Charles Chapoutat, le « père tranquille » de la Résistance
Charles Chapoutat est né le 20 décembre 1898 à Crest où son père assurait, avec quatre chevaux, une petite entreprise de messagerie et de transport du courrier. Après des études à l’École supérieure de Crest, il devient employé de banque. La Grande Guerre arrive : Charles s’engage à 18 ans dans la Cavalerie bien que son père ait été tué à Verdun en 1916. De retour à Crest, il fonde un atelier de maroquinerie.
Au moment où éclate la Seconde Guerre mondiale, il est installé depuis peu, avec son épouse et sa fille, dans une propriété dont il venait d’hériter à Aouste-sur-Sye. Dès 1940-1941, il apporte son aide pour le camouflage des Israélites, leur fournissant aussi faux papiers et secours sur ses propres deniers. Sous le couvert de son atelier de maroquinerie à Crest, il se met à fabriquer des faux papiers pour tous ceux qui en avaient besoin, qu’il fait imprimer par un imprimeur de Crest. Les tampons d’origine ont été subtilisés dans les différentes mairies de la région. Il délivre aussi des certificats « inapte au STO » (Service du travail obligatoire). Il est aidé par le journaliste François-Jean Armorin qui se procure à Paris les documents nécessaires. Il travaille avec le pasteur Chapal d’Aouste et l’abbé Eynard de Crest.
Dès 1943, il recrute pour former une compagnie qui est constituée au printemps 1944 : Pons lui fournit des armes. En mars 1944, Challan-Belval le rencontre dans son atelier, il le met en rapport avec Troujman de Plan-de-Baix, pour aller reconnaître le sud du Vercors. En septembre 1943, membre du réseau Gallia-Électre, il prend contact avec Alix Sabatier, de Crest. Son domicile sert de refuge et de boîte aux lettres aux opérateurs radios clandestins. Avec ses hommes, qu’il nourrit faute de recevoir des subsistances, il sabote en plusieurs endroits la voie de chemin de fer de la vallée de la Drôme, installe des barrages sur les routes, mine des ponts. Son groupe, sous la houlette de Pons, participe au combat du cimetière à l’entrée ouest de Crest, le 6 juin 1944.
L’effectif de l’unité devenant trop important, Pons demande à Chapoutat de former son propre groupe. La compagnie Chapoutat, de 40 hommes, indépendante dès le 20 juin, devient la 2e compagnie du bataillon FFI (Forces françaises de l’intérieur) Centre-Drôme. Le 21 juillet 1944, c’est elle qui subit l’attaque allemande au pont des Grands Chenaux, entre Aouste et Blacons, sur la route allant de Crest à Die. Un char léger allemand est attaqué à la Gammon et prend feu, ainsi qu’une automitrailleuse : après quatre heures de combats, les Allemands ont de grosses pertes en matériel et en hommes.
La compagnie participe à la défense de Gigors et Beaufort lors de l’attaque allemande du 27 juillet 1944. Le 31 juillet, à Eygluy, Chapoutat contraint un détachement allemand à se replier. Son rôle consistera ensuite à harceler les colonnes ennemies. Fin août, bien que blessé depuis un mois et ne pouvant plus marcher, il participe à la libération de Valence monté sur un beau cheval blanc du haut duquel il commande ses hommes.
Après la Libération, il sert comme responsable du service social jusqu’en mai 1945. Puis il revient à Aouste où il doit repartir de zéro, son atelier ayant été écrasé par les bombes états-uniennnes et ses biens pillés par les Allemands. Il y sera choisi comme conseiller presbytéral de l’Église Réformée. Il crée ensuite un garage à Valence… sous la marque allemande Mercédès ! Il meurt le 3 décembre 1973. Selon le mot de Pierre de Saint-Prix, Chapoutat était le « père tranquille » de la Résistance. La rue des Trois Capitaines à Crest consacre une place dans les mémoires à cet homme généreux et bienveillant.