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ToggleLa Guerre des Episcopaux
Nous sommes dans le Saint-Empire romain-germanique dont la frontière occidentale est constituée par le Rhône et sa rive gauche dite « d’empi » par opposition à celle de « riaume » (Royaume de France).
L’espace concernant Léoncel est essentiellement constitué par les trois diocèses de Vienne, de Valence et de Die, plus modestement par celui de Grenoble.
Un archevêque tient celui de Vienne. Il est aussi comte de Vienne et « abbé » de Saint-Barnard de Romans. Les évêques de Die, de Grenoble et de Valence, sont comtes de Die, de Valence et de Grenoble, mais pas de Diois, de Valentinois et du nord du Dauphiné. Ils sont « princes d’empire » et l’empereur leur a accordé les droits régaliens de faire la guerre, de rendre la justice et de battre monnaie. On verra, chemin faisant, que le pape allait décider en 1276 de confier à un seul et même évêque les diocèses de Valence et de Die pour cause de guerre des Episcopaux – il n’y aura de nouveau deux titulaires qu’en 1687 -. Il y a des seigneurs collectifs comme les chapitres épiscopaux dirigés par leurs doyens et les monastères anciens dirigés par leurs abbés. Le chapitre de la collégiale de Saint-Barnard, (dont l’archevêque de Vienne est l’abbé) est seigneur de Romans.
Plus gravement, les titulaires successifs de ces deux évêchés vont se trouver en conflit avec des seigneurs laïques de haut vol, appartenant à la famille des Poitiers dont des membres sont devenus comtes de Valentinois et de Diois en 1163. Ce conflit ou « guerre des épiscopaux », suscité par la volonté de disposer du maximum de pouvoir à travers l’espace diois et valentinois, et de contrôler la ville fortifiée de Crest. Les évêques sont sur la défensive.
Parmi les puissants laïques, se situant au niveau des précédents on rencontre les comtes d’Albon et de Viennois, c’est-à-dire les Dauphins de Viennois : successivement au XIIIème siècle ceux de la deuxième dynastie (Guigues VI disparu en 1230, Guigues VII mort en 1270, Jean I° décédé la même année sans héritier masculin) et, de la troisième dynastie Humbert Ier, époux d’Anne, fille de Jean Ier. On trouve aussi les comtes de Valentinois et de Diois (sans Valence et Die). Il s’agit de la famille des Poitiers « tout court », dont l’origine est encore discutée mais qui pourraient bien être sortie d’un « castrum Pictavis » situé au sud de Nyons. Nous rencontrerons successivement (Aymar Ier jusque vers 1188, Aymar II jusque vers 1250, Aymar III mort vers 1268 et Aymar IV qui vécut jusqu’en 1314). On peut noter qu’au XIIIème siècle les Aymar de Poitiers avaient des droits sur Tournon, Privas, Le Pouzin, le port rhodanien et le château de Baix pour lesquels ils rendaient hommage au comte de Toulouse. Il y avait eu auparavant des comtes de Diois. Le premier connu était Ponce, fils de Guillaume de Forcalquier. Le dernier fut Isoard II qui céda en 1189 ses biens à son cousin Aymar, comte de Valentinois, son plus proche parent masculin. Isoard II était peut-être le père de la fameuse Comtesse de Die. Parmi les autres familles de haute noblesse on peut citer les barons de Sassenage, les princes de Royans (Lambert-François et Bérenger), les Chabeuil, les Adhémar, les Clérieux, les La Tour-du-Pin et d’autres. Il convient de souligner l’existence de nombreuses familles de petits nobles, disposant de fiefs d’importance très diverse. Ils se montrèrent parfois généreux envers les monastères, comme les Ferrand dont la maison forte se trouvait entre Le Chaffal et La Vacherie, près de Léoncel. On en croise beaucoup grâce au cartulaire composé par Ulysse Chevalier. Ces petits nobles souvent endettés subissaient facilement l’emprise et l’influence de familles plus aisées. Mais, certains participaient à la vie collective des communautés villageoises.
