs alis Sio (1508), Scie (1594 et 1757).

De même que la Gervanne, la Sye a permis l’exploitation de divers canaux, tant d’irrigation qu’industriels tels que les canaux fournisseurs de force motrice aux moulins à farine Gresse, à l’usine à billes Barral, à l’usine de soie Thomé, aux papeteries Gilles/Charnier (La Pialle) avec le canal de la Sye et Filliat d’Aouste.

En ce qui concerne le canal de la Sye, la prise du canal se situe sur la rive droite à hauteur du bâtiment Valmasel. Plus d’une centaine de riverains l’utilise pour fournir l’ eau des piscines et l’arrosage. Il a alimenté à une certaine époque l’usine de la Pialle (papeterie).  Un courrier de Maître Jacques-F. Béranger, notaire à Aouste sur Sye, du 5 janvier 1977, rappelant les droits d’arrosage sur les canaux de l’usine de la Pialhe, avec énumération de tous les actes relatifs de 1582 à nos jours., nous précise l’ancienneté de ce canal. Des documents recueillis, il semble que le canal remonte au moins au XVIe siècle, mais tout porte à croire qu’il est antérieur à cette époque. C’est ainsi qu’en 1582 (sous le règne de Henri III), la communauté d’ Aouste se dessaisit des moulins «Carman», sous réserve que les prairies situées au-dessus et au-dessous du moulin continuent à être arrosées par les eaux des ruisseaux de la Sye et de Gervanne. Dans une liasse intitulée « à Monsieur le Juge….», est évoqué que Monseigneur l’Evêque de Die qui percevait des LODS (droits de mutation perçus par le seigneur lors de la vente ou de l’échange d’une terre roturière par un censitaire), en cas de mutation des terrains, pour obtenir le droit à l’arrosage pour le nouveau propriétaire.

Il y eut des litiges plus ou moins graves entre les propriétaires fonciers qui veulent l’eau pour l’irrigation de leurs terres et les petits industriels dont l’eau est indispensable pour faire tourner leurs machines. Ces conflits se règlent devant la justice: 1729 – 1779 – an 10. Les sanctions se traduisent par des amendes pour ceux qui entravaient la répartition équitable de l’eau. En 1977, ces litiges sur les droits d’eau persistent.

 

La rivière Sye

Les bruits des machines se sont tus, seuls les cris d’enfants jouant sur leurs berges et les murmures de la nature viennent troubler leur cours cheminement.

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