A l’intérieur du Dauphiné, du Valentinois et du Diois le territoire s’organisait alors en « mandements », subdivisions inscrites dans le cadre seigneurial et qui allaient se perpétuer dans les institutions publiques de la modernité jusqu’à la révolution. A l’intérieur d’un mandement s’organisait une hiérarchie de familles nobles dominées par la plus puissante (seigneur du mandement). Ainsi le mandement d’Eygluy sur le territoire duquel a été construite l’abbaye de Léoncel fut-il dominé par le comte de Valentinois, seigneur d’Eygluy depuis 1210. Ainsi le mandement de Saint-Nazaire en Royans allait-il être témoin de la progressive avancée vers le sud des dauphins de Viennois, aux dépens des Poitiers, mais avec leur accord. Ajoutons que les limites étaient rendues incertaines par la multiplication des enclaves. En 1275, à la disparition de la famille des seigneurs de Chabeuil, le mandement du même nom s’affirma comme une possession des Dauphins au cœur de terres du comté de Valentinois. Les dauphins possédaient aussi des terres à Saint Donat dans l’actuelle Drôme des collines et à Montclar dans le bassin versant de la Gervanne. Lorsqu’ils possédaient plusieurs châteaux, les puissants installaient des « châtelains » qui géraient à leur place et qu’ils contrôlaient.
Les Guerres féodales furent nombreuses au XIIIème siècle, avec des épisodes courts et localisés mais très répétitifs. Créant de l’insécurité. elles rendaient la vie difficile et précaire, Quelques exemples : vers 1250 le dauphin Guigues VII fit la guerre à Flotte de Royans et au comte de Valentinois. Il ravagea Saint-Nazaire et la région de Saint Lattier et de la Sône. Dans le même temps, l’évêque de Valence et Gontard de Chabeuil s’écharpaient au sujet de droits sur des terres et d’ un péage. L’évêque et ses alliés l’emportèrent et firent prisonnier Gontard. Vers 1270, le comte de Valentinois attaqua sa belle fille Flotte de Royans et son petit fils. En 1301 la guerre opposait le comte et l’évêque de Die, le village de Vassieux fut malmené : c’est un épisode de la « Guerre des Episcopaux ». Interminable, cette guerre avait commencé à la fin du XII° siècle à Aurel, dans le Diois. Aymar de Poitiers possédait une bonne partie du site où les chanoines du chapitre épiscopal de Die possédaient des aussi droits dont celui de lever quelques cens. Ils en avaient confié la gestion à l’évêque Jarenton de Quint (1191-1198), lequel se hâta de faire construire un château fort. Irrité, le comte fit entrer en campagne ses troupes. Des champs furent dévastés, des maisons écroulées ou incendiées. De hauts personnages proposèrent leurs bons offices. Dans une rencontre entre le pont d’Aurel et l’église de Vercheny, on se promit une paix durable.
Les hostilités reprirent en 1209, provoquant la destruction du village de Ponet et de gros dégâts autour de Die. Au cours de la croisade des Albigeois, l’affaire se compliqua. En effet, Aymar, feudataire de Raymond de Toulouse en rive droite du Rhône, soutint son seigneur contre Simon de Monfort (1). En 1216, la querelle se déplaça vers les murs et la Tour de Crest. La ville appartenait par moitié au comte et à l’évêque. Ce dernier livra sa part à Simon de Montfort qui détruisit une douzaine de villages voisins dominés par le comte, dont Rochefort, Autichamp, La Baume, La Rochette, Grâne, Upie, Montmeyran, Vaunaveys, Montoison. Pour sa part, le prélat mit à mal Chabrillan, Etoile, Barcelonne. S’étant partagé les troupes comtales, Aymar et son fils Guillaume reprirent Montoison, Crest, Upie, Montéléger et Châteaudouble. Dans une dernière campagne, l’évêque s’empara de Pontaix et de Quint. La paix fut signée en 1218, chacun récupérant à peu près ce qu’il possédait auparavant, pas toujours en bon état. Après quelques années de batailles judiciaires, la querelle ressurgit à propos du château partagé de Crest. A la suite de nouveaux excès, le pape Grégoire X (1271-1276) fulmina une menace d’excommunication et imposa une trêve.
Sceau d’Amédée de Roussillon
En 1276, le pape confia les deux évêchés à un seul et même évêque, en l’occurrence Amédée de Roussillon, prélat grand batailleur qui conduisit une première expédition du côté de Crupies où se révélèrent ses capacités militaires. Entre temps la situation s’était fortement compliquée. En effet, d’une part Silvion de Crest, de la famille des Arnaud, fondateurs de la ville au Xéme siècle était seigneur de Crest, d’Aouste, Divajeu, Saint-Médard et Lambres, sous la suzeraineté de l’évêque de Die. Mais un dauphin de Viennois avait obtenu les droits des évêques sur tous les fiefs de Silvion. Et, en mars 1267, le dauphin Guigues IV transmettait ces droits à… Aimar III de Poitiers. Ce dernier mourut vers 1268. Il laissait à son fils tous ses châteaux dont ceux de Grâne, Crest, Quint, Pontaix et Saou. Le jeune comte chercha des alliés et fit hommage au dauphin pour une partie de ses domaines au Mandement de Saint-Nazaire en Royans. Quelques temps après, les prétentions de l’évêque Amédée sur Crest, Divajeu et Aouste relancèrent les combats. Aymar avec les seigneurs Guigues de Bérenger (Royans), Giraud Adhémar (Montélimar) et Raymond (Châteauneuf sur Isère) devenus les « confédérés », prirent la route de Crest. Amédée de Roussillon renforcé par des montagnards du Diois gagna Saillans, puis reprit en trois jours Aouste qui fut incendiée. Apprenant l’approche d’Aymar, il remonta la vallée de la Drôme, prit Espenel, Vercheny et Pontaix, pendant qu’Aymar investissait Crest puis assiégeait Divajeu, Bourdeaux et Saillans (capitulation et pillage). L’évêque Amédée de Roussillon réussit à détacher du groupe des partisans d’Aymar, Adhémar de Montélimar. puis il revint à Saillans, en chassa les confédérés. Le pape tenta d’intervenir, mais en vain. Bientôt, pourtant, Amédée qui venait de perdre le château de Pisançon consentit à signer un traité de paix en 1278, en fait imposé par l’évêque de Langres, le connétable de France Humbert de Beaujeu et le roi Philippe le Hardi. Amédée devait abandonner Espenel, Vercheny et Pontaix, le comte devait se séparer de Divajeu, Bourdeaux et de la moitié de Crest. : il n’y eut pas de réel profit pour l’un ou pour l’autre des chefs de guerre.
L’année suivante, Amédée attaqua les Romanais révoltés contre leur seigneur (le chapitre de Saint-Barnard) et en fit pendre quelques uns. De là, il se rendit à Saint-Paul Trois châteaux pour y réinstaller l’évêque chassé par les habitants. Entre temps, il participa au rapt de Guillaume de Montferrat, enlevé sur les terres de l’évêché de Valence et s’en constitua le gardien. Blâmé pour félonie par le pape Nicolas III, il ne remit son prisonnier que contre une forte rançon. En 1280, il voulut punir à nouveau les Romanais, mais en dépit de nombreux efforts et anathèmes pendant 7 jours, il ne parvint pas à prendre la ville. Quelques jours plus tard il perdit une partir de ses troupes dans une embuscade. Lui succéda alors sur le trône épiscopal, Jean de Genève (1283-1298) d’un tout autre style. Aymar IV traita avec lui et épousa sa sœur. C’est Jean de Genève qui poussa les Augustins de Sainte-Croix à rejoindre les Antonins en 1289. Mais bientôt, avec Guillaume de Roussillon, successeur de l’évêque Jean, la guerre reprit en 1297. A nouveau les villages furent malmenés et pillés pendant 8 ans.
Ce conflit connu sous le nom de « guerre des épiscopaux » a duré un siècle et demi jusqu’à la bataille d’Eurre en 1347 et au Traité de Lyon en 1356, et faire régner un climat d’incertitude, de troubles et parfois de désolation, même s’il ne s’agit le plus souvent que de combats limités en ce qui concerne le nombre de participants et l’importance des enjeux, sauf lorsqu’il s’agit du contrôle de la ville de Crest fortifiée et en position stratégique.
Sceau d’Aymar VI de Valentinois
Cette guerre devait finalement tourner à l’avantage du comte de Valentinois Aymar VI. Mais les évêques allaient conserver dans leur titulature les titres de comtes de Valence et de Die. Plus que par sa violence, car il s’agit en fait d’une succession d’épisodes guerriers, coups de main, chevauchées, sièges, suivis de trêves et de compromis, c’est par sa durée que cet affrontement entretient pendant un siècle et demi, une insécurité certaine et empoisonne les relations sociales. La tour épiscopale est alors démolie.
Sources : https://www.les-amis-de-leoncel.com – articles de Michel Wullschleger – novembre 2013
(1) le siège de Crest
En 1217 Crest et sa région connurent des évènements tragiques directement liés à la croisade contre les Albigeois (débutée en 1209). Pourquoi il y a-t-il eu des répercussions si loin du Languedoc me diriez-vous ? Et bien c’est assez simple. Le comte de Poitiers Aymar II était alors maître du Valentinois et de toute la région avoisinant Crest. Mais il était vassal direct du Comte de Toulouse qui fut accusé de complicité avec l’hérésie Cathare et qui tentait de repousser les armées croisées de ses terres. En 1213, Aymar II avait une première fois tenté d’aider son suzerain et prit les armes. Furieux Simon de Montfort remonta la vallée du Rhône avec ses troupes jusqu’à Romans. Devant la puissance et la cruauté légendaire du chef croisé, Aymar II dût promettre de ne plus intervenir en faveur du comte de Toulouse.
En 1217, le seigneur Aymar (Adhèmar) II de Poitiers, comte de Valentinois aide à nouveau son suzerain le comte de Toulouse, Raimond VII, auquel il est apparenté et qui revendique d’ailleurs la possession du Vivarais, bien que son père Raimond VI et lui-même en aient été spoliés par le pape. En 1217, Simon de Montfort, chef des croisés, quitte la ville de Toulouse, qu’il occupe non sans difficultés, pour venir au-devant de Raimond en Provence. Après avoir pris Beaucaire, Montfort remonte jusqu’à Viviers. L’évêque lui fournit discrètement les barques nécessaires. Mais, au milieu du fleuve, il rencontre des avignonnais et ils se livrent à une sorte de bataille navale. Le chef des Croisés arrive à forcer le passage et sur l’autre rive l’attendaient des ennemis commandés par Adhémar de Poitiers.Après avoir franchi le Rhône, Simon de Montfort se dirige vers le Nord, il arrive à Montélimar où il savait qu’un des deux seigneurs était de son côté. Giraud Adhémar de Monteil, seigneur de Montélimar, autre comte local, lui aussi allié de la Maison de Toulouse tenta courageusement mais vainement de s’y opposer. Il fut vaincu et Montélimar fut conquise. Les croisés se dirigèrent alors vers Crest. Les campagnes avoisinantes furent saccagées et pillés. Les château de Chabrillan, Grâne et la Roche sur Grâne tombèrent aux mains des assaillants. Il met le siège devant la forteresse de Crest. En juillet 1217, la moitié de Crest dépendant d’Aymar II de Poitiers, comte de Valentinois, est assiégée par Simon IV de Montfort. Silvion de Crest ou Arnaud de Die, capitaine du château supérieur pour l’évêque de Die, pour nuire au comte, livre celui-ci aux Croisés rendant ainsi impossible la défense du château inférieur, celui d’Aymar, et donc de la ville, qu’Aymar est obligé de livrer.
Le moine Pierre des Vaux de Cernay dit « Le comte ( montfort ) alla assièger Crest qui appartenait à Adhémar de Poitiers . c’était une place très importante , très forte avec une nombreuse garnison de chevaliers et de sergents les croisés attaquèrent vigoureusement la place, les assiégés se défendirent de toutes leurs forces. Pendant ce siège on négocia la réconciliation de Montfort et d’Adhémar de Poitiers . un accord intervint entre eux Adhèmar livra même certains de ses châteaux en garantie et dit qu’il ne combattrait plus Montfort. A la même date les toulousains poussés par le diable accueillirent dans leur ville leur comte Raymond »
Il y fait le siège. Jules Chevalier raconte » qu’il y avait alors à Crest, deux châteaux, le plus élevé situé aujourd’hui à l’endroit nommé le Calvaire, appartenait à Silvion de Crest ; le plus bas, sur l’emplacement de l’actuelle tour était la propriété d’Aymar de Poitiers. Silvion de Crest s’étant mis d’accord avec l’évêque de Die, lui en avait confié la garde : ce dernier donna sa promesse de le livrer aux troupes de Montfort, ce qui condamna à toute résistance Aymar de Poitiers pour son propre château, qu’il dut abandonner, ce qui permit d’engager la paix. »
En effet, du coté de Crest, le siège avait progressé favorablement pour les croisés, grâce surtout à l’intervention de l’évêque de Die, qui permit d’investir le château supérieur de Crest, tenu par son vassal Silvion. La situation des défenseurs de la cité et du second château ( le donjon actuel), plus bas, devenue critique, ils acceptèrent de capituler. Mais il restait à Simon de Montfort à négocier le termes de la soumission du comte Adhémar de Poitiers, dont les domaines venaient d’être envahis. La négociation se révéla longue et difficile, et avec l’arrivée de l’automne, alors que Beaucaire et Avignon n’avaient pas été approchées, il fallait au moins obtenir la neutralité de cet important vassal de Raimond VI.
Il fallut plusieurs jours pour qu’une information capitale jusqu’à Simon de Montfort, à Crest. La missive lui parvint d’après les sources en pleine négociation pour la soumission d’Adhémar de Poitiers !
Montfort reçoit alors une lettre de sa femme, restée à Toulouse : il feint d’être de bonne humeur, déclare que ce sont de bonnes nouvelles pour lui, et grâce à l’intervention de l’évêque de Die, Adhémar de Poitiers accepte de ne pas intervenir contre Montfort. En réalité, la lettre dit que Raimond, profitant de son absence, a repris Toulouse. Simon de Montfort doit rentrer en hâte remettre le siège devant Toulouse, où il trouvera la mort en 1218.
L’affaire n’était pas conclue quand le courrier d’Alix informa Simon de la situation toulousaine. Il dût faire bonne figure et dissimula l’information y compris à ses proches, afin d’obtenir effectivement la neutralité du Comte de Valentinois, qui promit de ne plus le combattre, de livrer en garantie plusieurs châteaux et de bientôt marier son fils Guillaume à Amicie, la fille de Simon de Montfort.
L’accord fût bien conclu, Adhémar fît mine sur le moment de céder, mais une fois “passé l’orage”, et au vu du nouveau contexte, il n’y eut visiblement pas de suite car les châteaux ne furent pas transférés, et le projet de mariage n’eût pas de suite.
Cette “soumission” obtenue il restait à Simon de Montfort et à sa troupe à se précipiter en direction de Toulouse, à plus de 400 km de là. Ce sans avoir levé la menace des Provençaux menés par Raimond VII le fils. Mais il fallait tenter de rétablir la situation face au Comte de Toulouse Raimond VI le père.
Crest aura été le point le plus oriental de la guerre contre les Cathares.
Ce fut ici une croisade de politique intérieure destinée à soumettre les opposants au roi de France plutôt qu’à lutter contre une hérésie.
Un des épisodes de la Guerre des Episcopaux: Alixan
Depuis la destruction du second royaume de Bourgogne fondé à Mantaille, en 879, au profit de Boson, les empereurs d’Allemagne héritiers de sa couronne et de ses droits, ne manquaient aucune occasion de faire acte d’autorité en Dauphiné ; mais leur pouvoir se brisait devant une longue possession contre laquelle ils avaient inutilement protesté. La souveraineté se réduisait pour eux à confirmer , à ratifier ce qu’ils n’avaient pas su empêcher. C’est ainsi que l’histoire nous les montre octroyant des fiefs et des chartes a droite et à gauche, sans en retirer autre chose qu’un stérile hommage ; c’est ainsi que le 29 octobre de l’an 1157, Frédéric premier se trouvant à Besançon envoie des lettres patentes à Odon, évêque de Valence, pour lui céder à tout jamais la terre et le château d’Alixan ; cette donation n’ajoutait rien à la puissance d’Odon, le volumineux parchemin qui la contenait s’en alla aux archives de l’évêché grossir des documents, comme lui , sans valeur réelle et sans importance
Personne n’ignore les interminables querelles que les comtes de Valentinois suscitèrent aux évêques de Valence. Jaloux d’une autorité au moins égale à la leur, ils eurent recours à tous les moyens pour l’amoindrir et la détruire. Souvent d’augustes médiateurs parvenaient à leur imposer la paix, mais plus souvent encore c’était par la guerre, le pillage et l’incendie que se vidaient leurs démêlés. Alixan eut beaucoup à souffrir de cette rivalité que rien ne pouvait étouffer. Sa position, son voisinage de Valence et son château-fort l’appelèrent à jouer un grand rôle au milieu de ce drame intitulé : Guerre des Episcopaux. Pris, repris, saccagé, brûlé, puis réédifié pour être de nouveau brûlé et saccagé, tel fut le sort que fit à ce bourg aujourd’hui assez peu connu, l’esprit inquiet,turbulent et belliqueux des sires de Poitiers, tantôt vainqueurs, tantôt vaincus, mais toujours audacieux à raison de la faiblesse ou de l’humanité des évêques de Valence. Cependant le siège épiscopal était parfois occupé par des prélats qui, issus de familles nobles et puissantes, n’avaient pas toujours déposé leur humeur guerrière au seuil du sanctuaire. Le sentiment de la justice, le désir de maintenir intégralement leur puissance temporelle les poussaient, eux aussi, vers ces luttes sanglantes dont le moindre inconvénient était d’appauvrir ou de ruiner leurs vassaux. De ce nombre fut Amédée de Roussillon que la mort de Guy d’Auvergne avait fait nommer administrateur du diocèse de Vienne. Pendant la vacance du siège, de graves démêlés s’étant élevés entre les chanoines de saint Barnard et les habitants de Romans, Amédée de Roussillon pour obéir à son mandat, prit parti en faveur du chapitre et fit à leurs adversaires une guerre opiniâtre qui dura plus d’un an. Ses troupes qu’il commandait en personne, entouraient la ville et formaient un blocus rigoureux ; l’avantage était pour lui et les habitants lassés d’une défense qui ruinait la ville, commençaient à incliner vers la paix. Le prélat belliqueux informé de leurs dispositions se relâcha un peu de sa vigilance et par le ralentissement qu’il imprima aux opérations du siège, donna lieu aux habitants de former le projet de le surprendre. En effet ils lui tendirent une embuscade dans laquelle il tomba ; ses troupes composées de gens venus du Diois furent surprises, battues et dissipées ; il eut lui-même beaucoup de peine à échapper au danger ; il se retira au château d’Alixan, laissant une partie des siens au pouvoir de l’ennemi et tout honteux aussi d’avoir perdu les fruits d’une année de victoires par un moment donné à la négligence et à trop de sécurité. Là il rallia les débris de son armée et convoqua le ban et l’arrière-ban dans ses terres afin de réparer sa défaite et de reprendre avantageusement la campagne. Comme il était habile capitaine et qu’il pouvait réunir autour de lui des forces supérieures il aurait eu raison des habitants de Romans; mais une fièvre tierce l’emporta en 1281
Alixan qui était comme le rendez-vous des troupes épiscopales et le dépôt des machines et approvisionnements de guerre fut rendu au calme par la mort d’Amédée et perdit pour un moment cette animation et ce tumulte que devait produire dans ses murs la présence de milices turbulentes et se préparant au combat. Son château cinq ans plus tard s’ouvrait pour recevoir de nobles et illustres personnages ; mais cette réunion toute pacifique n’avait rien qui put alarmer ses habitants et troubler leur repos. Guillaume II, cardinal, légat du Saint-Siège et archevêque de Vienne s’était rendu à Alixan avec une nombreuse suite d’abbés, de moines et de prélats. Cette assemblée traita plusieurs affaires ecclésiastiques; on y régla entre autres choses que le prieuré de Parnans serait placé sous la dépendance du célèbre institut de Saint Antoine dont la puissance s’agrandissait chaque jour sous l’empire du grand renom que lui donnait ses œuvres de dévouement et de charité
Ce spectacle de hauts dignitaires de l’église conduits à Alixan pour ménager les intérêts de la religion, laissa dans le cœur de ses habitants des souvenirs vivaces et profonds ; heureux si leurs annales n’avaient enregistré que des faits de cette nature! Leur existence s’écoulait douce, paisible, partagée entre les travaux des champs et les joies du foyer domestique ; souvent le bruit des armes retentissait jusqu’à eux , mais sans altérer leur tranquillité. Le temps approchait cependant où ce bonheur allait s’enfuir pour ne laisser que le deuil, la souffrance et la misère. Pierre de Châtelux, sorti de la puissante maison des seigneurs de Châtelux en Royans, occupait le siège épiscopal de Valence. Il y avait dans son caractère un penchant pour la guerre qui se développa bien vite à raison des obstacles que lui suscita le comte de Valentinois. Ses troupes composées de cinq mille fantassins et de cent hommes d’armes furent battues près du village d’Eure; cet échec loin de l’abattre et de lui faire demander merci, ne servit qu’à rallumer son ardeur et sa vengeance- en vain l’archevêque de Vienne, en vain le prieur de St-Donat et l’abbé de Cluny cherchent-ils à lui inspirer des sentiments plus pacifiques; les hostilités recommencent et ses terres sont envahies par les soldats du comte ou ceux de ces alliés qui saccagent Montélier et Livron. Pierre de Châlelux fait incendier à son tour le château de Charpey et les maisons du mandement de Quint. Le Valentinois et le Diois n’offrent plus que l’image de la mort et de la destruction. En présence de tant de maux, de nouvelles tentatives d’accommodement sont faites par d’augustes médiateurs ; mais leur autorité est méconnue. Aimar de Poitiers craignant de voir ses premiers succès rester sans fruit et sans résultat, s’avance vers Alixan après avoir fait prendre à ses troupes l’écharpe blanche, soit pour les distinguer des épiscopaux, soit pour montrer à tous, en arborant cette couleur, que le Dauphin épousait sa querelle et non celle de son adversaire. Entourer la place, l’emporter de vive force et mettre le feu aux habitations renfermées dans l’enceinte, tels étaient les ordres; telle fut l’exécution. 11 est difficile de se former une juste idée du tableau que présentait Alixan alors que ses maisons brûlaient, que ses habitants étaient massacrés et qu’une soldatesque effrénée parcourait les rues une torche à la main ; les cris des vainqueurs se mêlaient aux gémissements des mourants ; partout régnaient le tumulte et la confusion. Le premier sentiment de haine et de rage ayant été amplement satisfait, il ne restait plus rien à dévaster. Les troupes du comte abandonnèrent ces ruines fumantes et se répandirent dans le mandement d’Alixan pour y continuer leur œuvre de brigandage en abattant les récoltes, les arbres et les métairies
Les épiscopaux allaient se venger de l’incendie d’Alixan par l’incendie de Clérieux ; on ne leur en laissa pas le temps. Le pape délégua l’archevêque de Vienne pour amener les deux rivaux; sinon à une paix durable, du moins à une trêve dont le terme éloigné permettrait aux passions de se calmer; celui-ci s’achemina vers Chabeuil où il fit citer l’évêque de Valence et le comte de Valentinois, bien résolu d’employer les censures ecclésiastiques s’ils refusaient d’écouter ses offres de conciliation. La menace d’une excommunication n’était pas chose indifférente dans ces temps d’anarchie, mais de foi et de soumission profonde à l’église ; aussi Aimar de Poitiers et Pierre de Châtelux accédèrent aux propositions de l’archevêque et jurèrent d’observer religieusement la trêve qui leur était imposée. Ces événements se passaient en l’année 1347. Les habitants d’Alixan se hâtèrent de réparer les désastres et les pertes que la guerre leur avait fait subir ; peu à peu, mais à grand renfort de sacrifices et de labeurs, tout fut restauré ; les traces du feu disparurent sous de nouvelles constructions et le bourg reprit son ancienne physionomie de paix, de calme et de travail. En 1369 la bannière épiscopale disparut et cessa de flotter sur le donjon d’Alixan; d’impérieuses nécessités avaient commandé à l’évêque de Valence l’engagement de cette terre pour le paiement de 700 florins d’or qu’il devait à Henri de Sassenage, seigneur de Montélier. Mais cette aliénation faite avec regret par Louis de Villars n’entraînait rien de fâcheux pour les manants et les vassaux d’Alixan ; elle cessa du reste avec les causes qui l’avaient provoquée et Alixan rentra dans le domaine temporel des évêques de Valence.
Sources : http://www.amisduvieilalixan.fr/doc/vincent